L’oligomérisation de l’éthylène
L’éthylène (C2H4) constitue aujourd’hui un produit clé de la chimie industrielle. Originalement, obtenu par hydrogénation partielle de l’acétylène, ou par la déshydratation de l’éthanol, il est aujourd’hui majoritairement produit par le vapocraquage d’hydrocarbures saturés lors du raffinage du pétrole. Il est utilisé en majorité pour la production de polymères thermoplastiques. En effet, il constitue le matériel de départ pour la synthèse de polyéthylène de basse densité (LDPE : low density polyethylene), de polyéthylène de basse densité linéaire (LLDPE : linear low density polyethylene) et de polyéthylène de haute densité (HDPE : highdensity polyethylene). La production de ces deux derniers se fait par copolymérisation de l’éthylène avec des alpha oléfines linéaires (LAO) telle que le but-1-ène, l’hex-1-ène et l’oct1-ène. Ces oligomères courts sont également des produits importants dans la production de détergents, de lubrifiants synthétiques, d’amines alkyles et d’alcools plastifiants suivant leur longueur de chaîne.
Aujourd’hui, la majorité des LAO est produite par des processus d’oligomérisation catalysés par des métaux de transition dont le développement date des années 50.
Cette réaction a été découverte en 1952 par K. Ziegler et son équipe lors d’une polymérisation de l’éthylène catalysée par des tris(alkyle) d’aluminium AlR3 : réaction appelée « Aufbaureaktion » commercialisée aujourd’hui par Gulf Oil (procédé Chevron) et Ethyl Corporation (procédé Ineos) . En effet, ils ont observé que l’ajout de sels de nickel à la « Aufbaureaktion » changeait la nature du produit obtenu, conduisant non plus à des chaînes longues mais à du but-1-ène.Décrite dans la littérature comme le « nickel effect », cette découverte a marqué le début du développement de nombreux catalyseurs au nickel pour la catalyse homogène d’oligomérisation de l’éthylène. C’est dans les années 80 que Wilke et son équipe ont observé pour la première fois le rôle du ligand sur la sélectivité des réactions catalysées par le nickel. Différents ligands bidentes P∩O ont été alors développés. En particulier, Keim de la compagnie Shell Oil a montré l’intérêt de ces ligands associés au nickel pour l’oligomérisation de l’éthylène, ce procédé est connu sous le nom de procédé SHOP (Shell Higher Olefin Process) .
Le procédé Chevron est un procédé en une étape où l’agrandissement de chaînes et l’élimination se font simultanément dans le même réacteur. Il présente cependant l’inconvénient d’utiliser des sels d’aluminium en quantité stœchiométrique. Le procédé Ineos combine quant à lui des réactions stœchiométriques à des réactions catalytiques qui génèrent une distribution d’alpha oléfines de longueurs différentes avec des maxima en C6 et C8. Le procédé SHOP est lui une combinaison très efficace et flexible de trois réactions : l’oligomérisation, l’isomérisation et la métathèse. Il constitue aussi le procédé pionnier de la catalyse biphasique en chimie industrielle car il utilise un catalyseur au nickel contenant un ligand P∩O immobilisé dans le 1,4-butanediol qui est non miscible avec les produits alpha-oléfines linéaires produites. Ainsi, le catalyseur peut être facilement séparé du milieu réactionnel et recyclé.
Cependant, la majorité de ces procédés conduisent à une distribution mathématique d’alphaoléfines (distribution Schulz-Flory ou Poisson) et nécessitent donc une étape de séparation complexe et coûteuse . C’est pourquoi, le développement de nouveaux systèmes catalytiques efficaces et sélectifs permettant de produire à partir d’éthylène spécifiquement une alpha-oléfine est un sujet de grand intérêt d’un point vue académique et industriel.
Concernant la nature du métal, des systèmes catalytiques à base de titane, de nickel et de chrome sont les plus souvents employés en oligomérisation sélective d’éthylène et un nombre limité de catalyseurs employant le tantale ou le vanadium ont été aussi décrits. En raison de la diversité des brevets et des publications à ce sujet, il est difficile de faire un état des lieux complet des recherches dans ce domaine. Cependant, une excellente revue a déjà été reportée par Dixon et son équipe .
Les catalyseurs à base de chrome
Les catalyseurs de chrome efficaces en trimérisation
Le potentiel des complexes du chrome en oligomérisation de l’éthylène a été découvert par Manyik et son équipe pour Union Carbide Corporation en 1977. En effet, ils ont observé lors de la polymérisation de l’éthylène avec un complexe de chrome(III)-tris(2- éthylhexanoate)) (Cr(2-EH)3) activé par le triisobutylaluminium partiellement hydrolysé (PIBAO), la formation dans le milieu réactionnel du hex-1ène qui par la suite copolymérise avec l’éthylène pour former un polymère portant des terminaisons butyles . Les analyses de la fraction liquide révèlent la présence de but-1-ène, d’hex-1-ène, d’oct-1-ène et de déc-1-ène, le hex-1-ène étant l’oligomère le plus abondant dans cette fraction. Ce résultat marque le début du développement et l’évaluation en oligomérisation de systèmes employant le chrome comme source métallique et des ligands hétéroatomiques.
Les ligands aromatiques
Les ligands pyrrolyles
Dans ce domaine, le système catalytique de Phillips Petroleum découvert par Reagan est particulièrement important car il s’agit du premier système sélectif à plus de 90% en hex-1- ène. Le système emploie le CrCl3 ou le CrCl2, le sodium pyrrolide comme ligand, le triéthylaluminium (TEA) comme activateur et un donneur d’électron comme le tétrahydrofurane (THF). En effet, malgré la tendance des composés pyrrolyle –métaux de transition à former des polymères inorganiques difficiles à analyser, Reagan a entrepris d’isoler et caractériser quelques complexes pyrrolyle–chrome. En jouant sur la stœchiométrie Cr(II) ou Cr(III)/sodium pyrrolide, il a pu isoler quelques clusters et les évaluer en catalyse d’oligomérisation de l’éthylène à 90°C, sous 38 bars d’éthylène en activant avec 25 équivalents de triéthylaluminium (TEA). La sélectivité et l’activité sont dépendantes de la nature même des clusters impliqués. Quelques années plus tard, ils ont montré qu’il était possible de préparer un catalyseur actif sans utiliser des complexes pyrrolyle-chrome prédéfinis comme précurseur. Ainsi, un catalyseur actif en trimérisation a été formé in-situ en utilisant directement le Cr(2-EH)3 comme source de chrome, un ligand pyrrole et le triéthylaluminium (TEA) comme co-catalyseur dans un solvant apolaire tel que le méthyl cyclohexane ou le toluène. Finalement, le système le plus efficace s’est avéré être le système employant le 2,5-diméthylpyrrole A1 (DMP) comme ligand et deux d’aluminium comme co-catalyseur : le triéthylaluminium (TEA) et le chlorure de diéthylaluiminium.
|
Table des matières
INTRODUCTION
Chapitre 1 : Ligands bidentes PCNCP : complexes de chrome et de nickel et application en oligomérisation
A.Introduction
A.1. L’oligomérisation de l’éthylène
A.2. Les catalyseurs à base de chrome
A.2.1. Les catalyseurs de chrome efficaces en trimérisation
A.2.2. Les catalyseurs de chrome efficaces en tétramérisation
A.3. Les catalyseurs de nickel efficace en dimérisation
A.3.1. Les ligands de type (P,O) et (N, O)
A.3.2. Les ligands bidentes et multidentes de type (N, N)
A.3.3. Les ligands bidentes de type (P,N) et (P,P)
B. Synthèse des ligands PCNCP : complexes de chrome et de nickel et application en oligomérisation
B.1. Synthèse des ligands PCNCP
B.2. Coordination au chrome(III) et au nickel (II)
B.2.1 Coordination au chrome
B.2.2. Coordination au nickel
B.3. Application en oligomérisation
B.3.1. Les complexes du chrome : tri- vs tétramérisation
B.3.2. Les complexes du nickel : dimérisation
C. Etude Mécanistique/complexe de chrome
C.1. Mécanisme métal-hydrure/Cossee-Arlman
C.2. Mécanisme par métallacycle
C.3. Degré d’oxydation du Chrome
C.4. Etudes mécanistiques des systèmes PCNCP-Chrome
D. Conclusions
E. Bibliographie
E. PAYET-Nouveaux ligands mixtes phosphorés : synthèse, coordination et étude de réactivité
Chapitre 2: Ligands phosphines PCNH et thiophosphoranes P(S)CNH: synthèse et coordination
A. Introduction
A.1. Les ligands mixtes P/N alkyles
A.2. Les ligands mixtes P/N phényles
A.3. Les ligands mixtes P/N phényles/alkyles
B. Synthèse des ligands PCNH et P(S)CNH
B.1. Synthèse des ligands PCNH
B.2. Synthèse des ligands P(S)CNH
B.3. Lithiation et étude théorique
C. Coordination au Rhodium
D. Conclusions
E. Bibliographie
Chapitre 3: Ligand tétradente phosphine-alcène: synthèse et coordination
A.Introduction
B. Synthèse du ligand
C. Coordination et réactivité
D. Conclusion et perspectives
E. Bibliographie
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet