Lois sur l’intégration des étrangers
La présence d’élèves allophones dans nos écoles vaudoises est de nos jours une réalité structurelle et incontestable. De plus en plus nombreux et originaires de pays divers, ces élèves sont au centre d’études académiques (Abdallah-Pretceille, 2004 ; Akkari, 2009 ; Perregaux 2001 ), ainsi que de nouvelles directives cantonales visant le réajustement des pratiques éducatives. L’objectif premier étant celui d’une égalité des chances et d’une meilleure intégration, depuis la fin des années huitante, les écoles vaudoises ont commencé à mettre en place divers dispositifs visant un accueil et un enseignement adaptés à ce genre de public. Ces derniers peuvent prendre la forme de cours de CIF (Cours intensifs de Français), de groupes d’accueil ou encore de classes d’accueil. Dans le canton de Vaud, le choix du dispositif structurel appartient à la direction de l’école.
Il est évident que la mise en œuvre de dispositifs d’accueil permet une meilleure intégration des élèves allophones. Par le biais d’un enseignement spécifique et d’une éducation prenant en compte les profils des apprenants, les diverses structures visent à intégrer de manière progressive l’élève allophone dans le contexte social et scolaire. Cependant, le succès de l’intégration des élèves allophones dans les écoles secondaires ne dépend pas uniquement de ces dispositifs, mais aussi de l’attitude et des gestes des acteurs et des élèves de l’école. Pour qu’un élève puisse s’intégrer, il faut tout d’abord qu’il le désire et ensuite que les personnes de son entourage le permettent. Dans le contexte scolaire donc, l’élève allophone est en partie responsable de son intégration. À travers le désir d’apprendre, de connaitre la nouvelle culture et ses camarades, il peut faciliter son intégration. Les autres élèves aussi jouent un rôle considérable dans ce processus. Aidants ou pas, ouverts à une nouvelle culture ou ayant plutôt une attitude ethnocentrique, leurs réactions peuvent faciliter ou rendre plus difficile l’intégration de l’élève allophone.
Notre étude s’intéresse justement à cette double participation. Plus précisément, il est question de savoir quels gestes et quelles attitudes de la part des élèves, allophones et en classe ordinaire, ainsi que des enseignants faciliteraient l’intégration sociale du néo arrivant. Dans ce but, nous avons décidé d’interviewer des élèves allophones ainsi que des élèves en classe ordinaire. Ces entretiens nous permettront non seulement d’étudier la vision des deux groupes par rapport à l’intégration sociale, mais aussi d’effectuer une analyse comparative. Grâce aux résultats obtenus, nous pourrons émettre des hypothèses et proposer par la suite des pistes d’action visant une meilleure intégration sociale des élèves allophones en classe régulière.
Intégration
Concept clé de notre étude, l’intégration est un terme très complexe et particulièrement ambigu, car il apparait dans de nombreux contextes disciplinaires, chacun ayant sa propre définition (Schnapper, 2007). Dans le chapitre suivant, nous tenterons de réduire cette ambigüité et de définir l’intégration de façon à ce que le terme soit un outil pour analyser au mieux la situation des élèves allophones dans le contexte scolaire.
Intégration sociale
Dans notre étude nous avons choisi de nous intéresser à l’intégration sociale des élèves allophones et cela pour deux raisons distinctes. En premier lieu, notre recherche se concentre sur des élèves allophones dans une phase d’immersion dont l’objectif premier, comme il est défini par l’établissement scolaire, est l’intégration sociale. Il était donc primordial de réduire notre champ d’intérêt et de le situer dans la même visée que celle de l’école. Deuxièmement, nous désirions distinguer l’intégration sociale d’une intégration scolaire qui inclurait des questions d’apprentissage, de compétences et d’habitudes scolaires qui ne seraient pas pertinentes à ce stade de leur intégration. N’étant intégrés que les après-midis, ces élèves n’ont pas les mêmes objectifs scolaires que le reste du groupe classe. Il est vrai que les deux dimensions, sociale et scolaire, sont souvent corrélées. Néanmoins, nous avons décidé de nous concentrer sur la socialisation des élèves allophones et le caractère relationnel de leur intégration.
Élèves allophones
Lorsqu’on parle d’intégration, on est souvent confronté à différents termes tels qu’étranger, migrant ou allophone, tous désignant un public distinct. Leurs définitions ne sont pas toujours claires, et peuvent porter à confusion. C’est pourquoi dans le chapitre qui suit, nous allons définir ces concepts ainsi qu’expliciter notre préférence pour la dénomination d’allophone. Le terme « étranger » signifie extranational (Perregaux, 1994) ; il s’oppose à celui de citoyen, insistant ainsi sur la nationalité de la personne. Dans le contexte suisse, donc, un étranger est un individu ayant une nationalité autre que suisse. Or, le critère de la nationalité regroupe un vaste public. Il peut inclure des personnes habitant le pays depuis de nombreuses années ou une personne nouvellement arrivée. Il peut faire référence autant à un individu parlant parfaitement la langue officielle qu’à un autre n’ayant aucune notion linguistique du code en question. Il est donc clair que le concept d’étranger est trop vaste et ne peut pas être employé pour sélectionner et désigner des élèves nécessitant des dispositifs d’accueil particuliers.
L’accueil
Considéré comme une composante importante de l’intégration sociale et de la réussite scolaire (Pourchet, 1998), l’accueil représente le premier contact entre les élèves et les enseignants ainsi que le point de départ pour la construction de toute relation. Staquet (1999) affirme que l’accueil est « le début, l’introduction, l’instant privilégié pendant lequel tout va se mettre en place : les relations, les rapports de force et de respect » (p. 12). Cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’élèves allophones. Récemment arrivé dans le pays, l’élève doit faire face à une réalité totalement nouvelle, à une langue et une culture différentes et, en ce qui concerne l’école, à un système qui diffère de celui de son pays. Arrivant souvent en cours d’année dans une classe déjà composée, l’élève allophone est non seulement confronté à de nouveaux camarades et enseignants, mais il est aussi le seul parmi les autres à vivre cette situation en classe régulière. Sous le regard de tous, il doit donc faire preuve d’une grande capacité d’adaptation et d’intégration. Les camarades et les enseignants aussi vivent une période d’acclimatation. Ayant reçu un nouvel élément dans la classe, ils doivent faire face à des aménagements et à une restructuration du groupe classe.
Perregaux (1994) insiste sur l’importance d’une période d’accueil pour établir la communication entre l’élève allophone et la classe, le sensibiliser aux règles de vie, ainsi que lui permettre de construire des repères indispensables à son adaptation. La durée d’une période d’accueil dépendra ainsi des besoins du nouvel arrivé et de la qualité de l’accueil qui lui est réservé. Nous pouvons en effet distinguer trois types d’accueils : l’accueil préparé, l’accueil improvisé et l’accueil différé (Perregaux, 1994).
Altérité et différence
Dans le chapitre qui suit, nous avons regroupé deux concepts étroitement liés, à savoir, celui de l’altérité et la notion de différence. Ces concepts nous permettront de comprendre davantage la relation que nous pouvons entretenir avec l’Autre, ainsi que la place que nous pouvons lui accorder dans l’institution scolaire.
Le concept d’altérité renvoie à ce qui est autre et extérieur à nous. Le terme conduit à un questionnement portant sur l’Autre, par exemple un groupe minoritaire, et à la relation que nous entretenons avec celui-ci. Un tel espace de parole permet non seulement de reconnaitre l’existence de l’Autre, mais aussi de le valoriser dans sa différence, qu’elle soit culturelle, linguistique religieuse ou sociale. Parler d’altérité nous permet également de rendre compte des possibles difficultés et problèmes qu’une telle relation peut engendrer. Dans notre étude, ce concept nous servira à comprendre l’Autre, l’élève allophone, et la relation qu’il entretient avec sa culture et sa langue, ainsi que d’analyser les différents rapports entre les élèves allophones et ceux des classes régulières.
Langue
Dans le chapitre qui suit, nous allons discuter de la notion de langue (celle des autres ainsi que la nôtre), au niveau social et identitaire. Nous présenterons tout d’abord les différents statuts que nous pouvons attribuer à une langue. Cette approche nous permettra de comprendre davantage les attitudes possibles face à la langue de l’Autre et de proposer quelques explications concernant ces différentes visions. Ensuite, nous aborderons la langue en tant que vecteur de culture et composante identitaire. Cette partie sera utile pour analyser le rapport que les élèves allophones entretiennent avec leur langue maternelle.
Le statut des langues
Selon Dabène (1994) une langue a toujours une valeur sociale et celle-ci peut être décrite par le terme de statut. Le statut d’une langue peut être de type formel et informel. Le statut formel fait référence « à l’ensemble des dispositions, généralement réunies dans un cadre juridique, et qui régissent l’emploi des langues dans les différents secteurs » (Dabène, 1994, p. 41). Les termes de langue officielle et langue nationale, par exemple, dénotent les statuts formels d’une langue dans un pays. Dans un contexte comme celui de l’école vaudoise, le français est donc la langue officielle et de scolarisation. Le statut informel, quant à lui, désigne « l’ensemble des représentations qu’une collectivité attache à une langue donnée » (Dabène, 1994, p. 50). Il s’agit souvent de représentations linguistiques subjectives et stéréotypées. Ainsi, nous pouvons qualifier le statut informel d’une langue selon son utilité, sa facilité, son prestige et la sympathie ou l’antipathie que nous avons envers elle.
Le rapport à la langue première
Comme l’a noté Perregaux (2004), une langue n’est pas uniquement un moyen de communication, mais aussi un instrument de socialisation et le vecteur d’une culture ainsi que d’une identité. En situation de migration, le rapport que les individus entretiennent avec leur langue première peut être de différents types et subir des changements considérables. Passant d’un pays où leur parler avait un statut de langue officielle et était considéré comme étant utile, à un autre où la langue est marginale, voir inconnue, il est inévitable que le rapport à la langue première change ainsi que le sens attribué à celle-ci.
Culture
Comme la langue, la culture aussi est un important constituant de l’identité d’un individu. Lors de nos entretiens, nous avons questionné les élèves allophones sur leur rapport à leur culture d’origine. Nous avons aussi demandé aux élèves en classe ordinaire de s’exprimer par rapport à la culture de l’Autre. C’est pourquoi, dans le chapitre qui suit, nous allons définir le concept de culture
CONCLUSION
Portant sur l’intégration sociale des élèves allophones en classe régulière, notre étude nous a permis de comprendre la complexité et les enjeux d’un tel processus. Située dans l’école secondaire de Crissier, notre analyse visait à analyser le vécu et les représentations des élèves en classe d’accueil et de ceux en classe régulière. Grâce à leur disponibilité et à leurs réponses, nous avons pu mettre en relief plusieurs facteurs influençant ladite intégration tels que les attitudes et les gestes des élèves, certaines pratiques d’enseignement ainsi que l’organisation de l’établissement. Il était primordial pour nous de donner la parole aux élèves et d’insister sur l’importance de leurs avis et de leurs émotions dans un processus tel que celui de l’intégration. Lors des entretiens nous avons pu bénéficier d’un moment privilégié avec les élèves. Certains d’entre eux ont fait preuve d’une grande confiance et ouverture à notre égard et cela nous a permis d’atteindre notre objectif. Grâce à notre travail, nous avons pu questionner certains concepts ainsi que certains choix pratiques et cela dans le but de trouver des solutions toujours meilleures. Même si beaucoup a été fait ces dernières décennies en ce qui concerne l’intégration des élèves allophones, nous pensons que nous pouvons encore nous améliorer et cela pour le bienêtre de tous.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. CADRE CONCEPTUEL
1.1 INTEGRATION
1.1.1 Intégration sociale
1.2 ÉLEVES ALLOPHONES
1.3 L’ACCUEIL
1.4 ALTERITE ET DIFFERENCE
1.5 LANGUE
1.5.1 Le statut des langues
1.5.2 Le rapport à la langue première
1.6 CULTURE
2. ÉLEMENTS CONTEXTUELS
2.1 CONTEXTE MIGRATOIRE
2.2 LOIS ET DIRECTIVES
2.2.1 Lois sur l’intégration des étrangers
2.2.2 Lois et directives scolaires envers les élèves allophones
2.3 LE DISPOSITIF D’ACCUEIL A CRISSIER
3. PROBLEMATIQUE
4. METHODE DE RECHERCHE
4.1 LES ELEVES INTERVIEWES
4.2 GRILLE D’ENTRETIEN
4.3 DEMARCHE
4.4 ANALYSE DES RESULTATS
5. ANALYSE ET INTERPRETATION DES RESULTATS
5.1 L’ACCUEIL
5.2 L’INTEGRATION
5.3 ALTERITE ET DIFFERENCE
.45 LANGUE ET CULTURE
6. LIMITES, SYNTHESE ET PROLONGEMENTS
6.1 LIMITES ET BIAIS
6.2 SYNTHESE DES RESULTATS ET RETOUR SUR LA QUESTION DE RECHERCHE
6.3 PROPOSITIONS POUR UNE MEILLEURE INTEGRATION SOCIALE DES ELEVES ALLOPHONES
6.4 PROLONGEMENTS
CONCLUSION
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