L’office du juge administratif des référés

De Montesquieu, nous ne retenons généralement que le fameux Chapitre 6 du livre II de l’Esprit des lois, « de la constitution d’Angleterre » où l’auteur assigne au juge une fonction fortement limitée : les juges « ne sont […] que la bouche qui prononce les paroles de la loi ». Cette conception du rôle du juge – résultat d’une inquiétude devant une fonction importante de l’époque – a connu, depuis cette époque prérévolutionnaire, de nombreux changements et a suscité de nombreuses interrogations.

La fonction de juger est généralement dénommée « office du juge ». Or, cet office propre à chaque juge – outre l’absence de définition précise – est susceptible de plusieurs acceptions. Monsieur S. RIALS dit que « chacun pressent, de façon plus ou moins nette, que la fonction de juger a sa logique et ses exigences qui interdisent de la réduire à cette légi-diction mécanique à laquelle on a cru pouvoir un temps la cantonner » .

Dire que le juge a pour unique fonction d’être la bouche de la loi s’avère, de nos jours, très réducteur. « De la même façon qu’on hésite aujourd’hui […] à parler au singulier du juge, on peut éprouver quelque réticence à parler de son office ainsi, comme si l’office du juge était unique, ou à tout le moins unitaire » . L’office du juge n’est plus un office unique, nous connaissons pour le juge une pluralité d’office (§1). Ainsi, le juge judiciaire a un office distinct du juge administratif. La séparation de ces deux juridictions a conduit à ce que ces juges interviennent sur des litiges de nature différente, impliquant inévitablement un office du juge administratif (§2) distinct de son homologue judiciaire. Enfin, au vu de la jurisprudence dégagée à la suite de l’entrée en vigueur de la loi n°200- 597 du 30 juin 2000 relative aux référés devant les juridictions administratives, nous pouvons remarquer que la pratique a mis en place un office propre au juge administratif des référés (§3).

L’OFFICE DU JUGE

« La fonction de juger fut une fonction première dans la genèse de l’Etat moderne », selon Monsieur S. RIALS . Il précise que sous l’époque féodale, chaque seigneur affirmait son pouvoir sur ses vassaux par le truchement de cette fonction. Le droit féodal permettait alors au roi d’utiliser cette fonction pour instruire les plaintes des arrières vassaux ce qui aboutira à l’instauration de l’appareil judiciaire.

Les changements de société ont conduit le législateur à multiplier les missions du juge, même si « l’évolution des différents contentieux tend aujourd’hui à rapprocher les fonctions des juges civil, pénal et administratif » . Mais « il est difficile de décrire ce que doit faire le juge, ce pour quoi un homme est institué juge parmi les autres hommes. Il ne s’agit ici que de déterminer ce pour quoi est fait le juge, et non pas, questions subséquentes, quels pouvoirs procéduraux il détient ou non pour le faire, à travers notamment une organisation plus ou moins inquisitoriale et une conception plus ou moins impérieuse des méthodes de preuve » .

Malgré, ou plus exactement grâce, à l’évolution de notre société, « l’office du juge est un sujet de conversations toujours renouvelées » . Même s’il s’agit d’un sujet de conversations renouvelables et présent dans l’ensemble de la sphère juridique – quel que soit le lieu et l’époque – la doctrine est unanime sur le fait que ce concept ne fait l’objet d’aucune définition officielle. Monsieur le Professeur G. DARCY estime qu’il « conviendrait avant toute chose de ne pas le définir » et précise que cette notion serait présente « dans notre sphère juridique comme une fonction non identifiable, indéterminée, connue de tous, mais avec d’insondables variances que porteraient en eux l’Homme, l’espace et le temps ».

Malgré l’absence de définitions doctrinales univoques, cette notion est susceptible d’une interprétation consensuelle que nous retrouvons à la fois sur les fonctions du juge (A), mais également sur le rôle respectif du juge et des parties (B).

LES FONCTIONS DU JUGE

Monsieur le Professeur R. CHAPUS dit de l’office du juge qu’il intéresse « les rapports du juge avec les procédures du règlement des litiges au cours de l’instance engagée devant lui, il peut être présenté comme l’exercice par le juge de pouvoirs qu’il tient de sa qualité de juge et qu’il doit ou peut mettre en œuvre […] de façon que le jugement des affaires soit aménagé comme l’impose ou le permet leur contexte juridique et, en fin de compte, conformément aux recommandations d’une bonne administration de la justice […] » . Cette définition rejoint celle de l’article 12 alinéa 1er CPC, à savoir que « le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ». La vocation civiliste de cette définition a l’avantage, du fait de sa généralité, de pouvoir être transposable à l’ensemble des procédures juridictionnelles que nous connaissons, sous réserve des particularités procédurales propres à chacune.

Ainsi, la fonction principale du juge peut se résumer en trois étapes : le juge dit le droit applicable au litige, tire les conséquences de cette déclaration, et donne l’ordre de s’y conformer. Nous pouvons dès lors constater que cette fonction va de pair avec la notion de « règles de droit ». En effet, en l’absence de règle de droit, le juge ne peut dire le droit applicable au litige, et donc déterminer l’existence et la nature du litige qui lui est soumis. La première étape consistera donc pour le juge à interpréter la règle de droit, et par voie de conséquence, la jurisprudence émanant de sa déclaration clarifie le sens des dispositions légales et réglementaires en en déterminant la portée, comblant les lacunes voire les adaptant aux exigences du temps. Nous retrouvons dès lors l’affirmation de Monsieur le Professeur G. DARCY : l’office du juge varie en fonction de l’espace et du temps. En effet, la règle de droit ne sera pas interprétée de la même façon qu’elle l’était, il y a encore une dizaine d’années.

La fonction principale, sur laquelle la doctrine est d’accord, est celle de juger. Mais la question – qui se pose immédiatement, et qui a été formulée par Monsieur MORIN – est : « Pourquoi juge-t-on ?, Comment on juge ? » . Dans l’Esprit des lois, Montesquieu disait que les juges « ne sont […] que la bouche qui prononce les paroles de la loi ; des êtres inanimés qui n’en peuvent modérer ni la force, ni la vigueur » . La fonction de juger doit tenir compte de la règle de droit applicable, du litige mais également de la façon de penser du magistrat en charge de l’affaire. Ce dernier ne juge pas avec sa conscience, faute de quoi il viole le principe d’impartialité, mais avec sa raison qui est soumise aux influences de l’époque à laquelle vit le juge. Il aura donc pour mission d’appliquer un texte dont la loi, en général, ne définit que les lignes directrices. « Le choix entre deux interprétations possibles, de même que l’option entre deux règles ou deux constructions juridiques raisonnablement envisageables s’effectuera, en fait, en faveur de celle qui légitimera en l’espèce la solution » . Dire que le juge tranche le litige, c’est reconnaître que l’office du juge a le litige pour objet. Madame le Professeur M.-A. FRISON-ROCHE complète cet office – trancher le litige – par deux autres offices. Le premier est celui par lequel le juge apaise le conflit. Cet apaisement découle de la première fonction du juge. En tranchant le litige, il va ordonner aux parties d’exécuter sa décision. Mais pour que l’apaisement soit total, il faut que la décision soit efficace et son exécution effective, c’est-à-dire que le jugement doit faire autorité. Le second office est l’obligation faite aux juges d’appliquer les règles de droit, conformément aux dispositions de l’article 12 CPC. Il s’agit là de l’application de la thèse d’Henry MOTULSKY qui assignait au juge la tâche de réaliser méthodiquement le droit objectif .

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Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
1ERE PARTIE L’OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF DES REFERES ET L’ASSOUPLISSEMENT DE SES CONDITIONS D’INTERVENTION
TITRE 1 LE RENFORCEMENT DE L’OFFICE DU JUGE DES REFERES FACE AUX NORMES
NATIONALES : UN JUGE MAITRE DU DEROULEMENT DE LA PROCEDURE
CHAPITRE 1 L’INFLECHISSEMENT DES CONDITIONS D’ACCES AU JUGE ADMINISTRATIF DES REFERES
CHAPITRE 2 L’INFLECHISSEMENT DES CONDITIONS D’INTERVENTION DU JUGE ADMINISTRATIF DES
REFERES
TITRE 2 LE RENFORCEMENT DE L’OFFICE DU JUGE DES REFERES FACE AUX REGLES
EUROPEENNES : UNE PRISE EN COMPTE INDIRECTE DE CES NORMES
CHAPITRE 1 L’OFFICE DU JUGE DES REFERES ET LA PRISE EN COMPTE LIMITEE DE LA CONVENTION
EUROPEENNE DES DROITS DE L’HOMME
CHAPITRE 2 L’OFFICE DU JUGE DES REFERES AU REGARD DU DROIT COMMUNAUTAIRE : UNE
EVOLUTION INTERACTIVE
2EME PARTIE L’OFFICE DU JUGE ADMINISTRATIF DES REFERES ET LA MAITRISE DE SES ORDONNANCES
TITRE 1 LA PRISE EN COMPTE DE L’OFFICE DU JUGE DES REFERES DANS LE PRONONCE DE SES
ORDONNANCES
CHAPITRE 1 LE CONTENU DE L’ORDONNANCE : UNE SOLUTION COHERENTE AVEC L’OFFICE DU
JUGE DES REFERES
CHAPITRE 2 LA PORTEE DE L’ORDONNANCE : UNE SOLUTION COHERENTE AVEC L’OFFICE DU JUGE
DES REFERES
TITRE 2 LA PRISE EN COMPTE DE L’OFFICE DU JUGE DES REFERES DANS LE CONTROLE DE SES
ORDONNANCES
CHAPITRE 1 LA REMISE EN CAUSE DES ORDONNANCES DEVANT LE JUGE DES REFERES
CHAPITRE 2 LA REMISE EN CAUSE DES ORDONNANCES DEVANT LE JUGE DE CASSATION : UN
CONTROLE TRIBUTAIRE DE L’OFFICE DU JUGE DES REFERES
CONCLUSION GENERALE

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