Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études
L’émail
L’émail est le tissu composant la partie externe de la dent et recouvrant la dentine, il est exposé directement à l’environnement buccal et aux chargements de mastication. Au sein d’une dent, l’épaisseur de l’émail est plus grande au niveau des surfaces masticatoires, en particulier au niveau des cuspides, à contrario des parois cervicales (parties latérales) où ses dimensions sont plus petites. Son épaisseur dépend de la dent considérée et varie de 0 à 2mmpour les incisives et de 0 à 2.6mmpour les molaires [FP15].
L’émail est un tissu hautement minéralisé contenant en volume 96 % d’hydroxyapatite de calcium, 3.6 % d’eau et 0.4 % de matière organique (protéines résiduelles issues de la formation de l’émail) [Eas60]. La phase minérale est constituée de monocristaux d’hydroxyapatite empilés horizontalement et verticalement pour former des cristallites. Les cristallites s’organisent selon deux architectures : les « bâtonnets » et l’émail interprismatique (figure 1.2). Les « bâtonnets » (ou « prismes » d’émail) sont composés de cristallites arrangés en structures de 4 à 8 μm de diamètre traversant l’émail depuis la jonction amélo-dentinaire jusqu’à la surface de l’émail [PG01].
L’émail interprismatique s’apparente à une matrice englobant les prismes d’émail orientés. Ces deux configurations diffèrent seulement par l’orientation des cristallites. L’émail est constitué de deux couches : une couche aprismatique présente sur le contour externe, composée de bâtonnets et d’émail interprismatique non différentiés, et d’une couche prismatique composant la majeure partie du tissu et où les deux organisations de cristallites sont bien différentiées. La forte teneur en minéraux de l’émail en fait le tissu le plus dur et le plus rigide du corps humain.
Cette organisation microscopique lui confère un comportement mécanique anisotrope, résistant mais fragile [LR72, SVNC+93]. Étant donné les petites dimensions de l’organe dentaire, les propriétés mécaniques sont usuellement caractérisées par des méthodes d’indentation. Habeltiz et al. ont par exemple mesurés par nanoindentation un module de Young de 87.5 GPa et une dureté de 3.9 GPa dans la direction des prismes, et respectivement de 72.7 GPa et 3.8 GPa dans la direction transverse [HMMB01].
Il a également été observé une nette variation des propriétés mécaniques au sein même du tissu. Les valeurs de la dureté et de la rigidité augmentent depuis la jonction amélo-dentinaire (jonction entre l’émail et la dentine). Par exemple, il a été mesuré par indentation une évolution du module de Young depuis 70 GPa au coeur de la dent jusqu’à 110 GPa au niveau de la surface externe [CML+02, ZDZY14]. Les auteurs suggèrent une possible corrélation de la rigidité avec la teneur locale en hydroxyapatite. La résistance à la rupture de ce tissu est sujette au même type de émail prismatique, (IR) émail interprismatique [HS08] variabilité. Bajaj et Arola ont évalué la ténacité KIC à 0.67 (± 0.12) MPa.m0.5 pour l’émail externe et à 2.53 (± 1.40) MPa.m0.5 pour des couches internes de l’émail. La ténacité étant donc plus élevée à proximité de la jonction amélo-dentinaire [BA09].
La dentine
La dentine est le tissu majoritaire de l’organe dentaire. Elle s’étend depuis le parodonte (tissus de soutien de la dent) jusqu’à la jonction amélo-dentinaire. Sa composition chimique est proche de celle de l’émail, mais diffère par la proportion en minéraux et par l’organisation de sa microstructure.
La dentine contient ainsi enmoyenne une proportion volumique de 70%d’hydroxyapatite de calcium, de 20 % de matière organique (essentiellement des fibres de collagène) et de 10 % d’eau [FP15]. À l’échelle microscopique, trois principaux éléments structuraux sont distingués :
les tubules, la dentine péritubulaire et la dentine intertubulaire (figure 1.3). Les lumières tubulaires sont des canaux d’irrigation présents dans la dent qui sont entourées à la manière d’une gaine par la dentine péritubulaire. Ces fibres creuses sont finalement noyées dans une matrice intertubulaire. La dentine est parcourue de tubules partant de la surface de la pulpe dentaire et débouchant à la jonction amélo-dentinaire. La densité, la taille, et l’orientation des tubules et de leurs gaines varient au sein de la structure, ce qui confère au tissu des propriétés mécaniques anisotropes [MMKB97].
Les dimensions de la dentine étant légèrement plus grandes que celle de l’émail, la littérature fournit des données mécaniques issues d’essais d’indentation, de flexion ou de compression présentant des résultats relativement variables [WRP+15]. Les essais de flexion fournissent un module de flexion longitudinal de 18.7 GPa et un module transverse de 15.5 GPa [AR06]. Kinney et al. ont notamment mesuré un module de Young longitudinal (direction des tubules) de 25 GPa et un module de Young transverse de 23.3 GPa par une méthode ultrasonore (RUS) [KGM+04]. Les propriétés à la rupture de la dentine ont également été étudiées. Mofawy et Watts ont évalué la ténacité à 3.08 (± 0.31)MPa.m0.5 sur des éprouvettes compactes pré-fissurées [OD86]. La ténacité
de la dentine semble également être variable selon la zone considérée, des différences ayant été observées entre la dentine coronaire (partie supérieure) et la dentine radiculaire (à proximité des racines) pour des échantillons bovins. Les valeurs étant respectivement de 4.8 (± 0.6) MPa.m0.5 et
de 2.1 (± 0.3) MPa.m0.5 [Wan05].
La jonction amélo-dentinaire
La jonction émail-dentine est une interface particulière d’une dizaine de micromètres d’épaisseur au sein de la structure dentaire. La microstructure de cette interface n’est pas homogène et reflète l’organisation naturelle, issue du processus de croissance et dematuration de l’organe dentaire [Mil12]. Mécaniquement, cette jonction possède une continuité remarquable dans l’évolution de ses propriétés.Marshall et al. ont caractérisé par nano-indentation une évolution continue de la dureté et du module d’élasticité entre les deux tissus (figure 1.4) [MBG+01]. Cette continuité des propriétés mécaniques, que l’on retrouve également dans d’autres interfaces biologiques, permet de limiter naturellement les concentrations de contrainte à l’interface entre l’émail et la dentine, qui est un problème caractéristique aux interfaces des structures, et que nous retrouverons dans le cadre de l’étude de la dent restaurée. Il a également été constaté que cette jonction joue le rôle de barrière en freinant la propagation des fissures à l’interface entre l’émail et la dentine [IKM+05].
FIGURE 1.4 – Évolution de la rigidité et de la dureté dans la jonction en fonction de la profondeur [MBG+01]
La pulpe dentaire
La pulpe est un tissu mou présent dans la cavité pulpaire, au centre des racines. La cavité pulpaire est constituée de deux parties : la partie coronaire (ou chambre pulpaire) et les canaux radiculaires. La pulpe est entièrement entourée de dentine, excepté à l’endroit où se trouve ses orifices (les foraminas). La pulpe présente des fonctions nécessaires à la vitalité de la dent. Elle est notamment responsable de la création d’une dentine de réparation par les odontoblastes (fonction anabolique) et de l’apport en nutriment nécessaire à ce processus (fonction trophique). La pulpe possède également une fonction sensorielle en véhiculant au cerveau des informations captées au sein de l’organe dentaire (sensation de chaleur, de froid ou liées à une pathologie). Enfin, la pulpe peut également produire une dentine de réparation en cas de de lésion carieuse (fonction protectrice) [WS07, PG01].
Le parodonte
Le parodonte est un ensemble de tissus assurant la fixation et le soutien de la dent. Il est constitué
des céments, du ligament parodontal, de l’os alvéolaire et de la gencive (figure 1.5).
Les céments
Les céments – il en existe plusieurs types suivant la dent considérée et la position sur la racine
– ont pour fonction d’ancrer les fibres du tissu conjonctif du ligament parodontal à la racine de la dent. Ils offrent également à la dentine une protection à l’attaque d’éventuelles bactéries.
Les céments mesurent entre 10 et 200 μm d’épaisseurs et sont composés de 12 % d’eau, de 65 % de cristaux d’hydroxyapatite et de 23 % d’une matrice organique composée majoritairement de collagène [FP15].
Le ligament parodontal
Le ligament parodontal (ou alvéolo-dentaire) a pour fonction de lier le cément de la dent avec l’os alvéolaire de la mâchoire. Son épaisseur est variable de 150 à 400 μm. Ce tissu est constitué d’un réseau de fibres et d’une matrice de mucopolysaccharide contenant l’ensemble cellulaire permettant le renouvellement des tissus dont il assure la jonction (cémentoblastes, fibroblastes et ostéoblastes respectivement impliqués dans la formation des céments, des fibres et de l’os de la mâchoire). Les fibres sont composées demolécules de collagène de type I, organisées à différentes échelles. Le comportement mécanique du ligament parodontal est de type élastique non-linéaire anisotrope. Ce ligament est également visqueux, effet mis en évidence par des essais de fluage [Fuk93] et des essais de charge/décharge [NPS04]. La prise en compte de ce comportement est importante pour l’étude des dispositifs en orthodontie (appareils dentaires). Il existe peu d’études sur la caractérisation expérimentale de ligaments humains. De ce fait, les données issues des travaux deWu et al. ont été utilisées dans nos études mécaniques [WTY09].
L’os alvéolaire
Comme la majorité des structures osseuses du corps humain, les os de lamâchoire sont composés de deux types d’os : l’os spongieux situé sous les dents ainsi qu’au centre de la structure osseuse et l’os cortical situé en périphérie (figure 1.6). Les mâchoires présentent le processus alvéolaire, en forme d’arc et creusé en cavités où sont présentes les dents. L’os alvéolaire possède une capacité de remodelage et d’adaptation, permettant un réalignement des dents lorsqu’un effort mécanique continu est appliqué à l’aide d’un dispositif orthodontique.
FIGURE 1.6 –Dessins anatomiques de coupes longitudinales observées sur une mâchoire inférieure [Faw95]
La gencive
La gencive est la muqueuse (i.e.membrane tapissant les cavités de l’organisme) du parodonte recouvrant la base des dents et la surface des os de la mâchoire. Elle a pour fonction de protéger l’os et d’assurer l’étanchéité de la dent au niveau du collet (i.e jonction gencive/dent). Tout comme la majeure partie des tissus humains « de surface » (épiderme, épithélium intestinal, épithélium des voies respiratoires, etc.), la gencive est un tissu constitué de deux parties : le chorion et l’épithélium.
Le chorion est la couche profonde, constitué de fibres de collagène, de fibres élastiques, de vaisseaux sanguins et de nerfs. Le tissu épithélial est formé de cellules jointives, juxtaposées, solidaires les unes des autres par des systèmes de jonction et séparées du tissu conjonctif sous-jacent par une lame basale. Dans le cas de la gencive, le tissu épithélial contient de la kératine en grande quantité, ce qui lui confère une bonne résistance aux attaques microbiennes ainsi que sa couleur rosée [Bib18a].
Lamastication
Afin de pouvoir appréhender les chargements mécaniques mis en jeu dans le cadre de l’étude de la dent restaurée, nous traitons dans cette partie de la fonction physiologique de mastication.
Nous abordons notamment la trajectoire de la mâchoire inférieure lors du cycle masticatoire ainsi que de la mesure des efforts mécaniques appliqués entre les dents.
Fonction physiologique
Lors de la mastication, les mouvements relatifs de la mâchoire inférieure par rapport à la mâchoire supérieure permettent de réduire la taille des aliments mastiqués, les rendant ainsi plus facilement ingérables. Ce processus constitue également la première phase de la digestion, la mastication permettant notamment l’imprégnation des aliments par la salive contenant des enzymes facilitant la digestion alimentaire. De plus, le goût et la texture des aliments sont des sensations perçues lors de la mastication qui ont un effet direct sur la fréquence et la force du cycle masticatoire appliqué par l’individu [Chr84].
Description anatomique
L’os de la mâchoire inférieure est le seul os mobile du crâne, il est maintenu par plusieurs muscles, notamment le masséter (principal acteur de la mastication), le temporal et le ptérygoïdien médial, et est mis en liaison avec les os temporaux du crâne via les articulations temporomandibulaires (figure 1.7). La mâchoire supérieure est composée des os symétriques maxillaires.
FIGURE 1.7 – Anatomie du système masticatoire [Bib18c]
Les articulations temporo-mandibulaires sont les articulations mobiles permettant les mouvements
de la mandibule : de haut en bas (élévation), de gauche à droite (diduction), vers l’avant (propulsion), vers l’arrière (rétropulsion) [KvE97]. Cette articulationmet en liaison une zone complexe de l’os temporal avec le condyle mandibulaire présent sur la mâchoire inférieure. Le mouvement masticatoire est limité par l’occlusion dentaire.
L’occlusion dentaire
L’occlusion est la manière dont les dents inférieures s’engrènent avec les dents supérieures .Un individu présente plusieurs positions d’occlusion possibles, la plus stabilisante étant l’occlusion d’intercuspidie maximale (OIM), maximisant la surface de contact entre les deux arcades [PGR69, ODPD14]. Cette configuration est un standard pour les praticiens.
En situation normale, les cuspides linguales (internes, proches de la langue) des dents supérieures entrent en contact avec les fosses occlusales (creux au sein des molaires) des dents inférieures (figure 1.8a). De plus, un faible décalage entre les arcades est observé, la troisième molaire (molaire en extrémité) supérieure étant légèrement en arrière (figure 1.8b). L’engrènement des dents fait cependant l’objet de grandes variations entre les individus. Des décalages intérieurs/ extérieur (figure 1.8a) ou avant/arrière (figure 1.8b) sont notamment observés.
|
Table des matières
Introduction
1 L’odontologie conservatrice indirecte : anatomie et techniques
1.1 Anatomie de la dent et de ses tissus de soutien
1.2 La mastication
1.3 Les restaurations indirectes et la CFAO dentaire
1.4 Échec clinique des restauration indirectes
1.5 Études mécaniques de l’assemblage prothétique dentaire
1.6 Synthèse de la bibliographie
1.7 Références
2 Assemblage axisymétrique : sensibilité aux paramètres de conception
2.1 Description mécanique 2D axisymétrique
2.2 Sensibilité aux paramètres matériaux
2.3 Sensibilité aux paramètres géométriques
2.4 Conclusions
2.5 Références
3 Assemblage axisymétrique : observations et analyse mécanique des défauts du joint
3.1 Observation de la couche de scellement par micro-tomographie à rayons X
3.2 Modélisation numérique de la contraction volumique du composite de scellement
3.3 Impact des défauts sur la tenue statique de la prothese
3.4 Conclusions
3.5 Références
4 Assemblage virtuel :modélisations biomécaniques de la dent saine et restaurée
4.1 Conception géométrique des assemblages
4.2 Modèles de comportement des tissus biologiques
4.3 Influencemécanique de l’anisotropie des tissus durs de la dent saine
4.4 Étude mécanique de l’assemblage prothétique dentaire
4.5 Conclusions
4.6 Références
5 Assemblage réel : dimensionnement mécanique en CFAO dentaire
5.1 Méthode de rétro-conception à partir d’un nuage de points
5.2 Génération de maillages éléments finis
5.3 Optimisation de la géométrie prothétique
5.4 Conclusions
5.5 Références
Conclusion
A Annexes A : Propriétés mécaniques des matériaux prothétiques I
B Annexes B : Géométries 3D virtuelles
Télécharger le rapport complet