L’océan Arctique et sa banquise

Le 5ème rapport du GIEC publié en 2014 indiquait que la moyenne globale des températures de surface combinant les terres émergées et les océans avait augmenté de 0.85◦C au cours de la période 1880–2012. Dans ce contexte de réchauffement climatique, les éléments climatiques les plus sensibles sont très certainement ceux de la cryosphère, c’est à dire les calottes polaires, les glaciers, la banquise et le pergélisol. Parmi ces objets, seule la banquise se forme au niveau de l’océan. On la retrouve au niveau de l’Océan Arctique dans l’hémisphère Nord et au niveau de l’Océan Austral dans l’hémisphère Sud.

La banquise joue un rôle majeur dans le climat global. Du fait de ses propriétés optiques, la glace réfléchit 50 à 90% du rayonnement solaire tandis que l’océan n’en réfléchit que 10%. Les millions de km2 de glace de mer recouvrant l’océan participent donc à réduire la température moyenne du globe. Cette relation entre banquise et climat suggère que les variations d’étendue de banquise sont susceptibles d’impacter en retour l’ensemble du climat. Voilà pourquoi le suivi de l’état de la banquise est primordial pour améliorer la représentation du climat global.

Depuis les premières observations globales d’extension de glace obtenues par satellite en 1975, les banquises Arctique et Antarctique ont subit des sorts bien différents. Tandis que l’extension minimum annuelle de la banquise Arctique a diminué en moyenne de 13.6%/décennie entre 1979 et 2017, celle de la banquise Antarctique a elle augmenté sur la même période de 3.3%/décennie. Parmi les causes multiples pouvant expliquer ces variations (températures de l’air, circulation atmosphérique, etc), cette thèse a pour mission de se consacrer à l’une d’entre elles en particulier : L’amincissement de l’épaisseur de glace. L’épaisseur de glace joue un rôle fondamental puisqu’elle conditionne la fragilité thermodynamique à travers la fonte et la fragilité mécanique à travers le morcelage et l’export. Par conséquent, il est primordial d’être en capacité de mesurer l’épaisseur de banquise afin de mieux comprendre la relation qu’il existe entre extension et épaisseur de banquise.

A l’heure actuelle, la seule méthode permettant de mesurer l’épaisseur de glace de mer à l’échelle des bassins océaniques repose sur l’altimétrie satellitaire. L’altimétrie satellitaire à vocation géophysique a débuté dans les années 1970 avec la volonté de mesurer le niveau des océans à l’échelle du globe. Ce n’est que depuis les années 1990 que cette technique instrumentale s’est ouvert à l’étude des surface gelées. A travers cette thèse, nous découvrirons le fonctionnement de l’altimétrie radar et nous verrons comment une petite plate-forme située à des centaines de kilomètres de la Terre permet de mesurer l’épaisseur de glace de mer avec une précision remarquable. Nous montrerons également que les techniques de mesure actuelles présentent d’importantes limitations qu’il est nécessaire de corriger afin d’améliorer les estimations d’épaisseur de banquise.

L’océan Arctique et sa banquise 

L’océan Arctique 

L’océan Arctique s’étend sur une superficie totale d’environ 14 millions de km2 , soit une surface de l’ordre de 20 fois la France. Il est formé d’un ensemble de mers situées autour du pôle Nord magnétique. Tout au long de cette thèse, je ferai référence aux noms de ces mers afin de décrire spatialement les résultats scientifiques. Pour le lecteur qui ne serait pas familier avec la géographie de la région, une carte de ces mers est présentée figure 1.1.a. D’Ouest en Est, l’océan Arctique est limité dans sa partie méridionale par l’Archipel du Svalbard, le nord de la Scandinavie, l’Asie, l’Amérique du Nord, le Groenland et enfin l’Islande. Sa plus large ouverture avec le reste de l’océan mondial est située au Nord de l’océan Atlantique et plus particulièrement au niveau du détroit de Fram où la profondeur du seuil atteint 2600 m. L’océan Arctique communique également avec l’océan Pacifique par le détroit de Béring et avec la Mer de Baffin à travers les nombreux canaux formés par le grand Archipel Canadien. On distingue 3 grands bassins profonds : le Bassin Canadien, dans la partie ouest de l’Arctique  et les Bassins d’Amundsen et de Nansen situés dans la partie est de l’Arctique (figure 1.1.b). La dorsale séparant les bassins Canadien et d’Amundsen est appelée dorsale de Lomonosov tandis que la dorsale séparant les bassins d’Amundsen et de Nansen est appelée dorsale de Gakkel.

La circulation générale de l’océan Arctique est tout d’abord composée du Gyre anticyclonique de Beaufort situé, comme son nom l’indique, dans la mer de Beaufort. Le gyre de Beaufort est un gyre océanique forcé par la présence quasi-permanente d’un système de hautes pressions couvrant une grande partie de l’Arctique de l’Ouest. Une étude récente a montré que le gyre de Beaufort forme un gigantesque dôme d’eau peu salée équivalent à environ 70 000 km3 d’eau douce auxquels se sont ajoutés environ 8 000 km3 entre 1995 et 2010 (Giles et al., 2012). Cet accroissement du stock d’eau douce a été attribué à une augmentation de l’anomalie négative de rotationnel du vent qui a eu pour conséquence de faire monter le niveau de la mer d’environ 2 cm.an−1 dans cette région au cours de cette même période. La circulation générale de l’océan Arctique est également composée du courant de dérive transpolaire qui s’étend des côtes sibériennes jusqu’au détroit de Fram. L’existence de ce courant est connue depuis déjà bien longtemps puisque le Norvégien Nansen a tenté entre 1893 et 1896 d’y laisser dériver le Fram dans le but de se rapprocher le plus possible du pôle Nord (Nansen, 1897) .

Enfin, la circulation générale de l’océan Arctique comprend la terminaison de la dérive NordAtlantique qui apporte des eaux chaudes et salées en provenance de l’océan Atlantique. Cet apport d’eau chaude salée joue un rôle majeur dans la formation de la banquise puisqu’elle contribue à la formation d’une épaisse halocline froide dans l’ensemble du bassin et induit la formation d’une forte stratification à la surface de l’océan. Ainsi, malgré le refroidissement et la densification des eaux de surface, cette stratification limite le mélanger vertical et permet à l’eau de surface de se refroidir jusqu’à atteindre la température de gel.

Le climat arctique

Comme chacun le sait, l’Homme a pendant longtemps cru que la surface de la Terre était plate. Cette représentation simpliste de notre planète allait cependant être bouleversée lorsque Parménide (Vème siècle av J.-C) comprit que l’ombre circulaire observée à la surface de la lune pendant les éclipses était celle de la Terre et que cette dernière devait alors avoir une forme sphérique. Très vite, cette découverte entraîna un constat étonnant : si la Terre est ronde, alors ses extrémités inférieure et supérieure, les pôles, devraient recevoir moins de rayonnement solaire par unité de surface que le reste de la surface terrestre. Ainsi naissait la première théorie climatique : le globe terrestre serait divisé en deux zones glacées aux pôles, une zone bouillante infranchissable à l’équateur et deux zones intermédiaires suffisamment tempérées pour que la vie puisse s’y développer. L’expédition de Pythéas en 330 av J.-C allait confirmer l’existence d’une zone froide autour du Pôle Nord.

Depuis ces premières découvertes, nos connaissances sur le climat arctique ont fortement évolué et nous permettent aujourd’hui d’en faire une description très précise. Comme l’avaient imaginé les grecs de l’antiquité, le flux de radiations solaires reçu à la surface de la Terre dépend de la latitude considérée. Aux pôles, les rayons de soleil arrivent avec une grande inclinaison et apportent peu d’énergie par unité de surface. Le taux de radiation net de surface reçue en moyenne entre 65◦N et 90◦N varie de 0 W.m−2 en hiver à 200 W.m−2 au cœur de l’été (voir figure 1.2.a). En hiver, la plupart des régions arctiques ne reçoivent aucune radiation solaire, c’est ce qu’on appelle la nuit polaire. Au pôle, cette nuit polaire dure 6 mois (entre le 21 Décembre et le 21 Juin) tandis que plus au sud, comme au Spitzberg par exemple (79◦N), la nuit polaire ne dure « que » 3 mois. Cette absence de rayonnement solaire en hiver est à l’origine d’un fort déséquilibre énergétique, c’est à dire que la Terre émet plus d’énergie en direction de l’espace qu’elle n’en reçoit par rayonnement solaire. Une partie de ce déséquilibre est compensée par le transport méridien de chaleur par l’atmosphère (cellule polaire) et l’océan Atlantique (dérive Nord Atlantique). Malgré cet apport de chaleur en provenance des basses latitudes, les températures moyennes en Arctique dépassent rarement -20◦C en hiver et restent le plus souvent au dessous de 10◦C en été (voir figure 1.2.b). Au niveau de l’océan Arctique, le taux de précipitations est comparable à celui d’un désert. Cette caractéristique climatique s’explique par la présence de la banquise qui réduit l’évaporation ainsi que par les subsidences atmosphériques de la cellule polaire qui limitent les formations nuageuses. Les précipitations sont légèrement plus importantes en été lorsque les températures deviennent plus chaudes et que l’océan se libère de sa banquise. La plupart du temps, ces précipitations tombent sous forme de neige mais il arrive également qu’il pleuve en été lorsque les températures sont suffisamment élevées.

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Table des matières

Introduction générale
1 L’océan Arctique et sa banquise
1.1 L’océan Arctique
1.2 Le climat arctique
1.3 La banquise arctique
1.4 Variabilité décennale de l’extension de banquise arctique
1.5 Rôle de l’épaisseur de glace dans la réduction de l’étendue de banquise
1.6 Objectifs de la thèse et plan du manuscrit
2 L’altimétrie spatiale
2.1 Introduction
2.2 Histoire de l’altimétrie
2.3 L’orbitographie
2.4 De l’impulsion radar à la forme d’onde
2.5 Le retracking
2.6 Corrections atmosphériques et océaniques
2.7 Pénétration du signal radar dans la neige
2.8 L’altimétrie et la glace de mer : limites du mode LRM
2.9 L’altimétrie SAR
3 Méthodes d’estimation d’épaisseur de glace de mer
3.1 Estimation par altimétrie : la technique du franc-bord
3.2 Autres méthodologies d’estimation d’épaisseur de glace de mer
4 Continuité de la mesure d’épaisseur de glace entre altimétrie LRM et altimétrie SAR
4.1 Introduction
4.2 Article The Cryosphere : Comparaison du franc-bord CryoSat-2 et Envisat au dessus de la banquise arctique : Vers un franc-bord Envisat amélioré
4.3 Discussion et perspectives
5 Analyse des variations d’épaisseur de la banquise arctique sur la période 2002-2016
5.1 Introduction
5.2 Cartes d’épaisseur de glace sur la période 2002-2016
5.3 Validation des données
5.4 Tendances et incertitudes
5.5 Comparaison avec d’autres données d’épaisseur de glace
5.6 Discussion et perspectives
6 Mesure de l’épaisseur de neige à la surface de la banquise par altimétrie spatiale
6.1 Introduction
6.2 Article RSE : Potential for estimation of snow depth on Arctic sea ice from CryoSat-2 and SARAL/AltiKa missions
6.3 Discussion et perspectives
7 Conclusion

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