L’occupation illégale des squats d’habitation

Méthodologie

Les recherches menées s’appuient sur différents ouvrages et textes issus de domaines différents : ouvrage de sociologie et anthropologie, romans graphiques, articles de presse, mémoire, film.
Ce mémoire s’appuie également sur la visite et/ou la découverte de squats artistiques et de lieux artistiques indépendants. Ainsi des entretiens vont être menés auprès des occupants et artistes rencontrés au sein ou en dehors de ces lieux de production culturelle (squats et lieux indépendants). Afin d’illustrer mes observations, des croquis d’ambiance et des descriptions vont être réalisés in situ. Cela me permet d’être attentif à l’appropriation des espaces par les occupants et à l’organisation interne entre les usagers. De plus, la description écrite de scènes dans ces lieux représente un outil intéressant dans la retranscription et la mise en scène de la vie dans les squats.
Les entretiens vont être tenus auprès de plusieurs personnes de statuts variés en fonction du squat : élus de la mairie de Nantes, occupants / artistes de squats artistiques, résidents proches de lieux de squats artistiques. Cela permet d’obtenir la vision des personnes occupants les lieux, de celles qui sont en charge de l’aménagement et de la sécurité publique, et de celles qui y sont confrontées quotidiennement mais qui sont extérieures à ces initiatives.

Définition du squat

«Squatter, c’est occuper un bâtiment abandonné sans avoir demandé l’autorisation à son « propriétaire ». C’est, de fait, ne pas payer de loyer à des proprios qui possèdent plus d’un logement quand nous n’en possédons aucun. Squatter, c’est critiquer en actes un système qui veut que les riches continuent de s’enrichir sur le dos des pauvres. Squatter, c’est aussi habiter au sens plein du terme : c’est être libre et responsable dans son lieu de vie. C’est pouvoir y faire ce que l’on veut sans se référer à un proprio qui de toute façon n’y vit pas.
C’est aussi un moyen de survie quand on ne peut pas/plus payer de loyer (un moyen qui peut mener à se questionner sur nos façons de vivre, sur le travail, la famille, la vie collective, le train train quotidien, sur les possibilités de vivre nos idées dans une telle société). Chaque squat est différent. Le quotidien dépend largement des contextes politique, socioéconomique, juridique, inter relationnel, etc., mais tout squat est « politique », dans la mesure où il bouleverse, même parfois involontairement, l’ordre social et la propriété privée.
Le squat est généralement dépendant des espaces laissés à l’abandon par la bourgeoisie, l’État et le système capitaliste. Il ne peut être considéré comme un but, mais tout au plus comme un moyen. Mais pas n’importe quel moyen : au-delà du logement, le squat peut être un lieu de résistance et d’expérimentation.
Squatter, c’est prendre une part de l’interdit, briser la soumission à la légalité, c’est une recherche d’autonomie.
L’espace ouvert par les squats permet aussi de se retrouver dans des pratiques diverses: autogestion, gratuité, entraide, récupération/recyclage, occupations en tous genres, ouverture sur l’extérieur et confrontation des façons de vivre, débats, réflexions, …

Histoire du squat

Georges Cochon et les premiers cas de squats concrets. « 1912! Les cheminots viennent de reprendre le travail, les mineurs sont en grève, les inscrits maritimes déposent leur cahier de revendication. Au congrès de Marseille le C.G.T. a voté la grève générale contre la guerre qu’on prépare. Dans l’Europe agitée d’inquiétants bruits de bottes retentissent. Le bourgeois apeuré par les rumeurs de la rue où l’on crie «Vive la sociale» se couche tôt. Le bruit du sabre qui résonne quelque part du côté d’Agadir rend son sommeil léger. C’est alors que tout éclate. Dévalant des pentes de Montmartre, de Ménilmontant, de la Montagne Sainte-Geneviève la carriole rebondit sur les cailloux pointus. Les casseroles tintent contre la fonte du poêle.
Le sommier métallique grince. Brandissant des cloches, cognant à tour de bras sur des seaux, quelques démons en blouses, à barbes hirsutes poussent la charrette en hurlant. Le bourgeois dresse sa tête finement ornée du bonnet de coton à pompons avant de se replonger sous les draps. C’est Georges Cochon qui part en guerre contre M.Vautour. »
Des causes antérieures déjà présentes.
Mais les premières formes de squat sont apparues encore avant, même si les actions de Mr Cochon ont été les premières à avoir autant d’impact, et surtout ont été retranscrites concrètement. Car bien que l’on ne puisse connaître avec exactitude la date des premiers cas, on imagine que le phénomène ait pu apparaître dès les premières formes de civilisations et de « socialisation […] par structure étatique ».
En effet, le squat désigne par définition l’occupation illégale d’un lieu, sans titre de propriété. N’importe qui pourrait alors devenir « squatter » dès lors qu’il s’installe de façon prolongée et non autorisée dans un espace déjà détenu par une tierce personne.
Cependant, au-delà de la simple occupation illégale d’un lieu, les premières formes de squat démontrent d’autres intentions : une mobilisation et une revendication au droit au logement pour tous. À l’instar de Mr Cochon, Gerrard Winstanley, marchand drapier puis activiste politique britannique du XVIIème siècle, mena le mouvement des Diggers (« Bêcheux » en français) dans l’optique d’occuper des terres illicitement dans la banlieue de Londres.
Le phénomène est alors déjà motivé et marqué par une revendication sociale voire anarchiste puisque les Diggers prônent l’expropriation des seigneurs et le partage des terres en formant une communauté qui s’installe sur des terres cultivables, en vivant en toute autonomie. Le mouvement ne durera qu’un an, obligé de se rétracter sous la pression de la « gentry ». Il explique dans son écrit La loi de la liberté aspirer à l’instauration d’une démocratie égalitaire, ainsi qu’à la propriété collective des terres sur le territoire anglais. Ainsi chacun devrait avoir libre accès à tout terrain. Dans une telle organisation du territoire sur la propriété, le terme de squat n’aurait plus vraiment de sens puisqu’il ne serait plus possible d’occuper illégalement un lieu. Nous pouvons donc comprendre ici qu’indirectement, l’acte de squatter est signe de précarité et d’instabilité économique dans le pays.
Deux siècles après le mouvement des Diggers, vers 1830, le terme de « squatter » réapparaît plus significativement et désigne les éleveurs de moutons qui occupaient les prairies illégalement. Ces derniers s’opposaient alors aux settlers, cultivateurs sédentaires : « Lorsque le gouvernement australien, pour contrôler l’expansion anarchique de l’activité pastorale, prit la décision de vendre les concessions et que celles-ci donnèrent lieu à une spéculation intense, les squatters cherchèrent à échapper à ce contrôle en reportant la conquête du sol vers l’intérieur du pays. On comptait, en 1842, plus de cinq mille éleveurs de moutons qui disposaient d’un million de bêtes.
Leur force fit reculer le gouvernement qui dut reconnaître l’occupation de fait des terres. Le Waste Lands Occupation Act (1846) sanctionna le succès des pionniers. Cependant, vers 1855, les squatters se heurtèrent à leur tour aux nouveaux immigrants, qui contraignirent les États du Sud à examiner le problème des immenses domaines accaparés par les squatters. De nouveaux partages de terres eurent lieu, la spéculation fut combattue. Le Torrens Act (1857, Australie du Sud) imposa l’enregistrement de toutes les terres qui faisaient l’objet de transactions ; il inspira la législation généralement adoptée dans le pays. »
Le Torrens Act contribue à la précision de la définition de squatter puisqu’il met en place la cadastration du territoire, avec inscription écrite obligatoire du propriétaire dans un registre. Il définit donc clairement la propriété d’autrui et apporte la sécuritéjuridique de la propriété aux propriétaires. Par conséquent, il permet d’identifier plus facilement un cas de squattage.
Ce cas permet aussi d’étendre la définition du squat en élargissant sa zone d’intervention : l’occupation peut se faire aussi bien dans des régions agricoles, surdes terres, dans des champs, … que dans les villes, dans des immeubles, des friches,…
À la fin du XXème siècle, Alain Coteau met en parallèle l’émancipation des squats avec les luttes ouvrières, durant cette même période dans l’Europe industrielle. « On peut penser que ces attitudes étaient liées au taux élevé des loyers des habitations ouvrières » . Ainsi durant cette période un nombre important d’ouvriers déménagent, laissant plusieurs logements vides du jour au lendemain. Dans un contexte de lutte des classes, le squat apparaît dès lors comme un réseau d’entraide et de partage. Cette idée d’entraide et de partage se répercute dans notre société actuelle avec notamment le mouvement des Miles de Viviendas à Barcelone, que Christophe Coello suivra dans son film reportage « Squat, la ville est à nous », sur lequel nous reviendrons plus tard.

Les luttes modernes et le premier mouvement de squatters

Dans la suite des événements induits par Georges Cochon, qui opéra au début du Xxème siècle, la Confédération National du logement, le Mouvement populaire des familles ainsi que l’Abbé Pierre (1912-2007) trouveront dans le squat une façon de « mettre en évidence un parc de logements vides et une masse de sans-abris ». En effet, la seconde guerre mondiale aura défiguré une partie importante dans les villes et les campagnes, détruisant « 20% [des habitations] en France et aux Pays-Bas, 30% en Grande-Bretagne, 40% en Allemagne. La pénurie des transports aggravait les conditions du ravitaillement des villes et des régions spécialisées en cultures industrielles ou en vignobles. Seules subsistaient les relations ville-campagne fondées sur le troc, de sorte que partout la famine était menaçante.»
Ce sont les éléments déclencheurs à l’origine de la lutte moderne pour le respect de l’article 25 de la Déclaration des Droits de l’Homme, le Droit au logement pour tous, qui fut alors pour la première fois reconnu au niveau international.

Vivre le squat, un lieu stéréotypé

Le Squat, un mouvement aujourd’hui hétéroclite

« Hormis les illégaux, très nombreux à Liège et qui comptent pour une part importante des sans logis, le squatteur-type est celui qui a rompu avec les siens pour quelque raison que ce soit. Celui, en d’autres termes, dont la situation matérielle n’illustre qu’un drame humain bien plus large. Il a fini, de déchéance en déchéance, par tout perdre, y compris son logement et, ce qui est plus grave, l’estime de soi. Progressivement désocialisé, il a atterri dans un réduit immonde qui ne lui sert qu’à passer la nuit.
C’est un squat. A la rigueur, il y grignotera peut-être une tartine, mais ce sera de l’ordre de l’accident. Par contre, c’est là qu’il perdra peut-être jusqu’au souci de se laver, s’abandonnera à l’alcool, j’en passe. […] Inutile de dire que ces malheureux ne font pas long feu. »
D’après les différents retours que l’on peut extraire de la presse, mais aussi des films, les retours d’expériences d’habitants de squats, de sociologues, de personnes en charge des services sociaux d’aide aux sans-logis, … le squat est principalement signe de précarité, de « déchéance », d’abandon. Les occupants de squats d’habitation des années post-1970 forment une nouvelle population dans le besoin et tombant dans une forme de marginalité. D’après « l’Observatoire des inégalités » en France, 100 000 personnes n’avait aucun logement en 2013. Il n’est pas réellement possible de savoir combien vivent dans un squat, dans un camping ou toute autre alternative. Cependant, le site définit les occupants des squats comme étant « principalement des jeunes sans ressources, demandeurs d’asile, familles en attente d’un logement social, personnes souffrant de toxicomanie… Autant de personnes en situation fragile qui se retrouvent alors enfermées dans une spirale d’exclusion et de précarité, éloignées toujours plus de leurs droits et d’un minimum matériel. »

rue Maurice Sibille à Nantes

Rue Maurice Sibille, centre-ville de Nantes, près du mémorial de l’esclavage.
Sur le site Squat.net, je découvre qu’il y aurait été ouvert un nouveau squat pour les migrants délogés du château de Tertre et de Censive, situés sur le campus des facs de Nantes. Je décide donc d’aller y faire un tour, comme un repérage des lieux, et pourquoi pas, rencontrer quelqu’un qui pourrait me faire visiter. Il est 20h15, les rues sont vides. Je me perds un peu dans les ruelles jusqu’à croiser de plus en plus de jeunes qui se dirigent vers le centre-ville. Des vêtements trop larges, des chaussures trouées pour la plupart, et une langue qui ne m’est pas vraiment familière. Je ne dois pas être très loin. Je continue jusqu’à tomber sur l’immeuble. Quelques dizaines de personnes sortent de cet ancien EHPAD appartenant à Nantes Métropole Habitat. En passant devant, on me fixe du regard. Par la porte d’entrée du bâtiment, j’aperçois un homme assis à une table, qui semble faire le décompte des personnes qui sortent ou qui rentrent. Au vu des regards tournés vers moi, je décide de revenir une autre fois.
Durant plusieurs jours je passe devant le squat à vélo. Chaque fois, l’entrée rue Maurice Sibille est « surveillée » par des personnes logées dans le squat. Je découvre alors une deuxième entrée dans une rue parallèle, rue de Bréa. Une grande porte en bois vert foncé entre-ouverte. Cependant impossible de voir ce qui se passe derrière depuis la rue puisqu’il y fait entièrement noir.
De la musique s’échappe des fenêtres, un homme mange un beignet en regardant ce qui se passe dehors. Sur les rebords de fenêtres sont alignées de nombreuses paires de chaussures. Là où il y a des garde-corps, on y pose plutôt des serviettes.
On entend quelques voix et quelques rires aussi.
7 mai, je réitère en espérant toujours croiser quelqu’un d’un collectif ou d’une association chargé de la gestion du squat. Je croise alors un jeune, étudiant à priori, qui transporte une caisse de vêtements, de chargeurs de téléphones, et de nourriture.
Il accepte de me montrer l’intérieur du bâtiment. Pas très bavard, peut-être méfiant, la visite n’a pas été très longue. J’ai au moins pu voir l’intérieur, à quoi ressembler des espaces investis illégalement pour les migrants.
Nous entrons par la porte de la rue Maurice Sibille, où l’homme liste les personnes qui entrent dans le bâtiment. Nous débarquons dans un hall d’accueil, plutôt calme, où des hommes sont assis sur des banquettes à mon avis déjà présentes à leur arrivée. Au milieu du bâtiment se trouve un patio ; il s’avère que cet espace coupe l’établissement en deux. Nous continuons la visite en découvrant un « espace collectif », donnant sur le patio. Là, un canapé rouge sur lequel un homme dort tente de remplir le vide du hall.

« Miles de Vivendas »

« Miles de Vivendas » (« Milliers de logements » en Français) est un groupe de squatters à Barcelone. Il est l’un des mouvements que nous pouvons rattacher à celui des Indignados (« Indignés » en français) lancé par des personnes plutôt jeunes au départ (chômeurs et étudiants) à partir de 2011. Aujourd’hui, Les Indignados regroupe des personnes de tout âge qui dénoncent la gestion de la crise économique de 2008 par le gouvernement. Ce dernier mouvement existe toujours, même s’il a perdu de son ampleur. Ce sont alors quelques centaines de milliers de manifestants qui ont défilé dans les rues des villes espagnoles, à Madrid, Barcelone, Bilabo, Valence notamment.
Jean Chalvidant, spécialiste de l’Espagne au MCC (département de recherche sur les Menaces Criminelles Contemporaines de l’Institut de criminologie/Université Paris II Panthéon-Assas) définit ce mouvement comme un «un mouvement de type mai 68, sans les débordements».
Christophe Coello, réalisateur, est spécialisé dans le film-documentaire. Il a suivi pendant huit ans (2003-2011) le groupe « Miles de Vivendas », qui s’attache à repenser la façon dont nous pouvons investir les murs dans la ville. C’est un travail très intéressant qui nous permet de suivre l’établissement d’un squat du cassage de serrure jusqu’à l’expulsion, en passant par les relations avec les locataires réguliers, l’acheminement des affaires dans les étages, etc. Il s’agit alors plutôt d’un squat politique, c’est ainsi que les habitants eux-mêmes le conçoivent. Il est un refuge, mais avant tout son rôle est de dénoncer le système politique espagnol de l’époque. En suivant le quotidien du groupe, la phrase « les squat sont admirables »prend un sens certains lorsqu’on voit ces familles investir les logements vacants. Ces squatters sont totalement conscients de ce qu’ils font et vivent les lieux comme s’ils étaient leur propriété. Cette organisation se fait sur plusieurs étages dans un immeuble du centre de Barcelone.
Le première scène du film nous met directement en situation lors de l’ouverture d’un nouveau squat. La première étape est d’informer les voisins de la démarche du groupe et de les rassurer quant à leur occupation dans l’immeuble. Puis vient le nettoyage et la réhabilitation des lieux. Des portes sont bloquées avec des planches de bois, d’autres sont cassées ou dégondées pour permettre un passage plus fluide entre les pièces. Certaines cloisons sont abattues afin d’agrandir les logements. C’est toute un groupe qui investit d’un seul coup un lieu dont ils ont l’air propriétaires. Nous assistons de même à une réunion entre les différents squatters, durant laquelle la vie en communauté s’organise concrètement : frais alimentaires, répartition des tâches ménagères, objectifs politiques du groupe, etc. Chacun participe comme il le peut à cette auto-organisation.

Activités et relations au sein du squat artistique

« Le lieu, l’endroit, l’espace fait parti intégrante de la création, de l’œuvre et de la mise en œuvre.
Selon l’espace investi, le travail ne sera pas le même car il est évident que l’organisation physique et mentale n’est pas la même dans [chaque lieu]. »
Après nous être attardés sur l’analyse de cas de squat d’habitation, nous entrons dans l’analyse de lieux culturels indépendants, hors des institutions. Nous allons donc comprendre comment l’espace est différemment investi par rapport aux cas précédemment cités. Afin de vivre cette occupation artistique de lieux abandonnés, nous allons nous baser sur trois exemples français. Le premier est l’Appeau, à Brest, occupé par des étudiants. Le deuxième sera les Ateliers de Bitche, à Nantes. Puis nous finirons avec POL’n, lieu artistique alternatif nantais.

L’Appeau

« Ce soir, je me rends à l’Appeau, rue Volney, Quartier de Kerigonan, Brest. Un ami m’avait déjà parlé d’un concert organisé dans ce lieu, avec plusieurs dizaines de personnes.
Il m’avait prévenu : le lieu est étrange, les gérants aussi.
Après 20 minutes de bus, nous parcourons les vieilles rues de la ville, jonglant entre une ambiance de vide et d’oubli, avec une image typique de la reconstruction d’après-guerre.
À toute heure de la journée, ces rues sont toujours vides.
Nous arrivons à l’Appeau. Loin de l’image que je me faisais d’un lieu de concerts et de représentations. Un bâtiment jaune pâle, avec un écriteau en lettres rouges qui longe la façade : « Mécanique Tolerie peinture ». Le bas des murs extérieurs est recouvert de mousse verte qui part du trottoir, puis vient se mélanger aux tags fluorescents.
Une petite porte est ouverte, nous entrons. Quatre personnes sont présentes à ce moment : deux étudiants, et deux personnes plus âgées. Les murs sont recouverts de graffitis, de pages de magazines, et des tapis recouvrent le sol. Un aménagement mélangeant le style des cabanes créoles dans un décor d’appartement d’étudiant français. Des toiles multicolores sont pendues au plafond. On y trouve un coin kitchenette, et un coin « musique » comme nous le dit un des étudiants. Tout a l’air d’avoir été récupéré: fauteuils, palettes, barils, matelas. Des éléments mobiles artisanaux au plafond viennent agrémenter cette sensation d’espace inoccupé approprié librement.
Quelques autres personnes nous rejoignent. Certains semblent habitués aux lieux et s’installent facilement. Une personne nous ayant rejoint nous apprend qu’elle est sans domicile fixe. En fait plusieurs des « locataires » sont dans la même situation. Petit à petit, j’apprends que l’Appeau est un lieu que plusieurs personnes s’approprient comme espace de répétition, de rencontres. Certains étudiants y vivent même selon les périodes. Tandis que certains sans abris occupent les lieux constamment.
Ils commencent à jouer de la musique, nous ne sommes pas plus de vingt personnes. Dans le public, il y a même un homme de 42 ans qui vit dans la même rue que l’entrepôt, et qui vient de temps en temps quand il est courant d’une soirée organisée.
Au bout de quelques minutes, les trois musiciens nous invitent à quitter le hall principal pour nous rendre dans une autre pièce, plus isolée du voisinage, et donc moins dérangeante.
Le concert n’aura pas perduré ; vers 22h ou 22h30, la police arrive pour tapage nocturne et fait vider les lieux.
Quelques mois plus tard, Brest Metropole Habitat demande à démanteler le squat. »

Pol’n

« L’histoire de Pol’n… alors elle démarre en 2000, mais pas ici… dans le quartier Malakoff, et à l’époque c’était des artistes, et des chercheurs, enfin qui préparaient des doctorats sur les liens artistes et espaces publics je crois.
Et puis après il y a eu les mouvements intermittents en 2003 et ce petit groupe a fait plusieurs constats sur la ville de Nantes… qu’il manquait d’espaces pour pouvoir présenter un travail, euh… un travail pas fini notamment, tout ce que nous on appelle travail d’expérimentation. Que c’était compliqué de montrer simplement au public un travail en cours sans passer par les institutions plus conventionnelles de théâtre qui existent. De théâtre ou autres lieux culturels.
Ils constataient aussi que chaque discipline artistique était très cloisonnée, et que c’était intéressant d’avoir un projet pluridisciplinaire. Et voilà donc partant de ce constat ils ont fantasmé un lieu qui pourrait justement réunir plusieurs disciplines artistiques et qui pourraient être aussi un espace de création. Un espace où on pouvait travailler artistiquement dans le lieu et un espace où on puisse montrer son travail mais aussi le travail d’autres artistes.
Et du coup ils se sont mis en quête d’un lieu. Enfin ils se sont rapidement mis en contact avec la ville pour demander un lieu. C’est pas la ville qui a trouvé, c’est eux qui ont trouvé ce lieu-là et qui l’ont proposé à la ville, et c’est parti comme ça. Sauf que finalement, l’architecture du lieu étant ce qu’elle est, euh… La partie création a été abandonnée au profit d’espaces administratifs et d’espaces… euh… la partie expérimentation a été gardée et la mutualisation aussi finalement, mais pas tant dans des espaces de création que des espaces de bureaux. Et alors après c’est un montage un peu particulier parce que le bâtiment n’appartient pas à la ville de Nantes. »

Evolution du squat par sa publicité

Le squat est défini par certains artistes-squatters comme une «œuvre totale».
En effet, ce n’est plus uniquement ce que les artistes produisent qui importe, c’est aussi l’ensemble dans lequel les artistes produisent. Car le lieu n’est plus qu’un espace d’exposition, il fait partie intégrante de la création des artistes. C’est pourquoi nous pouvons comprendre le terme d’œuvre totale.
La notion de publicité dans le squat semble importante car c’est une des forces d’un tel lieu. C’est être accessible à tout le monde, n’importe quand. Il y donc un besoin d’ouverture sur l’extérieur, allant du voisinage à des groupes d’artistes étrangers ou encore des touristes (comme c’est le cas au 59 rue Rivoli à Paris). Et plus que l’ouverture physique sur l’extérieur, cela semble être plutôt une ouverture d’esprit et une façon d’être, à l’instar de l’idéologie des mouvements hippies des années 70 en France. Il s’agit d’un besoin et d’un appel au partage, dans un lieu investi de façon collective. Cependant, malgré ce partage et cette appropriation commune dans un squat, il n’existe que peu de production commune : « Le squat a ceci d’original de lier de façon particulière le groupe et l’individu, construisant une «communauté des individus» (Delorme, 2002). Le squat apparaît donc comme une configuration originale où la nature collective de l’organisation du lieu et des rapports sociaux permet la révélation, la consolidation d’un soi artistique. »

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Table des matières
Prélude
Introduction
I. Squat et « squat artistique »
1. Définition du terme de squat
2. Histoire du squat
3. Du squat à l’atelier d’artistes
II. L’organisation amenant de la solitude au partage
1. Vivre le squat, un lieu stéréotypé
2. Activités et relations au sein du squat artistique
3. Evolution du squat artistique par sa publicité
III. Un lieu entre illégalité et légalité.
1. L’occupation illégale des squats d’habitation
2. Le squat en tant que lieu d’expression artistique
3. Du squat artistique au « lieu indépendant »
Conclusion et perspectives
Bibliographie
Annexes
Table des matières

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