LOCALISATION CELLULAIRE DU TYLCV-MLD
Dรฉfinition et classification des satellites
Le terme ยซย satellite virusย ยป a รฉtรฉ utilisรฉ pour la premiรจre fois en 1962 par Kassanis pour dรฉcrire un petit virus de plante dรฉpendant du tobacco necrosis virus (TNV) pour sa multiplication (Kassanis, 1962). Depuis, le terme ยซsatelliteยป a รฉtรฉ trรจs largement utilisรฉ dans la sphรจre des virologues. Pour lโInternational Committee on Taxonomy of Viruses (ICTV), les satellites sont des agents qui sโavรจrent dรฉficients pour les gรจnes codants pour des fonctions nรฉcessaires ร la rรฉplication ; ils dรฉpendent dโun virus assistant pour leur multiplication (Briddon et al., 2012). On les diffรฉrencie des gรฉnomes dรฉfectifs de virus car les sรฉquences nuclรฉotidiques des satellites ne prรฉsentent pas ou trรจs peu dโhomologie avec celles de leur virus assistant et de leur hรดte. LโICTV distingue 2 classes de satellites. Les ยซ virus-satellites ยป qui codent pour leur propre protรฉine de capside et les ยซ acides nuclรฉiques satellites ยป qui dรฉpendent du virus assistant pour leur encapsidation car ils ne codent pour aucune protรฉine structurale (Murant and Mayo, 1982 ; Hu et al., 2009). A lโintรฉrieur de chacun de ces groupes, les satellites sont classรฉs sur la base de la nature de leur gรฉnome qui peut รชtre de type ARN ou ADN, simple ou double brin (Figure 1). Cette dรฉfinition restreinte des satellites est souvent รฉlargie ร de nombreuses exceptions. En plus des satellites dits ยซ vrai ยป, il existe dโautres agents qui interagissent avec le virus assistant pour des fonctions autres que la rรฉplication. Ainsi, les ยซ acides nuclรฉiques satellite-like ยป dรฉpendent du virus assistant pour la rรฉplication mais codent pour une fonction nรฉcessaire au virus assistant. Cโest par exemple le cas de lโARN satellite associรฉ au groundnut rosette virus (GRV) qui est indispensable ร la transmission par puceron de son virus assistant (Robinson et al., 1999).
De mรชme des satellites de type betasatellites sont indispensables ร certains begomovirus pour une infection efficace et symptรดmatique de lโhรดte (Kon et al., 2009; Saunders et al., 2000); Briddon et al., 2001). Il existe aussi des agents qui sont autonomes pour leur rรฉplication mais qui dรฉpendent du virus assistant pour dโautres fonctions. Cโest le cas par exemple des alphasatellites associรฉs ร certains begomovirus (Briddon et al., 2004) ou de lโARN satellite du polerovirus beet western yellow virus (BWYV), souche ST9 (Passmore et al., 1993) ; ils dรฉpendent du virus assistant pour leur encapsidation, leur mouvement ร courte et longue distance et leur transmission. Les satellites ne forment donc pas un groupe taxonomique homogรจne. Pour allรฉger lโรฉcriture du manuscrit, a รฉtรฉ considรฉrรฉ comme satellite, tout agent qui dรฉpend dโun virus dit assistant pour lโune au moins de ses fonctions vitales (rรฉplication, encapsidation, transmission vers un nouvel hรดteโฆ), et qui partage peu ou pas dโhomologie de sรฉquence avec le virus assistant. Les satellites ont รฉtรฉ dรฉcrits avec des virus de lโensemble des rรจgnes du vivant, mais la grande majoritรฉ des satellites a รฉtรฉ dรฉcrite avec des virus de plantes. Ce qui est commun ร tout satellite et qui le dรฉfinit, cโest lโassistance indispensable que lui apporte le virus assistant. A lโinverse il serait bien difficile de dire dโune faรงon gรฉnรฉrale le bรฉnรฉfice, si tant est quโil y en ait, quโapporte le satellite au virus ; chaque satellite semble รชtre un cas particulier et dans de nombreux cas cette question nโa pas รฉtรฉ abordรฉe. Cโest pourtant un รฉlรฉment important pour tenter de comprendre comment une association virus-satellite peut se maintenir au cours du temps. Cโest la raison pour laquelle je propose dโexaminer parmi les associations virus-satellites les plus รฉtudiรฉes, lโeffet du satellite sur le virus et si possible de discerner si lโeffet est potentiellement positif, neutre ou nรฉgatif sur la valeur sรฉlective du virus.
Les ARNs satellite du cucumber mosaic virus (CMV, genre Cucumovirus, famille Bromoviridae)
Les ARNs satellites du CMV ont รฉtรฉ les satellites les plus รฉtudiรฉs. Leur premiรจre description a รฉtรฉ faite ร la suite dโun travail dโรฉtiologie sur une รฉpidรฉmie de nรฉcrose de la tomate en Alsace (Marrou et al., 1973). Depuis, plus dโune centaine de satellites ont รฉtรฉ dรฉcrits en association avec le CMV qui est un des virus les plus rรฉpandus au monde. Le CMV infecte plus de 1200 espรจces de plantes et est transmis efficacement par plus de 75 espรจces de pucerons (Kouadio et al., 2013). Les ARNs satellites des cucumovirus appartiennent ร la catรฉgorie des petits ARNs linรฉaires de plantes, gรฉnรฉralement infรฉrieurs ร 700nts (Figure 1). Ils ont un gรฉnome de 330 ร 450 nts portant une coiffe en 5โ mais nโont pas dโactivitรฉ messager. Ils prรฉsentent une forte structure secondaire avec 50% de nuclรฉotides (nt) appariรฉs et ne prรฉsentent pas ou trรจs peu dโhomologie avec leur virus assistant.
Il existe 2 variants naturels qui ont des propriรฉtรฉs biologiques bien diffรฉrenciรฉes selon les symptรดmes qu’ils provoquent chez la tomate. La plupart des ARNs satellites du CMV sont dits non-nรฉcrogรจnes car ils attรฉnuent lโexpression des symptรดmes du virus assistant alors que dโautres sont dits nรฉcrogรจnes en raison des sรฉvรจres nรฉcroses et chloroses quโils induisent chez la tomate (Kaper and Waterworth, 1977). Cet effet des satellites sur la pathogรฉnie de leur virus assistant dรฉpend aussi de lโespรจce hรดte et de la souche du virus assistant (Collmer and Howell, 1992). Par exemple, il a รฉtรฉ montrรฉ que le satRNA D qui provoque des symptรดmes de nรฉcroses sur tomate en prรฉsence du CMV, attรฉnue les symptรดmes du CMV sur tabac (Kouadio et al., 2013). La rรฉplication des ARNsat induit gรฉnรฉralement une rรฉduction de lโaccumulation des ARNs du CMV (Palukaitis and Garcรญa-Arenal, 2003). Il a รฉtรฉ suggรฉrรฉ que la rรฉduction de lโaccumulation du CMV pouvait รชtre ร lโorigine de lโattรฉnuation des symptรดmes. Ce nโest cependant pas une rรจgle gรฉnรฉrale car il a รฉtรฉ montrรฉ que des ARNs satellites qui induisent des nรฉcroses sur tomate ont รฉgalement un impact nรฉgatif sur lโaccumulation du CMV et cet impact peut mรชme รชtre supรฉrieur ร celui des satellites non nรฉcrogรจnes (Escriu et al., 2000a).
Un domaine situรฉ dans la partie 3โ terminale du satellite a รฉtรฉ identifiรฉ comme un dรฉterminant de la propriรฉtรฉ nรฉcrogรจne du satellite mรชme si dโautres rรฉgions, en dehors de ce domaine, influencent lโintensitรฉ de la nรฉcrose (Palukaitis and Garcรญa-Arenal, 2003). Lโexpression dโun ARN satellite nรฉcrogรจne dans une tomate transgรฉnique nโinduit pas le symptรดme de nรฉcrose en lโabsence de CMV (McGarvey et al., 1990). Par contre lโexpression de lโARN satellite ร partir dโun vecteur viral (potato virus X, PVX) induit les symptรดmes de nรฉcrose en absence du CMV (Taliansky et al., 1998). Comme le CMV est un virus dโimportance รฉconomique mondiale, diverses mรฉthodes ont รฉtรฉ proposรฉes pour contrรดler ce pathogรจne. Les travaux pionniers de Mireille Jaquemond (INRA, Avignon) ont montrรฉ quโune prรฉ-inoculation de la tomate, par un isolat de CMV et un ARNsat non nรฉcrogรจne, lui permettait de bรฉnรฉficier dโun effet protecteur contre les attaques dโune souche sรฉvรจre de CMV (avec ou sans ARNsat nรฉcrogรจne) (Jacquemond and Leroux, 1982). Divers essais en serre et au champ ont confirmรฉ le potentiel de la prรฉ-inoculation avec des satellites non-nรฉcrogรจnes pour attรฉnuer les attaques de CMV. Des rรฉsultats concluants ont รฉgalement รฉtรฉ obtenus avec des plants transgรฉniques exprimant des ARNsat. Jacquemond et al. (1988) ont montrรฉ que lโexpression monomรฉrique du transgรจne dans le tabac รฉtait suffisante pour assurer une protection et que des plantes prรฉsentant diffรฉrents niveaux dโexpression du transgรจne, exprimaient un niveau de protection comparable (Jacquemond et al., 1988).
Les ARNs satellite du Turnip crinckle virus (genre Carmovirus, famille Tombusviridae)
Des ARNs satellites au sein de la famille Tombusviridae, ne se limitent pas ร des virus du genre Tombusvirus car de tels ARNs ont รฉgalement รฉtรฉ identifiรฉs chez au moins un virus du genre Carmovirus, ร savoir, le turnip crinckle virus (TCV). Contrairement au CMV dont la distribution est mondiale, le TCV nโa รฉtรฉ dรฉtectรฉ quโen Europe. Tout comme les ARNs satellites des autres tombusvirus, les ARNs satellites du TCV appartiennent รฉgalement ร la catรฉgorie des petits ARNs linรฉaires (Figure 1). Le TCV assiste des satellites tels que lโARNsat D (230 nts) qui nโa pas dโeffet dรฉtectable sur la rรฉplication et les symptรดmes du TCV et des satellites issus de la recombinaison entre lโARNsat D et le TCV tels que lโARNsat C (356 nts) qui diminue lโaccumulation du virus assistant tout en amplifiant ses symptรดmes (Simon et al., 2004). Le SatC contient deux rรฉgions dรฉrivรฉes du gรฉnome du TCV.
La modulation des symptรดmes dรฉpend de lโhรดte (Li and Simon, 1990). Dans les hรดtes oรน lโinfection par le TCV nโest pas associรฉe ร des symptรดmes, la prรฉsence de lโARNsat C n’a aucun effet sur la symptomatologie de la plante (Li and Simon, 1990). A lโinverse, chez les plantes qui dรฉveloppent des symptรดmes en rรฉponse ร l’infection du TCV, les symptรดmes sont renforcรฉes par l’addition du satellite. Contrairement aux ARNsat nรฉcrogรจnes du CMV qui induisent eux-mรชmes les symptรดmes de nรฉcrose chez la tomate, lโARNsat C du TCV ne fait quโamplifier les symptรดmes de son virus assistant. Le phรฉnomรจne dโamplification des symptรดmes serait liรฉ ร un effet positif de lโARNsat C sur le mouvement de cellule ร cellule et le mouvement ร longue distance du virus qui sera explicitรฉ ci-dessous.
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Table des matiรจres
RESUME
ABSTRACT
REMERCIEMENTS
TABLE DES MATIERES
LISTE DES ILLUSTRATIONS
LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION GENERALE
INTRODUCTION BIBLIOGRAPHIQUE
1.Dรฉfinition et classification des satellites
2.Effet du satellite sur le virus assistant
2.1. Effets des satellites sur la pathogรฉnie
2.2. Effets des satellites sur la fitness du virus
3.Facteurs impliquรฉs dans le maintien dโun satellite par un virus
3.1. La rรฉplication du satellite
3.2. La co-infection cellulaire
3.3. Le mouvement de cellule ร cellule et ร longue distance des satellites
3.4. La transmission
4.Un modรจle dโรฉtude original : le TYLCV et les satellites de begomovirus
4.1. Le TYLCV
4.2. Les satellites des begomovirus
5.Objectifs de la thรจse
CHAPITRE I : ANALYSE QUALITATIVE ET QUANTITATIVE DES ADN DU TYLCV ET DES SATELLITES MAINTENUS DANS LES PLANTES AU COURS DU TEMPS
Introduction
2.Infectivitรฉ des satellites avec le CLCuGV et le TYLCV
2.1. Matรฉriel et mรฉthodes
2.2. Rรฉsultats
2.3. Discussion
3.Article 1: Assessing the capacity of Tomato yellow leaf curl virus Mild strain to maintain two alphasatellites and a betasatellite
4.Analyse qualitative des formes dโADN viral et de satellites accumulรฉes au cours de lโinfection
4.1. Matรฉriel et mรฉthode
4.2. Rรฉsultats
4.3. Conclusion
Discussion
CHAPITRE II : COMPARAISON DE LโEFFET DโUN BETASATELLITE SUR DEUX SOUCHE DU TYLCV PRESENTES EN MEDITERRANEE (LE TYLCV MLD ET TYLCV-IL)
Contexte et objectif
Article 2 Differential impact of Cotton leaf curl Gezira betasatellite on within-host DNA accumulation of Israel and Mild strains of Tomato yellow leaf curl virus
Comparaison des dynamiques dโaccumulation du TYLCV-Mld, du TYLCV-IL et du CLCuGB dans la tomate entre 18 et 150 dpi.
Conclusion
CHAPITRE III: LOCALISATION CELLULAIRE DU TYLCV-MLD, DES SATELLITES BETA ET ALPHA PAR LA METHODE DโHYBRIDATION IN SITU EN FLUORESCENCE (FISH)
Introduction
2.Matรฉriel et mรฉthodes
2.1. Le matรฉriel vรฉgรฉtal, et les conditions dโinoculation
2.2. Quantification des ADN du virus et des satellites par qPCR
2.3. Prรฉparation des sondes
2.4. Prรฉparation des tissus
2.5. Dรฉtection et visualisation des cibles
2.6. Mise au point des conditions dโacquisition des images
3.Rรฉsultats
3.1. La spรฉcificitรฉ des sondes
3.2. Identification des tissus infectรฉs par le TYLCV et les satellites
3.3. Mise en รฉvidence des diffรฉrents profils dโinfection au niveau cellulaire
3.4. Test de la corrรฉlation de lโintensitรฉ des marquages TYLCV et satellite au niveau cellulaire.
3.5. Frรฉquence de dรฉtection des diffรฉrents profils dโinfection dans les cellules infectรฉes
Discussion
CHAPITRE IV : MISE AU POINT DES OUTILS POUR LE CALCUL DE LA MOI DU TYLCV
Introduction
2.Matรฉriel et mรฉthodes
2.1. Construction des variants de TYLCV
2.2. Infectivitรฉ des variants
2.1. รquicompรฉtitivitรฉ des variants
2.2. Mise au point des sondes et observation au microscope confocal
3.Rรฉsultats
3.1. Mutagรฉnรจse des clones TYX
3.2. Spรฉcificitรฉ des amorces de dรฉtection par qPCR
3.1. Infectivitรฉ des variants
3.2. Equicompรฉtitivitรฉ des variants
3.3. Mise au point des sondes et observation au microscope confocale
Discussion et perspectives
CHAPITRE V : MISE AU POINT DโAMORCES GENERIQUES POUR LA DETECTION DE BETASATELLITES
1.Introduction
2.Matรฉriel et mรฉthodes : Dรฉfinition du jeu de sรฉquences de betasatellites
3.Rรฉsultats
3.1. Un jeu de sรฉquences comportant beaucoup dโerreurs
3.2. Une grande diversitรฉ des effectifs pour chaque espรจce
3.3. La capacitรฉ de dรฉtection des amorces de Briddon.
3.4. Dรฉfinition de nouvelles amorces universelles pour la dรฉtection des betasatellites
3.5. Le design des amorces pour les espรจces du ยซ out group ยป
Discussion et perspectives
DISCUSSION GENERALE
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
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