Littérature, lecture littéraire et compétences de lecteur

Littérature, lecture littéraire et compétences du lecteur

Les évolutions du fait littéraire

« Produire une définition consensuelle de la lecture littéraire n’est pas chose facile » nous avertit Annie Rouxel (2002). Cela nous amènera tout d’abord à interroger la notion de littérature pour ensuite évaluer son approche par la lecture littéraire. Selon elle le terme apparaît en 1984 sous l’impulsion de théoriciens comme Picard (1984) puis plus tard Dufays (1995). Naissant selon Dufays des pratiques de terrain et recouvrant selon Rouxel des modes de réalisation différents, ce terme de lecture littéraire engage une conception de la littérature, une vision du sujet lecteur et une dimension idéologique.

C’est tout d’abord à partir des années 70 que s’opère un glissement du texte au lecteur qui a permis de renouveler les études littéraires. C’est notamment avec Jauss (1975) que le livre devient un objet que l’on peut réactiver lors de chaque lecture et qui se construit dans la relation qu’entretient avec lui le lecteur dans toute sa complexité à la fois historique et socioculturelle. Jauss, en plaçant le lecteur au cœur de sa réflexion sur la littérature, va ainsi interroger la notion d’œuvre.

Ensuite, à travers une approche synchronique, Iser (1976) va souligner l’importance du lecteur comme créateur dans l’acte de lecture. Le lecteur implicite serait ainsi contenu virtuellement dans le texte qui pré orienterait la réception en imposant un parcours de lecture. C’est alors en sollicitant nos aptitudes de lecteur créatif que le texte offrira la possibilité d’une lecture plaisir. C’est la relation entre texte et lecteur qui est ainsi privilégiée. Par ailleurs Eco dans son Lector in fabula en 1979 nommera cette relation «coopération interprétative » et soulignera l’importance de la coopération de la part d’un Lecteur Modèle imaginé par l’auteur afin que la lecture soit un succès. Eco soulignera l’incomplétude du texte avant son actualisation par le lecteur dont les compétences encyclopédiques auront été à la fois présupposées et instituées par l’auteur.

Enfin Michel Picard (1989) contrairement au modèle abstrait des lecteurs d’Iser et d’Eco, construira un lecteur réel. Pour lui la littérature est entièrement dans la lecture qui serait une sorte de jeu, et le lecteur auquel il s’intéresse est le lecteur avec sa “ compétence lectrice ”, son intelligence, mais aussi ses déterminations socio-historiques, son inconscient, son corps. Ce lecteur réel sera amené à alterner entre deux formes de jeu cadrées par le texte: le playing enraciné dans l’imaginaire du sujet et renvoyant aux jeux de rôle ou de simulacre et le game qui repose sur la mise à distance, la stratégie et le caractère réflexif. De plus Picard dans La lecture comme jeu (1986), distinguera trois instances dans le lecteur : le liseur, personne physique qui maintient un contact avec le monde, le lectant qui prendra du recul pour interpréter le texte et le lu qui s’abandonnera aux émotions et réagira fantasmatiquement au texte. Pour Picard, ces trois instances interagiront les unes sur les autres.

Lors de ce changement paradigmatique, c’est peu à peu la lecture qui devient complément du texte. Le fait littéraire devient système de relations entre un écrivain, un texte et un lecteur et la réception devient une pièce fondamentale dans ce jeu de construction d’un sens toujours pluriel. Le texte littéraire est polysémique, symbolique, système d’échos au réel et aux autres textes (Rouxel (2002). Il appelle ainsi la lecture et la capacité interprétative du lecteur.

De la littérature et de la lecture littéraire

Rouxel (2002) se demande ce qui est littéraire dans la lecture littéraire : le texte ou la lecture ? Dufays (2002) définira ainsi trois types d’approches de la lecture littéraire :
– Lecture de textes littéraires.
– Distanciation.
– Participation.

Dans le cas où elle est associée à la lecture de textes littéraires, c’est l’objet qui est privilégié par rapport à la manière dont il est lu. Il s’agira alors d’un corpus qui s’inscrira dans une perspective que Dufays (1995) qualifie de ségrégationniste et dans lequel la littérature se réduit à une sphère restreinte qui est la sphère patrimoniale. L’approche est alors interne, formelle et référenciée (Formalistes russes, Structuralisme tchèque, Auerbach, Aron Thomas…). Il s’agira d’enseigner un patrimoine littéraire de grands auteurs véhiculant des valeurs nationales, spirituelles et universelles. Ce corpus est ainsi investi de toutes les vertus et invite à l’admiration béate. C’est dans les années 70 que cette définition du littéraire sera placée à une distance critique pour mettre l’accent sur la lecture.

La lecture littéraire définie ensuite comme distanciation ou participation va privilégier la pratique plutôt que l’objet. Ainsi l’œuvre non lue est inachevée et toute œuvre est indéterminée et ouverte à une multitude d’interprétations. Dufays précise qu’il y a sur cette base commune deux conceptions de la lecture ; l’une centrée sur l’effet et l’autre sur la réception. Dans les deux cas il s’agit de former l’élève à une « lecture méthodique », «lecture plurielle », « lecture littéraire ». L’approche sera alors externe. Le corpus sera considéré comme intégrationniste et ne sera pas que textuel mais s’inscrira dans une sphère de production plus large. Si la conception de la culture était intensive dans un corpus ségrégationniste, elle devient extensive dans ce corpus. Prévaut alors l’idée d’hétérogénéité des genres et des modèles culturels et seront intégrés les genres mineurs non textuels (BD, vidéos, images…). Pour Dufays (1995) la lecture littéraire vient combler un vide, celui de la nature du lien entre lecture et littérature, lien que les théories de l’effet ou de la réception n’éclairent pas. Il précisera que: La lecture littéraire comme mise à distance critique se fonde sur l’ouvrage de Marghescou Le concept de littérarité (1974). Ce dernier met en évidence trois principes de la lecture distanciée :
– Suspension de la dimension anecdotique.
– Manifestation archétypale.
– Activation maximale de la polysémie.

C’est l’instance du lectant qui est alors privilégiée et ce que B. Gervais (1993) définissait comme le passage d’une régie de la progression caractérisée par l’illusion référentielle à une régie de la compréhension caractérisée par une mise à distance. La lecture littéraire comme participation psychoaffective se fonde sur le travail de M. de Certeau (1980). Pour ce dernier, lire c’est braconner dans les marges des pratiques de lecture établies. Il s’agit donc de s’approprier librement les textes et comme avec Poslaniec (1990), c’est le plaisir, l’enchantement et la surprise produits par les textes qui sont mis au premier plan. C’est une lecture ordinaire, quotidienne, et c’est la dimension référentielle qui est valorisée ainsi que le point de vue éthique, le fond, l’énoncé. La lecture littéraire comme va-et-vient entre distanciation et participation nous ramène aux théories de Picard sur le playing et le game et le va-et-vient permanent entre participation et distanciation qui nourrira le plaisir du lecteur. Dufays considère que la lecture littéraire doit intégrer une lecture savante et une lecture ordinaire. Le double jeu de cette lecture littéraire est rationnel et passionnel. Les enjeux rationnels sont dans la distanciation (game) médiatrice de savoirs et basée sur la reconnaissance de codes et de stéréotypes qui permettent la construction du sens. Les enjeux passionnels (playing) reposent sur un décentrement et une plongée en soi même ainsi qu’une appropriation du texte imaginaire. Il s’agit d’entretenir un rapport de plaisir. Rouxel (2002) précise que le terme littéraire concerne le lien du texte et de sa réception. C’est bien la lecture qui construit le littéraire. Pour elle les caractéristiques de la lecture littéraire sont les suivantes:
– Une lecture qui engage une démarche interprétative (jeu entre culture et activité cognitive).
– Une lecture sensible à la forme (fonctionnement du texte et esthétique).
– Une lecture à régime lent (relecture, pluriel du texte).
– Un rapport distancié au texte cependant nourri de rapprochements (identification) et de distance (lecture experte).
– Une lecture basée sur le plaisir esthétique, plaisir à la fois de découvrir et de reconnaître, entre dépaysement et familiarité.

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Table des matières

Introduction
1. Littérature, lecture littéraire et compétences de lecteur
1.1. Les évolutions du fait littéraire
1.2. De la littérature et de la lecture littéraire
1.3. Le sujet lecteur
1.4. Compétences de lecteur et didactique de la lecture littéraire Vers l’image
2. Préconisations institutionnelles pour la lecture d’images
2.1. Que disent les programmes ?
2.2. De quelles images parle-t-on ?
2.3. Images au service du texte ou langage indépendant ?
3. Lecture de textes littéraires et lecture d’images
3.1. Spécificité de l’image animée
3.2. Comment lire et analyser une image animée?
3.3. Les points de convergence et spécificités texte/image animée
3.4. Le parcours lecture/spectature : étude du passage
3.5. Le parcours lecture/spectature : sujet lecteur et traces mémorielles
4. Méthodologie de la recherche
4.1. Entre recherche-expérimentation et conception d’activités
4.2. DISPOSITIF 1 : évaluation de la réception (texte/film)
4.2.1. Représentations et horizon d’attente autour du loup-garou
4.2.2. Résultats et analyses
4.2.3. Conclusion partielle
4.3. DISPOSITIF 2 : lecture/spectature de l’incipit d’une œuvre
4.3.1. Résultats et analyses
4.3.2. Quels effets sur la compréhension ?
4.3.3. Préférence pour l’un des deux objets ?
4.3.4. Conclusion partielle
4.4. DISPOSITIF 3 : la question du passage
4.4.1. Résultats et analyses
4.4.2. Conclusion partielle
4.5. ENQUÉTE : la trace mémorielle des œuvres sur l’année
4.5.1. Résultats et analyses
4.5.2. Conclusion partielle
Conclusion
Bibliographie
Annexes
4ème de couverture

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