La littérature de jeunesse représente l’ensemble des œuvres spécialement écrites pour les enfants ou les adolescents, ou de libres écrits pour des adultes qui sont devenus, par leur thème, des lectures pour les jeunes. Ainsi, la littérature de jeunesse regroupe tous les albums tels que les livres-jeux, les imagiers, les abécédaires, les albums narratifs, les albums documentaires ou encore les albums de fiction. Elle permet la découverte du monde à travers des textes qui donnent à partager des modes de pensée et des points de vues variés. La littérature de jeunesse permet donc de nourrir l’imaginaire enfantin, de faire découvrir un usage particulier de la langue, d’apprendre de manière ludique et de découvrir le patrimoine et tout ce qui concerne l’Homme. Elle offre alors une entrée privilégiée pour les domaines 1, 3 et 5 du Socle Commun de Connaissances, de Compétences et de Culture qui sont « Des langages pour penser et communiquer», « La formation de la personne et du citoyen » et « Les représentations du monde et de l’activité humaine » .
Partant de ce constat, je me suis questionnée sur le rôle que pouvait avoir la littérature de jeunesse dans l’enseignement de l’histoire. En effet, il me semble intéressant d’utiliser l’album ou le récit comme outil pour aborder les différentes périodes que l’Humanité a connues ou pour aborder des questions socialement vives telles que les grandes guerres mondiales, la révolution, l’esclavage, etc. Mon écrit de recherche portera donc sur l’utilisation de la littérature de jeunesse en CE2 pour aborder la vie quotidienne durant la Première Guerre Mondiale. Le champ théorique questionné sera la didactique de l’histoire afin d’améliorer son enseignement en classe.
Quelle histoire enseignée à l’école élémentaire ?
Avant de se questionner sur l’intérêt d’utiliser la littérature de jeunesse en histoire, il me semble important de définir le statut particulier de cette discipline à l’école primaire. En effet, l’historien français François Audigier dans Histoire et Géographie: Des savoirs scolaires en question entre les définitions officielles et les constructions des élèves évoque les finalités, les contenus et les méthodes présents au sein de cette matière scolaire. L’histoire a donc pour finalité de transmettre aux générations futures « une représentation partagée du passé par un récit continu depuis les origines jusqu’à nos jours ». Dans les programmes scolaires de 2015 , pour la discipline histoire, il est bien dit que « les moments historiques retenus ont pour objectif de mettre en place des repères historiques communs, élaborés progressivement et enrichis tout au long des cycles 3 et 4, qui permettent de comprendre que le monde d’aujourd’hui et la société contemporaine sont les héritiers de longs processus, de ruptures, de choix effectués par les femmes et les hommes du passé » . De plus, cette discipline est formatrice pour les élèves car ils vont pouvoir développer leur jugement ainsi que leur esprit critique. Enfin, l’histoire permet la formation du citoyen car les élèves auront les outils pour pouvoir comprendre le monde, d’où ils viennent, leur origine et ils vont pouvoir développer leur culture générale ce qui facilitera les conversations avec autrui. Les contenus en histoire sont transmis à l’aide de livres où sont consignées de nombreuses connaissances. Ces documents vont permettre aux élèves de « parcourir l’ensemble des temps passés en suivant fidèlement la chronologie afin de montrer l’ancienneté de la France et la continuité de son histoire » . Enfin, en histoire, on privilégie une méthode d’enseignement active où les élèves vont se questionner et où ils vont pouvoir être en contact avec certains événements du passé. François Audigier évoque également dans sa thèse les représentations que les élèves ont de l’histoire. C’est ainsi que nous apprenons que les élèves apprécient cette discipline car, pour eux, c’est intéressant de connaître les expériences humaines que les individus ont connues au cours du temps et que les récits de ces expériences ont un sens pour eux. Ils aiment parler des actions, des aventures et des drames vécus par les populations humaines de toute époque. Cependant, cette discipline peut être contraignante et résistante pour les élèves. En effet, les élèves doivent retenir de nombreux noms, dates, événements et il est parfois compliqué pour eux de se repérer dans le schéma progressif de l’Histoire. Ils se sentent parfois perdus et ne donnent pas toujours du sens aux différents chapitres qui s’enchaînent avec les différents personnages et événements qui se succèdent. Enfin, lorsque l’on interroge les élèves par rapport aux séances d’histoire, il en ressort que l’enseignant prend une trop grande place. En effet, la classe est soumise en permanence à des questions posées par l’enseignant. Les élèves n’ont pas le temps de « respirer » ni d’approfondir les différentes notions. Ce constat est également présent dans Les enseignants de l’école primaire et l’Histoire-Géographie, quelle « histoire-géographie » enseignée ? de Thierry Philippot, enseignantchercheur au Centre d’études et de recherches sur les emplois et les professionnalisations (Cérep). En effet, suite à des entretiens d’auto confrontation avec des enseignants, ce didacticien de l’histoire a présenté quelques constats sur l’enseignement de cette discipline. L’un de ces constats est que le professeur agit et parle pendant 50% du temps de la séance d’histoire. L’enseignant monopolise le temps de parole, c’est lui qui parle le plus afin de transmettre les connaissances et les notions. Mais cela pose donc la question de qui travaille le plus. On peut également se demander si le discours de l’enseignant est compréhensible par l’ensemble des élèves. De plus, François Audigier et Thierry Philippot nous disent que le travail le plus fréquent des élèves en histoire est de tirer des informations venues de différents supports, tels que des images, des textes, des cartes, de frise, etc. La « pédagogie du document » est donc très présente mais cela provoque une certaine lassitude de la part des élèves car ils répètent sans cesse les mêmes pratiques. Ils vont devoir répondre à des questions sachant que les réponses se trouvent dans les textes, ils vont devoir observer,décrire, reproduire, situer et nommer un certain nombre d’éléments.
Comme nous venons de le voir, l’histoire est une discipline essentielle dans le parcours scolaire des élèves car elle leur permet de comprendre l’histoire du monde, de la vie des hommes en société et la manière dont ils habitent la terre. Mais nous avons également pu remarquer que son enseignement possédait de nombreuses limites notamment la monopolisation du temps de parole par l’enseignant, la lassitude éprouvée par les élèves due à des tâches trop répétitives et la quantité de notions à apprendre. Suite à ces constats, nous pouvons faire l’hypothèse que l’utilisation de la littérature de jeunesse en histoire permettrait de réduire ces différentes limites et de rendre son enseignement plus intéressant.
Intérêt de l’utilisation de la littérature de jeunesse
Comme nous venons de le voir, l’enseignement de l’histoire possède de nombreuses limites dans sa mise en œuvre pédagogique. Nous pouvons supposer que l’utilisation de la littérature de jeunesse permettrait de les réduire. Dans cette partie, nous nous intéresserons au croisement entre la littérature de jeunesse portant sur la Première Guerre Mondiale et l’enseignement de l’histoire. Tout d’abord, nous pouvons nous interroger sur l’intérêt d’enseigner la Première Guerre Mondiale à l’école. Cette guerre est abordée dans le thème 3 « La France, des guerres mondiales à l’Union européenne » du programme d’histoire de la classe de CM2. Il peut également être abordé au cycle 2 car « l’élève est sensibilisé à l’approche mémorielle des conflits à travers les commémorations et les journées du Souvenir » . Après avoir abordé les grandes phases de l’histoire de France et après avoir travaillé sur l’âge industriel avec une initiation aux défis économiques et sociaux, les élèves de CM2 vont être confrontés à un autre grand défi contemporain,celui de la guerre et de la paix. Les élèves doivent comprendre prioritairement que « la France a connu deux conflits mondiaux, que ces deux conflits ont été marqués par une violence extrême et massive et que cette expérience a conduit la France à s’engager dans la construction européenne » . Ce thème est également très important car il participe au parcours citoyen des élèves. En effet, lors des commémorations officielles et des journées du Souvenir, les élèves sont sensibilisés « à l’idée d’un héritage patrimonial partagé, lié à ces conflits, à l’échelle nationale, mais aussi européenne et mondiale » . Les élèves sont engagés dans une démarche citoyenne afin de « retenir la responsabilité de chacun en tant qu’individu, au sein d’une société » . Néanmoins, Jean-Pierre Rioux dans son article Devoir de mémoire, devoir d’intelligence nous met en garde car il ne faut pas que les élèves portent le poids de ce dont ils sont innocents. En classe, les enseignants ont la possibilité d’utiliser la mémoire des personnes de l’époque pour recontextualiser l’Histoire et comprendre les différents événements qui sont survenus. Selon l’historien français, Jean-Pierre Rioux, la mémoire devrait aider « à produire du sens, à privilégier l’intelligence sur le souvenir et à affirmer des vérités encore plus probantes » . L’utilisation de la mémoire en classe devrait aider les élèves à produire du sens à et mieux connaître l’histoire de la Première Guerre Mondiale mais « il ne faut pas créer de nouveaux « témoins » » . C’est pour cela que la mémoire servira d’objet d’histoire, c’est-à-dire qu’en classe, les élèves ne feront pas un simple devoir de mémoire mais un véritable travail de mémoire avec une démarche de recherche afin de comprendre comment les individus ont vécu durant cette période. Le travail de mémoire permettra de rapprocher les enfants de ce qui s’est passé sans pour autant les traumatiser, dans l’idée d’une commémoration d’un fait historique qui marque un repère. Ce travail pourra aussi permettre de créer du lien entre l’Histoire et leur propre histoire, celle de leur famille. Parfois, l’Histoire peut leur paraître lointaine et confuse, mais en utilisant la mémoire des personnes, elle peut se révéler très concrète
Ensuite, pour expliciter l’intérêt d’utiliser la littérature de jeunesse en histoire, notamment pour aborder la Première Guerre Mondiale, nous allons nous appuyer sur les articles suivants : Grande Guerre et littérature jeunesse de Philippe Bovyn, professeur des écoles dans les Alpes Maritime et La Première Guerre Mondiale dans la bande dessinée et l’album contemporains pour la jeunesse de Lydie Laroque, maîtresse de conférence sur la littérature française à l’académie de Versailles. Comme nous le dit Philippe Bovyn, la littérature de jeunesse consacrée à la Grande Guerre s’inscrit dans un genre différent, celui de la littérature historique. Avec ces albums, les élèves vont découvrir la vie des soldats au front, dans les tranchées, les épouvantables épreuves qu’ils ont vécues, la vie des civils à l’arrière avec notamment le sort des enfants durant le conflit et également les différentes valeurs morales de l’époque telles que le patriotisme, le sacrifice, l’héroïsme et la culture de guerre. La littérature de jeunesse met en place dans ces récits des échanges de courrier entre le personnage-soldat au front et les personnages-civils restés à l’arrière afin d’inscrire les héros dans une guerre qui dure dans le temps. Cela permet de rappeler aux lecteurs l’importance du courrier entre le front et l’arrière et permet de voir les préoccupations des hommes confrontés aux réalités de la guerre. Ces différents thèmes abordés par la littérature de jeunesse permettent aux élèves d’appréhender les différentes expériences humaines vécues par les personnages entre 1914 et 1918, leurs actions, leurs aventures ainsi que leurs drames. Cela permet de mettre les élèves en contact avec la réalité à travers un récit historique basé sur des faits réels. Par exemple, l’album La guerre est finie de l’illustrateur Philippe Delestre et de l’écrivain Philippe Claudel aborde les différentes étapes du conflit de la Première Guerre Mondiale : la mobilisation, l’exode des civils, les taxis de la Marne, le bombardement des villes et des villages, les convois de la Voie Sacrée, les tranchées, l’évacuation des blessés, les hôpitaux, les fraternisations avec l’ennemi, la relève, les gaz, la distribution du courrier, le travail des femmes, l’embrigadement des enfants, les défilés de la Victoire et les lendemains de la guerre.
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Table des matières
Introduction
1. CADRE THEORIQUE
1.1 Quelle histoire enseignée à l’école élémentaire ?
1.2 Intérêt de l’utilisation de la littérature de jeunesse
1.3 Quelles précautions prendre quant à l’utilisation de la littérature de jeunesse en histoire ?
2. HYPOTHESES
3. METHODOLOGIE
3.1 Explication de la méthodologie
3.2 Analyse des transcriptions vidéo
3.2.1 Répartition du temps de parole
3.2.2 Nature des interactions
3.2.3 Motivation des élèves durant le temps de travail
3.3 Evaluation sommative
3.4 Questionnaire
4. RETOUR AUX HYPOTHESES
Conclusion
Bibliographie
ANNEXES
Annexe 1 : Première et quatrième de couverture de « Lulu et la Grande
Guerre » de Fabien Grégoire
Annexe 2 : Séquence d’apprentissage sur « Lulu et la Grande Guerre »
Annexe 3 : Les enregistrements vidéo
Annexe 4 : Les transcriptions audio
Annexe 5 : Les évaluations sommatives
Annexe 6 : Les questionnaires