Lire le développement du réseau autoroutier : outils conceptuels, théoriques et méthodologiques d’analyse

La morphogenèse du réseau routier classique : émergence d’un modèle 

Présentation synthétique des modalités de développement du réseau routier classique 

Ce travail a débuté par une recherche des valeurs qui ont pu guider le développement du réseau routier. Il a semblé judicieux de travailler sur ce dernier, car il s’agit du réseau national le plus ancien en France et il s’est développé sur une très longue durée (cinq siècles environ, soit du XIV ème au XIX ème siècle). Le schéma qui suit (schéma n°l-l) montre de façon chronologique les modalités de développement du réseau routier en mettant en exergue le contexte économique et politique de la période considérée, les valeurs données à la route par les pouvoirs publics, l’action que ces derniers mettent en place en matière routière et enfin le résultat de tous ces facteurs sur la morphologie du réseau. Le fonctionnement de ce modèle dépend d’un jeu d’interactions entre un contexte, l’émergence de valeurs, une action de l’Etat et la morphologie du réseau qui en résulte. Ce jeu d’interactions est symbolisé par des flèches. La mise au point du modèle repose aussi sur un jeu de juxtapositions de ses éléments, puisque le développement du réseau ne prend fin qu’au bout de plusieurs siècles. En conséquence, les différentes phases du contexte politique et économique (volonté d’unifier le territoire, mercantilisme, physiocratisme, etc.) se juxtaposent sur le long terme, comme les diverses valeurs attribuées à la route, les actions de l’Etat ou encore les phases successives de l’évolution de la morphologie du réseau. Ce jeu de juxtapositions, symbolisé par un +, aboutit au terme du développement du réseau à la formalisation de caractéristiques génériques qui lui sont propres. L’encadré qui conclut le schéma résume la façon dont on peut définir dans un premier temps le modèle de développement du réseau routier.

Le développement du réseau routier a été tributaire d’une action centralisée de l’Etat, qui a influencé la forme première du réseau (un réseau en étoile centré sur Paris) et la gestion de son évolution (classements, ordres de priorité, etc.). Nous retrouverons cette caractéristique dans le réseau ferré. La genèse du réseau a aussi été guidée par l’attribution de valeurs à l’infrastructure. Cela signifie que la route n’est plus un simple outil de déplacement, mais un objet quasi métaphysique, dont l’usage est assorti de connotations particulières. Nous préciserons dans le deuxième chapitre de cette partie cette notion de valeur et son rôle primordial dans la morphogenèse des réseaux en France. Ce schéma montre que le développement du réseau routier est mû par certains principes d’actions d’ordre général que l’État applique à la route. Ainsi, la genèse du réseau routier est guidée par des valeurs comme l’unité nationale, l’utilité économique, le bien public, la justice sociale, l’ouverture au progrès (et par extension au développement économique). Ces valeurs ont pu apparaître très tôt (l’utilité économique de la route date au plus tard du XVII ème siècle). Un dernier élément, très important pour la suite de notre travail, reste à noter. Il s’agit du phasage de l’évolution de la morphologie du réseau. Le réseau routier national prend d’abord (XVI ème siècle) la forme d’une étoile, et est secondé localement par de multiples petits réseaux locaux sans lien entre eux et en trop mauvais état pour prétendre à l’appellation de réseau. L’étoile centrée sur Paris se renforce au XVII ème siècle, perdure au XVIII ème siècle alors que l’on note la présence de réseaux secondaires toujours peu connectés les uns aux autres (24 000 km), et devient le seul objet de préoccupation de l’Empire. C’est là une phase extrême qui trouve son achèvement par un brutal retournement de tendance. Le réseau national se maille finement, absorbant par un jeu d’interconnexions les réseaux locaux si disparates à l’origine (XIX ème siècle). II apparaît en particulier que l’évolution de la morphologie du réseau routier tend de fait vers un mai liage maximal du territoire (le réseau national comptera 40 000 km de routes à la fin du XIX ème siècle et 80 000 km après le reclassement de routes départementales dans le réseau national en 1930).

Le développement du réseau routier classique 

Les sources se sont révélées assez peu nombreuses pour la période allant jusqu’à la fin du XIX ème siècle. Nous n’avions à notre disposition qu’une série d’ouvrages historiques fort anciens pour la plupart (années 1940-50 pour les plus récents) et présentant l’évolution des routes de façon descriptive et cloisonnée (technique, répartition géographique, etc.) à l’image des méthodes d’analyse historique encore en vigueur à cette époque. Les faits routiers ne pouvant suffire à comprendre les motivations de leur réalisation, il a parfois fallu confronter les hypothèses conceptuelles formulées avec des ouvrages ne traitant pas directement des routes mais des sujets se rapportant à ces hypothèses : comment a été considéré l’espace au fil des siècles ; quel a été le rôle de l’Etat, de l’échelon local ; quels courants de pensée, quelles doctrines ont pu influencer la perception de la route ; qu’en estil du rôle des conjonctures économiques, politiques ; quelle est l’évolution de tous ces éléments ?

Ces « croisements » ont permis de mettre à jour des indicateurs révélateurs des orientations de la politique routière, appelés valeurs, qui sont mues par un contexte et qui donnent naissance à des actions de l’Etat. Par valeur, nous entendons les caractéristiques accordées à la route, comme la valeur de bien public. Par action de l’Etat, nous entendons la structuration de la gestion du développement routier. Enfin par contexte nous entendons tous les éléments extérieurs au développement routier qui peuvent avoir une influence sur lui (conjoncture économique, politique). Ces trois paramètres sont aussi sujets à interaction.

Routes de poste et utilité politique du réseau (Moyen Age-XVème siècle)

Le royaume de France ne se constitue que tardivement, à la fin du XV ème siècle, alors que les Capétiens ont vaincu les derniers grands féodaux et récupéré avec la fin de la guerre de Cent Ans les duchés que le royaume d’Angleterre possédait en France. La route devient pour le pouvoir royal un moyen d’assurer la cohésion d’un royaume nouvellement constitué et d’assoir sa présence territoriale. Mais le « réseau » (terme à employer avec précautions pour le moment ) est composé d’une juxtaposition de chemins disparates, de par leur qualité (anciennes chaussées romaines, routes seigneuriales, drailles, chemins ruraux,…) et surtout de par leur inégale répartition entre les domaines féodaux. Ces chemins ne présentent aucune articulation avec ceux des seigneuries voisines, car logiquement dirigés vers ce qui avait été autrefois le point névralgique du domaine féodal : sa capitale. L’instabilité politique , reflet d’une recherche d’homogénéité ou de domination, la période de stagnation sociale et économique qu’a été le Haut Moyen-Age et les préoccupations essentiellement religieuses (Inquisition, Croisades) qui régnaient alors ne pouvaient guère inspirer les rois et grands féodaux de l’époque pour développer des voies de communication à une échelle autre que celle de leur domaine.

A partir du XVI ème siècle (voire dès la fin du XV ème), le pouvoir royal est de plus en plus soucieux d’établir sa présence territoriale. Il renforce ainsi le contrôle des péagers, qui ont une légére tendance à laisser les ouvrages dont ils ont la charge dans un état d’entretien douteux. La volonté de contrôler les routes depuis Paris est bien visible (même si les moyens manquent souvent). L’indice le plus éloquent est l’établissement des Postes. Un édit de Louis XI, daté du 19 Juin 1464, en serait à l’origine . L’article 2 indique que doivent être établies sur les grands chemins du royaume « de quatre lieues en quatre lieues, des personnes féables chargées d’entretenir quatre ou cinq chevaux de taille légére, bien enharnachez et propres à courir le galop durant le chemin de leur traitte' »‘. En dépit de la petite controverse chronologique évoquée, ce texte montre une conception de la route à l’échelle nationale et du souci du pouvoir royal de marquer son empreinte sur le territoire. Celle-ci prend lentement forme : sous Louis XI, les relais de poste se déplacent en fonction de la conjoncture géopolitique. Ils se sédentarisent peu à peu à partir du règne de François 1er (qui soigne particulièrement la route de Paris à Lyon, centre d’une étoile vers Marseille, Narbonne, Toulouse, Lucerne, Turin,…).

Plusieurs documents confirment la matérialisation d’un réseau national au XVI ème siècle. La guide des chemins de France, publiée en 1553 par Charles Estienne décrit les routes (bénéficiant ou non d’un relais de poste) et les curiosités à visiter sous la forme de 283 itinéraires (Reverdy, 1995). La carte géographique des postes qui traversent la France, dressée par Sanson et d’Abbeville en 1632 et le Tableau portatif des Gaules ou description nouvelle du royaume de France sur laquelle est tracée la route des Postes et grands chemins allant de la ville de Paris aux principales villes et extrémités de cet état, dressé par Jean Boisseau en 1646 montrent un premier réseau national en étoile de Paris vers les provinces.

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Table des matières

Introduction générale
Première Partie : Lire le développement du réseau autoroutier : outils conceptuels, théoriques et méthodologiques d’analyse
Section 1 : Formalisation d’un modèle de développement « à la française » et mise en perspective internationale
Chapitre 1 La morphogenèse du réseau routier classique : émergence d’un modèle
Chapitre 2 Pertinence et mise en perspective du modèle de développement
Section 2 Le développement des réseaux dans le temps et dans l’espace Eléments d’analyse théoriques et méthodologiques
Chapitre 1 Eléments théoriques de lecture des réseaux
Chapitre 2 Constitution d’une grille de lecture du réseau autoroutier
Conclusion de la Première Partie
Deuxième Partie : De la formalisation à l’achèvement : le développement du réseau autoroutier jacobin
Section 1 : Le « passage » du réseau routier classique à l’autoroute (années 1930- 1960)
Chapitre 1 : Obsolescence du réseau classique et émergence de l’autoroute
Chapitre 2 : Nouvelle représentation de l’espace et changement des échelles de référence (années 1960)
Section 2 : Elaboration et évolution du système de développement du réseau autoroutier et routier rapide
Chapitre 1 : La définition a priori d’un nouveau réseau
Chapitre 2 : Le développement du réseau entre structure et conjoncture (années 1978-1998)
Chapitre 3 : L’entrée en scène progressive de la contestation (années 1970- 1990)
Conclusion de la Deuxième Partie
Troisième partie : Discordances au sein du système et entre les acteurs : vers la définition d’un autre réseau ?
Section 1 : Un financement en roue libre soumis à des contraintes européennes.
Chapitre 1 : Un équilibre financier précaire
Chapitre 2 : De nouvelles contraintes pour la concession à la française
Section 2 : La contestation de projets autoroutiers
Chapitre 1 : Une complexification de la contestation
Chapitre 2 : La A 400 Annemasse-Thonon-les-Bains. Un cas emblématique
Chapitre 3 : La A 51 Grenoble-Sisteron : Une remise en cause de l’utilité publique du projet en termes d’adéquation aux besoins locaux, de coût et d’impacts environnementaux
Chapitre 4 : La A 89, tronçon Saint-Julien-Puy-Lavèze-Combronde. Une contestation élargie à de multiples acteurs locaux
Section 3 : Permanences et mutations du modèle de développement du réseau autoroutier
Conclusion de la Troisième Partie
Conclusion générale

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