La tuberculose maladie
Parmi les signes généraux, l’altération de l’état général reste fréquente lors de la tuberculose, mais elle est souvent négligée par les patients qui lui attribuent volontiers d’autres causes. L’asthénie persiste longtemps voire tout au long du traitement. L’amaigrissement, dans les formes graves dépasse 10kg. L’état subfébrile et les sueurs nocturnes doivent être recherchés systématiquement. On distingue :
– Tuberculose pulmonaire : La toux domine les signes fonctionnels, elle devient de plus en plus fréquente au cours des semaines et ne cède pas aux traitements symptomatiques. Elle peut être productive ou non productive. Les hémoptysies ne surviennent que dans 30% des cas, mais elles inquiètent le patient et orientent rapidement vers le diagnostic. En général, les autres signes tels que la dyspnée ou les douleurs thoraciques ne se rencontrent que dans les formes évoluées. La persistance des ces signes pendant plus de 3 semaines doit orienter vers le diagnostic et conduire à prescrire une radiographie. L’examen clinique du thorax reste remarquablement négatif, contrastant avec l’importance des signes cliniques et radiologiques. La radiographie du thorax permet souvent de confirmer la tuberculose. Les lésions touchent avec une grande prédilection les lobes supérieurs ou le segment apical du lobe inférieur. Les images les plus typiques associent des opacités nodulaires plus ou moins confluentes, des infiltrations péribroncho-vasculaires et des cavitations. D’autres aspects radiologiques peuvent être observés : des calcifications sur les lésions anciennes, une rétraction des lobes supérieurs, ou une pleurésie… Dans la tuberculose pulmonaire avec preuve bactériologique, la tomodensitométrie thoracique est en règle générale inutile. Les anomalies biologiques rencontrées au cours de la tuberculose ne sont pas spécifiques : syndrome inflammatoire, anémie, choléstase. Le diagnostic positif de la tuberculose repose sur la recherche de BK à la microscopie directe dans les expectorations et le résultat répartit les patients en TPM+ ou TPM-. La mise en culture sur milieu de Lowenstein-Jensen permet de trouver les BK après 3 semaines.
– Tuberculose extra pulmonaire : Les signes cliniques diffèrent en fonction de la localisation de la tuberculose. Dans la miliaire tuberculeuse, la diffusion du BK se fait le plus souvent par voie hématogène soit lors du premier contact infectant avant même la constitution de l’allergie tuberculinique, soit après réactivation des lésions anciennes. Plus rarement, elle peut se faire par dissémination lymphatique ou bronchique. Dans cette forme, les signes cliniques sont inquiétants : altération majeure de l’état général, tableau infectieux, fièvre élevée persistante, des atteintes respiratoires marquées telles que : dyspnée, toux, cyanose, parfois insuffisance respiratoire aiguë. L’examen clinique complet révèle une hépatomégalie ou une splénomégalie, ou localise une autre atteinte extra pulmonaire. L’IDR demeure souvent négative. La radiographie montre une image de micronodules disséminés de petite taille « en grain de mil » d’où le nom de miliaire tuberculeuse. Le diagnostic positif repose sur les examens bactériologiques des crachats. Dans les autres localisations, de nombreux signes cliniques peuvent se manifester selon la localisation :
– des troubles neurologiques avec hypo natrémie, voire un état comateux dans les méningo-encéphalites tuberculeuses du jeune enfant ;
– des signes urinaires d’une tuberculose rénale ;
– une atteinte épididymaire ou une stérilité dans la tuberculose génitale ;
– une adénopathie clinique fluctuante parfois douloureuse dans la tuberculose ganglionnaire ;
– une douleur lombaire ou articulaire dans la tuberculose osseuse ou mal de Pott ;
– un ictère dans la tuberculose hépatique miliaire ou par compression des voies biliaires.
Outre les formes aigues sévères comme la miliaire ou la méningite tuberculeuse, l’IDR est souvent positive dans les formes extra pulmonaires. L’imagerie extra thoracique demeure un élément indispensable au diagnostic des tuberculoses extra pulmonaires (tomodensitométrie thoracique pour les formes ganglionnaires, radiographie de la colonne vertébrale pour le mal de Pott…) La découverte d’un granulome épithélioïde et giganto-cellulaire à l’histologie sur les prélèvements oriente vers le diagnostic de la tuberculose. Mais quelles que soient les formes rencontrées, la mise en évidence de bacille tuberculeux dans les produits pathologiques constitue le diagnostic positif.
Sensibilité et spécificité de l’IDR
a- sensibilité : La sensibilité de l’IDR chez les personnes ayant une tuberculose-infection latente et une immunité cellulaire normale serait de l’ordre de 99%. Les situations où l’IDR est faussement négative au cours d’authentiques tuberculoses sont :
– Une erreur technique : injection trop profonde, injection d’une quantité trop faible de tuberculine, tuberculine ayant perdu son activité antigénique…
– Une erreur de lecture : mauvaise lecture ou lecture trop retardée ;
– Une tuberculose en phase d’incubation : phase pré allergique 6 à 8 semaines après un contact infectant ;
– Une tuberculose miliaire ;
– Une dépression de l’immunité cellulaire : sujet séropositif, sidéen, sujet sous traitements immunosuppresseurs, la dénutrition, la vieillesse, l’insuffisance rénale chronique, les infections bactériennes sévères…
– Certaines infections virales comme la rougeole et les vaccins viraux chez les enfants
b- spécificité : Certains patients non infectés par le M. tuberculosis peuvent présenter une réactivité positive à la tuberculine. Ces réactions croisées sont généralement dues :
– Soit à des infections par MNT
– Soit à une réaction à l’égard du BCG.
Par conséquent, la spécificité de l’IDR varie de 40 à 90% selon la politique vaccinale des pays et la prévalence des infections par MNT. En effet, au cours des infections par MNT, des études ont montré que les réactions cutanées à la tuberculine donnaient des diamètres d’indurations variant entre 5 à 14 mm, les diamètres entre 5 et 9 mm semblant plus fréquents que les diamètres entre 10 et 14 mm. Pour les vaccinations par le BCG, le résultat de l’IDR montrait un diamètre d’induration de plus de 10mm pendant les premières années après la vaccination. Mais ce diamètre diminue au cours du temps. C’est pourquoi certains auteurs disent que le diagnostic de PIT par l’IDR n’est interprétable qu’après les 10 années qui suivent la vaccination. Dans certains cas, l’IDR peut induire une réaction faussement positive due à « l’effet amplificateur » ou boost effect : lorsque l’IDR est répétée assez rapidement après un premier test négatif ou faiblement réactif, le résultat de ce second test peut révéler une accentuation de la réponse immunitaire avec augmentation sensible de la taille de la réaction.
Le test ELISPOT
Le principe de la technique ELISPOT consiste à mesurer les réponses cellulaires dirigées contre un antigène donné. Ce test nécessite 10ml de sang complet prélevé dans un tube spécial. Idéalement, le tube doit être adressé le plus rapidement possible au laboratoire, en moins de 6 heures. Le tube contient une solution dense et un gel permettant, après centrifugation, la séparation des cellules mononuclées circulantes (monocytes, lymphocytes B et T). Les cellules sont lavées puis comptées, et elles sont ensuite incubées pendant 18 heures en présence ou non d’antigènes ESAT-6, CFP-10 et des protéines de contrôle. Plusieurs lavages sont réalisés à l’issue de cette incubation avant d’ajouter un anticorps anti- IFN λ. Chaque cellule qui formera un spot après ajout de substrat représente un lymphocyte T produisant à sa périphérie de l’ IFN λ. Le T.SPOT.TB® demeure le test actuellement disponible qui utilise cette technique.
DISCUSSIONS
La présente étude est la première réalisée à Antananarivo sur la place de l’IDR à la tuberculine dans la lutte contre la tuberculose. Les facteurs favorisant les limites évoquées de l’IDR ont été minimisés :
– la sérologie du VIH est négative chez toute la population d’étude et l’examen clinique de tous les sujets a conclu que tous ont été indemnes de toutes maladies intercurrentes lors de la pratique de l’IDR ;
– la réalisation et la lecture du test ont été effectuées par des personnels qualifiés ;
– l’effet amplificateur ou « boost effect » ainsi que la phase pré allergique peuvent être éliminés car l’intervalle entre les 2 tests est de 3 mois. Et on peut considérer que chaque sujet n’a jamais fait une IDR auparavant car c’est un test non systématique à Madagascar même si elle est indiquée pour les enfants de moins de 6 ans suspects de tuberculose (7).
L’étude révèle qu’il n’y a pas de relation statistiquement significative entre la vaccination par le BCG et le diamètre d’induration de l’IDR. Elle montre que la couverture vaccinale par le BCG était de 90,1%, proche de celle de 98,9% retrouvée en 2004 dans la Capitale (48). L’effet du BCG ne paraît pas avoir modifié les résultats de l’IDR. Cette constatation semble confirmer l’étude effectuée à Taiwan sur une population à risque de tuberculose, âgée de 8 mois à 99 ans dont 94,3% présentaient une cicatrice vaccinale. Cette étude a conclu qu’à partir de 10 mm, la taille de l’ IDR correspond plutôt à une tuberculose infection latente ou à une tuberculose active qu’au résultat d’une vaccination BCG antérieure (49). Bugiani M. et ses collaborateurs évoquent la même conclusion dans leur recherche en affirmant que l’IDR demeure un outil valable pour évaluer les sujets contacts et pour suspecter la tuberculose chez l’adulte vacciné par le BCG (50). Paradoxalement, l’étude de Tissot F. et ses collaborateurs démontrent que l’interprétation de l’IDR est toujours perturbée par le BCG surtout quand elle est ≥ 18 mm chez les individus de moins de 40 ans, mais leur recherche s’était déroulée dans un pays à faible endémicité (51). Pourtant, bien que Madagascar soit classé parmi les pays à forte prévalence de la tuberculose, les résultats montrent que l’IDR demeure significativement associée à l’existence de contact avec une personne atteinte de tuberculose (p<0,001). Par conséquent, une IDR positive correspondrait toujours à une infection tuberculeuse récente. Une étude réalisée par Hizel K. et ses collaborateurs sur des adultes en Turquie, un pays à forte prévalence de la tuberculose, rejoint la même conclusion (52). Les résultats de l’étude montrent également que l’IDR est significativement liée au niveau socio-économique du sujet (p=0,0018), surtout chez les contacts (p<0,001). Les impacts de la pauvreté comme la malnutrition, la promiscuité, le faible pouvoir d’achat constitueraient des facteurs qui favorisent la transmission de la tuberculose. Rathi S. K. évoque la même conclusion et ajoute qu’un diagnostic précoce de la tuberculose par l’IDR des sujets contacts, suivi d’une thérapie appropriée peuvent réduire la transmission de la tuberculose infection dans un milieu rural pauvre (53). Ainsi, l’IDR reste un moyen utile pour détecter une infection tuberculeuse dans les pays comme Madagascar, surtout chez les enfants de moins de 15 ans. En effet, l’étude montre que seulement 28% des témoins âgés de 5 à 14 ans ont une IDR supérieure ou égale à 10 mm contre 64% des contacts du même âge, et pour les enfants de moins de 5 ans, aucun témoin contre 82% chez les contacts. Et malgré un très faible effectif des témoins de cette tranche d’âge, la différence significative entre les sujets contacts et les témoins persiste (p=0,01). Ces résultats laissent à penser que l’IDR chez les enfants a une valeur prédictive de contact avec un sujet tuberculeux plus importante que chez les adultes. De plus, une étude réalisée au Botswana sur 783 enfants de 3 à 60 mois d’âge a montré que les enfants en contact avec un patient TPM+ étaient plus à risque d’infection que les adultes et concluait que l’IDR permettait encore d’identifier la PIT dans les pays à haute prévalence de tuberculose même avec une couverture vaccinale élevée (54). Une étude effectuée en 2005 sur des enfants de moins de 5 ans en contact avec des adultes TPM+ a aussi démontré que la prévalence de l’infection tuberculeuse chez les enfants contacts d’un adulte malade est plus élevé que dans la population générale et que le risque est significativement plus accru quand le malade est TPM+ (55). Vidal R et ses collaborateurs ont trouvé dans leur étude (21) comme facteur de risque de transmission de la tuberculose : un âge de moins de 15 ans (OR=1,58 [1,01- 2,45]), le genre masculin (OR=1,86 [1,2-2,7]), la présence de plus de 10 bacilles tuberculeux dans le crachat (OR=1,97 [1,1-3,3]) chez le cas index, une IDR fortement positive (OR=4,43 [2,5-7,7]), et un contact très proche avec le cas index (OR=8,32 [3,9- 17,6]). Contrairement à ces faits, Moràn-Mendoza O et ses collaborateurs révèlent dans leur étude réalisée au Canada sur les contacts de malades tuberculeux que la prévalence de la tuberculose demeure toujours élevée chez les contacts quelque soit la taille de l’IDR observée (56). Par ailleurs, en se référant aux résultats de la présente étude, la VPP de l’IDR (100%), la sensibilité (82%) et la spécificité (100%) pour identifier un contact de malade tuberculeux sont très élevées chez ces jeunes enfants de 1 à 4 ans et restent assez importantes pour les 5 à 14 ans (respectivement 83%, 64%, 72%). Donc, si une IDR est réalisée sur les enfants de moins de 15 ans, un résultat positif peut nous orienter vers l’entourage de l’enfant pour y détecter un sujet tuberculeux, et la probabilité demeure plus importante chez les moins de 5 ans. Par conséquent, malgré une forte endémicité et une importante couverture vaccinale par le BCG, l’IDR constitue encore un outil intéressant dans la lutte contre la tuberculose à Madagascar. En plus, dans le diagnostic de la tuberculose, la VPP, la sensibilité et la spécificité de l’IDR quoique mauvaise restent supérieures à celles des nouvelles techniques même si de nombreuses études démontrent le contraire (10, 43, 44, 45). Le rendement obtenu avec l’utilisation des nouvelles techniques reste moindre par rapport à celle de l’IDR alors que le coût parait inabordable pour la majorité des malgaches.
Une chimioprophylaxie plus élargie
Dans le PNT, la chimioprophylaxie est seulement indiquée pour les enfants de moins de 6 ans. Ainsi, la recommandation du PNT devrait être révisée car la chimioprophylaxie devrait être entamée dès que le diagnostic d’infection tuberculeuse est posé pour les sujets à risque dans l’entourage du patient. Ces sujets sont constitués par :
– les enfants de moins de 15 ans,
– les adultes immunodéprimés,
– les sujets présentant une IDR fortement positive avec une radiographie du thorax suspecte.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE I. REVUE DE LA LITTERATURE
1.1. Généralités
1.1.1 Définition
1.1.2. Historique
1.1.3. Epidémiologie
a- Agents pathogènes
b- Transmission de la tuberculose
c- Evolution vers la tuberculose maladie
d- Situation de la tuberculose
1.2. Description de la maladie
1.2.1. Physiopathologie
1.2.2. Diagnostic clinique et para clinique
a- Primo-infection tuberculeuse
b- Tuberculose maladie
1.2.3. Traitement
a- Préventif
b- Curatif
c- Surveillance
1.3. La tuberculine
1.3.1. Historique
1.3.2. Physiopathologie
1.3.3. Les techniques de réalisation de l’IDR et les différents types de tuberculine
1.3.4. Sensibilité et spécificité de l’IDR
a- Sensibilité
b- Spécificité
1.3.5. Résultats et interprétations
1.3.6. Indications
1.4. Les nouvelles techniques
1.4.1. Principes
1.4.2. Les types de tests
a- Les tests ELISA
b- Le test ELISPOT
1.4.3. Avantages
1.4.5. Limites
CHAPITRE II. METHODOLOGIE
2.1. Caractéristiques des cadres de l’étude
2.2. Type d’étude
2.3. Population d’étude
a- Critères d’inclusion
b- Critères d’exclusion
2.4. Période et durée de l’étude
2.5. Mode de collecte des données
2.6. Considérations éthiques
2.7. Paramètres à analyser
2.8. Analyse statistique
a- Taille de l’échantillon
b- Mode d’analyse des données
CHAPITRE III: RESULTATS
3.1. Description de l’échantillon
3.2. Valeur de l’IDR dans la population globale
3.3. Analyse des contacts et des témoins
3.4. Valeurs de l’IDR chez les contacts et les témoins
3.5. Valeurs de l’IDR des contacts devenus malades
3.6. Résultats des sérologies
a- Dans la population globale
b- Comparaison entre les contacts et les témoins
3.7. Calcul de la Valeur Prédictive Positive, la sensibilité et la spécificité de l’IDR pour l’identification des contacts
CHAPITRE IV. DISCUSSIONS
CHAPITRE V. SUGGESTIONS
5.1. Amélioration de la stratégie de lutte contre la tuberculose
5.2. Une meilleure IEC pour le changement des comportements
5.3. Une chimioprophylaxie plus élargie
CONCLUSION
ANNEXES
BIBLIOGRAPHIE
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