L’intervention sur l’aspect phonologique

Télécharger le fichier pdf d’un mémoire de fin d’études

LE DEVELOPPEMENT DU LANGAGE

Les apports des différents courants théoriques

L’acquisition du langage est un processus largement décrit dans la littérature et qui repose sur différentes approches théoriques aux apports divers mais complémentaires.
L’approche connexionniste décrit la mise en place du langage comme un réseau de connexions neuronales qui se modifient perpétuellement en fonction des acquis linguistiques. La théorie fonctionnaliste, elle, voit les échanges sociaux comme le moteur du développement langagier notamment par le biais de l’attention conjointe et de la fréquence d’exposition aux formes langagières entendues. Ainsi, les enfants percevraient précocement les intentions de communication des adultes. Ils identifieraient le sens des mots selon cet intérêt commun porté sur un élément, selon la gestuelle employée par l’adulte mais aussi en fonction du nombre d’occurrences de chaque forme linguistique donnée. Cette approche rejoint celle socio-interactionniste développée par Bruner et Vygotsky où le rôle des interactions sociales dans le développement du langage est également majeur. A cela s’ajoute le rôle des capacités cognitives plus globales dans cette acquisition, postulat défendu aussi par l’approche cognitiviste. Par ailleurs, l’apport de théories innéistes ne fait pas consensus. En revanche, l’idée d’une période sensible quant au développement du langage est admise par une majorité : cette période qui s’étend de la naissance à environ 10 ans serait propice à l’acquisition du langage. (Daviault, 2011)
Le langage reste une faculté complexe dont les fondements théoriques pour en expliquer le développement sont riches. L’organisation du langage fait consensus autour d’une approche modulaire que nous allons développer.

Les composantes du langage

« Le langage est le produit de l’intégration de plusieurs sous-systèmes » comme le disait Rondal (Rondal et Seron, 2000). Ces sous-systèmes sont les suivants :
– la phonétique : l’étude de l’ensemble des caractéristiques physiques des ondes sonores du langage et des caractéristiques articulatoires des sons de la langue
– la phonologie : l’étude des sons en tant que marqueurs de sens
– la syntaxe : l’ensemble des règles qui permettent l’organisation des mots en phrases porteuses de sens
– la morphologie : l’ensemble des règles qui régissent la formation des mots
– la sémantique : l’ensemble des règles qui régissent la signification des mots et des énoncés
– le lexique : composante que nous décrirons plus précisément par la suite
Ces modules ont une certaine autonomie mais l’acquisition du langage en sollicite plusieurs simultanément suggérant alors des liens entre les différents sous-systèmes.
Le sous-système qui nous intéresse particulièrement dans ce mémoire est le lexique. Il s’agit de l’ensemble des mots que connaît un individu dans une langue à un moment donné. Ces mots sont reliés entre eux par des liens sémantiques, phonologiques, syntaxiques et morphologiques en constante interaction. Le lexique comprend à la fois les mots compris par un individu (vocabulaire ou lexique passif) et les mots produits par celui-ci (vocabulaire ou lexique actif). Le lexique se modifie constamment au cours de la vie.
La structuration du lexique est dépendante de sa prononciation, de sa catégorie grammaticale, de sa structure morphologique, de son sens. Chaque personne est en mesure de classer ses mots de façon intuitive générant alors divers regroupements interagissant entre eux (Daviault, 2011). Intéressons-nous à présent au lexique de manière plus approfondie dès les premières phases du développement de l’enfant.

LE DEVELOPPEMENT LEXICAL

Du babillage aux premiers mots

Les auteurs s’intéressent à la composante lexicale de manière précoce dans le développement. En effet, entre 6 et 9 mois, le nourrisson produit des syllabes de type consonne-voyelle répétées que l’on appelle le babillage. Des travaux ont montré qu’il y avait une continuité variable entre les productions sonores du babillage et l’organisation sonore des premiers mots qui apparaissent aux alentours de 1 an. Les premiers mots vont alors émerger mais l’étendue consonantique sera simplifiée par rapport au babillage. Entre 1 an et 3 ans, le lexique va se constituer. La production de mots s’accroît d’abord lentement : environ 10 mots sont produits à 12 mois, 30 mots à 14 mois, 65 mots à 16 mois, puis elle passe à 175 mots à 20 mois, 300 à 24 mois, et plus de 530 à 30 mois. Aux alentours de 18-20 mois, une période marque en particulier le développement du langage : celle de l’explosion lexicale (Kail, 2015) .

La période d’explosion lexicale

La période d’explosion lexicale est marquée par une forte augmentation de la production du vocabulaire chez l’enfant. L’enfant de 18 mois environ peut produire entre 4 et 10 mots nouveaux par jour et la combinaison de mots va s’amorcer. Certains auteurs expliquent que cette croissance excessive du vocabulaire en production résulte de la capacité de catégorisation des enfants. Ils seraient en mesure de comprendre que chaque élément appartient à une catégorie. Pour catégoriser activement des objets, les enfants doivent être capables de considérer les propriétés présentes ou potentielles des objets indépendamment de leur perception immédiate. Il est donc nécessaire de ne pas se limiter strictement aux traits perceptifs des éléments (Gopnik et Meltzoff, 1987). Au-delà de ce postulat, des règles sont avancées pour tenter d’expliquer l’acquisition de mots au cours du développement.

Quelques principes d’acquisition du lexique

Des théories et des principes sur l’acquisition de nouveaux mots sont partagés par différents auteurs (Barrett, 1995) (Bassano, 2000):
– Le principe de contraste : un mot nouveau doit être sémantiquement différent (avoir un sens différent) par rapport aux mots que l’enfant connaît déjà
– Le principe de conventionnalité : il y a toujours une forme linguistique conventionnelle pour une entité
– La théorie des prototypes : le sens d’un mot serait acquis par le biais d’un référent prototypique. Le référent prototypique est le mot étant le plus représentatif de la catégorie, c’est la représentation mentale d’un ensemble de traits perceptifs et fonctionnels en corrélation les uns avec les autres. Le sens d’un mot serait ensuite généralisé à d’autres référents avec lesquels ils partageraient plus ou moins de traits. Les catégories sont organisées en 3 niveaux : le niveau surordonné (le plus précoce et le plus générique), le niveau de base et le niveau subordonné (le plus spécifique). Par exemple, le niveau surordonné correspond aux animaux, le niveau de base à celui des oiseaux et le niveau subordonné à celui des mésanges.
– La théorie de la représentation d’événements : les représentations mentales globales d’événements fréquents du quotidien vont générer les premiers mots en production. L’enfant va ensuite analyser ses représentations d’événements qu’il va segmenter en unités distinctes aboutissant à une décontextualisation et à la prolifération de concepts.
Au-delà de ces principes pour l’acquisition des mots, des travaux ont tenté de décrire l’organisation lexicale des jeunes enfants.

La structuration du lexique

Suite à l’augmentation importante de la production lexicale des enfants de 18 mois, la question de la nature des items lexicaux acquis se pose. L’acquisition de noms serait plus précoce que celle des verbes. Jusqu’à au moins 18 mois, les noms constituent 40% des mots acquis. 30% sont des éléments para-lexicaux tels que les interjections, les particules d’interaction « oui/non » et les routines. Les verbes et les adjectifs constituent environ 15% des productions et les mots grammaticaux en représentent 10%. Au cours du développement, les noms et les éléments para-lexicaux diminuent alors que le reste augmente jusqu’à ce que chaque catégorie occupe quasiment la même proportion.
Si l’on revient sur la catégorie des noms, la distinction entre éléments animés et éléments inanimés prime pour l’organisation sémantique du lexique. Il y a ensuite des sous-classes qui se distinguent : il y a celle des noms communs, celle des noms propres, celle des noms abstraits et celle des noms concrets. Avant 18 mois, il semblerait que la majorité des noms produits soient des noms communs animés et inanimés concrets (noms d’objets et noms désignant des animaux ou des humains) et aussi des noms propres animés (noms des proches). Pendant et après l’explosion lexicale, ce sont les noms concrets inanimés qui sont les plus nombreux. Le nombre de noms communs animés diminuent. Les noms abstraits inanimés apparaissent en référence à des séquences d’action de type « dodo, histoire » puis en référence aux sentiments et aux émotions. (Bassano, 2005)
Plus tardivement dans le développement, une étude a montré un lien étroit entre l’étendue du répertoire lexical et la capacité de catégorisation des enfants de 4 à 6 ans. Les résultats concluent à un lien entre le développement lexical et les capacités catégorielles des enfants avec l’hypothèse que plus le vocabulaire de l’enfant est riche et organisé, plus l’activation en mémoire des propriétés des objets est facile et donc plus l’identification de traits communs sera évidente. (Florin, 2010) Par ailleurs, la classification de mots semble thématique pour les jeunes enfants, c’est-à-dire qu’ils catégorisent selon des règles spatio-temporelles contextuelles (exemple : chien/niche)(Rondal, Esperet, Gombert, Thibaut et Comblain, 2000).
Nous venons de décrire succinctement le développement typique du langage et plus particulièrement le développement du lexique chez l’enfant. Or, la composante lexicale peut être perturbée. Nous allons alors nous intéresser aux difficultés d’ordre lexical que l’on peut rencontrer chez certains enfants.

LES DEFICITS LEXICAUX

Les difficultés au niveau lexical

Les déficits lexicaux s’inscrivent généralement dans le cadre de trouble développemental du langage oral, autrefois appelés « dysphasie » ou bien dans le cadre de « retard de parole et de langage». Les difficultés concernant la composante lexicale concernent le plus souvent l’étendue du stock lexical passif, la disponibilité et la précision lexicale et son organisation en classes sémantiques.
Dans le cas de trouble développemental du langage oral, les enfants présentent un lexique verbal souvent restreint par rapport aux autres catégories grammaticales. Comme l’étendue de leur vocabulaire est limitée, ils doivent alors utiliser des termes plus génériques afin de s’adapter à différents contextes. De ce fait, la précision lexicale tend à se réduire. Des difficultés d’évocation peuvent également survenir mais elles peuvent être plus difficiles à identifier dans la mesure où il faut savoir si l’item lexical est connu ou non. Les difficultés d’évocation se caractérisent par un manque du mot en spontané ou en situation plus formelle.
Par ailleurs, l’organisation sémantique du lexique peut être perturbée : les enfants avec un trouble du langage oral peuvent avoir des difficultés dans l’établissement de liens ou de différences entre deux termes (hyperonymes, hyponymes, synonymes, antonymes). (de Weck et Marro, 2010) De plus, les mots encodés chez ces enfants contiendraient moins de propriétés sémantiques que ceux des enfants sans trouble du langage.(Schelstraete, Bragard, Collette, Nossent et Van Schendel, 2011)

Lien avec les composantes phonologique et sémantique

Un des freins majeurs à l’acquisition de mots nouveaux réside dans l’existence de difficultés phonologiques. En effet, pour acquérir un nouveau mot, l’enfant doit avoir recours à la segmentation de l’input de la parole, à la discrimination et à la création d’une représentation lexicale précise. Or, en cas de difficultés phonologiques, ces différents traitements peuvent être altérés.
De même, des problèmes d’ordre sémantique tels qu’une imprécision des représentations sémantiques des mots, une difficulté à organiser les relations sémantiques aboutissent à un réseau sémantique moins dense et moins structuré. Ceci engendre alors des altérations de l’encodage et de la rétention de nouveaux mots (Schelstraete et al., 2011)
Les déficits lexicaux sont variables en fonction des profils langagiers des enfants. Les contraintes phonologiques et sémantiques sont les deux freins importants qui peuvent gêner l’acquisition de mots nouveaux.
Il convient maintenant de voir quelles sont les pistes rééducatives à adopter pour remédier à ces difficultés.

LES PISTES REEDUCATIVES DES DEFICITS LEXICAUX

Dans le traitement de troubles lexicaux, l’intérêt de la rééducation sur les capacités phonologiques voire métaphonologiques et sur les compétences sémantiques est prouvé que ce soit pour développer le stock lexical ou bien pour améliorer l’évocation lexicale.

L’intervention sur l’aspect phonologique

Un travail sur la précision des représentations phonologiques est indiqué en utilisant notamment la discrimination et la segmentation afin que l’enfant distingue les mots phonologiquement proches. Des auteurs ont montré que la présentation de mots nouveaux avec des voisins phonologiques ne différant que par un son (paires minimales) facilitait l’acquisition de mots nouveaux. Le travail phonologique apparaît donc pertinent dans le développement lexical.

L’intervention sur l’aspect sémantique

La sollicitation de la sémantique lexicale se montre concluante dans le cas de trouble spécifique du langage. Des auteurs préconisent une progression développementale qu’ils ont définie à partir du développement d’enfants tout-venant. Cette démarche développementale consiste à commencer par travailler les prototypes d’une catégorie, c’est-à-dire les exemples les plus typiques d’une catégorie. La catégorie correspondra de préférence au niveau de base à savoir les catégories lexicales ni trop générales ni trop spécifiques. Toujours en suivant cette logique développementale, il est préconisé de travailler plusieurs catégories et ensuite seulement d’enrichir une même catégorie. Les propriétés sémantiques basées sur l’usage émergent plus précocement que les traits perceptifs. Aussi, les relations fonctionnelles entre deux concepts sont plus précoces que les relations catégorielles. Les auteurs conseillent donc de suivre cette évolution.
Hormis les aspects purement linguistiques, les stratégies d’intervention sont également importantes à prendre en compte. Le caractère naturel ou bien plus formel d’une prise en charge des déficits lexicaux a été comparé afin d’aiguiller le thérapeute vers une rééducation la plus efficace possible.

Intérêts des approches naturelle et didactique

Dans la littérature, l’approche naturelle consiste à insérer des mots nouveaux en conversation spontanée ou bien dans des histoires. Il s’agit d’un bain de langage comprenant des structures adaptées à l’enfant. Avant l’entrée dans l’écrit, le développement du langage est implicite et le caractère naturel est à conserver dans le cadre de la rééducation afin d’aboutir à une généralisation des mots plus efficiente.
L’approche didactique, elle, sollicite de nouveaux mots dans un contexte très structuré d’activités où l’enfant est amené à reproduire un modèle. La combinaison entre les deux approches semble bénéfique dans la majorité des cas. Il conviendra évidemment de définir la nature et la sévérité des déficits en amont. L’approche naturelle est davantage préconisée pour les retards d’acquisition du lexique mais également lorsque l’entourage est impliqué dans la rééducation. En effet, elle permet de reprendre les mots par la famille en dehors de l’intervention orthophonique et d’amener des stratégies d’apprentissage en contexte. L’approche didactique montre plus de bénéfices sur le développement lexical. Elle s’adresse davantage à des enfants dont les difficultés sont plus massives car elle cible des objectifs thérapeutiques plus spécifiques à travailler. (Schelstraete et al., 2011)

PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESES DE RECHERCHE

Problématique

Dans la mesure où le lexique est fortement dépendant des capacités de catégorisation, nous nous questionnons quant à la pertinence qu’aurait un travail basé sur des relations sémantiques et catégorielles pour développer le lexique chez des enfants présentant un déficit lexical réceptif et/ou expressif.
Par ailleurs, étant donné l’interdépendance entre la phonologie et le lexique, nous pouvons supposer que l’instabilité des représentations phonologiques des mots chez un enfant avec un trouble phonologique peut gêner l’acquisition de mots nouveaux. Ainsi un enfant avec un trouble phonologique bénéficiera-t-il au même niveau de cet entraînement sémantique et catégoriel sur son développement lexical qu’un enfant sans trouble phonologique ?

Hypothèses de recherche

Les hypothèses de recherche sont les suivantes :
• Hypothèse générale 1 : Les enfants bénéficiant du protocole de rééducation augmenteraient leur stock lexical actif et passif de manière significative.
 Hypothèses opérationnelles :
– Une amélioration significative serait attendue tant au niveau du score de désignation que du score de dénomination pour les patients.
– Les scores des enfants contrôle ne devraient pas différer de manière importante entre le pré-test et le post-test pour les mêmes épreuves.
• Hypothèses générale 2 : Une absence de généralisation du lexique serait attendue pour les patients.
 Hypothèse opérationnelle :
– Les scores de désignation et de dénomination des items non travaillés devraient connaître une progression moindre.
• Hypothèse générale 3 : Les patients présentant un trouble phonologique auraient une progression moins marquée que les autres patients sur les différents scores.
 Hypothèses opérationnelles :
– La comparaison des moyennes des scores de désignation et de dénomination serait en faveur d’une amélioration plus marquée pour les patients sans trouble phonologique
– La comparaison des moyennes des scores de répétition serait en faveur d’une amélioration plus importante chez les patients sans trouble phonologique.

Le rapport de stage ou le pfe est un document d’analyse, de synthèse et d’évaluation de votre apprentissage, c’est pour cela chatpfe.com propose le téléchargement des modèles complet de projet de fin d’étude, rapport de stage, mémoire, pfe, thèse, pour connaître la méthodologie à avoir et savoir comment construire les parties d’un projet de fin d’étude.

Table des matières

Remerciements
Sommaire
Partie théorique
I. Introduction
II. Le développement du langage
A. Les apports des différents courants théoriques
B. Les composantes du langage
III. Le développement lexical
A. Du babillage aux premiers mots
B. La période d’explosion lexicale
C. Quelques principes d’acquisition du lexique
D. La structuration du lexique
IV. Les déficits lexicaux
A. Les difficultés au niveau lexical
B. Lien avec les composantes phonologique et sémantique
V. Les pistes rééducatives des déficits lexicaux
A. L’intervention sur l’aspect phonologique
B. L’intervention sur l’aspect sémantique
C. Intérêts des approches naturelle et didactique
VI. Problématique et hypothèses de recherche
A. Problématique
B. Hypothèses de recherche
Partie pratique
I. Méthode
A. Population
B. Matériel
C. Procédure
II. Résultats
A. Statistiques descriptives des résultats des patients
B. Statistiques descriptives du groupe contrôle
C. Comparaison des résultats entre les groupes en pré et post-test
D. Résultats en lien avec l’hypothèse 1
E. Résultats en lien avec l’hypothèse 2
F. Résultats en lien avec l’hypothèse 3
Discussion
I. Réflexions autour des résultats
A. Retour sur l’hypothèse 1
B. Retour sur l’hypothèse 2
C. Retour sur l’hypothèse 3
II. Critiques et améliorations de la méthodologie
A. Population
B. Matériel
C. Procédure
Conclusion
Bibliographie

Télécharger le rapport complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *