L’intervention professionnelle en toxicomanie

L’intervention professionnelle en toxicomanie

Paul Ricoeur: le souci รฉthique comme responsabilitรฉ

Selon Ricoeur, la conscience se constitue en conscience morale lorsqu’ elle se fait toute entiรจre รฉvaluation. Cette รฉvaluation, sous forme de jugement, pose des repรจres ou des valeurs qui forment un ยซ habitusยป moral et qui servira de rรฉfรฉrence pour l’action, au sens oรน les valeurs constituent le motif de l’ action. Cependant malgrรฉ la stabilitรฉ de ces repรจres, il arrive que certaines situations relativement bouleversantes fassent naรฎtre un sentiment d’ angoisse qui dรฉstabilise alors notre habitus moral. Dans ces situations, les croyances, idรฉologies et certitudes dans lesquelles le jugement รฉtait auparavant ancrรฉ, ne supportent plus notre rรฉflexion car les points de repรจres que nous avions ne rรฉpondent plus ร  notre quรชte de sens. Cette angoisse nous incite ร  une rรฉรฉvaluation constante de nos valeurs. Porter un regard sur les valeurs fondant nos actions serait une habiletรฉ dรฉmontrant un souci รฉthique. Pour Ricoeur, le cadre de rรฉfรฉrence qui guide couramment nos actions constitue la morale. Lorsque cette morale ne peut plus guider nos actions, s’amorce un questionnement et une rรฉflexion sur les valeurs que Ricoeur nomme la rรฉflexion รฉthique.

Faire preuve de souci รฉthique c’ est donc autre chose que d’ agir conformรฉment ร  des valeurs; cela implique de porter attention et de remettre en question le schรจme de valeurs qui nous habite au-delร  de la morale. ยซ Mais c’est le fait que ce soit une รฉthique, c’est-ร -dire prรฉcisรฉment autre chose qu’une morale. La morale, c’ est l’obligation, c’est l’interdiction, c’ est la punition, qui a sa pla ce – ne’ cessm.re a, cause de la VยทlO 1e nce 12 ยป. La valeur permet d’ orienter l’agir, de diriger nos actions. Mais agir peut signifier agir avec ou sur autrui. Ainsi, agir constitue une forme de pouvoir sur les autres qui doivent apprรฉcier ou subir notre propre action. Pour Ricoeur, ce pouvoir peut donner lieu ร  la violence considรฉrรฉe dans son sens premier, c’est-ร -dire celui oรน un individu libรจre des pulsions destructrices au dรฉtriment d’autrui. Par la violence, le sujet agissant peut limiter, diminuer, anรฉantir le pouvoir et la capacitรฉ d’action des autres. Depuis le mensonge, oรน seul le langage paraรฎt maltraitรฉ, jusqu’ ร  l’imposition de souffrances physiques, les modalitรฉs de la violence sont multiples. Alors, lร  oรน il y a du pouvoir, il y a de la fragilitรฉ. [ .. . ] il Y a de la responsabilitรฉ [ … ] l’ objet de la responsabilitรฉ, c’est le fragile, le pรฉrissable qui nous requiert, parce que le fragile est, en quelque sorte, confiรฉ ร  notre garde, il est remis ร  notre soin Ainsi, la violence ou le pouvoir appelle ร  la responsabilitรฉ. Cette responsabilitรฉ qui nous incombe devient une belle reprรฉsentation du souci รฉthique qui suppose un รฉtat de bienveillance et d’รฉveil lร  oรน le bien pour autrui est menacรฉ. La valeur du respect de l’autre intime donc ร  agir au bรฉnรฉfice d’autrui.

Paul Ricoeur propose ร  cet รฉgard un savoir-รชtre qui tend ร  s’รฉloigner de l’agir potentiellement violent pour autrui. La premiรจre attitude requise par ce savoir-รชtre rรฉside dans la reconnaissance de l’autre tel qu’il est. Ricoeur nomme cet autre le sujet capable. La capacitรฉ fait de l’รชtre humain un sujet de droit, lequel correspond ร  tout รชtre pouvant rรฉpondre ร  la question ยซ qui? ยป. La personne qui peut s’imputer la responsabilitรฉ d’une action dรฉmontre une capacitรฉ. Or, reconnaรฎtre autrui comme sujet capable, c’est รฉviter de lui imposer une contrainte dans ce qu’il fait et dans ce qu’il est. Jean-Franรงois Malherbe reprendra cette idรฉe pour montrer que le souci รฉthique rรฉside dans la prรฉoccupation envers autrui, expliquant que la fonction des interdits du meurtre, de l’inceste et du mensonge est d’empรชcher la violence et la contrainte. Ricoeur met รฉgalement en lumiรจre l’importance, dans le respect d’autrui, de la diffรฉrence entre le normal et le pathologique.

Habituellement, la normalitรฉ se dรฉfinit comme ce qui se rapproche de la moyenne observรฉe ou acceptรฉe selon les critรจres sociaux du vivre ensemble. Cette conception de la normalitรฉ doit cependant รชtre remise en question si les personnes sont pensรฉes comme des sujets de droit et comme des individus capables et responsables de leurs actions. Qu’est-ce qui est alors normal? L’acceptation d’autrui, dans sa subjectivitรฉ et sa singularitรฉ, devient ainsi une condition du respect. L’individu, en effet, constitue plus qu’ une variante singuliรจre: l’individualitรฉ comporte la possibilitรฉ de l’ irrรฉgularitรฉ, de l’ รฉcart, de l’ anormalitรฉ. Mais par rapport ร  quoi? Nous en concluons donc que nos efforts ร  ramener ร  la normale tout comportement moins acceptรฉ ou moins frรฉquent peuvent devenir une forme de violence dans nos relations puisqu’ils exercent une contrainte. L’ intervention dans le domaine de la toxicomanie offre plusieurs exemples de violence de la part de l’intervenant. Le consommateur qui dรฉveloppe une dรฉpendance ร  l’รฉgard de la drogue ou de l’alcool est souvent considรฉrรฉ comme marginal, voire anormal.

Sa consommation, jugรฉe comme dรฉviante, en inquiรจte plus d’ un. Dans ce contexte, le rรฉflexe d’ un intervenant est facilement de ramener la personne dans la voie habituelle, lui faire adopter un comportement moralement acceptรฉ par l’ensemble de la collectivitรฉ. Toutefois, si telle n’ est pas la motivation du consommateur abusif, la contrainte sera alors รฉvidente; cette dรฉmonstration de violence sera apparente et observable aussi longtemps que l’ intervenant entretiendra son objectif personnel selon sa propre vision de la problรฉmatique sans tenir compte de la subjectivitรฉ du locuteur. Le dรฉfi, selon la visรฉe รฉthique proposรฉe par Ricoeur, rรฉside dans la recherche d’un terrain (Malherbe parle de tiers-jeu I4 ) oรน une rencontre pourra se faire entre les individus prรฉsentant des intรฉrรชts et des enjeux divergents dans le respect de chacun dans un esprit de collaboration.

Pierre Fortin: le souci รฉthique comme engagement S’ inspirant de la notion de souci รฉthique dรฉveloppรฉe par Paul Ricoeur, qu’il reprend pour penser une รฉthique de l’ intervention, Pierre Fortin prend soin de diffรฉrencier lui aussi les notions de morale et d’รฉthique. Son ouvrage La morale, l ‘รฉthique, l’รฉthicologie l6 se penche justement sur cette question. Pour lui, cette diffรฉrence est importante car elle constitue un prรฉalable ร  toute rรฉflexion รฉthique. ร€ l’ instar de Ricoeur, Fortin dรฉfinit la morale comme un systรจme de rรจgles non รฉcrites qui guident nos conduites individuelles et collectives. Or, dans toute morale, on รฉvalue, en rรฉfรฉrence au bien et au mal, des actions, des attitudes et des comportements ainsi que des personnes qui les accomplissent ou les adoptent. Nous pouvons donc dรฉfinir la morale comme un systรจme de rรจgles d ‘ action qui dรฉterminent la conduite. En ce sens, bien agIr, c’est obรฉir aux rรจgles. Ces rรจgles s’ expriment sous forme d’ interdictions, d’obligations et de devoirs. L’ รฉthique, quant ร  elle, est dรฉfinie comme la rรฉflexion critique sur la distinction entre le bien et le mal. Elle influencera donc un art de vivre plus ou moins รฉlaborรฉ. Pour ce faire, l’ รฉthique recherche les fondements de l’obligation, elle fait une apprรฉciation des rรจgles ou des principes d’ action. En somme, ยซ la morale est un discours prescriptif qui porte sur l’ action ร  rรฉguler et l’รฉthique est un discours apprรฉciatif qui porte sur le jugement qui commande l’ action morale l ? ยป.

Quel lien pouvons-nous รฉtablir entre cette distinction et le souci รฉthique? En fait, en conciliant la rรฉflexion de Ricoeur ร  celle de Fortin, nous pouvons convenir que le souci รฉthique implique de porter notre attention sur les valeurs qui motivent nos actions et que ce mรชme souci permet le dรฉveloppement d’une conscience de soi et de son environnement. Aller au-delร  de la morale, c’est s’ employer ร  ne pas simplement suivre le courant, ce qui serait aisรฉ, mais plutรดt ร  รฉcouter les soupรงons qui รฉbranlent nos certitudes et nos habitudes. Dans la pratique de l’ intervention, dรฉmontrer un souci รฉthique pourrait vouloir dire demeurer attentif ร  nos actions afin d’ รฉviter de poser des gestes machinaux ou d’agir de maniรจre habituelle, mรฉcanique, sans tenir compte de la singularitรฉ de chacun avec ses propres besoins et ses propres idรฉologies. Le souci รฉthique dans l’ intervention requiert, dans l’ actualisation de nos dรฉcisions et de nos actions, une prรฉoccupation pour autrui.

Pierre Fortin prรฉsente le souci รฉthique de diverses faรงons. La premiรจre que nous relevons expose plus prรฉcisรฉment la fonction de l’รฉthique: Le mot qui convient le mieux pour qualifier le travail de crรฉation qu’appelle l’รฉthique, et ce qui l’anime, c’est le souci. Le souci รฉthique, c’est ce qui permet d’ apprรฉhender le plus lucidement possible les enjeux en cause dans le jeu du langage que nous utilisons au-delร  du bien et du mal, pour exprimer notre condition et donner un sens ร  nos actionsl8 . Considรฉrer le caractรจre apprรฉciatif de l’รฉthique qui ne s’arrรชte pas au bien et au mal maintient le sujet dans un รฉtat de quรชte du sens: ยซ Quand on parle du souci รฉthique, on rรฉfรจre ร  un รฉtat d’esprit particulier, celui d’รชtre absorbรฉ et prรฉoccupรฉ par la question du sens I9 ยป. Le souci รฉthique, selon Fortin, est donc cette disposition qui dรฉmontre une prรฉoccupation ou de la perplexitรฉ face ร  tout รฉvรฉnement mettant en cause notre perception du sens. Le souci รฉthique fait appel ร  un savoir-รชtre qui tรฉmoigne de la perspicacitรฉ nรฉcessaire ร  l’identification d’une problรฉmatique รฉthique. .

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Table des matiรจres

AVANT-PROPOS
Rร‰sUMร‰
TABLES DES MATIรˆRES
LISTE DES TABLEAUX
INTRODUCTION
L’ intervention en toxicomanie ..
La question et les objectifs de la recherche
Pertinence de la question de recherche
PREMIรˆRE PARTIE LE CADRE TI-Iร‰ORIQUE
1. La notion de souci รฉthique
1.1. Paul Ricoeur: le souci รฉthique comme responsabilitรฉ
1.2. Pierre Fortin : le souci รฉthique comme engagement
1.3. Jean-Franรงois Malherbe: le souci รฉthique comme quรชte de l’ autonomie rรฉciproque
Conclusion
2. Du souci รฉthique ร  la compรฉtence รฉthique
2.1. La compรฉtence รฉthique
2.2. Enseigner l’รฉthique dans l’optique du dรฉveloppement de la compรฉtence รฉthique
Conclusion
DEUXIรˆME PARTIE L’INTERVENTION
1. La dรฉmarche et la mรฉthodologie
2. Le contenu pรฉdagogique de l’ intervention
3. Les questionnaires
3.1. Le prรฉ-test
3.1.1 . Rรฉponses aux questions
3.1.2. Synthรจse
3.2. Le post-test
3.2.1. Rรฉponses aux questions 1
3.2.2. Synthรจse
4. Le journal de bord
4.1. L’ introduction ร  l’รฉthique
4.2. L’intervention professionnelle en toxicomanie
4.3 . La mรฉthode de dรฉlibรฉration รฉthique
4.4. Synthรจse
5. Prospectives par rapport au contenu d’une formation en รฉthique de l’intervention
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXE 1

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