Dans le contexte de la globalisation des marchés, la question de l’internationalisation de la firme, même de taille modeste doit être soulevée (Hitt et Bartkus, 1997). Les entreprises – quelle que soit leur taille- se trouvent donc obligées de s’adapter aux nouvelles donnes de l’ouverture internationale si elles veulent survivre (Julien et al., 1994). L’internationalisation est d’autant nécessaire que la concurrence internationale évolue rapidement, remettant en question souvent brutalement les situations acquises. L’ouverture internationale de l’économie est le cadre d’une redistribution des parts de marché et des risques dans des espaces économiques décloisonnés (Lemaire, 2013). Pour les petites entreprises, les technologies de l’information et de la communication (TIC) offrent l’opportunité de nouvelles ressources dans plusieurs domaines d’activités.
Les PME bénéficient parfois d’accompagnements dans leur développement à l’international, sous plusieurs formes, mais des freins subsistent pour nombre d’entre elles :
1) les TIC sont très utiles pour accompagner le développement mais le déploiement informatique pour autant « ne crée pas le projet d’entreprise y compris à l’international » (Boutary, 2007).
2) « Les accompagnateurs externes apportent nombre d’informations, mais l’intérêt des informations pour l’entreprise n’est pas souvent en rapport » (Julien, 2006, Boutary, 2007).
« L’accompagnement externe est un outil, mais « ce qui est essentiel, est la façon dont l’entreprise s’empare de l’information et des outils à sa disposition (Boutary, 2003). » Par ailleurs, les travaux de Cuillere (2003), Bayad (2011) et Gallais (2009) confirment les défaillance d’un système d’accompagnement à l’international externe qui serait sans relais en interne : « les structures externes d’accompagnement, apparaissent peu légitimes aux yeux des dirigeants…« le refus d’accompagnement à l’international est une relative constance dans les PE…ou au mieux des réticences fréquentes à l’accompagnement externe particulièrement fortes dans les PE ».
Le processus d’internationalisation de la PME et de la TPE/PME
Les caractéristiques des PME et des TPE, identifiées à partir de la littérature, permettent d’établir un cadre théorique à partir duquel sont construits les processus managériaux y compris d’internationalisation des PE qui représentent le stade intermédiaire entre la TPE et la PME. L’échantillon de notre exploration est composé d’entreprises de ce type. Trois corps théoriques sont choisis pour aboutir à conceptualiser l’internationalisation de la PE : les théories de la PME, de l’internationalisation et des représentations organisationnelles. La petite entreprise est définie par la Commission européenne en termes de taille (de 10 à 49 employés), de volume d’activité (Chiffre d’affaires < 10 millions d’euro) et d’actifs (Total bilan < 10 millions d’euro). Les approches récentes des organisations sous leurs aspects comportementaux et des représentations entrepreneuriales sont particulièrement opportunes pour une meilleure compréhension de la dynamique des PE.
les spécificités de la petite entreprise, de son comportement managérial et organisationnel
Cette section est consacrée à une revue de la littérature portant sur la PME et l’analyse de la PE d’un point de vue économique, en tant qu’organisation et dans la perspective de son internationalisation. Cette démarche s’inscrit donc dans une logique économique en considérant la firme comme un centre de décision économique, comportant une dimension humaine et comportementale. Les modèles selon lesquels les hommes s’organisent pour produire des biens et des services prennent forme depuis les auteurs classiques (Fayol, 1919; Taylor, 1911). Ils ont encouragé une approche pragmatique, combinant management des équipes, prise en compte des attentes des clients et recherche de la rentabilité, en se centrant sur le couple produit-marché. Cette vision a évolué en raison des transformations de l’environnement des entreprises : l’accélération des moyens de communication, la libéralisation et la déréglementation, l’ouverture internationale exigent une plus grande flexibilité de l’organisation, pouvant exiger une réactivité quasi instantanée des acteurs. La nécessité de replacer l’humain dans cette approche s’est avérée nécessaire (Chanlat, 1990). Ainsi, sont considérés les éléments de théorie économique qui font de l’entreprise un lieu privilégié de décision économique et stratégique, mais aussi l’importance des dimensions comportementales, des représentations organisationnelles et de l’apprentissage organisationnel.
Cette recherche s’attache à développer une approche plus spécifique de la PE : Le stade de la PE, définie par la Commission européenne en termes de taille (de 10 à 49 employés), pouvant être considérée comme intermédiaire du développement d’une entreprise entre sa création (TPE) et les phases ultérieures de son développement en considérant les paliers de taille retenus le plus généralement par les observateurs et notamment par la Commission européenne. Cette étape charnière est déterminante pour l’avenir de l’entreprise pour autant qu’elle conduit le chef d’entreprise et son équipe de collaborateurs proches à envisager des mutations radicales de l’organisation. Notre approche n’est pas limitée au seul périmètre des entreprises ayant des activités liées aux TIC. Toutefois, les spécificités organisationnelles de la PE restent à préciser. Les contributions récentes portant sur les comportements organisationnels et les représentations entrepreneuriales constituent des apports précieux pour mieux définir dans une perspective dynamique les PE.
Les théories et les spécificités de la PME
Dans le prolongement des théories économiques et sociales développées à partir du XIXème siècle ont été développées des contributions plus récentes portant sur l’entrepreneur et sur la firme. Lors de l’industrialisation du 19ème siècle et durant le formidable élan économique de la première moitié du 20ème siècle, des travaux de Schumpeter (1934), de Commons et Veblen (1930) ou encore de Coase (1937) ont, en effet, été déterminants. Ces auteurs vont être parmi les premiers à analyser le phénomène de la firme et/ou de l’entrepreneur et à créer des liens entre ses dimensions sociales et économiques. Ainsi Schumpeter mettait en évidence dès 1934 le rôle de l’entrepreneur dans la sphère économique en mettant en évidence les spécificités de l’entreprise en tant qu’institution, les caractéristiques de la fonction d’entrepreneur en considérant particulièrement la petite entreprise.
Dans ce sens, un courant dit institutionnaliste s’était constitué aux Etats-Unis, pour l’essentiel, à partir des recherches de Veblen et de Commons. Ainsi, dès 1904, Veblen, dans son ouvrage Theory of Business Enterprise, établit une distinction claire entre les entrepreneurs de PE et les capitalistes des grandes entreprises. Commons (1921), dans son Industrial Government, discute du rôle des classes moyennes en lien avec les PE dans le développement économique. Ansiaux (1926), justifie dans son Traité d’économie politique l’existence des PME par la nécessité de répondre à des demandes très spécifiques de faible volume (dites, ultérieurement, « de niche »), notamment celles qui comportent un niveau élevé de personnalisation, ou encore correspondant à des, services requérant une proximité immédiate (boulanger, pharmacien, cordonnier). Ces contributions sont à l’origine de la future théorie des interstices de Penrose (1959), évoquée plus loin. Ansiaux ajoute qu’un des avantages des PME sur les grandes entreprises, malgré l’absence d’économie d’échelle, est que les coûts de contrôle sont à peu près absents.
La notion de comportement
Plus tard, des chercheurs comme Kaplan (1948), Steindl (1947) et Churchill (1955), concluent que les PME se distinguent des grandes entreprises, tant dans leurs comportements que du point de vue de leur développement par rapport à la concurrence internationale. Ces auteurs marquent une évolution de la théorie au-delà du seul couple produit-marché vers une prise en compte du comportement organisationnel. Globalement, la forte concentration des richesses industrielles, entre les années 1930 et 1950, conduit les auteurs à se focaliser sur les très grandes entreprises, jugeant que les autres formes d’organisations n’avaient pas d’intérêt économique comparable. Au sein de la théorie de la firme, la PME constituait donc un parent pauvre. Il a fallu attendre les années 1970 et la déconcentration des activités économiques pour que la PME redevienne un objet de recherche significatif. Les études modernes de la PME débutent donc, pour l’essentiel, au cours des années 1970. Dans une perspective plus managériale parmi les principaux précurseurs des théories des organisations, apparaissent le français Fayol (1916) et l’américain Taylor (1911). Tous deux sont considérés comme les fondateurs de ce qu’on a coutume d’appeler « l’école classique du management » et leurs idées sont largement mises en pratique dans les entreprises. Fayol s’est principalement intéressé aux problèmes de direction de l’entreprise et a jeté les bases de la théorie administrative. Taylor s’est, quant à lui, davantage penché sur l’organisation des ateliers de production; il a d’ailleurs, donné son nom au « taylorisme » ou « gestion scientifique du travail ». Taylor, comme Fayol ne se sont, d’ailleurs, pas préoccupés d’identifier les facteurs qui ont prévalu à l’émergence des différentes structures des organisations, mais, plutôt, de dégager les règles à respecter pour gérer de façon optimale une entreprise. Ces travaux visaient principalement les grandes entreprises, mais le fondement sociologique de cette large théorie permet aussi de considérer l’organisation à taille plus humaine, comme la PME. Par la suite, les travaux sur la dynamique des entreprises, ont, surtout, visé la rationalisation de la production, au détriment des aspects relationnels entre les acteurs impliqués. Ces études du développement des firmes ont conduit à la mise en évidence, entre autres, des mécanismes de l’internationalisation durant leur croissance, en référence à la théorie de la croissance de la firme (Penrose, 1959). La théorie développée par cet auteur constitue, à la fois, une nouvelle vision de l’entreprise et une attention nouvelle apportée à la relation entre le management stratégique et l’organisation.
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Table des matières
INTRODUCTION GENERALE
PARTIE 1 : ANALYSE THEORIQUE DES SPECIFICITES DE LA PE ET DE SON INTERNATIONALISATION
INTRODUCTION DE LA PARTIE 1
CHAPITRE I : LE PROCESSUS D’INTERNATIONALISATION DE LA PME ET DE LA TPE/PME
INTRODUCTION DU CHAPITRE 1
SECTION I: LES SPECIFICITES DE LA PETITE ENTREPRISE, DE SON COMPORTEMENT MANAGERIAL ET ORGANISATIONNEL
SECTION II : L’INTERNATIONALISATION DE LA PME ET DE LA PE
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
CHAPITRE II : UNE NOUVELLE REPRESENTATION ORGANISATIONNELLE : LA FACILITATION D’INTERNATIONALISATION
INTRODUCTION DU CHAPITRE 2
SECTION I : LES REPRESENTATIONS ORGANISATIONNELLES ET ENTREPRENEURIALES
SECTION II : LE PROCESSUS DE FACILITATION D’INTERNATIONALISATION DANS LA PE
CONCLUSION DU CHAPITRE 2
CONCLUSION DE LA PARTIE 1
PARTIE 2 : ETUDE EMPIRIQUE DU PROCESSUS DE LA FACILITATION D’INTERNATIONALISATION DANS LES PETITES ENTREPRISES
INTRODUCTION DE LA PARTIE 2
CHAPITRE III : DEMARCHE METHODOLOGIQUE ET MISE EN ŒUVRE DE LA RECHERCHE
INTRODUCTION DU CHAPITRE 3
SECTION I : LA DEMARCHE DE LA RECHERCHE
SECTION II : LA MISE EN ŒUVRE DE LA DEMARCHE DE RECHERCHE : LES OUTILS METHODOLOGIQUES
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
CHAPITRE IV : RESULTATS ET DISCUSSION PORTANT SUR LA FACILITATION D’INTERNATIONALISATION
INTRODUCTION DU CHAPITRE 4
SECTION I : LA MISE EN EVIDENCE DES PRINCIPAUX RESULTATS
SECTION II : LA FACILITATION D’INTERNATIONALISATION INFLUENCE LE CONSERVATISME DE LA PE : SYNTHESE DES RESULTATS
CONCLUSION DU CHAPITRE 4
CONCLUSION DE LA PARTIE 2
CONCLUSION GENERALE
BIBLIOGRAPHIE