En France, la maladie de Parkinson touche plus de 200 000 personnes. Il s’agit de la deuxième maladie neurodégénérative la plus fréquente et atteint principalement les personnes âgées de plus de 58 ans en moyenne. La prévalence et l’incidence augmentent avec l’âge jusqu’à 80 ans. C’est une des causes majeures de handicap chez l’adulte avec 25 000 nouveaux cas par an et est considérée comme un problème majeur de santé publique. C’est une pathologie évolutive qui se caractérise par la destruction de neurones dopaminergiques situés dans la substance noire du cerveau et qui, à terme, induit chez les patients la perte d’autonomie et l’impossibilité de marcher. Ce syndrome extrapyramidal chronique incurable diminue progressivement la qualité de vie du malade et de son entourage. Les patients atteints de cette affection nécessitent une prise en charge pluridisciplinaire afin de traiter au mieux les différents symptômes survenus. Hormis la triade symptomatique, l’un des principaux symptômes secondaires est la dysphagie qui se caractérise par une difficulté à la déglutition. Il s’agit d’une sensation de gêne ou de blocage ressentie lors de l’alimentation pouvant entrainer de graves conséquences. Ce trouble est une anomalie des muscles de la sphère orale similaire à l’atteinte motrice des membres c’est-à-dire traduit par une absence de contraction, une mauvaise synchronisation, une action trop faible, trop lente ou retardée. Les traitements existants sont multiples et de nombreux soins sont fonction du stade d’évolution ainsi que des troubles présents. Concernant l’altération de la déglutition, des traitements médicamenteux ou médicaux sont prescrits, l’orthophonie et le suivi diététique sont recommandés, mais la kinésithérapie est très peu utilisée. Cependant, depuis quelques années de nouvelles techniques sont développées pour traiter ce symptôme comme l’EMST (Expiratory Muscle Strength Training) qui est un entrainement de renforcement des muscles expiratoires. Ce travail s’accomplit grâce à un appareil, l’EMST150, qui est un simulateur de seuil de pression.
La maladie de Parkinson
Histoire de la maladie
La maladie de Parkinson fut découverte en 1817 par un célèbre médecin britannique, Sir James Parkinson, qui la décrit à ce moment-là comme « paralysie agitante ». Ce ne sera qu’en 1872, qu’un neurologue français Jean Martin Charcot, après l’étude des tremblements et de la paralysie engendrés, lui donnera son nom. En 1920, un an après la découverte du processus lésionnel dans la substance noire, il apparait de nombreux cas de syndromes parkinsoniens dus à l’encéphalite épidémique. Dans les années 60, la mise en évidence de l’effondrement du taux de dopamine chez ces patients a permis le développement de la dopathérapie qui a vu son effet diminué au cours du temps. Depuis, grâce à de nombreux travaux et aux progrès médicaux notamment en neurochimie, de nouveaux traitements se sont suivis commençant par les inhibiteurs de la décarboxylase, puis depuis une quinzaine d’années, par les agonistes dopaminergiques.[1]
Anatomo-physiopathologie
Le locus niger ou substance noire du cerveau est composé de nombreuses cellules nerveuses, les neurones dopaminergiques. La dopamine de ces cellules module par la synapse nigrostriée le fonctionnement des ganglions de la base qui jouent un rôle dans l’élaboration des actes moteurs. Ces ganglions sont nécessaires à l’initiation des fonctions motrices par déclenchement des programmes moteurs et par l’exécution automatique de ceux-ci.[2] Les noyaux gris centraux peuvent ainsi faciliter les mouvements intentionnels et inhiber les mouvements indésirables.[3][4] La dégénérescence progressive de ces neurones dopaminergiques dans la substance noire et au niveau du striatum notamment s’accompagne d’une perturbation des réseaux neuronaux. Cette disparition est également associée à la présence de corps de Lewy, marqueur évocateur de la maladie. Ces marqueurs sont des amas pathogènes formés par l’α-synucléine, protéine naturellement présente chez les sujets sains mais retrouvée sous une forme remaniée chez les malades.[5] L’atteinte de cette voie correspond à l’origine de la maladie de Parkinson et entraine donc un déficit du contrôle de certains mouvements.
Causes, facteurs de risques et facteurs préventifs
L’exactitude des causes reste à ce jour incertaine. En effet, il s’agit d’une maladie idiopathique dont le principal facteur de risque est l’âge. Par ailleurs, d’après certaines études, la dégénérescence neuronale serait favorisée par des facteurs génétiques et environnementaux. De multiples origines (génétique, toxique, en lien avec une autre maladie…) ont été étudiées ou sont en cours d’études par différents auteurs.
Les résultats montrent que malgré une origine génétique reconnue et décelée chez des familles, ces risques ne seraient pas constamment liés au développement de la maladie et représenteraient une infime partie des formes présentes (5%).[6] Concernant les risques environnementaux, des chercheurs ont trouvé une corrélation entre l’exposition aux pesticides (insecticides de type organochloré) chez les agriculteurs et l’accroissement du risque d’atteinte. D’autre part, il revient parfois dans la littérature des facteurs qui apparaitraient comme protecteurs tels que le tabac, le café, une alimentation riche en fer ou encore des traitements médicaux et physiques.
Symptomatologie
Les principaux signes cliniques apparaissent progressivement vers l’âge de 60 ans. Avant cet âge, le patient reste asymptomatique car le cerveau compense la baisse de dopamine par des processus de plasticité. Il faut attendre un pourcentage élevé de perte des neurones (50 à 70%) pour que les premiers signes apparaissent.[7] Le diagnostic repose sur l’existence de symptômes moteurs et non-moteurs toujours asymétriques, d’intensité variable et sans nécessité de présence conjointe.
• Symptomatologie motrice
La maladie de Parkinson est caractérisée par une triade symptomatique (unilatéral ou asymétrique) :
– L’akinésie ou bradykinésie : difficultés à l’initiation des mouvements automatiques et volontaires entrainant une lenteur et une perte d’amplitude.[8]
– L’hypertonie : augmentation exagérée et permanente du tonus musculaire en particulier des fléchisseurs entrainant une rigidité.
– Les tremblements au repos : touchent principalement les membres supérieurs et disparaissent lors de l’activité.[9] Ces signes spécifiques peuvent être à l’origine de symptômes moteurs secondaires, avec ou sans physiopathologies particulières, que sont la dystonie, le freezing, la festination, l’instabilité posturale, la dysarthrie, l’hypophonie [10], l’hyper sialorrhée, la micrographie, l’amimie ou encore la dysphagie .
• Symptomatologie non-motrice
Cette symptomatologie fluctuante serait due à des répercussions de la maladie sur les structures cérébrales non dopaminergiques. Nous retrouvons ainsi des troubles cognitifs (d’une atteinte légère à la démence), comportementaux (hallucinations et délire) mais également des troubles du sommeil, de l’équilibre, une anosmie, des douleurs et une dépression. Pour la dysautonomie, cela entraine des troubles sphinctériens, une constipation, des mictions urgentes et une hypotension orthostatique. Certains symptômes, moteurs ou non, peuvent apparaitre plusieurs années avant la triade caractéristique et seront ainsi annonciateurs de la maladie.
Traitements
La maladie de Parkinson étant à ce jour incurable, les traitements existants restent symptomatiques et permettent de freiner au mieux la dégénérescence des neurones et surtout d’en compenser la perte. Ils ont pour but une amélioration de la qualité de vie et une ré-autonomisation des patients.
• Traitements médicamenteux et chirurgies
– Levodopa ou L-Dopa : agit efficacement sur la triade symptomatique principalement mais se suit d’une réduction des effets avec présence d’effets secondaires tels que des dyskinésies, nausées, hallucinations, trouble du rythme cardiaque…
– Agonistes dopaminergiques : jouent le rôle de la dopamine avec une action plus large sur les signes présents mais entrainent des changements de comportement.
– Stimulation Cérébrale Profonde : neurochirurgie lourde, peu utilisée car nécessite de nombreux critères d’éligibilité et qui correspond à une implantation de petites électrodes dans la zone subthalamique qui va permettre une stimulation du cerveau. Les traitements médicamenteux sont adaptés à chaque malade et sensibles à un ajustement tout au long de l’évolution de la maladie.
• Traitements non-pharmacologique
Ce type de traitement complémentaire regroupe les thérapies permettant une amélioration de la qualité de vie et apportant un réel confort au patient. Ils ont pour objectif une amélioration de l’autonomie et des symptômes. Cela concerne surtout la kinésithérapie mais aussi la psychothérapie, la thérapie nutritionnelle et l’orthophonie. La prise en charge psychologique est importante car cette maladie est source d’angoisse et de dépression. Elle sera bénéfique, au début, à l’annonce de la maladie mais également tout au long de celle-ci pour faire face à l’apparition de nouveaux handicaps. Un nutritionniste apportera à ces patients une aide en améliorant leur régime alimentaire et l’absorption des aliments. Cela favorisera la prise et l’efficacité des médicaments. La mise en relation avec l’orthophoniste préviendra ou corrigera les troubles de la phonation, de la déglutition, de l’écriture mais aussi les troubles mimiques qui sont des facteurs d’isolement social. La kinésithérapie a, depuis de nombreuses années, fait ses preuves dans la rééducation du patient parkinsonien. La rééducation fonctionnelle doit être commencer précocement et aura principalement :
– des effets cliniques, comme la correction de postures, l’amélioration des paramètres de marche, de l’équilibre…
– des effets neurophysiologiques, avec une neuro-restauration, une neuro-protection (démontrées chez l’animal), une activité favorisée de la L-Dopa et une action sur la plasticité et le fonctionnement cérébrale.
La dysphagie parkinsonienne
La dysphagie est un symptôme moteur secondaire de la maladie de Parkinson. Elle se définit comme un trouble de la déglutition se caractérisant par des difficultés à avaler et/ou une toux lors du passage des aliments de natures diverses. Il en existe de deux types : la dysphagie oropharyngée et la dysphagie œsophagienne.
Signes évocateurs et risques
Touchant plus de 80% des patients parkinsoniens, ce symptôme reste une priorité à diagnostiquer. La sémiologie dysphagienne est très variable et diffère pour chaque personne. Les fausses routes alimentaires correspondent au principal signe évocateur, et se manifestent par un passage d’un aliment dans les voies aériennes. Ces mauvais acheminements peuvent être silencieux et ne pas être décelable ou à contrario ressenties par le patient et fragilisant les voies respiratoires. D’autres signes présents lors des repas favoriseront le constat de la dysphagie tels que l’existence de toux régulière, de reflux nasaux, fuites alimentaires buccales et des douleurs lors de la déglutition. Le maintien prolongé des aliments dans la bouche, une durée de repas excessives, le changement de voix et la présence de restes après la déglutition sont des situations évocatrices. [25] Il existe également des symptômes non spécifiques au repas. Nous retrouvons la perte de poids, des épisodes de fièvres récurrents et inexpliqués ou encore une pneumopathie chronique qui suis une infection due à des aliments passés dans les voies pulmonaires.
Chaque signe est important à prendre en compte car il entraine de nombreux risques. La dénutrition, la pneumonie d’inspiration ou l’étouffement sont les principaux risques, d’autant plus qu’à terme ils peuvent entrainer la mort.[26] L’insuffisance d’apports nutritionnels aura un impact sur l’état général et l’activité du malade. Des carences alimentaires ainsi qu’une déshydratation feront leur apparition lorsque des catégories de nourriture vitale ne seront plus consommées. Les autres risques causeront des problèmes respiratoires et un arrêt de nutrition, dangereux pour sa santé.
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Table des matières
1. INTRODUCTION
1.1 LA MALADIE DE PARKINSON
1.1.1 Histoire de la maladie
1.1.2 Anatomo-physiopathologie
1.1.3 Causes, facteurs de risques et facteurs préventifs
1.1.4 Symptomatologie
1.1.5 Traitements
1.1.6 Évolution et échelles
1.2 LA DYSPHAGIE PARKINSONIENNE
1.2.1 Signes évocateurs et risques
1.2.2 Origines et causes
1.2.3 Bilans et évaluations
1.2.4 Prise en charge thérapeutique
1.3 L’EXPIRATORY MUSCLE STRENGTH TRAINING (EMST)
1.3.1 Découverte
1.3.2 Description de l’appareil
1.3.3 Objectifs du traitement
1.3.4 Mécanisme de l’EMST
1.3.4.1 Activités physiologiques
1.3.4.2 Actions sur la dysphagie parkinsonienne
1.3.5 Précautions et contre-indications
2. METHODE
2.1 CRITERES D’ELIGIBILITE DES ETUDES POUR CETTE REVUE
2.1.1 Type d’étude
2.1.2 Population et pathologie
2.1.3 Intervention
2.1.4 Comparateurs
2.1.5 Critères de jugement
2.2 METHODOLOGIE DE RECHERCHE DES ETUDES
2.2.1 Sources documentaires
2.2.2 Équation de recherche
2.3 METHODE D’EXTRACTION ET D’ANALYSE DES DONNEES
2.3.1 Méthode de sélection des études
2.3.2 Évaluation de la qualité méthodologique des études sélectionnées
2.3.3 Extraction des données
2.3.4 Méthode de synthèse des résultats
3. RESULTATS
3.1 DESCRIPTION DES ETUDES
3.1.1 Diagramme de flux
3.1.2 Synthèse des études inclues
3.2 RISQUE DE BIAIS DES ETUDES INCLUES
3.2.1 Présentation des biais
3.2.2 Évaluation des biais
3.3 EFFETS DE L’INTERVENTION SUR LES CRITERES DE JUGEMENT
3.3.1 Effets de l’EMST sur la dysphagie parkinsonienne
3.3.1.1 Étude de Troche M.S. et al, 2010
3.3.1.2 Étude de Claus I. et al, 2021
3.3.1.3 Étude de Sapienza C. et al, 2011
3.3.1.4 Étude de Byeon, 2016
3.3.1.5 Étude de Reyes A. et al, 2018
3.3.2 Effet de l’EMST sur la toux réflexe et volontaire
3.3.2.1 Étude de Sapienza et al, 2011
3.3.2.2 Étude de Reyes et al, 2018
4. DISCUSSION
4.1 ANALYSE DES PRINCIPAUX RESULTATS
4.1.1 Analyse sur la dysphagie parkinsonienne
4.1.1.1 Le P-A score
4.1.1.2 La mesure de la Pression Expiratoire Maximale (MEP)
4.1.1.3 Les techniques d’exploration visuelle (VFS et FEES)
4.1.1.4 Les questionnaires et temps de déglutition
4.1.2 Analyse sur la toux reflexe et volontaire
4.2 INTERPRETATION DES RESULTATS
4.2.1 Résultats observés
4.2.2 Pondération des données
4.3 APPLICABILITE DES RESULTATS EN PRATIQUE CLINIQUE
4.4 QUALITE DES PREUVES
4.5 BIAIS POTENTIELS DE LA REVUE
4.6 OUVERTURE
5. CONCLUSION
5.1 IMPLICATION POUR LA PRATIQUE CLINIQUE
5.2 IMPLICATION POUR LA RECHERCHE
6. BIBLIOGRAPHIE
7. ANNEXES
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