Le mémoire que nous vous présentons a été conçu en binôme, constitué d’enseignants stagiaires en physique-chimie. Cette étude a été réalisée grâce à nos différentes affectations dans l’enseignement secondaire inférieur (quatrième) et supérieur (premières L et ES). La motivation des élèves, leur mise en activité, la gestion de classe et l’interdisciplinarité étaient les principaux sujets dans lesquels nous rencontrions des difficultés en début d’année scolaire.
C’est finalement le thème de l’interdisciplinarité que nous avons choisi suite à l’analyse de nos pratiques pédagogiques. Tout d’abord, nous pensions qu’un enseignement interdisciplinaire pouvait faciliter la gestion de classe et l’enrôlement des élèves dans la tâche. Ensuite, nous avons fait ce choix car notre formation ainsi que la lettre de rentrée des inspecteurs académiques montraient que l’interdisciplinarité était un atout majeur dans l’enseignement. Bien entendu, cela ne signifie pas la disparition des disciplines mais apporte un outil complémentaire aux enseignants. Enfin, suite aux premières réunions pédagogiques en septembre, nous avons estimé pertinent de choisir ce sujet. En effet, de nombreuses difficultés ont émergé : trouver des horaires communs, mettre en place de nouvelles pratiques pédagogiques, s’adapter aux différentes motivations des professeurs et parfois même à des a priori. Effectivement, leur formation plus disciplinaire ne favorise pas la motivation à changer de pratique. Ainsi, l’étude de ce sujet nous permettra d’acquérir de l’expérience pour être des éléments moteurs à l’avenir.
CADRE DE L’ETUDE
Etat des lieux institutionnel
Tout d’abord, nous nous sommes intéressés aux documents institutionnels qui permettaient de justifier que nous inscrivions bien notre action dans le cadre du système éducatif. La réforme du collège (Ministère de l’Éducation Nationale, 2015) a été réalisée pour laisser plus de temps aux élèves pour assimiler les notions et pour leur permettre de voir les différentes interactions entre les matières. Dans le Cycle 4 (Ministère de l’Éducation Nationale, 2015), il est même donné des exemples de thèmes qui permettent de travailler plusieurs disciplines en même temps. On peut citer le thème « Son et lumière » qui crée des interactions entre les arts plastiques, l’éducation musicale et les Sciences de la Vie et de la Terre, ou encore le thème « Lumière et arts » avec les arts plastiques, les mathématiques et les Sciences de la Vie et de la Terre. On remarque bien que les projets interdisciplinaires font aujourd’hui partie intégrante de notre système éducatif notamment avec la mise en place des Enseigemements Pratiques Interdisciplnaires.
Au lycée, et de manière similaire, le programme d’enseignement spécifique aux sciences (Ministère de l’Education Nationale, 2010) est commun aux classes de première économique et sociale et aux classes de première littéraire. Ce programme regroupe trois thèmes. Il y a un thème spécifique à chaque matière : «Féminin/masculin » pour les Sciences de la Vie et de la Terre et « Défi énergétique» pour la Physique-Chimie. Ce programme a deux thèmes en commun : « Nourrir l’humanité » et « Représentation visuelle ». Pour ces deux thèmes, on note qu’il n’y a pas de découpage net entre les Sciences de la Vie et de la Terre et la PhysiqueChimie. Les notions sont mélangées. Les professeurs pourront aborder ces notions par le biais de projets interdisciplinaires. Ce sera à eux de définir les modalités pour atteindre les objectifs et de créer des activités les plus attrayantes possibles pour susciter l’intérêt chez les élèves.
Ensuite, d’après le socle commun de connaissances, de compétences et de culture (Ministère de l’Éducation Nationale, 2015), l’élève doit apprendre à s’organiser soit de manière individuelle soit de manière collective. Ainsi, il planifiera lui-même les différentes tâches à accomplir, en se fixant des objectifs. De plus, la lettre de rentrée des Inspecteurs Académiques de sciences physique et chimique (Habert, Loos & Rigat, 2016) évoque que les élèves doivent être amenés à travailler en groupe pour créer leur propre trace écrite et pour apprendre à communiquer. Cette idée de travailler en équipe et par projet est renforcée par le référentiel de compétences professionnelles des métiers de professorat et de l’éducation (Ministère de l’Éducation Nationale, 2013). En effet, il est indiqué qu’il faut former une dynamique de groupe et impliquer tous les élèves dans les projets. De plus, ces projets peuvent être de petite envergure, c’est-à-dire qu’ils vont être menés par une ou deux classes. Mais les projets peuvent concerner plusieurs établissements d’une même région et ainsi être de portée plus importante. En effet, en 2016, les établissements de la région Rhône-Alpes ont organisé des tables rondes autour de la citoyenneté. L’idée de ce projet était de donner plus de renseignements sur la société en général. Ainsi, ce projet a permis aux élèves d’intervenir activement dans la vie de l’école en créant des blogs, des panneaux d’affichage, des ouvrages collectifs… En conclusion, le système éducatif actuel est partisan de l’enseignement interdisciplinaire avec la mise en place de groupe d’élèves travaillant sur un projet commun. Cette pratique devrait favoriser la motivation des élèves et donc améliorer leur apprentissage.
Résultats professionnels et scientifiques
Afin de développer nos connaissances sur l’interdisciplinarité, nous avons consulté des travaux professionnels et des travaux de recherche traitant de notre question de départ. Tout d’abord, nous avons cherché à mieux comprendre la notion d’interdisciplinarité. En effet, il ne fallait notamment pas confondre cette pratique avec la pluridisciplinarité et la transdisciplinarité. Cependant, avant d’aborder ces trois pratiques, nos recherches nous ont conduits à d’abord comprendre la notion de discipline.
Discipline
Les deux siècles derniers ont été marqués par l’explosion du nombre de disciplines enseignées. Ces disciplines étaient bien souvent cloisonnées. Ceci fut la conséquence de l’augmentation des connaissances. D’Hainaut (1986) ajoute « que le cloisonnement des disciplines concordait avec le cloisonnement social… L’esprit de caste n’admettant guère le partage » . Hugon va aussi dans ce sens en expliquant que « les disciplines sont des constructions sociales » . On peut donc concevoir qu’elles peuvent subir des évolutions voire disparaître suivant l’évolution de la société. Aujourd’hui, notamment à cause des découvertes unificatrices de la science, nous tendons vers une approche interdisciplinaire qui apparaît comme « une pratique essentielle pour le progrès de la science » (D’Hainaut, 1986). En effet, ce serait en s’intégrant que les disciplines joueraient leur rôle le plus efficace. De plus, de nombreuses études montrent que le transfert des apprentissages entre disciplines est très difficile pour les élèves et par conséquent dans la vie quotidienne. L’interdisciplinarité serait alors une bonne solution. Cependant, « il n’y a pas d’interdisciplinarité sans disciplinarité, c’est-à-dire sans un contenu cognitif formalisé et sans des dispositifs instrumentaux et procéduraux qui lui sont reliés » (Lenoir, 2015). En effet, l’interdisciplinarité présuppose l’existence d’au moins deux disciplines en interaction réciproque. En 1986, l’étude (D’Hainaut) va aussi dans ce sens : « l’interdisciplinarité ne signifie pas que les disciplines perdent leur importance […] ou vont être abandonnées au profit d’autres perspectives » . En réalité, cette pratique doit être complémentaire aux disciplines. L’interdisciplinarité ouvre d’autres voies qui permettent la compréhension de problème plus complexe. Cette démarche favorise même les disciplines d’après D’Hainaut (1986) car « placé devant un problème qui l’intéresse, l’élève s’aperçoit que, pour le résoudre, il doit avoir recours à des concepts, à des méthodes ou à des techniques qui lui ont été enseignés dans différentes disciplines » .
Ainsi, suite à ce constat, nous avons compris que dans l’organisation du projet interdisciplinaire il était nécessaire d’intercaler des séances disciplinaires afin de fixer les notions spécifiques dans l’esprit des élèves. Ceci devrait faciliter le transfert des connaissances et des compétences.
Transdisciplinarité
En 2002, une étude (Maingan, Dufour & Fourez) a défini la transdisciplinarité comme étant « l’opération de transfert de connaissances, de compétences, d’outils propres à une discipline vers une autre » . Cette méthode d’enseignement va au-delà des disciplines, elle les unifie. Selon Tardieu (2006), les compétences parcourent alors «diverses sciences sans se soucier des frontières », afin de permettre un « transfert de connaissances et d’outils » . On introduit alors ici la notion essentielle de compétences. C’est à l’aide de compétences communes à plusieurs disciplines que va être mise en oeuvre la transdisciplinarité. On peut aussi avoir recours à des compétences qui n’appartiennent pas forcément à des disciplines comme par exemple : avoir un esprit critique. Enfin, une dernière définition donnée par Danvers (1994) va plus loin encore. Ce dernier associe la mise en place d’une approche transdisciplinaire à « la naissance d’une nouvelle discipline englobant et dépassant les premières » .
Pluridisciplinarité
Concernant la pluridisciplinarité, cette méthode est à l’opposé de la transdisciplinarité. Au lieu d’une unification des disciplines, il sera juste mis en œuvre une juxtaposition de celles-ci. Toutefois, outre une finalité commune, elle « n’a pas pour but d’instituer un point de vue partagé » entre les acteurs (Fourez, 1998, p.38). Ces derniers traitent le thème choisi ensemble, chacun dans leur propre discipline. Aucun lien entre les compétences n’est à construire dans les différentes disciplines. L’interdisciplinarité serait quant à elle une pratique intermédiaire entre les deux précédentes.
Monde d’aujourd’hui
Force est de constater que les défis actuels sont plus complexes par l’imbrication d’un grand nombre de domaines. En effet, il faut mettre en relation le social, l’économique et le politique, mettre en rapport la science et la morale. Il semble alors nécessaire de « dépasser le cadre d’une seule discipline » (D’Hainaut, 1986) Ainsi, en 1986, l’étude (D’Hainaut) explique qu’il faut préparer les élèves à résoudre ce type de problème ce qui « exige des démarches interdisciplinaires » . Afin de former des élèves qui pourront participer à la construction de la cité, la démarche interdisciplinaire apparaît comme une solution pertinente et répond aux attentes de la société. Cette approche nécessite un « ancrage dans le réel » (Lenoir, 2015) et « est plus susceptible d’aider l’élève à intégrer les connaissances qu’il acquiert hors de l’école » (D’Hainaut, 1986). En effet, les élèves ne sont pas capables d’assurer le transfert des compétences par eux mêmes, Lenoir (2015) parle de « miracle » lorsque cela est réalisé seul.
Domination
Afin de favoriser la méthode de l’interdisciplinarité, D’Hainaut (1986) explique qu’une discipline ne doit pas dominer sur les autres. En effet, cette méthode transcende les disciplines. En 2015, une étude (Lenoir) rejoint cette position en parlant de « dépendance réciproque » entre disciplines.
Développement des compétences transversales
De plus, l’interdisciplinarité est un outil qui permet de créer des liens entre les disciplines. Cette méthode est « favorable à la construction de compétences transversales et d’attitudes, visant à développer l’autonomie et la responsabilité » (Pretesac, 2006). Ceci est d’autant plus vrai lorsque les élèves peuvent travailler en groupe.
Projet et motivation
L’interdisciplinarité a un meilleur effet lorsqu’on la met en place sous forme de projet avec une réalisation finale. En 2006, une étude (Pretesac) a en effet constaté plus de motivation chez les élèves quand une production concrète était réalisée. Cependant, en 2015, une autre étude (Lenoir) précise qu’il ne suffit pas de cumuler les projets mais qu’il faut les imbriquer : « un tas de briques ne fait pas une maison ». Follmann (2013) a pu constater lors de la mise en œuvre de l’interdisciplinarité avec les langues étrangères une hausse de la motivation des élèves. Ceci serait dû d’après elle au fait que l’élève est acteur. De plus, l’utilisation de l’anglais dans une situation concrète favorise l’implication des élèves. En 2006, l’étude (Pretesac) montre aussi que l’interdisciplinarité est un facteur important pour la motivation des élèves : « l’ennui à l’école peut être combattu par l’interdisciplinarité si on considère que l’ennui vient d’un manque de sens » . D’Hainaut (1986) part du constat que « le pouvoir motivant des disciplines est généralement faible » pour expliquer que la démarche interdisciplinaire a un fort pouvoir motivant chez les élèves. Ceci serait dû à la proximité des sujets abordés à la vie quotidienne. Pour motiver les élèves, Pretesac (2006) préconise alors « un vécu scolaire proche de leurs intérêts » . Et elle insiste sur le fait que les élèves sont plus motivés et actifs avec l’interdisciplinarité. Finalement, nous avons compris la différence entre pluridisciplinarité, interdisciplinarité, transdisciplinarité et l’importance de ne pas abandonner la place de la discipline dans la mise en œuvre d’un projet interdisciplinaire. Nous pouvons aussi affirmer que les attentes institutionnelles sont en accord avec les différents travaux concernant l’interdisciplinarité, notamment en ce qui concerne la motivation des élèves grâce à la mise en place de projet en groupe prenant appui sur la pratique sociale de référence. Il nous restait donc à déterminer avec quelle discipline il semblait pertinent de travailler et sur quel thème.
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Table des matières
1 INTRODUCTION
2 CADRE DE L’ETUDE
2.1 Etat des lieux institutionnel
2.2 Résultats professionnels et scientifiques
2.2.1 Discipline
2.2.2 Transdisciplinarité
2.2.3 Pluridisciplinarité
2.2.4 Monde d’aujourd’hui
2.2.5 Domination
2.2.6 Développement des compétences transversales
2.2.7 Projet et motivation
2.2.8 Anglais
2.2.9 Energie
2.2.10 Elèves et évaluations
2.3 Définition des termes importants
2.3.1 Enseignement interdisciplinaire
2.3.2 Acquisition
2.3.3 Compétences
2.4 Problématique
2.5 Hypothèses
3 L’ETUDE
3.1 Choix de la méthode
3.2 Méthodologie
3.2.1 Terrain
3.2.2 Echantillon
3.2.3 Déroulement de notre étude
3.2.4 Type et recueil de données
4 LES RESULTATS
4.1 Traitement des données
4.1.1 Questionnaires
4.1.2 La grille d’évaluation
4.2 Présentation des résultats
4.2.1 Les questionnaires
4.2.2 La grille d’évaluation
4.3 Discussion
4.4 Limites de l’étude
4.5 Conclusion
4.6 Perspectives
5 BIBLIOGRAPHIE
6 TABLE DES INDEX
7 ANNEXES