Depuis des siรจcles, la terre est synonyme de richesse. ร cet effet, les propriรฉtaires fonciers sont considรฉrรฉs comme des personnes riches et se placent au – dessus des nonpropriรฉtaires. La terre est donc origine de la richesse. Contradictoirement, elle est aussi source de pauvretรฉ avec la difficultรฉ d’accรจs ร la terre et la faiblesse de la productivitรฉ agricole. La derniรจre dรฉcennie nous a montrรฉ que la problรฉmatique de la question fonciรจre a pris une place importante dans les dรฉbats sur le dรฉveloppement ร Madagascar, vu que dans une perspective du dรฉveloppement rural, la terre reste un รฉlรฉment essentiel de l’accumulation du capital la plus prรฉcieuse, parce qu’elle sert de support irremplaรงable de toute vie, oรน elle constitue le facteur de production et de cohรฉsion sociale. Des chercheurs de diffรฉrentes disciplines (sociologues, ethnologues, gรฉographes, รฉconomistes, politologues) se sont de plus intรฉressรฉs au foncier et, ont ainsi, considรฉrablement รฉlargi le domaine d’รฉtude fonciรจre sur l’ensemble des rapports sociaux. En effet, les rapports entre l’homme et la terre ont รฉvoluรฉ actuellement ; la terre est devenue un objet รฉconomiquement valorisรฉ et se transforme donc souvent en marchandise. Ce phรฉnomรจne est renforcรฉ dans les villes par une augmentation de la pression sur la terre, ร cause d’une croissance dรฉmographique considรฉrable. De plus, l’espace urbain n’est pas seulement requis pour l’habitat, mais aussi pour de multiples fonctions caractรฉristiques pour l’urbain, telles que la voirie, les services d’administration, la production รฉconomique, la distribution, etc. Et sur le plan rural, elle est totalement la base de toute production. Dans cette approche plus capitaliste, le cรดtรฉ social est laissรฉ pour compte. Conscient de cette situation, le gouvernement malgache sโest engagรฉ dans des rรฉformes lรฉgislatives et administratives fonciรจres, afin de contrรดler plus souvent la terre. Le modรจle introduit et poursuivi est un modรจle fortement unitariste. De ce fait, diverses institutions tendent ร se confronter et ร s’influencer mutuellement, crรฉant, dans beaucoup de situations des ambiguรฏtรฉs, des conflits, des incertitudes. Le foncier devient alors un instrument politique entre les mains de lโรtat pour ne citer que le rรฉcent bras de fer entre lโรtat et Marc Ravalomanana sur le statut du terrain dโAndohatapenaka, mais aussi utilisรฉ ร des fins purement politiques comme la revendication de la France ร lโappartenance des รฎles รparses.
GรNรRALITรS
ร Madagascar, la pauvretรฉ est donc avant tout un phรฉnomรจne rural. Elle est principalement dรฉterminรฉe par la difficultรฉ d’accรจs ร la terre et la faiblesse de la productivitรฉ agricole. En outre, les conditions de vie, quel que soit le critรจre choisi sont souvent plus exรฉcrables en milieu rural qu’en milieu urbain.Vu que le Malgache pauvre vit principalement du travail de la terre, sa situation est liรฉe aux facteurs qui animent la participation dans le monde rural.
L’INTERDEPENDANCE ENTRE LE FONCIER ET LE RURALย
รtat du secteur foncier et du dรฉveloppement rural ร Madagascar
Le secteur foncier
Le constat
Madagascar est dans la phase de transition fonciรจre. La gestion fonciรจre traditionnelle semble reculer face ร l’individualisation et ร la marchandisation de la terre. La terre devient de plus en plus un bien marchand qui s’exploite et s’รฉchange avec ou sans le consentement des autoritรฉs traditionnelles. On assiste actuellement ร une trรจs forte demande de titres fonciers, alors que la capacitรฉ des responsables chargรฉs de la dรฉlivrance de ces documents est trรจs faible. En effet, seul le cinquiรจme du territoire national est titrรฉ, selon les chiffres de la Banque mondiale. Environ 330 000 titres ont รฉtรฉ dรฉlivrรฉs depuis lโouverture des services fonciers dans le pays contre 0,5 million de demandes. Raison pour laquelle le gouvernement sโest lancรฉ en 2005 dans une vaste rรฉforme fonciรจre, ร travers la dรฉcentralisation de la gestion fonciรจre. Dans le cadre de cette rรฉforme, les communes ont รฉtรฉ chargรฉes de dรฉlivrer les certificats fonciers au niveau des guichets fonciers. Aujourdโhui ยซ Le certificat foncier a pratiquement la mรชme valeur juridique que le titre foncier. Mais force est de constater que le certificat foncier est une garantie faiblement reconnue actuellement. Ce problรจme est surtout rencontrรฉ en zones rurales, notamment auprรจs des institutions financiรจres, selon le constat de lโObservatoire du foncier. Si lโusage du foncier comme gage de crรฉdit auprรจs des institutions de financement semble assez courant en milieu urbain, dans les zones rurales la situation est quelque peu diffรฉrente. Selon lโObservatoire du foncier, ยซ La plupart des parcelles ne sont pas appropriรฉes de maniรจre formelle, ainsi utiliser la terre comme caution des emprunts contractรฉs par les mรฉnages reste assez complexe ยป.
Aujourd’hui, on peut constater que les usagers accordent peu d’intรฉrรชt aux procรฉdures de mutation qui leur semblent complexes et onรฉreuses. Au fur et ร mesure des ventes et des divisions, les รฉnonciations des titres tombent de facto en dรฉsuรฉtude dans la mesure oรน elles reflรจtent plus la rรฉalitรฉ des droits sur le sol. Ainsi, avec le temps, l’information fonciรจre gรฉrรฉe par les services fonciers concerne non seulement une faible proportion des biens, mais s’avรจre en dรฉcalage avec la rรฉalitรฉ. De plus, l’immatriculation fonciรจre et les opรฉrations cadastrales ont des coรปts trรจs รฉlevรฉs au-delร des moyens et des possibilitรฉs des petits paysans.
Le dossier foncier constitue une poudriรจre pour le pays. Un dossier brรปlant, qui fait hรฉsiter les bailleurs de fonds et investisseurs, de s’engager sur le long terme ร Madagascar. La frise en haut de page nous rรฉsume les รฉtapes parcourues par lโhistoire du foncier ร Madagascar. Nous survolons les escales avant lโIndรฉpendance octroyรฉe en 1960 et les jalons durant les Rรฉpubliques successives. Cette frise nous montre que les รฉtapes รฉpousent lโHistoire de la Grande Ile. On constate ainsi que, ce nโest quโen 2003 quโune plateforme pour prendre le dossier foncier ร bras le corps a รฉtรฉ mise sur pied. Il sโagit de la SehatraIombonana ho anโnyFananantany (Solidaritรฉ des Intervenants pour le Foncier) plus connue sous le sigle SIF.
Les consรฉquences de la crise fonciรจre
Cette crise fonciรจre qui prolifรจre en ce moment gรฉnรจre une insรฉcuritรฉ fonciรจre gรฉnรฉralisรฉe. Certes, faute de rรฉgulation fonciรจre communautaire et en raison de la faible capacitรฉ des services fonciers, un sentiment d’insรฉcuritรฉ fonciรจre s’est propagรฉ sur l’ensemble du territoire. Peu de citoyens sont assurรฉs de leurs droits sur la terre et nombreux sont ceux qui craignent une tentative de spoliation capable d’activer l’aboutissement d’un dossier d’immatriculation fonciรจre. Ce contexte d’incertitude gรฉnรฉralisรฉe favorise le dรฉveloppement des conflits pour la maรฎtrise du sol, surtout quand la survie d’un groupe familial tient ร l’exploitation d’une parcelle.
Le dรฉveloppement ruralย
Le constat
En fait, Madagascar jouit de hautes potentialitรฉs gรฉographiques exceptionnelles permettant une grande diversitรฉ de productions vรฉgรฉtales, tropicales et tempรฉrรฉes. Le pays compte une superficie totale de 58 704 000 ha dont prรจs de 8 millions de ha de terres cultivables. La superficie physique des exploitations agricoles, estimรฉes ร 2 083 590 ha, a connu une lรฉgรจre augmentation de 0,9 % en 20 ans. La surface agricole potentielle pouvant se prรชter aux grandes cultures, zones de pรขturages ou autres grandes productions est estimรฉe ร plus de 35 millions de ha. La place de l’agriculture dans l’รฉconomie nationale est donc prรฉpondรฉrante.
Toutefois, l’agriculture pratiquรฉe est traditionnelle et peu intensive, d’oรน le faible rendement. Les cultures vivriรจres qui sont dominantes sont en majoritรฉ autoconsommรฉes, ร l’exception du riz pour les moyens et grands exploitants qui disposent d’un surplus de production. Les cultures de rente et d’exportation, destinรฉes ร la commercialisation sont en faible proportion.
Entre autres, les exploitations sont de petite taille (0,87 ha en moyenne) et se morcellent au grรฉ des hรฉritages. Certaines zones rurales connaissent une saturation fonciรจre et font envisager des mouvements de migration. Madagascar fait partie des 88 pays classรฉs dans la catรฉgorie des pays ร faible revenu et ร dรฉficit vivrier (PFRDV). C’est pourquoi une rรฉelle prioritรฉ est confรฉrรฉe au dรฉveloppement du secteur agricole pour en faire un vรฉritable moteur de la croissance รฉconomique. Le pays compte 75 % de population agricole (2005). C’est une population jeune dont 57% de moins de 20 ans en 2004 et croissantes qui pourrait atteindre 27 millions d’habitants en 2020. La densitรฉ de population est encore faible, mais avec une rรฉpartition inรฉgale sur le territoire, certaines zones รฉtant pratiquement vides et dโautres, au contraire connaissant des phรฉnomรจnes de saturation fonciรจre.
Les principaux obstacles au dรฉveloppementย
Ils concernent, d’une part l’insรฉcuritรฉ fonciรจre due aux textes et rรฉglementations obsolรจtes et inadaptรฉs avec les nouvelles orientations. Ainsi, le droit foncier est imprรฉcis favorisant le dรฉveloppement des conflits fonciers. Ces imprรฉcisions sont les consรฉquences :
โ sur le plan social, de l’occupation des terres soumises ร des rรจgles coutumiรจres complexes ;
โ sur le plan administratif, de l’acquisition lรฉgale des terres assujetties ร une dรฉmarche administrative longue et coรปteuse ร cรดtรฉ d’une structure administrative peu dรฉveloppรฉe ;
โ sur le plan culturel, d’un attachement excessif des Malgaches ร la terre au point d’une rรฉtention fonciรจre rigide.
D’autre part, on constate une faible augmentation de la production et amรฉlioration de la productivitรฉ. Les acquis issus des programmes et/ou des projets de dรฉveloppement sont insuffisamment internalisรฉs. Malgrรฉ le dรฉveloppement local de certaines techniques adaptรฉes au contexte, l’application en reste limitรฉe. Des dรฉfaillances dans les systรจmes d’informations, des difficultรฉs dans la maรฎtrise de la santรฉ vรฉgรฉtale et animale, des carences dans le dispositif de vulgarisation limitent l’accรจs aux services et la rรฉalisation d’une meilleure performance. Par ailleurs, l’impact de la dรฉgradation des couvertures vรฉgรฉtales contribue ร une diminution de la fertilitรฉ du sol, entraรฎnant une baisse constante des rรฉcoltes ou des revenus engendrรฉs et accentuant encore plus la paupรฉrisation. Le niveau technique des producteurs malgaches est gรฉnรฉralement faible. Le caractรจre non durable de certaines techniques de production aggrave encore la situation. D’oรน une large majoritรฉ de paysans vivant en autosubsistance, ne mettant sur le marchรฉ que de petites quantitรฉs de produits, de qualitรฉ inadaptรฉe au marchรฉ. D’oรน รฉgalement un grand nombre d’รฉleveurs ancrรฉs dans un systรจme extensif. Le systรจme de formation rurale, surtout post scolaire, constitue un maillon faible de la chaรฎne des filiรจres. Les dispositifs sont inadaptรฉs, inรฉgalement rรฉpartis et souffrent d’une insuffisance de ressource. Les nouvelles initiatives sont encore peu connues et soutenues. Un manque de formation des techniciens pour rรฉpondre aux besoins du dรฉveloppement rural se ressent visiblement. Les organisations professionnelles agricoles sont faibles et manquent de moyens et de personnels qualifiรฉs. Les agriculteurs pratiquent surtout les cultures vivriรจres destinรฉes ร l’autoconsommation. Les produits ne donnent lieu ร aucune transformation ni mรชme conservation par rapport ร l’abandon en pรฉriode de rรฉcolte.
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Table des matiรจres
INTRODUCTION GรNรRALE
PARTIE I : GรNรRALITรS
Chapitre I : L’INTERDEPENDANCE ENTRE LE FONCIER ET LE RURAL
I – รtat du secteur foncier et du dรฉveloppement rural ร Madagascar
1 – Le secteur foncier
1.2 Le constat
1.3 Les consรฉquences de la crise fonciรจre
2- Le dรฉveloppement rural
2.1 Le constat
2.2 Les principaux obstacles au dรฉveloppement
II – Pertinence du problรจme au plan local
III- Objet d’รฉtude
IV – Problรฉmatique
V โ Hypothรจses
Chapitre II : CADRE DE LA RECHERCHE
ร – MONOGRAPHIE DE LA COMMUNE RURALE DโAMPARAFARAVOLA
I- Cadre historique et gรฉographique
1- Cadre historique
2- Cadre gรฉographique
II – La Population
1 โ Gรฉnรฉralitรฉ
1.1 Les us et coutumes
1.2 Les religions
1.3 Les valeurs communes partagรฉes par la population
1.4 La modernitรฉ
2 – La hiรฉrarchie
2.1 La parentรฉ et la hiรฉrarchie familiale
2.2 Hiรฉrarchie politique et hiรฉrarchie sociale
3 – Les activitรฉs รฉconomiques
B – MรTHODOLOGIE
I – Type de recherche
II – Type de situation
III – Types dโรฉchantillonnage et micro population de lโenquรชte
C โ MรTHODES
I – Type de mรฉthode et dโanalyse
II – Types dโapproche
III – Types de dรฉmarche
IV- Repรจres thรฉoriques
CONCLUSION PARTIELLE
PARTIE II : LA GESTION FONCIรRE, LA REFORME FONCIERE ET LโINGERENCE DE LโรTAT DANS LA NOUVELLE POLITIQUE FONCIรRE
Chapitre I : TRADITIONS, PATRIMOINE FONCIER ET INSรCURITรFONCIรRE
I- Accรจs ร la terre
II- รtat d’avancement du processus de dรฉcentralisation du service foncier
1- De la dรฉcentralisation
2- Dรฉcentralisation du service foncier
Chapitre II : LA GESTION FONCIรRE AU NIVEAU LOCAL
1 – Dรฉfinition de la sรฉcuritรฉ fonciรจre
2- Sรฉcurisation fonciรจre et modes de mise en valeur
2-1 Evolution des pratiques agricoles
2- 2 Modes de faire valoir et sรฉcurisation fonciรจre
2-3 Un marchรฉ foncier limitรฉ dans un contexte de foncier saturรฉ
3 – Lโimportance du sentiment de sรฉcuritรฉ fonciรจre
Chapitre III : DYSFONCTIONNEMENT DE L’ADMINISTRATION FONCIรRE COMME ENTRAVE AU DรVELOPPEMENT
I- Impact de la sรฉcuritรฉ fonciรจre sur la productivitรฉ agricole
II – Lโรtat comme obstacle ร la rรฉalisation de la gestion fonciรจre dรฉcentralisรฉe
1 – La Dรฉcentralisation de la Gestion Fonciรจre ร Madagascar
2 – La premiรจre version de la Lettre de Politique Fonciรจre 2015 et la grรจve des techniciens des services des domaines
Conclusion partielle
PARTIE III : VERS UNE OPTIMISATION DE LA GESTION FONCIรRE, DE LA MOBILISATION COMMUNAUTAIRE ET DE LA TRANSPARENCE รTATIQUE
Chapitre I : POTENTIALITรS DU TERROIR ET GESTION FONCIรRE
I. Forces et faiblesses
II. Les opportunitรฉs et les menaces
Chapitre II : OPรRATIONNALISATION DES HYPOTHรSES
I. Validation et infirmation des hypothรจses
1. La responsabilisation des communautรฉs locales ร la gestion fonciรจre
2. Prรฉcision du droit foncier et structure de l’administration fonciรจre
3- Sรฉcurisation fonciรจre : incitation des paysans ร valoriser leur terre
4- Transparence de lโรฉtat sur la politique fonciรจre et une bonne gouvernance
Chapitre III : LES RECOMMANDATIONS
Conclusion Partielle
CONCLUSION GรNรRALE
BIBLIOGRAPHIE