L’INTERCULTURALISME QUÉBÉCOIS
Frontières ethniques et système de « marques »
Dans les rapports sociaux d’ethnicité, des critères sont donc définis à partir des spécificités culturelles du groupe ethnique (face interne de la frontière). Ces dernières servent à marquer les frontières d’inclusion et d’exclusion à ce groupe, qui « […] sont définies à partir des critères culturels (d’ordres cognitif, expressif et évaluatif) et des critères structurels (réseaux institutionnels) […]» (Juteau, 1999, p. 24-25). Les frontières ethniques s’inscrivent dans un type de processus plus larges de définition des frontières sociales et symboliques. En effet, elles sont également des « […] conceptual distinctions made by social actors to categorize objects, people, practices, and even time and space.
They are tools by which individuals and groups struggle over and come to agree upon definitions of reality» (Lamont & Molnàr, 2002, p. 168). Quant aux frontières sociales, elles sont «[…] objectified forms of social differences manifested in unequal access to and unequal distribution of resources (material and non material) and social opportunities » (Lamont & Molnàr, 2002, p. 168).
dit, elles sont toujours établies par le groupe dominant, qui cherche normalement à maintenir les frontières en place afin de conserver l’ensemble de ses privilèges. En effet, « [e]n se constituant, des groupes tels que les groupes ethniques refusent aux autres membres d’autres groupes l’accès aux ressources sociétales disponibles et établissent ainsi leur domination» (Juteau, 1999,p. 35). Les groupes ethniques sont constitués par des rapports sociaux de domination où les différences font partie d’un système de « marques » qui sert d’une part à hiérarchiser et d’autre part à étanchéifier – bien qu’elles ne le soient jamais entièrement – les frontières des groupes ethniques.
Ce système de marques auquel nous faisons référence est caractérisé « […] par le passage de la marque conventionnelle à la marque naturelle, mais actuellement confondues, quasi syncrétiques » (Guillaumin, 2007, 1992,p. 187). La «marque» conventionnelle se rapporte à l’univers symbolique, qui est réversible et est utilisé par le groupe dominant afin de discriminer certaines catégories de personnes. Par exemple, le groupe dominant peut imposer une marque comme un vêtement afin de fixer le rang social (d’inscrire le rapport hiérarchique) d’un groupe de personnes. Cette inscription, qui sert à marquer les différences, est réversible. Il peut aussi s’agir de prescriptions telles que «[…] le rasage de barbe ou non (domesticité), le port d’une perruque (mariage), la tonsure (voeux), la longueur des cheveux, etc. » (Guillaumin (2007, 1992, p. 180).
La « marque » naturelle fait référence à cette idée, que nous avons exposée dans la section sur la notion de « race », de la naturalisation de la différence, ou en d’autres mots, de groupe «naturel». Plus particulièrement, il s’agit du fait que des différences morphologiques telles que la couleur de la peau ou le sexe sont perçues comme étant à l’origine de comportements sociaux et de pratiques culturelles ou religieuses. Ainsi, le fait de croire en l’existence de groupes naturels « […] est la synthèse mouvante de deux systèmes : le système traditionnel de marque [par exemple, les vêtements] […] et le système déterministe archéo-scientifique qui voit dans […] [le groupe social et ses pratiques] une substance qui sécrète ses propres causes […]» (Guillaumin, 2007, 1992, p. 184). Les « marques » qui servent à définir les frontières externes sont puisées à même le contenu de la face interne des groupes ethniques. Dans ce contexte, celles-ci sont considérées comme étant des traits naturels alors qu’elles sont plutôt le fruit de construits sociaux basés sur des rapports de domination. C’est en ce sens que les deux faces d’une même frontière sont liées entre elles.
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Table des matières
REMERCIEMENTS
RÉSUMÉ
LISTE DES SIGLES
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 : GENRE, ETHNICITÉ ET COMMUNAUTÉ POLITIQUE
1.1 Le genre et les rapports sociaux de sexes
1.2 Du concept de « race » à celui d’ethnicité
1.3 L’ethnicité
Constitution des frontières ethniques : Faces interne et externe
1.3.1 Face interne
« On ne naît pas ethnique, on le devient »
1.3.2 Face externe
Rapports sociaux d fethnicité et processus de communalisation
1.4 Frontières ethniques et système de «marques »
1.5 La nation : une forme spécifique de communauté politique
1.6 Les femmes et la construction de l’identité nationale
CHAPITRE 2: L’INTERCULTURALISME QUÉBÉCOIS
2.1 Développement du modèle québécois d’intégration
2.2 L’interculturalisme et la Commission Bouchard-Taylor
2.3 Le besoin d’une définition
2.3.1 La culture publique commune : un cadre de référence pour Vintégration
2.3.2 Un régime de laïcité ouverte
2.3.3 Les enjeux économiques et sociaux de l’intégration
2.4 Les fondements normatifs de l’interculturalisme québécois
2.4.1 La protection des droits et libertés des individus
2.4.2 Dialogues et interactions pour une compréhension mutuelle
2.4.3 Les accommodements : un engagement social individuel et collectif
2.5 Quelques perspectives critiques sur Pinterculturalisme
2.5.1 Les partisans de la convergence
2.5.2 Les critiques radicaux
2.7 Conclusion
CHAPITRE 3: LES DÉBATS FÉMINISTES SUR LE MULTICULTURALISME
3.1 Le féminisme libéral de Susan Moller Okin
3.2 Okin et ses critiques
3.2.1 Le multiculturalisme «fort » : La réplique de Kukathas à Okin
3.2.2 Le multiculturalisme «faible » : Le féminisme libéral pluraliste
3.2.3 Critiques des féministes postcoloniales
3.2.4 L’analyse intersectionnelle
3.3 Conclusion
CHAPITRE 4: LES DÉBATS SUR LE FOULARD AU QUÉBEC
4.1 Le contexte international
4.2 Le contexte québécois
4.2.1 Les personnes de confession musulmane au Québec
4.3 Chronologie du débat québécois sur le port du foulard islamique
4.3.1 1994-1995 : Le premier épisode du débat sur le port du voile
4.3.2 De 2007 à la CCPARDC : l’intensification des controverses sur Iefoulardll
4.3.3 2007-2009 : Le hidjab dans la fonction publique et les services publics
4.4 Le projet de loi 94
4.5 Le voile et le mouvement féministe québécois : positions et débats
4.5.1 L’approche liée à la laïcité « ouverte »
4.5.2 L’approche républicaine : la laïcité « authentique »
4.5.3 L’approche féministe critique : pour l’autodétermination des femmes
CHAPITRE 5: L’INTERCULTURALISME, LES FRONTIÈRES SOCIALES ETLEHIDJAB
5.1 Appréciations générales sur Pinterculturalisme
5.2 L’identité et Fethnicité
5.3 Les possibles revers d’un discours centré sur la diversité
5.4 Intégration, respect de la diversité et cohesion sociale
5.5 Les interactions : un moyen limité?
5.6 Les forces de l’interculturalisme
5.6.1 Un régime de laïcité ouverte
5.7 La laïcité, le hidjab et l’égalité des sexes
5.7.1 Le foulard : une pluralité de motivations et de significations
5.8 Quelles possibilités réelles de participation à la culture publique commune?
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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