L’interaction du vent solaire avec Mars

L’interaction du vent solaire avec Mars 

Généralités sur l’interaction du vent solaire avec Mars: La situation avant l’arrivée de MGS 

Avant l’arrivée de la sonde Mars Global Surveyor (MGS), 5 sondes avaient déjà obtenu des observations in situ de l’environnement ionisé martien: Mariner 4 (1964), Mars-2 et 3 (1972), Mars-5 (1975), et Phobos 2 (1989). Pourtant, la nature de l’interaction avec le vent solaire n’avait pas pu être élucidée à cause de l’absence de mesures magnétiques à basse altitude [par exemple, Slavin and Holzer, 1982; Axford, 1991; Zakharov, 1992].

Lorsque la sonde Phobos 2 se préparait à étudier l’interaction du vent solaire avec Mars, deux visions s’opposaient. D’un côté, il y avait l’idée que Mars possédait un champ magnétique dynamo global comme dans le cas de la Terre [par exemple, Dolginov et al., 1976]. De l’autre côté, il y avait l’idée que cette interaction était similaire à celle de Vénus, une planète pour laquelle l’absence du champ magnétique intrinsèque avait été démontrée de façon définitive par la sonde Pioneer Venus [par exemple, Luhmann and Brace, 1991]. Ceci impliquait que Mars ne possédait pas de champ magnétique et que par conséquent le vent solaire interagissait directement avec son ionosphère.

Malheureusement, l’altitude des périastres (~800 km) des cinq orbites elliptiques initiales de Phobos 2 n’a pas permis de résoudre le problème de l’existence ou non d’un champ magnétique intrinsèque [Zakharov, 1992]. Pourtant, comme nous allons le voir, les premiers résultats obtenus par la sonde consolidaient l’hypothèse que l’éventuel champ magnétique intrinsèque martien ne jouait pas un rôle important dans l’interaction [Vaisberg, 1992a]. L’état de connaissance de l’interaction du Vent Solaire avec Mars après les observations de la sonde Phobos 2 comprenait les régions et frontières suivantes (Figure I.1):
• Tout d’abord, une région nommée « région en amont », où les effets de la présence de la planète sont déjà évidents [e.g., Russell et al., 1990; Dubinin et al., 2000].
• Le pré-choc, une région particulière incluse dans la précédente et où les lignes de champ magnétique interplanétaire coupent l’onde de choc [e.g., Trotignon, et al., 1992; 2000; Barabash and Lundin, 1993; Delva and Dubinin, 1998]
• L’onde de choc, située à une distance subsolaire moyenne de ~1.6 RM [e.g., Schwingenschuh et al., 1990; Slavin et al., 1991; Trotignon et al., 1991a, b; 1993].
• La magnétogaine, caractérisée par de grandes variations des paramètres du plasma et une grande diversité d’ondes électromagnétiques [e.g., Dubinin et al., 1993].
• Une frontière appelée « planétopause » [Trotignon et al., 1996], « magnétopause » [Lundin et al., 1990], « ion composition boundary » [Breus et al., 1991], « protonopause » [Sauer et al., 1994] etc. Interprétée comme une magnétopause ou simplement comme une structure transitoire, sa nature exacte étant fortement débattue.
• La région limitée par la « planétopause », très peu explorée. Selon l’interprétation, elle s’appelait « magnétosphère » (interaction magnétosphérique), ou « ion cushion » (interaction atmosphérique) [Vaisberg, 1992a].
• Et finalement, pour l’interprétation atmosphérique, l’obstacle final martien [e.g., Luhmann et al.,1987]. Sa nature restait à dévoiler. Si Mars ne possédait pas de champ magnétique intrinsèque, l’obstacle final à l’interaction était probablement une « ionopause » comme dans le cas de Vénus [Brace et al., 1980].

Région en amont du choc 

Les effets de la présence de Mars perturbant le vent solaire magnétisé commencent à se voir bien avant que ce dernier n’atteigne l’onde de choc. La planète est entourée d’une exosphère d’hydrogène très étendue [par exemple, Nagy et al., 1990; Kim et al., 1998]. Ces atomes parcourent une distance de quelques rayons planétaires avant d’être ionisés par la radiation électromagnétique provenant du soleil (photons EUV). Implantation d’ions planétaires. Le processus d’implantation ce ces ions exosphériques joue un rôle très important dans l’interaction du vent solaire avec Mars. Les différentes étapes de ce processus ont été amplement étudiées dans le contexte de l’étude des comètes, où il est le phénomène fondamental sur lequel se base l’interaction. La première partie de ce processus est bien comprise. L’ion nouvellement créé est immédiatement injecté sur une orbite cycloïdale dans un repère inertiel où il effectue son mouvement de giration autour du champ magnétique tout en subissant une dérive perpendiculaire à celui-ci avec une vitesse égale à la composante de la vitesse du vent solaire perpendiculaire au champ. L’ion perçoit une accélération due au champ électrique de convection du vent solaire.

E −= VVS ×B (I.11)

Cette accélération étant perpendiculaire au champ magnétique, la seule contribution sur la vitesse parallèle dans ce repère sera celle du neutre parent.

Fonctions de distribution. Juste après leur création, les ions implantés forment une distribution particulière dans l’espace des vitesses. Pour des ions récemment implantés, il est raisonnable de supposer que leur vitesse par rapport au repère de l’objet (une planète, une comète) est très petite devant la vitesse du vent solaire [Tsurutani and Smith, 1986], puisqu’elle est essentiellement celle du neutre parent (vitesse de quelques km/s). La vitesse initiale de ces ions dans le repère du vent solaire sera donc −VVS et dans ce repère ces particules se trouveront dans l’espace des vitesses sur une distribution en faisceau-anneau, tant qu’elles n’ont pas été diffusées en angle d’attaque et/ou en énergie. La vitesse du faisceau sera alors |v//| = |v//0| = VVS |cos(αVB)|, et la vitesse de l’anneau sera |v⊥0| = VVS sin(αVB), où αVB est l’angle entre la vitesse du vent solaire et le champ magnétique interplanétaire (Figure I.2). Par conséquent, la fonction de distribution initiale des ions planétaires implantés est la combinaison d’une distribution en faisceau aligné le long du champ magnétique et d’une distribution en anneau autour de celui-ci. Une telle distribution est fortement instable et peut générer des ondes électromagnétiques, via des instabilités, à des fréquences inférieures à la fréquence plasma [Wu and Davidson, 1972; Brinca, 1991]. Ces ondes garantissent le couplage d’énergie et de quantité de mouvement entre le vent solaire et les ions nouvellement créés.

Les ondes vont tendre à rendre isotrope la distribution des ions implantés par diffusion en angle d’attaque dans le repère du vent solaire (distribution en coquille sphérique), tout en les diffusant également mais plus lentement en énergie, en couplant les deux populations ioniques de sorte que les nouveaux ions ralentissent le vent solaire (phénomène de « mass loading » ou « alourdissement »). En effet, la variation d’énergie E d’un ion de vitesse v sous l’effet du champ électrique E d’une onde s’écrit:

dE/dt = q E ⋅ v (I.12)

On suppose que l’onde se propage le long du champ magnétique ambiant avec la vitesse de phase Vph dans le repère du vent solaire. Si l’on se place dans un repère en translation à la vitesse Vph le long de B, le champ électrique est nul dans ce repère et donc l’énergie totale de la particule est conservée .

Les modifications successives de la fonction distribution des particules dues à l’interaction non linéaire avec les ondes vont générer d’autres fréquences (par exemple des harmoniques de la fréquence cyclotron) par rapport au signal monochromatique d’origine, ce qui conduit à un spectre d’ondes élargi en fréquence par un effet dit de cascade de turbulence. La condition d’élargissement du spectre est l’une des hypothèses sur lesquelles s’appuie la théorie quasi-linéaire. Le temps d’auto-cohérence du champ électrique associé aux ondes devient petit par rapport au temps caractéristique d’évolution de ce champ et à celui de la fonction de distribution. La dynamique d’une particule du plasma est alors régie par un processus stochastique et celle-ci « voit » des champs électrique et magnétique aléatoires qui modifient son vecteur vitesse et la diffusent aussi bien en angle d’attaque qu’en énergie [e.g., Terasawa, 1991].

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Table des matières

Introduction
I. L’interaction du vent solaire avec Mars
I.1 Généralités sur l’interaction du vent solaire avec Mars: La situation avant l’arrivée de MGS
I.1.1 Région en amont du choc
I.1.2 Pré-choc
I.1.3 L’onde de choc
I.1.4 La magnétogaine
I.1.5 La « planétopause »
I.1.6 La barrière magnétique et l’obstacle final martien
I.2 Modèles d’interaction du vent solaire avec Mars
I.2.1 Dynamique des gaz plus champ magnétique convecté
I.2.2 MHD monofluide
I.2.3 MHD Hall multifluide
I.2.4 Modèles cinétiques et hybrides
II. Les moyens expérimentaux et les principales méthodes d’analyse
II.1 Mars Global Surveyor
II.1.1 La mission
II.1.2 L’expérience MAG/ER
II.2 Méthodes d’analyse
II.2.1 L’analyse de Minimum de variance (MVA)
II.2.1.1 Application à l’étude d’ondes
II.2.1.2 Détermination de la normale à une frontière
II.2.2 Analyse de Fourier et en ondelettes
II.3 Etude de l’effet des champs parasites
III. Mesures in situ de l’interaction vent solaire-Mars d’après Mars Global Surveyor
III.1 Le vent solaire en amont du choc martien
III.2 L’onde de choc
III.3 La magnétogaine
III.4 La frontière et la région d’empilement magnétique (MPB et MPR)
III.5 La frontière des photoélectrons (PEB) et l’ionosphère
III.6 Les champs d’origine crustale
IV. Etude des ondes électromagnétiques basse-fréquence en amont du choc martien
IV.1 Ondes à la fréquence cyclotron des protons
IV.1.1 Ondes cohérentes à la fréquence cyclotron des protons
IV.1.1.1 Observations
IV.1.1.2 Discussion
IV.1.2 Ondes raidies ou « Steepened waves »
IV.2 Conséquences sur l’échappement atmosphérique
V. Etude de la frontière d’empilement magnétique (MPB)
V.1 Etude de la topologie du champ magnétique
V.1.1 Augmentation de l’enroulement des lignes de champ
V.1.1.1 Méthode
V.1.1.2 Résultats pour Mars
V.1.1.3 Etude comparative d’autres objets non magnétises (comètes et Venus)
V.1.1.4 Discussion
V.1.2 Détermination de la normale a la frontière
V.1.2.1 Résultats pour Mars
V.1.2.2 Etude autour de Venus
V.1.2.3 Discussion sur les propriétés locales de la discontinuité
V.1.3 Conclusions
V.2 Ondes a basse fréquence autour de la MPB
V.2.1 Observations
V.2.2 Discussion
V.3 Conclusions générales
Conclusions

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