L’intention d’entreprendre et le choix de carrière entrepreneuriale

Intention d’entreprendre

L’intention d’entreprendre représente l’intention de l’individu à démarrer un nouvelle entreprise. Elle est souvent considérée comme l’état d’ esprit précédent l’action d’entreprendre (Krueger, 1993; Krueger et Brazeal, 1994). Justement, le processus de création d’ entreprises commence par le développement de l’ intention (Shook, Priem, et McGee, 2003), cette intention est selon Krueger Jr et al. (2000), le meilleur prédicteur du comportement d’entreprendre. Il est donc primordial de comprendre le développement de l’ intention d’entreprendre afin de comprendre, subséquemment, le comportement entrepreneurial. Deux théories majeures prédominent le champ de recherche sur l’ intention d’entreprendre et le comportement entrepreneurial : la théorie de l’action raisonnée d’Ajzen (1991) et la théorie de l’évènement entrepreneurial de Shapero et Sokole (1982). Krueger et Brazeal (1994) reconnaissent que ces deux théories sont cohérentes. En effet, les deux théories contiennent dans leur modèle les concepts d’ auto-efficacité (faisabilité) et de désirabilité.

Cependant, il existe une divergence entre les deux théories. La théorie de l’évènement entrepreneurial se focalise sur l’aspect individuel tandis que la théorie de l’action raisonnée se focalise sur l’aspect environnemental (Shook et Bratianu, 2010). Selon la théorie de l’évènement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982), le choix d’entreprendre dépend des trois variables suivantes : les perceptions de la désirabilité et de la faisabilité de l’ acte et la propension à l’ action . Selon Shapero et Sokol (1982), la désirabilité réfère à la perception de la personne de son désir de démarrer une entreprise, tandis que la faisabilité réfère à la perception de l’ auto-efficacité de la personne à créer une entreprise. La propension à l’ action, quant à elle, réfère aux dispositions individuelles de la personne qui lui permettent de concrétiser sa désirabilité. Selon la théorie de l’ action raisonnée (TAR) d’Ajzen (1991), tout comportement nécessite une certaine planification et il est prédit par l’ intention de son adoption (Ajzen, 1991). Cette théorie postule que la formation de l’ intention se construit via les trois variables suivantes :

1-1’attitude envers le comportement,

2-les normes subjectives (qui correspondent à la perception de désirabilité de Shapero et Sokol (1982) (Krueger et Brazeal, 1994) ), et

3-le contrôle comportemental perçu (qui correspond à la perception de faisabilité de Shapero et Sokol (1982) (Krueger et Brazeal, 1994)). La propension à l’ action de Shapero et Sokol (1982), quant à elle, n’existe pas dans le modèle d’Ajzen (1991).

Intention d’entreprendre sous le prisme de la TSCC

Notre recherche repose essentiellement sur la théorie sociocognitive de la carrière (TSCC). À l’ instar de la théorie de l’évènement entrepreneurial de Shapero et Sokol (1982) et de l’ action raisonnée d’Ajzen (1991), la TSCC, adaptée à l’ entrepreneuriat, intègre plus de variables contextuelles et personnelles et s’ avère plus complète pour expliquer le processus qui mène au développement de l’ intention d’entreprendre (St-Jean et Tremblay, 2013; St-Jean et al., 2013). En effet, grâce au modèle de cette théorie, il nous est possible d’ expliquer le processus donnant naissance à l’ intention d’entreprendre chez les étudiants universitaires ainsi que son développement. La TSCC est dérivée principalement de la théorie sociocognitive du psychologue Albert Bandura (1986) (Lent et al., 2002), qui repose sur l’apprentissage social à travers l’observation. La TSCC tente d’ expliquer le développement de l’intention et du choix de carrière à travers l’ intérêt académique et professionnel que la personne forme sur la base des variables personnelles, contextuelles et comportementales (Lent et al., 2005). Concrètement, le modèle de Lent et al. se compose essentiellement des trois variables suivantes : l’ auto-efficacité, l’ attente des résultats et l’intérêt envers une carrière (Lent et al., 2002).

Afin de comprendre les interactions entre ces variables et leur effet sur le développement de l’intention et le choix de carrière, nous allons présenter l’attente de résultat à l’égard de la carrière entrepreneuriale, les intérêts entrepreneuriaux et l’ influence de l’environnement, présenté ici par les normes subjectives. Vu l’ importance du concept d’ auto-efficacité dans cette recherche et la grande place qu’ il occupe dans la littérature, il fera l’objet d’ une section à part. Dans la TSCC, les attentes de résultats réfèrent aux trois formes suivantes : les effets physiques (positifs ou négatifs), qui correspondent à la sensation de plaisir physique, de douleur ou d’ inconfort; les effets sociaux qui correspondent aux attentes d’ ordre social (positives ou négatives), comme la reconnaissance, l’ approbation ou le rejet, les sanctions ou la désapprobation; et enfin, les effets auto-évaluatifs (positifs ou négatifs), qui correspondent à l’ autosatisfaction ou l’ autocritique (Bandura, 2003). La TSCC postule que « l’ auto-efficacité sert de source partielle des attentes » (Lent et al., 2005, p. 85), donc il existe une relation positive entre les deux variables. En effet, plus une personne se sent compétente envers une carrière, et plus elle s’ attend à des résultats positifs de cette carrière (Bandura, 2003). Selon la TSCC, les attentes positives permettent à la personne de développer un intérêt envers une activité ou une carrière (Lent, Brown, et Hackett, 1994; Lent et al., 2005). Cependant, l’attente de résultats ne suffit pas pour déclencher le comportement, elle doit être accompagnée avec un sentiment de compétence. En d’autres termes, Bandura (1977) a prouvé que l’ individu n’est pas en mesure d’ accomplir une tâche ou une action envers laquelle il ne trouve pas de sentiment de compétence, et cela même s’ il entretient une attente de résultats. C’est pour cette raison que dans notre recherche, nous avons remplacé les attentes de résultat par la motivation telle que conceptualisée par la TAD, dans le but d’ apporter une explication plus fine à l’ intention d’entreprendre. Nous y reviendrons plus loin dans ce travail.

Les attentes de résultats et l’ auto-efficacité jouent un rôle important dans la formation de l’ intérêt envers la carrière. En effet, il est évident que les gens développent un intérêt envers une carrière dont ils possèdent un sentiment d’ efficacité et à l’égard de laquelle ils anticipent des résultats positifs (Bandura, 2003; Lent et al., 2005). L’ étude de Lent et al. (2001) effectuée auprès d’étudiants universitaires a révélé que l’ auto-efficacité et les attentes de résultats envers une matière sont à la fois associées aux intérêts pour cette matière ainsi qu’aux intentions de poursuivre des formations en lien avec cette matière. La TSCC accorde une place importante à l’ influence environnementale. En effet, l’ environnement dans lequel évolue la personne influence en grande partie le sentiment d’ auto-efficacité et les attentes de résu Itats, qui influencent à leur tour l’ intention et le choix de carrière des personnes. Le soutien social constitue un élément de l’environnement qui s’ avère utile dans cette recherche sur la carrière puisqu’ il est aussi relié à la théorie de l’auto-détermination. En effet, dans la TAD, le soutien social peut être perçu favorable s’ il soutient l’autonomie de la personne, ou défavorable s’ il est perçu contrôlant envers la personne. Pour des raisons de parcimonie, nous nous limiterons dans cette recherche à l’influence des normes subjectives, laquelle constitue une mesure du soutien social faisant partie de l’ environnement.

Le modèle de la TSCC postule que les intentions pour une carrière sont prédites par le sentiment d’auto-efficacité, les attentes de résultats et les intérêts (Lent et al. , 1994; Lent et al., 2005). Selon Bandura (1986), l’ intérêt envers une activité se forme si la personne perçoit qu’ elle possède des compétences envers cette activité et qu ‘elle a des croyances que les efforts fournis mèneront à des résultats positifs. Dans le modèle de Lent et al. (2002), l’ensemble de l’ auto-efficacité, des attentes de résultat et de l’ intérêt influencent la fixation des buts poursuivis à travers l’ activité. En d’autres termes, le développement de l’ intérêt à l’égard d’une activité, issu du sentiment d’auto-efficacité et des résultats positifs attendus, participe à la formation des buts particuliers. Ainsi appliqué à l’ entrepreneuriat, selon la TSCC, le fait de vivre des expériences entrepreneuriales réussies et de percevoir le jugement positif de l’ environnement social à l’ égard de l’ entrepreneuriat permettent de développer le sentiment d’ auto-efficacité entrepreneurial et de renforcer les attentes positives de résultats à l’égard de cette carrière, ce qui concourt à promouvoir l’ intérêt envers la carrière entrepreneuriale. Après avoir passé en revue les principales théories qui expliquent le choix de la carrière d’entrepreneur, notamment la TSCC sur laquelle repose notre recherche, nous allons présenter la théorie sociocognitive du psychologue Albert Bandura, ce qui permettra de comprendre l’ effet de la réflexion de l’apprentissage par l’observation dans ce processus, qui constitue la base de la TSCC.

Théorie sociocognitive

La théorie sociocognitive est au coeur de la théorie de l’ auto-efficacité (Bandura, 1997) et elle est à la base de la TSCC (Lent et al., 2002). La théorie sociocognitive se base sur la notion d’ interaction. En effet, le fonctionnement humain est le produit de l’ interaction entre les trois facteurs : personnel (C) (biologiques, cognitifs et émotionnels), comportemental (B) et environnemental (E), ces interactions sont présentées dans la figure 1. Ces facteurs sont, d’après Bandura (1986), au coeur d’une dynamique causale caractérisée par une interdépendance et une influence réciproque. En d’ autres termes, une personne influence directement sur ce qu ‘elle peut influencer, sinon elle fait appel à ceux qui possèdent les connaissances, les ressources et qui peuvent réagir directement pour son intérêt (Bandura, 2001 , 2012). Bandura (1986), définit cette relation par le déterminisme réciproque (cité dans: (Bayron, 2013)). Donc, la personne est à la fois le produit et le producteur de son environnement (Bandura et Wood, 1989). En effet, la personne agit et réagit dans son environnement à travers les quatre processus suivants : le processus cognitif, le processus motivationnel, le processus affectif et le processus sélectif. Selon Bandura, l’ auto-efficacité est l’un des facteurs personnels importants: elle Joue un rôle primordial qui influence sur le cours de la vie de l’ individu et sur les évènements (Bandura, 2012) et ce à travers son intervention dans les quatre processus présentés précédemment et qui permettent à la personne d’ agir et de réagir. Nous les présentons en détails dans les prochaines lignes.

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Table des matières

LISTE DES TABLEAUX
LISTE DES FIGURES
LISTE DES SIGLES ET ABRÉVIATIONS
REMERCIEMENTS
1 PROBLÉMA TIQUE
1.1 Problématique managériale
1.2 Problématique théorique
2 REVUE DE LA LlTTÉRA TURE
2.1 Intention d’entreprendre
2.1.1 Intention d’ entreprendre sous le prisme de la TSCC
2.2 Théorie sociocognitive
2.2.1 Processus cognitif
2.2.2 Processus motivationnel
2.2.3 Processus affectif
2.2.4 Processus sélectif
2.3 Motivation
2.3.1 Théorie de l’ autodétermination
2.3.2 Autodétermination et l’ intention d’entreprendre
2.3.3 Contexte social et l’intention d’entreprendre
2.3.4 Besoins psychologiques de base et l’ intention d’ entreprendre
2.3 .5 Types de buts et l’entrepreneuriat
2.4 Auto-efficacité
2.4.1 Définition
2.4.2 Facteurs de développement de l’ auto-efficacité
2.4.3 Dimensions de mesure de l’ AÉE
2.4.4 Rôle de l’AÉE dans le développement de l’ intention d’entreprendre et le choix de carrière entrepreneuriale
2.4.5 AÉE et la motivation autodétermination
2.5 Cadre conceptuel
2.5.1 Modèle de recherche
2.5.2 Variables retenues
2.5.3 Objectif de recherche
2.5.4 Hypothèses de recherches
3 MÉTHODOLOGIE
3.1 Devis de recherche
3.2 Échantillonnage
3.3 Description de l’échantillon
3.4 Collecte des données
3.5 Mesures
3.5.1 Variable dépendante
3.5.2 Variables indépendantes
3.5.3 Variable médiatrice
3.5.4 Variable de contrôle
3.6 Méthode d’analyse
4 RÉSULTATS
4.1 Analyse corrélationnelle
4.2 Analyse de régression
5 DISCUSSION
5.1 Limites
5.2 A venues de recherches futures
CONCLUSION
RÉFÉRENCES
ANNEXE 1 : QUESTIONNAIRE EN LIGNE

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