Climat de classe
Les enjeux du climat de classe
L’environnement d’un individu est source de signaux multiples qu’il va percevoir. Le climat de classe est l’environnement principal de l’élève en milieu scolaire. L’ « atmosphère » d’une classe est décrite par Bucheton et Soulé comme « L’espace intersubjectif qui organise la rencontre intellectuelle, relationnelle, affective et sociale entre des individus confrontés à une situation contenant des enjeux en commun. » (2009). La qualité de ce climat a des répercussions sur le comportement et les dispositions de l’élève, et, par conséquent sur la qualité de son apprentissage.
Un environnement défavorable est générateur de stress et donc d’une moindre qualité des performances. En effet, comme l’a montré D. Laustriat (2015), en état de stress, l’organisme répond à un sentiment de menace (fuite, combat ou immobilité). Cela entraine pour l’enfant un état nuisible s’il perdure (colère, anxiété, insécurité, inhibition, repli, etc.). Les recherches citées par Synlab (2014) montrent que les individus en situation de stress subissent une perturbation émotionnelle et un ralentissement du cortex préfrontal (prises de décisions, raisonnement, mémoire de travail et capacités langagières). De plus le stress a un effet direct sur la zone du cerveau gérant la mémoire et les apprentissages. Les effets de cet état émotionnel sont évidemment désastreux.
En revanche, dans le cadre d’un environnement bienveillant, serein et motivant l’effet est contraire, il n’y a pas d’effet négatif lié au stress. Un climat favorable est positif, chaleureux, et les relations y sont majoritairement agréables et harmonieuses. Un tel climat permet l’expression des potentiels des enfants, suscite curiosité et engagement actif de leur part. L’erreur doit être acceptée et suivie d’une réponse adaptée et bienveillante. De plus un climat positif est favorable à la coopération.
L’enfant y développe un sentiment de confiance, des comportements pro-sociaux et de l’empathie.
Dans ce cadre, l’enfant est plus enclin au bien-être et à l’apprentissage.
Toutefois, le climat de classe se cultive et s’entretient au quotidien. Le maintien d’un environnement favorable par l’enseignant et les partenaires de l’école permet à l’enfant de développer et d’ancrer des comportements et des compétences positives pour son épanouissement. Ainsi il peut maximiser ses apprentissages. Cet effet est optimisé grâce à la neuroplasticité du cerveau particulièrement importante chez l’enfant.
Quels sont les facteurs impliqués dans le climat de classe ?
Le climat de classe est influencé par des facteurs spatiaux, environnementaux et surtout humains : l’attitude de l’enseignant, les relations avec les élèves, entre les élèves, avec les parents et les partenaires de l’école. Le réseau Canopée (2018) et d’autres auteurs définissent les cinq dimensions du climat scolaire selon les indicateurs liés aux relations interpersonnelles, à la qualité et l’exigence de l’enseignement et de l’apprentissage, à la sécurité, l’environnement physique et le sentiment d’appartenance au milieu scolaire.
Outre la bonne gestion des gestes professionnels définit par D. Bucheton (2009), d’autres auteurs comme M. Rosée (2006, p.193 ; 199) expliquent qu’il est presque impossible de définir précisément un climat de classe « propice à la construction des savoirs ». Les spécificités d’humains vivants ensemble sont tellement nombreuses qu’on ne peut appliquer les mêmes caractéristiques à tous. Néanmoins, l’auteur dégage les caractéristiques dominantes suivantes : la sécurité affective, la confiance, la liberté intellectuelle, la coopération, la communication, la recherche de sens et de motivation ainsi que l’innovation. De plus, il existe sept facteurs déterminants sur lesquels il est possible d’agir :
– La dynamique et les stratégies d’équipe, pour briser la solitude dans la classe
– Les stratégies pédagogiques en faveur de l’engagement et de la motivation des élèves
– Un cadre et des règles explicites et explicitées
– La prévention des violences et du harcèlement
– La coéducation avec les familles
– Le lien avec les partenaires
– La qualité de vie à l’école : organiser le temps et l’espace.
Comme nous l’avons vu précédemment, le climat de classe est influencé par la qualité des relations en classe. Des relations de confiance entre élèves et enseignant, tout comme de bonnes relations entre les élèves sont nécessaires à un fonctionnement de la classe agréable. Cela influe sur leur motivation, leur réussite, l’estime d’eux-mêmes et le sentiment d’appartenance au groupe et au système scolaire.
Il est nécessaire de cultiver les valeurs que l’on souhaite développer chez l’enfant, de montrer l’exemple et de s’intéresser aux nombreuses possibilités qu’offrent les différentes formes d’intelligences pour instaurer et maintenir un cadre de confiance, sécurisant et bienveillant.
Les intelligences multiples et l’intelligence sociale
Historique du courant des intelligences multiples
Dès les années 1920, dans les ouvrages d’E. Thorndike notamment, l’intelligence sociale est associée à l’intelligence mécanique et à l’intelligence abstraite. Dans cette segmentation, l’intelligence sociale comprend les capacités de gestion des interactions humaines.
On peut compléter ces intelligences avec l’intelligence émotionnelle qui comprend les compétences liées à l’identification, la compréhension, l’expression et surtout la gestion de ces émotions. Cette notion fait son apparition en 1980, et est définie par les psychologues Salovey et Mayer « comme un ensemble de capacités qui aident à apprécier et réguler les émotions, mais aussi à utiliser les sentiments pour motiver, planifier et réaliser. » (1997). Claudine Leleux parle, elle, d’autonomie affective pour englober ce qui a trait à la maitrise des émotions. Howard Gardner prolonge et complète ces concepts en définissant sept intelligences (non exhaustives) liées mais indépendantes : l’intelligence musicale, kinesthésique, logico-mathématique, spatiale et l’intelligence langagière, interpersonnelle et intra-personnelle que nous allons détailler.
L’intelligence langagière, interpersonnelle et intra-personnelle d’H. Gardner (1983)
L’intelligence langagière est largement partagée par l’espèce humaine. Elle se définit comme l’aptitude à utiliser les mots, la sensibilité à leur signification et l’utilisation des différentes fonctions du langage, principalement à des fins de communication.
L’intelligence interpersonnelle est d’ordre social. Elle inclut la capacité à coopérer et à comprendre les autres, à repérer leurs humeurs, tempéraments, intentions, etc. L’intelligence intra personnelle est apparentée à la précédente mais tournée vers l’individu lui-même. Elle inclut la capacité à se comprendre soi-même, à réagir en fonction de ses propres expériences émotionnelles et à s’en servir comme guide comportemental.
Les dérivés
De ces notions découlent de nombreuses compétences. Leurs dénominations et définitions sont diverses. En neurosciences elles sont appelées « compétences non-cognitives ». Aussi appelées au sens large « compétences émotionnelles, sociales et civiques », « compétences du XXIème siècle », « aptitudes de la vie quotidienne » elles se rapprochent des concepts d’intelligences multiples et de la notion de compétences psychosociales (terme utilisé en sciences de l’éducation). Elles regroupent différentes notions dont les définitions ne sont pas définitives. Mais toutes ces définitions apportent un cadre : des compétences fondamentales hors enseignement scolaire (lecture, écriture, calcul…), des compétences sociales et émotionnelles non cognitives, la capacité d’adaptation sociale (résolution des problèmes de la vie quotidienne) et des compétences professionnelles. L’UNICEF s’est inspiré de ces approches pour établir la synthèse suivante :
« Que l’on parle d’apprentissage des compétences émotionnelles, sociales et civiques, de compétences non-cognitives ou d’éducation sanitaire basée sur l’acquisition de compétences, l’idée centrale reste la même : fournir une éducation qui aide les jeunes à mener une réflexion critique, résoudre les problèmes, avoir confiance en eux et interagir avec autrui de manière constructive et efficace. »
L’UNICEF, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) et l’Union Européenne ont chacune leur définition.
Mais quelles que soient les dénominations de ces compétences, il apparait essentiel, dans une société à l’évolution exponentielle, de s’interroger sur les compétences du futur alors même que nous ne savons de quoi il sera fait. Les compétences d’adaptation, d’initiative et de résolution de problèmes sont cruciales. Or ces compétences ne sont constructibles que si la personnalité est stable et positive.
Dès à présent nous utiliserons le terme « compétences psychosociales » et la définition associée car c’est celui qui est utilisé en sciences de l’éducation.
Description des activités et analyse de l’influence des activités didactiques sur la classe
Les séances ont été menées oralement, à l’aide de supports visuels ou papiers. Elles portent principalement sur l’élève en tant que sujet. Les apprentissages sont liés aux élèves eux-mêmes. Préalablement, nous avons débattu des règles de la classe et de la notion de conflit. Les règles ont été construites avec l’ensemble de la classe, explicitées et acceptées lors d’une séance dédiée en début d’année. La définition de la notion de conflit a elle aussi fait l’objet d’une discussion. Nous avons établi les caractéristiques d’un conflit et mis en évidence que, pour les élèves, c’est une situation souvent difficile à résoudre calmement.
Séance 1 : Cercle de parole
Premièrement les élèves ont pris la parole lors d’un débat suivant la méthode (Programme de développement affectif et social conçu par Harold Bessel, Uvaldo Palomares et Géraldine Ball) avec la problématique suivante : « Qu’engendre le fait d’exprimer ses émotions et pourquoi ? ».
Cette séance a eu pour objectif d’introduire le sujet, de faire émerger les représentations des élèves et d’établir une première définition des émotions. D’autre part elle m’a permis d’observer les prises de parole des élèves lors d’interactions orales.
1/3 des élèves ont pris la parole. Les idées qui ont émergées ont été diverses et parfois opposées :
– Exprimer ses émotions libère d’un poids, « on se sent mieux après »,
– Exprimer ses émotions c’est montrer ses faiblesses, « on doit les garder pour soi sinon les autres se moquent de nous », « c’est trop intime, je veux pas que tout le monde le sache »,
– Exprimer ses émotions c’est difficile, « des fois on est tout embrouillé dans notre tête », « ça fait peur, j’ose pas », « des fois c’est trop fort, ça me bloque »,
– Exprimer ses émotions demande du vocabulaire : « je sais pas comment dire »,
– L’expression des émotions est un langage non-verbal « toute façon, on les voit sur le visage, pas besoin de parler » ; « oui, mais on peut se tromper quand on regarde » (sous-entendu, quand on interprète les émotions d’autrui).
Quant à la définition des émotions : « c’est ce que l’on ressent à l’intérieur de soi, quand on est touché par quelque chose, triste ou content ». Les élèves ont du mal à définir les émotions et à les nommer, ils mélangent émotions, sentiments, humeurs et tempéraments, et utilisent un lexique très peu développé.
Cette prise de représentation a menée à la séance 2, il est apparu nécessaire de clarifier le lexique afin de l’utiliser à bon escient et créer une base de réflexion commune. La deuxième conclusion a été qu’il est essentiel de créer au sein de la classe un espace de parole et de confiance pour que les élèves osent s’exprimer sans craintes.
Séance 2 : travail sur le lexique des émotions et la distinction avec les sentiments
Pour pallier au manque de vocabulaire lié aux émotions et aux sentiments, nous avons fait un travail en commun. Les élèves ont réalisé une liste de tous les mots qu’ils considéraient comme émotions ou sentiments. Puis nous avons explicité le sens de ces mots pour que tous les comprennent et les élèves ont cherché à les classer. Nous avons abouti à un double classement : positif/négatif/entre les deux et passager/durable. Nous avons ainsi fait émerger la distinction entre émotions et sentiments bien que certains mots désignent l’un et l’autre. Ce travail a été suivi de l’élaboration d’une trace écrite accompagnée d’une liste de vocabulaire de la classe à compléter au grès des rencontres avec des mots nouveaux.
Ensuite nous avons classé les émotions selon leur intensité et par colonnes suivant les quatre émotions de base : joie – colère – peur – tristesse. (Annexe 1)
Séance 3 : identifier et discuter des émotions de situations empruntées à une activité de l’OCCE
Afin de permettre au maximum d’élèves de s’entrainer à identifier et nommer des émotions, nous avons travaillé sur une liste de situations proches de l’univers de référence des enfants mais détachées de leur propre vécu. Avec ce recul, les élèves ont tous pris la parole (sauf deux). Ils ont su reconnaitre des émotions basiques (joie, tristesse, colère, peur, surprise, dégoût) mais seulement quatre élèves ont utilisé d’autres mots que ceux-ci. Ils ont principalement décrit les situations par l’expression de sensations associées à une émotion de base pour préciser leur pensée.
Séance 4 : découverte du lexique des qualités et questionnaire personnel sur ses propres qualités
Afin de développer l’estime de soi, l’exercice proposé par l’OCCE (Annexe 3) vise à permettre à tous les élèves de comprendre qu’ils ont des qualités et des valeurs et qu’elles leur sont propres.
Nous avons commencé cette activité sur les qualités par la lecture de la liste en collectif, explicité le vocabulaire et les élèves ont dû entourer celles qu’ils pensaient posséder. Les élèves les ont ensuite comptabilisé de manière personnelle et confidentielle afin de prendre conscience qu’elles sont nombreuses pour chacun d’entre eux.
En parallèle, j’ai affiché en classe une liste plus complète de valeurs et une autre de qualités afin que les élèves puissent s’y référer s’ils le désirent.
Synthèse
Les résultats
Comme nous l’avons vu précédemment les émotions et l’estime de soi sont le support psychologique du développement des compétences psycho-sociales. Observons les résultats de la collecte des données concernant ces facteurs.
L’évolution de l’estime de soi : test de Rosenberg
Ce test propose 10 phrases affirmatives reliées à l’estime de soi. Chaque proposition est à noter de 1 à 4 selon son degré d’approbation. La valeur 1 correspondant à « pas du tout d’accord », et 4 étant « tout à fait d’accord ». Le score final obtenu est compris entre 10 et 40 points.
Remobilisation du lexique appris
Chaque élève a dû rédiger un message clair (sur une situation vécue ou fictive). Les comparaisons entre les résultats liés au vocabulaire sont complexes. Les élèves n’ayant pas tous les mêmes problématiques, ils ne se sont pas approprié le lexique des mêmes thèmes et le contenu des messages n’est pas comparable.
Cependant, il est possible de s’intéresser à l’application de la méthode. Sur 23 élèves , 14 ont formulé un message décrivant des faits, sans jugement ni interprétation ; 15 ont exprimé des émotions pertinentes et donc bien identifié les émotions en jeu dans leur situation ; 7 élèves ont exprimé un besoin cohérent avec ce qu’ils ont exprimé ; et 13 ont exprimé une demande claire pour clore leur message, dont 9 demandes d’excuses.
Au regard des productions, il s’avère que l’acquisition du lexique est encore faible et la technique des messages clairs encore balbutiante. Certains élèves sont encore beaucoup dans le jugement et l’interprétation, certains ne maitrisent pas leurs émotions et n’identifient pas clairement ce qu’ils ressentent. Dû à leur jeune âge ces constats sont normaux, il est tout de même intéressant de poursuivre le travail dans ces domaines.
Analyse des prises de paroles
J’ai mis de côté l’analyse des prises de parole des élèves. Celles-ci comportent de nombreux critères et sont très complexes à analyser (syntaxe, lexique, interlocution, durée, pertinence du propos, etc.).
Globalement, les prises de paroles ne sont pas révélatrices de l’évolution des CPS et des relations au sein de la classe. Elles dépendent également de différents paramètres notamment l’intérêt des élèves pour le sujet, leur implication émotionnelle, leur fatigue, etc.
Résolution des conflits
Ces données sont directement connectées à la qualité du climat de classe. Je relève le nombre de conflits pour lequel je dois intervenir depuis le début du mois de Mars. Le recensement de « l’intervention » comprend uniquement celles concernant les élèves de ma classe mais porte sur toute la journée, récréations comprises. En voici les résultats sur la période du 1 er mars au 4 mai à raison de 2 jours par semaines.
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Table des matières
Introduction
Contexte, genèse et objectifs du projet
1. Etat de l’art
1.1. La loi de refondation de l’école et les nouveaux programmes
1.2. Climat de classe
1.2.1. Les enjeux du climat de classe
1.2.2. Quels sont les facteurs impliqués dans le climat de classe ?
1.3. Les intelligences multiples et l’intelligence sociale
1.3.1. Historique du courant des intelligences multiples
1.3.2. L’intelligence langagière, interpersonnelle et intra-personnelle d’H. Gardner (1983)
1.3.3. Les dérivés
1.4. Les compétences psychosociales
1.4.1. Définition
1.4.2. Les CPS et l’école
1.5. L’estime de soi
1.6. Les émotions et les sentiments dans le processus de construction des CPS, clé des compétences langagières
1.7. La place du langage
1.7.1. Le langage et la socialisation
1.7.2. Le langage et les émotions
1.8. Les messages clairs
1.9. Hypothèses
2. Méthodologie
2.1. Les participants
2.2. Les procédures de recueil de données
2.3. Plan de séquence
2.4. Description des activités et analyse de l’influence des activités didactiques sur la classe
3. Synthèse
3.1. Les résultats
3.2. Discussion
3.2.1. Réponse aux hypothèses
3.2.2. Limites et pistes de prolongations
3.2.3. Perspectives et apports pour la profession
Bibliographie
Annexes
Annexe 1 : Classement de l’intensité des émotions par les élèves :
Annexe 2 : Séance 3, lexique et mise en mot des émotions
Annexe 3 : Séance sur les qualités
Annexe 4 : La fleur des besoins d’après l’OCCE 71
Annexe 5 : liste des valeurs d’après une activité de l’OCCE 71
Annexe 6 : Activité sur les messages « JE » de la Coordination Française pour la Décennie
Annexe 7 : Identification d’une interprétation ou d’un jugement, fiche 3
Annexe 8 : Activité de l’IREPS : Construction des messages « JE »
Annexe 9 : Questionnaire de « la météo des émotions »
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