L’intégration des élèves allophones au sein du système scolaire français

Étrangers, migrants, allophones : une population hétérogène

                  Les flux migratoires, qu’ils soient à l’échelle mondiale ou de la France, présentent des aspects divers et concernent des populations souvent regroupées sous une étiquette commune ne permettant pas de saisir leurs différences. “Étrangers”, “immigrés”, “migrants”, telles sont les dénominations attribuées aux individus installés dans un pays autre que celui dans lequel ils sont nés. La question de la place de l’étranger, au sein des sociétés occidentales, est devenue celle de l’immigré ou du migrant, deux figures associées, historiquement et de nos jours, à des difficultés économiques potentielles et à une menace pour l’identité nationale. L’immigré est un individu résidant dans un pays différent de celui où il est né selon l’INSEE . C’est historiquement un travailleur, bienvenu ou non selon le 3 contexte économique et social, mais malvenu en tant qu’individu (Le Bras, 2014, p. 107). Les tensions suscitées par la présence d’immigrés au sein de sociétés occidentales, notamment en France, sont liées à la pérennisation de l’immigration. Dès lors, il n’est plus question de travailleurs, dont la présence n’était que temporaire, mais d’immigrés en passe de s’installer de manière définitive, leur position au sein de la société interroge et peut amener à l’émergence de réactions de rejet et d’exclusion. “Désigner les immigrés par le terme “étrangers” signifie déjà qu’ils sont différents” (Khellil, 2005, p. 47) et ce choix de terme n’est pas anodin car il prend généralement un sens péjoratif dans l’inconscient collectif. Cette définition suppose que l’immigré est condamné, d’une façon, à rester un étranger et à être incapable de véritablement s’intégrer au sein de la société de son pays d’accueil. Cela revient à nier la possibilité qu’il puisse acquérir la nationalité du pays d’accueil. Or, en France, cela est possible avec le processus de naturalisation ou d’acculturation. Il peut incarner selon cette représentation une menace potentielle pour l’identité nationale de son pays d’accueil et ce d’autant plus si son origine, sa culture, sa religion sont très éloignées de celles de la majorité de la population locale. Le terme de “migrant” est aujourd’hui plébiscité et entendu “comme toute personne qui vit de façon temporaire ou permanente dans un pays dans lequel il n’est pas né et qui a acquis d’importants liens sociaux avec ce pays”, selon l’Unesco. Le mot allophone, dont l’étymologie “allo” signifiant d’une nature différente et “phone” qui se rapporte à la parole, désigne quant à lui une personne parlant une langue différente de celle de la majorité de la population d’un pays. Les termes “étrangers” et “immigrés” peuvent également être utilisés pour désigner une grande majorité des allophones, étant donné que ces derniers sont pour la plupart nés à l’étranger et ne possèdent pas la nationalité française. Ces désignations renvoient les individus à leur parcours migratoire, à leurs origines ethniques, à leur culture, aux motivations réelles et supposées de leur migration et ce d’autant plus que le phénomène de migrations mondiales, en s’amplifiant, a eu pour conséquence l’émergence de sociétés de moins en moins homogènes et dont l’identité culturelle se trouve selon certains individus de plus en plus menacée.

Une culture scolaire française singulière

                   Il apparaît donc que la circulaire de 2012 reconnaît des besoins spécifiques aux élèves nouvellement arrivés et prévoit des structures et un accompagnement spécialisé pour que l’École soit en mesure de faire progresser et de guider ces élèves dans leur parcours scolaire. Toutefois, au vu du fonctionnement du système éducatif français, nous pouvons nous interroger sur les perspectives des élèves allophones en terme de parcours et d’orientation. En effet, la culture scolaire française repose sur l’obtention d’un diplôme comme gage symbolique de réussite scolaire et sociale des individus, sur la mise en avant du mérite et des qualités de chaque élève et avant tout sur une maîtrise de la langue française, orale et écrite, dont ces élèves peuvent difficilement se prévaloir. Leur parcours au sein du système scolaire français ne présuppose pas seulement l’apprentissage de savoirs mais aussi celui d’une culture scolaire spécifique dont ils ne sont pas coutumiers.
Le poids de la méritocratie et du diplôme sur les trajectoires scolaires Le système français s’est construit sur le principe de la méritocratie et ce depuis la Troisième République. L’obligation depuis 1882 pour les enfants de six à douze ans de recevoir une instruction va accorder une place importante à l’école publique, laïque et gratuite. L’École républicaine va accueillir la quasi-totalité des enfants et leur transmettre un bagage de connaissances minimal commun à tous, ainsi elle “offre à tous la dignité scolaire à laquelle chaque membre de la société a droit” (Dubet, 2010, p. 25). Pour autant, son objectif n’a jamais été de permettre la promotion de tous les individus, mais seulement des plus méritants. L’École française est aujourd’hui encore héritière de cette tradition, de par la valorisation de certaines filières et poursuites d’études. La sélection fait partie intégrante du système et nous pouvons imaginer que les élèves allophones ne peuvent que difficilement progresser au-delà du lycée ou du moins avoir des difficultés à accéder aux “meilleures” filières. Une certaine partie d’entre eux, arrivés pendant leur adolescence en France ou ayant été peu scolarisés auparavant, risque de ne pas avoir le niveau scolaire requis et de ne pas répondre aux attendus de leur classe ou de certains types de formations sélectives et ce d’autant plus que la barrière de la langue est bien réelle. Parce que les filières les plus valorisées, notamment au lycée et dans l’enseignement supérieur, sont plus facilement accessibles à des élèves possédant un certain capital culturel, les élèves allophones possédant un bagage culturel différent risquent d’être moins avantagés. Actuellement, ce sont les élèves dont les parents font partie des catégories socio-professionnelles supérieures, ayant un capital culturel élevé et les meilleures stratégies individuelles, notamment pour tout ce qui relève de l’orientation, qui ont le plus de chances de réussir dans le système éducatif français. “L’écrasante majorité de l’élite scolaire est toujours issue de l’élite sociale, pendant que les vaincus de la compétition sont issus des catégories les plus défavorisées” (Dubet, 2010, p. 84) et nous pouvons supposer que les élèves allophones appartiennent plus vraisemblablement à la deuxième catégorie. Dans le cas de ces élèves, leur origine sociale semble jouer tout autant que leur manque de maîtrise de la langue française dans les difficultés qu’ils peuvent rencontrer.
La maîtrise du français au coeur de la scolarité La prépondérance du français et de l’écrit au sein de l’Ecole française s’expliquent, d’une part par l’histoire de l’école française, et d’autre part par le fait que la France est un pays de tradition écrite et non orale, attaché à une forme de prestige incarnée par la littérature. Depuis la Révolution Française, l’objectif a été d’instaurer un monolinguisme visant à contribuer à la pérennité de la République par la transmission de valeurs et de normes communes. Sous la Troisième République va s’opérer un mouvement d’unification nationale, qui va passer en grande partie par la formation des futurs citoyens au sein de l’école républicaine, avec le vote des lois Jules Ferry en 1881 et 1882 rendant l’enseignement primaire public gratuit et l’instruction obligatoire pour les enfants de six à treize ans. Le français, dès lors, s’impose définitivement comme langue de scolarisation officielle au détriment des dialectes régionaux des “petites patries”. Cette tradition historique se traduit par une logique de l’École qui est d’abord assimilative, au nom des principes d’égalité et de fraternité, puisqu’il s’agit pour les élèves allophones de s’approprier et d’utiliser la même langue que leurs pairs (Auger, 2010, p. 41). Or, l’apprentissage du français, plus particulièrement le passage à l’écrit peut s’avérer extrêmement compliqué pour des adolescents allophones. Ainsi le rapport à l’écrit peut être problématique quand l’élève allophone est issu d’une culture de tradition orale ou qu’il maîtrise avec peine l’écrit dans la langue maternelle. De plus, l’écrit donne moins de repères à un allophone qui, à l’oral, peut s’aider des intonations et de la gestuelle pour comprendre et se faire comprendre, même quand il lui manque un certain vocabulaire. A l’école, l’évaluation de la maîtrise des savoirs est écrite y compris pour des élèves non francophones. Une des principales limites des écrits des élèves allophones est que leurs productions écrites sont trop “scolaires”, que l’ensemble manque de subjectivité et de travail sur la forme (Chomentowski, 2009, p. 145). Il est intéressant de noter que ce reproche peut également être fait à des élèves issus des catégories socioprofessionnelles les moins aisées, ce qui démontre que les attentes de l’institution scolaire se basent sur la possession d’un capital culturel comme Bourdieu et Passeron l’ont démontré dans Les héritiers et sur un certain rapport aux savoirs. C’est bien parce que “l’École propose une forme de normalisation, d’homogénéisation de la langue, mais [qu’elle] oublie que ce choix est une standardisation” (Auger, 2010, p. 44) qu’elle peine à comprendre les difficultés que peuvent rencontrer les élèves, entre l’oral et l’écrit notamment. Cela est flagrant chez les élèves allophones. Par ailleurs, le facteur de l’âge joue également beaucoup dans l’apprentissage d’une nouvelle langue. En nous fondant sur les hypothèses suivantes, nous pouvons déduire qu’il sera plus aisé pour un allophone arrivé relativement jeune et ayant une langue maternelle proche du français d’apprendre le français, en raison d’une capacité d’adaptation plus grande et des effets bénéfiques d’une scolarité effectuée en totalité ou en partie en France. Cette citation nous l’indique “Plus un individu immigre jeune, plus il sera efficace dans son acquisition du français écrit pour deux raisons : une meilleure capacité d’adaptation (pas d’obsolescence technique des compétences) [et] une scolarisation tout ou partie dans la langue du pays d’accueil qui démultiplie les effets “producteurs” de l’éducation”. Et “plus la langue maternelle est structurellement éloignée de la langue française, dont les racines sont latines, plus un individu présente de difficultés pour acquérir cette dernière“ (Branche-Seigeot, 2014, p. 30). Cela explique que des allophones n’ayant pas ou peu été scolarisés auparavant, maîtrisant mal l’écrit, étant arrivés en France à l’adolescence auront très vraisemblablement des difficultés plus ou moins importantes pour suivre une scolarité française “ordinaire”. Les difficultés de maîtrise de la langue française sont réelles pour les allophones puisqu’il s’agit d’une langue seconde et non d’une langue maternelle. La langue maternelle est acquise dès le plus jeune âge, grâce à l’interaction de l’enfant avec son environnement proche, alors qu’une langue seconde est une langue acquise grâce à des interactions langagières dans un milieu de socialisation autre que le milieu familial. Dans le cas des élèves allophones, c’est principalement à l’École que s’effectuera cet apprentissage. Les circulaires de 1986 et de 2002 sur la scolarisation des élèves allophones insistent d’ailleurs sur la nécessité de maîtriser la langue française afin de permettre l’intégration et la réussite scolaire de ces élèves. Le français est à la fois pour eux une langue “autre” que leur langue maternelle et la langue de scolarisation de leur pays d’accueil. Dans les faits, un enseignement de Français Langue Seconde (FLS) est dispensé aux allophones dans le cadre des dispositifs UPE2A. Le français, en ce sens, est d’abord une langue de communication dont la maîtrise permet aux jeunes allophones d’interagir avec leur environnement et de se construire au sein de leur société d’accueil. L’apprentissage du français comme langue de l’École doit également permettre aux allophones d’accéder aux apprentissages et aux contenus des disciplines scolaires. Pour ceux n’ayant pas ou peu été scolarisés, il s’agira d’engranger des connaissances nouvelles dans une langue autre. Pour les allophones ayant déjà été scolarisés auparavant, il leur faudra transposer, reconceptualiser et verbaliser un certain nombre de connaissances dont ils disposaient déjà en tenant compte des exigences françaises. L’usage de la langue est avant tout fonctionnel et il est nécessaire pour les allophones d’acquérir rapidement une bonne maîtrise du français, afin d’être en capacité de répondre aux exigences de l’institution scolaire. Cela leur permettra d’être soumis aux régimes d’évaluations orales ou écrites visant à passer en classe supérieure ou à obtenir le niveau de langue supérieur au Diplôme d’Études en Langue Française (DELF). Le système scolaire français oscille aujourd’hui encore entre normalisation de son public, dans un souci d’égalité entre tous les élèves, et prise en compte des particularités de chaque élève, de manière à assurer la réussite scolaire de tous. Or, les élèves allophones ne peuvent être d’emblée des élèves “ordinaires” ; pourtant “l’hypertrophie de la différence cache une forme de condescendance et une forme de classement social” (Abdallah-Pretceille, 1999). En dépit de l’évolution de la sémantique employée pour désigner au sein des institutions ce public, les allophones n’en restent pas moins désignés comme des individus “ne maîtrisant pas” le français et un certain nombre de connaissances qu’ils auraient dû acquérir au cours de leur scolarité antérieure. Toutefois, il est nécessaire de considérer le parcours scolaire des élèves allophones en tenant compte des facteurs liés à la situation familiale, sociale et culturelle de ces élèves.

Un rapport à l’École différent

                   Le rapport des élèves allophones à l’École est singulier et ne saurait être confondu avec celui d’enfants immigrés ayant grandi en France. La construction, en tant qu’individu et en tant qu’élève, ne saurait être la même selon que l’individu ait été socialisé depuis son plus jeune âge avec les codes culturels et scolaires français. Il apparaît que ces élèves ont globalement “une croyance profonde en l’efficacité de l’effort individuel dans la réussite, tant scolaire que professionnelle” (Schiff, 2001, p. 3). L’école est pour eux un moyen de réussir socialement et de s’intégrer, ce qui explique les efforts qu’ils sont prêts à fournir pour suivre en classe et l’importance qu’ils reconnaissent aux règles et aux figures d’autorité que sont les enseignants. Les allophones ont un rapport différent aux adultes et donc aux enseignants, lié à leur culture. Ainsi, on note une distance importante causée par une différence de statut entre les enseignants et les élèves allophones. Les jeunes allophones respectent beaucoup les enseignants. D’une part, car ce sont des personnes symbolisant l’autorité et le savoir. Et d’autre part parce que les enseignants les respectent ; il y a une reconnaissance dûe à l’absence de châtiments corporels utilisés pour maintenir la discipline au sein de la classe. En effet, certains jeunes allophones ont subi des châtiments corporels à l’école dans leur pays d’origine et envisagent différemment la légitimité des enseignants français. Ils peuvent être perturbés par ce qu’ils considèrent comme un manque de discipline si certains enseignants ne sanctionnent pas certains comportements perturbateurs ou s’ils sortent de leur posture de “maître” et d’adulte en ayant recours à une certaine familiarité. De même, les allophones et leurs familles éventuellement, n’ont pas nécessairement la même notion de la réussite scolaire que des individus ayant intégré depuis l’enfance un certain nombre de codes culturels. “En Occident, le savoir apparaît comme un bien de consommation parmi d’autre, à acquérir dans le but d’un mieux vivre individuel” (Chomentowski, 2009, p. 121) et de fait la réussite scolaire tend encore à être à être assimilée à la réussite personnelle et professionnelle, de par la reconnaissance sociale accordée aux études supérieures. Cela se traduit également à travers les critères de recrutement majoritairement reconnus sur le marché du travail français tels que le niveau d’études, le type de certification obtenue ou encore la mention du diplôme (Dubet, 2010, p. 44). Cette conception de la réussite n’est pas universelle et des individus issus d’autres cultures n’ont pas nécessairement la même conception des finalités de l’instruction. Certaines familles d’élèves allophones et certains allophones eux-mêmes peuvent juger tout à fait satisfaisant de suivre des études dans une filière professionnelle, moins valorisée socialement, mais plus rentable en terme d’accès à l’emploi. Cela ne signifie pas que la poursuite d’études universitaires par exemple ne soit pas envisagée comme un modèle de réussite par les allophones et leurs familles. Mais étant donné leur situation en France, une poursuite d’études permettant une insertion rapide sur le marché du travail aura plus de chance d’être perçue comme synonyme de stabilité et de sécurité pour ces familles, que pour les élèves et les familles les plus aisés. Les études menées sur les allophones tendent à représenter leur conception de leur scolarité et du métier d’élève comme utilitariste : “dès qu’il apparaît que la poursuite d’études ne pourra aboutir à la réussite escomptée, ils quittent le système scolaire pour trouver du travail” (Schiff, 2002, p. 4). Ainsi, nous pouvons imaginer qu’en tant qu’élèves, ils s’efforceront de répondre au mieux aux attentes de l’École. Cette volonté de “bien faire” dont nous faisons l’hypothèse de l’existence chez les élèves allophones induirait une construction particulière du métier d’élève. Nous présupposons qu’ils auront peut-être plus le sentiment de pouvoir se réaliser en tant qu’individus grâce à l’École par comparaison avec des élèves ayant été élevés en France. Ces derniers peuvent bénéficier d’une compréhension des logiques du système scolaire français, d’une situation économique et familiale plus stable et d’un réseau en dehors de l’école, ce dont ne bénéficient pas les primo-arrivants, et qui leur permet plus aisément de se garantir une place au sein et en dehors de l’École.

La maîtrise du français comme condition préliminaire à la scolarité

                     Il est apparu dans tous les entretiens que nous avons mené que la compréhension du français a été le premier élément que les jeunes allophones ont dû travailler afin de pouvoir s’intégrer et poursuivre leur scolarité, ce qui valide bien l’une de nos hypothèse. Tous les sujets interrogés, avant de rallier le système scolaire français ordinaire, ont été scolarisés entre une année scolaire complète à quatre mois dans un dispositif MLDS dédié aux primo arrivants. Avant l’affectation dans ce dispositif tous les élèves ont passés des évaluations au CIO afin de cerner leur niveau en langue française et ainsi déterminer s’il est un débutant ou s’il maîtrise déjà des éléments écrits ou oraux de la langue française. Ces tests ont aussi pour objectif de mettre en évidence les compétences scolaires construites au cours de leur scolarité antérieure, tels que la lecture et les mathématiques, et leur degré de familiarité avec l’écrit. Enfin ces test visent à déceler les savoirs et l’expérience du jeune dans différents domaines (Chnane-Davin, Cuq, 2017 p. 94). La MLDS, où les jeunes interrogés ont été affectés, est un dispositif labellisé Mission de Lutte contre le Décrochage Scolaire accueillant des élèves allophones de seize ans ou plus (anciennement CRAL, centre de ressources et d’apprentissage des langues) située dans un collège nantais. Il s’agit d’une classe comptant entre vingt et trente élèves allophones (effectif fluctuant dans l’année) de plus de seize ans et d’origine étrangère participant à des cours de FLE (français langue étrangère). Dans ce type de dispositif, tout comme dans les classes UPE2A, l’accent est mis sur l’enseignement intensif du français langue étrangère (FLE) qui deviendra français de langue seconde (FLS) au fil des cours et du niveau de maîtrise des élèves. Le but, comme énoncé dans la circulaire portant sur l’organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés de 2012, est que les élèves allophones, après le passage en dispositif spécifique (un an maximum) poursuivent leur scolarité dans le système ordinaire. Comme nous l’expliquait Gracieth, l’une des jeunes interrogées : “en sept mois nous avons appris à parler le français, on se donnait beaucoup” avant d’ajouter que c’était “la base pour continuer”. Grâce à ce type de dispositifs spécifiques, qui précèdent l’entrée dans le système scolaire ordinaire, les élèves allophones doivent s’efforcer de maîtriser un niveau de langue française jugée suffisant pour poursuivre une scolarité ordinaire. Avant leur scolarisation dans le dispositif MLDS, au moins trois jeunes sur les six interrogés ont mentionné avoir bénéficié de cours de français “j’ai passé d’abord du temps pour apprendre la langue. J’étais en cours du lundi au vendredi. J’ai fait un an et après je suis parti en collège.” Il s’agit de cours de français qui leur sont dispensés par d’autres organismes afin qu’ils acquièrent des bases linguistiques avant d’arriver dans le système scolaire français. Les trois jeunes ayant évoqué ces cours de français suivis avant leur scolarisation dans le système français sont les trois jeunes arrivés seuls sur le territoire français et pris en charge par une association spécialisée dans l’accueil de mineurs étrangers isolés. On voit donc que les associations en charge des jeunes mineurs étrangers font de l’acquisition de la langue française une priorité pour ces jeunes, dans l’optique de leur insertion future. Au vu des attentes du système scolaire français, que nous avons préalablement exposées dans la première partie de notre travail de recherche, nos sujets d’étude sont avantagés par leur scolarité antérieure, par rapport à d’autres allophones qui arrivent en France sans avoir eu une scolarité continue ou sans savoir écrire. En effet, les six jeunes allophones interrogés ont été scolarisés dans leur pays d’origine et ce jusqu’à l’équivalent du collège français, ce qui a pu contribuer à faciliter leur transition vers le lycée par la suite. Deux des interviewés, au cours de leur scolarité antérieure, ont même pu bénéficié de cours de français “j’ai eu des cours de français [à l’école dans mon pays d’origine], donc j’avais quelques notions en arrivant [en France]” ; “Je parlais italien donc je comprenais un peu le français. Et sinon dans ma formation au Maroc j’avais deux heures de français par semaine.” D’autres facteurs expliquent ces facilités, puisque ces deux jeunes filles avaient respectivement pour langue maternelle des langues latines (italien et portugais), ce qui nous amène à supposer que leur apprentissage du français en a été facilité. Nous pouvons ici reprendre cette citation : “plus la langue maternelle est structurellement éloignée de la langue française, dont les racines sont latines, plus un individu présente de difficultés pour acquérir cette dernière” (Branche-Seigeot, 2014, p. 30), validée par ces deux jeunes. En effet, Gracieth et Sara ont été les jeunes les plus à l’aise avec l’exercice d’expression orale lors des entretiens. Or ces deux allophones sont originaires de pays dont la langue (ou une des langues officielles) est issue d’une origine latine. Même si les autres n’ont pas tous bénéficié de cet avantage (avoir une langue maternelle de la même origine que le français), tous les jeunes avaient d’ores et déjà des compétences linguistiques et scolaires avant leur arrivée en France, ce qui a été une force pour l’intégration d’un nouveau système éducatif.

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Table des matières

Introduction
Première partie : cadre théorique
I. Un contexte nécessitant une prise en charge renforcée des allophones au sein du système scolaire 
1. Étrangers, migrants, allophones : une population hétérogène
2. Un phénomène de migrations mondial et national
2.1. Des motifs d’immigration différents
2.2. Immigration et mouvements migratoires en France depuis les années 70
3. L’école française face au phénomène migratoire
II. Les réalités du système scolaire français et de son fonctionnement 
1. La réussite de tous, l’élève au coeur du système
2. Entre prise en compte des spécificités et volonté de normalisation
3. Une culture scolaire française singulière
3.1. Le poids de la méritocratie et du diplôme sur les trajectoires scolaires
3.2. La maîtrise du français au coeur de la scolarité
III. Les élèves allophones et leur difficile intégration : quel rapport à l’École? 
1. Une scolarité à l’épreuve de la réalité
1.1. Une inclusion difficile dans les faits en classe ordinaire
1.2. Les enseignants et les allophones quelles représentations, quelles pratiques?
1.3. Quelle scolarité pour les allophones ayant dépassé l’âge de l’obligation scolaire?
2. Une culture scolaire propre aux élèves allophones
2.1. Un rapport à l’École différent
2.2. Quelle construction du métier d’élève?
3. Des facteurs de difficultés liés aux individus
3.1. Une construction identitaire potentiellement problématique
3.2. Une difficile intégration au sein de la société
Deuxième partie : enquête et résultats de la recherche
I. Problématique 
II. Hypothèses de recherche
III. Méthodologie de l’enquête 
IV. Exploitation des entretiens 
1. Une adaptation au système scolaire français permettant une certaine forme d’inclusion?
1.1. La maîtrise du français comme condition préliminaire à la scolarité
1.2. Une transition plus aisée selon la proximité des systèmes scolaires
1.3. Une inclusion facilitée par le passage de ces jeunes par un dispositif adapté
2. Un parcours scolaire modelé par l’histoire personnelle du jeune, ses attentes et sa motivation
2.1. Une perception du système scolaire français variable
2.1.1. Un système scolaire perçu comme plus exigeant et sélectif?
2.1.2. L’objectif de leur scolarité en France : l’insertion?
2.2. L’investissement personnel et les représentations des allophones jouent un rôle important dans la construction de leur parcours
2.3. Une construction de soi à intégrer dans leur parcours
V. Conclusion 
Bibliographie
Annexes

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