L’intégrateur et l’éphéméride INPOP
La description détaillée de INPOP est disponible dans Fienga et al. (2008, 2009) et Manche (2010). L’éphéméride est en évolution constante, mais on peut distinguer trois versions associées respectivement aux éphémérides INPOP05, INPOP06 et INPOP08.
Modèle dynamique
Le modèle dynamique d’INPOP05 a été construit de sorte à être le plus proche possible du modèle de l’éphéméride américaine DE405 (Standish, 1998). Il tient compte des mouvements du Soleil, des huit planètes, de la Lune et de Pluton. Pluton est considéré dans INPOP comme planète et par conséquent dans cette thèse on ne le comptera pas parmi les astéroïdes. Le modèle dynamique contient 300 astéroïdes intégrés individuellement au même titre que les planètes. A l’exception de 1 Ceres, 2 Pallas et 4 Vesta, les astéroïdes n’interagissent pas les uns avec les autres. Tous les corps du modèle dynamique sont considérés comme des masses ponctuelles à part le Soleil, la Terre et la Lune. Les orientations et les déformations dues aux effets de marées sont intégrées pour la Terre et la Lune. Le modèle tient compte de l’aplatissement solaire, cependant l’orientation et la forme du Soleil sont maintenues fixes. Les effets relativistes sont pris en compte dans les équations du mouvement par les équations d’Einstein-Infeld Hoffman selon Moyer (1971). Le modèle dynamique d’INPOP05 sert de base aux modèles dynamiques des versions ultérieures. On retrace par la suite les principales évolutions introduites avec INPOP06 et INPOP08. INPOP06 (Fienga et al., 2008) contient en plus des 300 astéroïdes un anneau solide implémenté comme une force supplémentaire agissant dans les plans écliptiques des planètes. Le groupe des astéroïdes interagissant avec d’autres astéroïdes est élargi à 7 Iris et 324 Bamberga. Le rebond post-glaciaire est pris en compte avec une variation séculaire de l’aplatissement de la Terre. INPOP06 apporte une amélioration dans la modélisation de l’orientation de la Terre.
Celle-ci est calculée de manière cohérente à partir du mouvement des planètes d’INPOP06 et non plus à partir d’une autre éphéméride comme c’était le cas dans INPOP05 ou DE405. Dans cette thèse on va s’appuyer sur la version INPOP08 (Fienga et al., 2009), concrètement sur la version intermédiaire 08a. Le modèle dynamique d’INPOP08 bénéficie d’une implémentation plus réaliste de l’anneau qui est désormais considéré comme un objet à part entière. L’anneau interagit avec les planètes et son orientation est un paramètre intégré du modèle qui évolue avec le temps. Par rapport à INPOP06, l’ensemble des astéroïdes implémentés individuellement a été augmenté à 303 (voir Fienga et al., 2009). Une particularité de INPOP08 est de fournir à l’utilisateur la différence entre le Temps Terrestre (TT) et le Temps Dynamique Barycentrique (TDB). Cette différence qui dépend du mouvement barycentrique de la Terre permet de relier le temps TDB utilisé dans INPOP au temps TT nécessaire à la réduction des observations dans un cadre relativiste. Dans INPOP en général, l’intégration des équations du mouvement est effectuée en précision étendue avec un intégrateur Adams et un pas de 0.055 jours. On rappelle que la précision étendue correspond approximativement à 19 chiffres significatifs en notation décimale. Le pas est choisi en fonction de l’intégration de la Lune de sorte à ce que la précision numérique obtenue soit du même ordre que la précision étendue.
Repères et échelles de temps
Le repère dans lequel sont effectuées les intégrations INPOP est l’International Celestial Reference Frame (ICRF). Ce repère inertiel est défini grâce à des observations de radiosources compactes extragalactiques dont le mouvement propre observable est supposé nul (voir McCarthy et Petit, 2003). L’ICRF est proche d’un repère défini par l’équateur et l’équinoxe dynamiques de l’époque J2000. Le temps utilisé par INPOP est le TDB ainsi qu’il a été défini par la résolution de l’IAU (2006). Ce temps est proportionnel au temps utilisé pour dériver les équations relativistes d’INPOP dans le repère ICRF centré au barycentre du Système solaire. Comme le précise Fienga et al. (2009), la relation exacte entre TT et TDB dépend des éphémérides, néanmoins la différence entre les deux échelles est inférieure à 2 ms. On rappelle que TT est relié au Temps Atomique International (TAI) par
T T = T AI + 32.184s
Le Temps Universel Coordonné (UTC) servant de base au temps civil diffère du TAI par un nombre entier de secondes intercalaires. Actuellement la relation entre l’UTC et TAI est
UT C = T AI − 34s
Selon l’International Earth Rotation and Reference Systems Service (IERS) , cette relation restera inchangée au moins jusqu’au 1er décembre 2010.
Ajustements aux observations
Les paramètres du modèle dynamique, notamment les positions et vitesses des planètes à l’époque J2000, sont ajustés par la méthode des moindres carrés de sorte à obtenir une différence minimum entre l’éphéméride et les observations. Les observations disponibles présentent des incertitudes différentes. Les observations sont ainsi pondérées par leurs incertitudes respectives. Comme la dépendance entre les paramètres n’est pas parfaitement linéaire, la procédure d’ajustement est itérée jusqu’à convergence. INPOP et les éphémérides en général sont ajustées à deux types d’observations. D’une part les mesures des distances mutuelles entre une planète et la Terre et d’autre part des positions angulaires des planètes par rapport à la Terre dans le repère ICRF. Les mesures peuvent être obtenues par différentes méthodes dont on donne ici un bref aperçu. Les observations radar sont un premier moyen de mesure de la distance mutuelle Terreplanète. Le principe de la méthode consiste à faire réfléchir sur la planète un signal radar émis depuis un radiotélescope. L’analyse de l’écho permet de déduire la distance entre l’antenne et la surface de la planète. L’incertitude de la mesure dépend du traitement appliqué pour éliminer les effets dus aux irrégularités de surface de la planète observée (Standish, 1990). Dans INPOP les observations radar sont utilisées uniquement pour Mercure et Vénus. La précision des mesures est estimée à quelques km (Fienga et al., 2008). La manière la plus précise pour obtenir une mesure de la distance mutuelle Terre-planète est l’exploitation de données issues de sondes spatiales. Ces données sont naturellement disponibles à partir du suivi d’une sonde par l’équipe de navigation. La liaison radio avec la sonde donne accès à la mesure de la distance Terre-sonde (à partir du temps aller-retour d’un signal) ainsi qu’à la mesure de la vitesse de variation de cette distance (à partir du décalage Doppler d’un signal). L’équipe de navigation utilise ces mesures pour la détermination de l’orbite de la sonde en utilisant une éphéméride planétaire, en général DE405. Les résidus de l’ajustement contiennent une signature provenant d’une prévision imparfaite des mouvements planétaires : les résidus peuvent être interprétés comme des corrections à appliquer à l’éphéméride de base (Fienga et al., 2009). Les équipes de navigation mettent à disposition ces corrections sous une forme analogue à desµ observations d’une distance antenne-planète ou Terre-planète. La plupart des données est disponible à partir de sondes en orbite autour d’une planète, mais des observations peuvent également être calculées à l’occasion de survols (flybys). Pour des sondes comme Viking ou Pathfinder posées à la surface de Mars, l’obtention de la distance Terre-planète ne fait pas intervenir un ajustement d’orbite mais plutôt la détermination de la position de la sonde à la surface de la planète. Les mesures de la distance Terre-planète à partir de sondes spatiales sont exploitées dans INPOP08 pour Vénus, Mars et Saturne. Les incertitudes de ces mesures sont de l’ordre du mètre. Dans un futur proche des données sur Mercure devraient être disponibles avec la mission MESSENGER partie en août 2004 et la mission BepiColombo actuellement prévue pour 2014. Les observations des sondes au moyen de la Very Large Baseline Interferometry (VLBI) permettent d’obtenir avec précision la position de la sonde relativement aux radiosources lointaines qui définissent l’ICRF. Ces mesures combinées avec le processus de détermination d’orbite de la sonde conduisent à des données analogues aux observations de la direction Terreplanète dans l’ICRF. La précision des mesures est de l’ordre de quelques mas (Fienga et al., 2008). On note que les mesures VLBI constituent non seulement des observations différentes de la distance Terre-planète mais elles permettent de relier en pratique le repère de l’éphéméride à l’ICRF. Dans INPOP, les positions angulaires obtenues à partir d’observations VLBI de sondes sont disponibles pour Vénus, Mars, Jupiter et Saturne. Le plus souvent, les observations des planètes extérieures proviennent d’observations optiques. Elles fournissent les positions apparentes des planètes vues depuis une station d’observation, et après réduction elles fournissent une mesure de la position angulaire de la direction Terre-planète. Ces mesures sont disponibles depuis 1914 et couvrent un arc suffisamment important pour ajuster correctement les orbites des planètes les plus lointaines comme Uranus ou Neptune. La précision des mesures est de l’ordre de quelques centaines de mas. Les différentes méthodes d’observation que l’on vient de décrire demandent des moyens de réduction très complexes dont la description sort entièrement du cadre de cette thèse. Notamment les mesures de distances se présentent comme des mesures de temps et leur traduction en distances nécessite entre autres la prise en compte d’effets relativistes, d’effets induits par la couronne solaire et d’effets introduits par la traversée de l’atmosphère terrestre par les ondes radio (voir Fienga et al., 2009).
Orbites des astéroïdes
La base de donnée Astorb
Pour obtenir les orbites des astéroïdes, on s’appuie sur le catalogue Astorb (Bowell et al., 1994) qui est mis à jour régulièrement . Le catalogue fournit dans un repère écliptique les orbites de tous les astéroïdes connus calculées à partir d’observations astrométriques stockées par le Minor Planet Center. Ce calcul tient compte avec l’éphéméride DE405 des interactions avec les huit planètes, la Lune et une dizaine d’astéroïdes individuels. La date pour laquelle les orbites sont calculées évolue au fur et à mesure que le catalogue est mis à jour. Dans notre cas elle correspond au 26 septembre 2009. Les intégrations INPOP ont pour conditions initiales l’époque J2000, ainsi l’ensemble du catalogue doit être ramené à cette date. L’opération est réalisée avec INPOP08 en intégrant simultanément tous les astéroïdes depuis 2009 jusqu’à J2000. Parmi tous les objets répertoriés, on ne tient compte que des 219017 astéroïdes ayant une orbite confirmée et donc un numéro placé devant leur nom ou leur appellation provisionnelle. Au cours de l’intégration, les masses des astéroïdes sont supposées nulles sauf pour les 303 individus déjà présents dans le modèle dynamique. Par ailleurs, ces 303 objets sont intégrés à partir des orbites du catalogue et non à partir des orbites d’INPOP08. Ce changement correspond en terme de distance Terre-Mars à un effet de l’ordre du millimètre. On note que les orbites du catalogue sont fournies dans un repère écliptique. Pour passer les orbites dans le repère équatorial de INPOP, on utilise la valeur de l’obliquité de McCarthy et Petit (2003) (ε0 = 23◦26′21”.406).
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Table des matières
1 Introduction
1.1 L’intégrateur et l’éphéméride INPOP
1.1.1 Modèle dynamique
1.1.2 Repères et échelles de temps
1.1.3 Ajustements aux observations
1.2 Orbites des astéroïdes
1.2.1 La base de donnée Astorb
1.2.2 Incertitudes
1.2.3 Distribution spatiale
1.3 Masses des astéroïdes
1.3.1 Méthode astrométrique
1.3.2 Autres méthodes
1.3.3 Masses connues aujourd’hui et perspectives futures
1.4 Diamètres des astéroïdes et masses astrophysiques
1.4.1 Déterminations SIMPS
1.4.2 Déterminations supplémentaires
1.4.3 Compilation d’une base de diamètres
1.4.4 Masses astrophysiques
1.5 Conclusion
2 Expressions analytiques des perturbations
2.1 Perturbation d’une planète par un astéroïde
2.1.1 Équations de Lagrange
2.1.2 Perturbation à l’ordre 1 en masses
2.1.3 Développement de la fonction perturbatrice
2.1.4 Perturbations des éléments orbitaux
2.2 Perturbation d’une planète par un anneau solide
2.2.1 La fonction de perturbation moyennée
2.2.2 Expression des perturbations
2.2.3 Effet séculaire
2.3 Perturbation de la distance mutuelle entre deux planètes
2.3.1 Développement au premier ordre en masse du perturbateur
2.3.2 Dépendance en éléments orbitaux
2.3.3 Perturbation de la distance
2.4 Conclusion
3 Estimation numérique des perturbations individuelles
3.1 Perturbation de la distance Terre-Mars
3.1.1 Calculs numériques
3.1.2 Les astéroïdes les plus perturbateurs
3.2 Ajustement des conditions initiales
3.2.1 Variation de la date initiale des intégrations
3.2.2 Compensation avec les conditions initiales
3.2.3 Restriction de l’intervalle d’ajustement et pondération
3.2.4 Incertitudes sur les masses
3.3 Interactions mutuelles
3.3.1 Perturbations des orbites
3.3.2 Etude d’un exemple : 17 Thetis
3.3.3 Impact sur la distance Terre-Mars
3.4 Perturbations des distances Terre-planètes
3.4.1 Effets entre 1960 et 2020
3.4.2 Restriction de l’intervalle d’ajustement et pondération
3.4.3 Interactions mutuelles
3.5 Résonances
3.6 Conclusion
4 Estimation de l’effet global
4.1 Un anneau comme modèle de la ceinture principale
4.1.1 Approche analytique
4.1.2 Modèle test de la ceinture principale
4.1.3 L’efficacité de l’anneau comme modèle d’astéroïdes
4.1.4 Application à la sélection de modèle
4.1.5 Remarques sur les librairies CPLEX
4.2 Mise à jour du modèle test
4.2.1 Estimation des masses aléatoires
4.2.2 Distributions des diamètres, des volumes et des masses
4.2.3 Comparaison avec l’ancien modèle
4.3 Estimation de l’effet global avec le nouveau modèle
4.3.1 Sans ajustement des conditions initiales
4.3.2 Effet global sur les mesures de la distance Terre-Mars
4.3.3 Effet sur l’ensemble des mesures disponibles
4.3.4 Nouvelle liste d’astéroïdes
4.4 Conclusion
5 Conclusion
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