L’Insuffisance rénale aiguë
L’IRA est définit par une augmentation de la créatininémie qui correspond à une baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG). La meilleure évaluation du DFG de la créatinine est faite par la formule de calcul DFG (ml/min) = UV/P (U étant la concentration urinaire de créatinine en µmol/l, V le volume urinaire en ml rapporté au temps, P la concentration plasmatique de créatinine en µmol/l) avec un recueil des urines d’au moins 1 heure [20]. Les formules estimées du DFG (sMDRD, CKD-EPI, Cockroft et Gault) sont utilisées chez les patients stables en insuffisance rénale chronique et non pour des patients de réanimation [20].
Fonction d’épuration
Les reins éliminent les déchets et les toxines. Pour que l’organisme fonctionne correctement, il doit maintenir les minéraux et les autres substances présents dans le sang et les liquides corporels à un niveau adéquat. Les reins aident à éliminer le surplus de minéraux comme le sodium, le potassium et le phosphore, et les déchets comme l’urée (résultat de la dégradation des protéines) et les acides. La créatinine est un métabolite de la créatine qui sert de réserve énergétique aux muscles. Elle est synthétisée par le foie, le pancréas et les reins. La créatininémie est dépendante de la filtration glomérulaire et de la sécrétion tubulaire, mais également de facteurs extrarénaux tels que la masse musculaire, le stress catabolique et l’état volémique. Son augmentation est un reflet tardif de la diminution du DFG, ne survenant que lorsque la fonction rénale est déjà bien altérée. Cette élévation est d’autant plus tardive et moins marquée chez les patients probablement en état septique, insuffisants hépatiques ou sarcopéniques, qui produisent moins de créatinine. Sa sécrétion tubulaire active peut également être diminuée par certains médicaments (cimétidine, triméthoprime), sans diminution du DFG. De ce fait, les équations d’estimation du DFG basées sur la créatininémie, validées pour des patients présentant une production de créatinine et une fonction rénale stables, ne sont pas utilisables dans le contexte de l’IRA. Finalement, la diurèse ne diminue parfois que tardivement dans l’IRA et l’oligurie peut représenter une adaptation physiologique des reins lors de déshydratation, d’hypovolémie ou en lien avec un traitement médicamenteux, sans nécessairement refléter une IRA. La diurèse cible doit toujours être estimée selon le poids idéal, en particulier pour les poids extrêmes [34].
L’élaboration de l’urine
La membrane glomérulaire est relativement peu sélective. Elle se laisse traverser par des particules sphériques de poids moléculaire < 70.000 DA. Les substances chargées la traversent moins facilement. Les molécules de PM< 5.000 DA isolées semblent traverser facilement pour se retrouver à la même concentration dans le filtrat et dans le plasma. Le filtrat glomérulaire pénètre dans le TCP où la plus grande partie du liquide filtré est réabsorbée. La réabsorption tubulaire regroupe :
– la réabsorption passive des ions Na+ et Cl-
– la réabsorption active de HCO3- et Na+
– la réabsorption de ces ions est concomitante au mouvement d’eau.
Le résultat net est, qu’à la sortie du TCP, le volume de liquide est réduit à environ 30% du volume initial. Les bicarbonates sont presque entièrement soustraits mais la concentration en sodium et l’osmolarité du liquide tubulaire proximal sont identiques à celles du plasma. La réabsorption du Na+, du Cl- et de l’eau dépendent d’un processus de transport actif. Le contrôle de la quantité totale réabsorbée pourrait dépendre des conditions physiques régnant dans l’environnement péri-tubulaire. Les deux éléments importants qui modifient l’absorption sont :
– L’équilibre glomérulo-tubulaire : le pourcentage du filtrat glomérulaire réabsorbé par le TCP reste relativement constant malgré les variations du débit de filtration glomérulaire, si tous les autres facteurs restent stables.
– La charge sodée : la perfusion de soluté salé et/ou l’expansion de volume extracellulaire diminue la réabsorption tubulaire proximale alors que la déplétion hydro-sodée l’augmente.
Le fluide tubulaire pénètre ensuite dans la branche descendante de l’anse de Henlé. Celle-ci descend dans un milieu hyper-osmolaire et son contenu atteint progressivement un équilibre osmotique avec le liquide interstitiel environnant. Dans la branche ascendante large de l’anse de Henlé, le NaCl est réabsorbé mais sans soustraction d’H2O (branche imperméable à l’eau). La dissociation des mouvements d’H2O et du NaCl permet la dilution de l’urine, et est également l’effet élémentaire qui, grâce au mécanisme de contre-courant permet la concentration de l’urine. Le Cl- est activement transporté, Na+ et K+ suivant passivement, le long du gradient électrique ainsi créé. Dans l’anse de Henlé comme dans le TCP, il existe une capacité remarquable d’ajustement du taux de réabsorption. Plus l’afflux de liquide est grand, plus la réabsorption est importante, atténuant ainsi les effets des variations spontanées du débit sanguin ou du débit de filtration glomérulaire. Dans le tube contourné distal (TCD) s’effectue le transport actif du Na+. Dans le TCD et dans le système collecteur, Cl- et H2O ne suivent pas facilement la réabsorption active de Na+. C’est pourquoi une différence de potentiel négative se développe. En l’absence d’hormone antidiurétique (ADH) la membrane est relativement imperméable à l’eau et l’osmolarité du liquide tubulaire diminue. Le potentiel négatif crée un gradient électrochimique pour les ions K+ et les ions H+ facilitant leur passage du plasma vers la lumière tubulaire, donc l’excrétion urinaire. Dans le TCD et dans le canal collecteur, la quantité de Na+ réabsorbée et de K+ excrétée augmentent lorsque la concentration d’aldostérone s’élève en réponse à une baisse de la volémie et du débit au niveau de l’artère afférente. Les remaniements que subit l’urine depuis le filtre glomérulaire concernent aussi la réabsorption de molécules comme PO4-, le glucose, les acides aminés et autres acides et bases organiques, ainsi que la sécrétion tubulaire de déchets organiques [17,40,36].
Syndrome hémolytique et urémique (SHU)
La physiopathologie de ce syndrome serait liée au développement d’une microangiopathie thrombotique (MAT) secondaire à une agression endothéliale parfois en rapport avec un déficit hétérozygote en facteur H du complément, ou une hyper-agrégation plaquettaire liée à un déficit en protéase du facteur von Willebrand. Ce déficit est le plus souvent acquis, lié à un auto-anticorps anti-ADAMTS-13; plus rarement il s’agit d’un déficit constitutionnel héréditaire en ADAMTS-13. Dans le sang circulant, l’ADAMTS13 est une métalloprotéase à zinc capable de cliver le facteur de Von Willebrand pour autant qu’un ou plusieurs de ses sites de clivage soient exposé(s) par les forces de cisaillement. Un effet antithrombotique d’ADAMTS13 a été parfaitement démontré. Le déficit en ADAMTS13 entraîne une accumulation des formes multi-mériques de haut poids moléculaire du facteur de Von Willebrand. Ces formes de haut poids moléculaire peuvent s’allonger sous l’effet des forces de cisaillement et favoriser l’adhésion et l’agrégation des plaquettes et la formation des microthromboses vasculaires. Certaines formes sévères de MAT peuvent être favorisées par les anticorps antiphospholipides [18].
CONCLUSION
L’insuffisance rénale aiguë (IRA) désigne un syndrome caractérisé par une chute rapide (en quelques heures ou quelques jours) du débit de filtration glomérulaire. Sa survenue en post partum est devenue rare dans les pays industrialisés, mais elle reste fréquente dans les pays en voie de développement. Il s’agit d’une complication grave en milieu de réanimation. Elle est souvent responsable d’une lourde morbidité et mortalité maternelle. C’est ainsi que nous avons entrepris cette étude afin de déterminer le profil épidémiologique, clinique, biologique, étiologique, thérapeutique de l’IRA-PP et d’en évaluer le pronostic maternel. Nous avons mené une étude rétrospective, descriptive et analytique sur 18 mois entre le 1er janvier 2018 et le 30 juin 2019 dans les services de réanimation de l’hôpital régional et de l’hôpital de la paix à Ziguinchor. Durant la période d’étude, 465 patients ont été hospitalisés en réanimation, parmi lesquelles 63 IRA-PP soit une incidence de 13,54 %. Au total, 31 patientes ont été incluses dans l’étude. Parmi ces patientes, 70,9 % des cas venaient du milieu rural et 63,1 % d’entre elles étaient porteuses de grossesses non suivies. La majorité des patientes soit 77,41 % avaient accouché par césarienne. Les étiologies de l’IRA-PP étaient dominées par la prééclampsie dans 70,96 % des cas, suivie des hémorragies dans 29,03 % des cas. Dans 19,35 % des cas, les patientes ont bénéficié d’une épuration extrarénale. Le décès a été enregistré dans 22,58 % des cas, le choc septique était la cause de décès la plus fréquemment retrouvée (57 %). L’analyse univariée a mis en évidence comme facteurs de risque de mortalité liée à l’IRA les paramètres suivants : la présence de troubles de la conscience (P = 0,026), le stade élevé (F ou plus) selon la classification RIFLE (P = 0,006) et le recours à une ventilation mécanique (P=0,0001). Cette étude a permis de faire la lumière sur l’IRA-PP en réanimation, et de formuler les recommandations suivantes : Aux autorités sanitaires :
Sensibilisation des femmes en âge de procréation des risques des grossesses non suivies ;
Développement de l’infrastructure sanitaire.
Mise en place d’un plateau technique adapté dans la région de Ziguinchor pour la prise en charge du péri-partum ;
Développement de l’équipement et le recrutement de personnel de santé dans les laboratoires de biologie médicale de la région ;
Instauration d’un transport médicalisé ;
Ouverture d’autres services d’hémodialyse dans la région, et même la pratique de dialyse en réanimation ;
A l’hôpital :
Assurer une gestion continue et régulière de la chaine d’approvisionnement pour éviter les ruptures de stock de médicaments ;
Doter la réanimation de moyens de prodiguer des soins surs avec respect strict de l’asepsie.
Aux médecins et sages-femmes :
Dépistage systématique de la prééclampsie ;
Bonne collaboration entre réanimateurs, néphrologues et obstétriciens pour une meilleure prise en charge de l’IRA-PP.
Aux patientes :
Suivi rigoureux de toute grossesse avec des CPN de qualité obligatoires.
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Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. GENERALITES
1.1. Définitions
1.1.1. L’Insuffisance rénale aiguë
1.1.2. Classifications
1.1.3. Insuffisance rénale aiguë du post-partum
1.2. Epidémiologie
2. RAPPELS
2.1. Rappel anatomique
2.1.1. Les reins
2.1.2. Les néphrons
2.2. Rappel physiologique
2.2.1. Fonction d’épuration
2.2.2. Filtration glomérulaire
2.2.3 Rôle métabolique
2.2.4. L’élaboration de l’urine
3. Physio-pathogénie de l’IRA-PP
3.1. IRA fonctionnelle
3.2. Nécrose tubulaire aigue
3.2.1. Facteurs hémodynamiques
3.2.2. Hypoxie médullaire et lésions des cellules épithéliales
3.2.3. Médiateurs de la vasoconstriction intra-rénale
3.2.4. Congestion médullaire
3.2.5. Réaction inflammatoire
3.2.6. Lésions tubulaires
3.3. Syndrome hémolytique et urémique (SHU)
4. Diagnostic de l’IRA-PP
4.1. Diagnostic positif
4.2. Diagnostic de gravité
4.3. Diagnostic étiologique de l’IRA-PP
4.3.1. Enquête étiologique
4.3.2. Etiologies de l’IRA-PP
4.3.2.1. L’IRA fonctionnelle (pré-rénale) du post-partum
4.3.2.2. L’IRA organique (rénale) du post partum
4.3.2.3. L’IRA obstructive
5. PRISE EN CHARGE DE L’IRA-PP
5.1. Buts
5.2. Moyens
5.3. Les indications
5.3.1. Traitement symptomatique
5.3.2. Le traitement étiologique
DEUXIEME PARTIE
1. CADRE D’ETUDE
1.1. CHRZ
1.1.1. Locaux
1.1.2. Matériel
1.1.3. Personnel
1.2. Hôpital la paix
1.2.1. Locaux
1.2.2. Matériel
1.2.3. Personnel
2. PATIENTES ET METHODE
2.1. Type d’étude
2.2. Période d’étude
2.3. Population étudiée
3. CRITERES D’INCLUSION
4. CRITERES DE NON INCLUSION
5. METHODOLOGIE
5.1. Source des données
5.2. Traitement des données
5.3. Analyse statistique
5.4. Les paramètres étudiés
6. RESULTATS
6.1. Données épidémiologiques
6.1.1. Incidence
6.1.2. Age
6.1.3. Provenance
6.2. Antécédents
6.2.1. Antécédents prénataux
6.2.2. Accouchement
6.4. Aspects cliniques
6.4.1. Diurèse
6.4.2. Pression artérielle
6.4.3. Signes neurologiques
6.4.4. Œdème aigu des poumons
6.5. Aspects paracliniques
6.6. Classification de l’IRA
6.7. Etiologies de l’IRA
6.8. Aspects thérapeutiques
6.9. Evolution
6.9.1. Evolution favorable
6.9.2. Complications
6.9.3. Décès
6.10. Etude analytique
6.10.1. Signes cliniques
6.10.2. Créatininémie
6.10.3. Classifications de l’IRA
6.10.4. Moyens thérapeutiques
6.10.5. Complications
DISCUSSION
1. Données épidémiologiques
1.1. Incidence
1.2. Age
1.3. Provenance
2. Antécédents
2.1. Antécédents médicaux
2.2. Antécédents gynéco-obstétricaux
2.2.1. Parité
2.2.2. Grossesse et accouchement
3. Aspects cliniques
3.1. Diurèse
3.2. Pression artérielle
3.3. Signes neurologiques
3.4. Œdème aigu des poumons
4. Aspects paracliniques
4.1. L’urée sanguine
4.2. La créatininémie
4.3. La kaliémie
4.2. Les transaminases
4.3. L’hémogramme
4.3.1. Le taux d’hémoglobine
4.3.2. Les plaquettes sanguines
5. Classifications de l’IRA
6. Etiologies de l’IRA
7. Aspects thérapeutiques
8. Evolution
8.1. Favorable
8.2. Complications
8.3. Décès
CONCLUSION
REFERENCES
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