L’institution seconde Université d’Entreprise: Une analyse de l’imaginaire organisationnel

Il est difficile a priori de qualifier et d’unifier le point de vue des entreprises sur les institutions éducatives sans risquer de tomber dans le lieu commun. Une brève recherche par mots-clés du terme « Universités d’Entreprise » sur le moteur de recherche Google permet de recueillir 7 430 000 occurrences . Derrière l’appellation se cacherait donc un phénomène à la mode, le terme «Université» suggérant un certain mimétisme avec des institutions éducatives plus classiques. Eric Abrahamson, dans un célèbre article paru en 1991 dans l’Academy of Management Review indique, citant ses précedentes recherches, que les structures d’enseignement supérieur, et en particulier les « business schools », rattachées aux Etats-Unis aux universités, « en raison de leur expertise, peuvent être dominantes dans la sélection de modèles administratifs à la mode » (p. 595). Cela constitue probablement un point d’entrée riche de sens dans la compréhension de la relation entre l’enseignement supérieur et l’entreprise.

Le phénomène Université d’Entreprise 

Que peut-on alors dire de la dénomination « Université d’Entreprise » ? Considérant ce que nous venons d’énoncer, la référence à un modèle universitaire pour dénommer une structure de formation et de développement des compétences interne à une organisation revêt une certaine signification. Il y aurait ainsi un effet d’imitation de structures réputées prescriptrices en matière de diffusion du savoir. Cet effet pourrait être qualifié de « mode managériale », et, si l’on se réfère aux caractéristiques énoncées par Midler en 1986, l’on peut décrire un processus de « diffusion de technologies gestionnaires » (Abrahamson, op.cit., p.588) qui pourrait refléter une certaine réalité du phénomène « Université d’Entreprise ». Midler indique que « la mode se définit, non seulement par ses manifestations mais aussi par la spécificité des fonctions sociales qu’elle remplit ». Il devient alors « impossible de rendre compte des évolutions [d’un phénomène] autrement que par un fait social original » (p. 76). Ce discours est cependant « une mise en scène » caractéristique d’une « rhétorique associant l’universel et le quotidien » (p. 77) et révélatrice d’un « mécanisme d’objectivation, où l’énonciateur se fait toujours plus distant, plus abstrait » (p. 78).

Parler alors d’Université d’Entreprise n’a de sens que par rapport à un contexte précis, que nous aborderons plus avant dans ce travail. La question de départ qui a été la notre au début de ce travail de recherche était la suivante : à quoi sert l’Université d’Entreprise ? Il s’agissait de dépasser l’impression d’un phénomène de mode pour en comprendre les motivations profondes. Ce qui est énoncé par Midler est l’utilisation rhétorique du discours. Ce que montre aussi l’idée du mode, c’est la récupération par les organisations de prescriptions externes qu’elles appliquent de manière orthodoxe. Ainsi, la compréhension de l’Université d’Entreprise ne pourrait se passer de cette analyse des discours dont elle fait l’objet mais également des représentations que cela suscite chez les acteurs qui sont les commanditaires, les animateurs ou les bénéficiaires de ce type de structure. L’Université d’Entreprise est ainsi une structure où se rencontrent des acteurs. La problématique de cette recherche est alors double. Tout d’abord, il s’agit de comprendre les discours dont l’Université d’Entreprise est l’objet. Ensuite, l’étude de la manière dont ce discours va contribuer à structurer les liens entre les acteurs au sein d’une organisation nous semble important afin de répondre à notre interrogation première. Si, comme nous le montrons, la création d’une Université d’Entreprise est une décision de direction générale, quel est l’ « imaginaire » (au sens de Castoriadis, 1975) que projette cet acte d’institutionnalisation et que sont ensuite les relations entre une organisation et les individus qu’elle emploie qui se mettent en place à l’occasion de la création d’une structure de ce type ? En synthèse, la problématique de cette recherche pourrait être résumée de la manière suivante : le rôle de l’institutionnalisation de l’Université d’Entreprise dans les relations entre une organisation et les individus qu’elle emploie.

Si nous revenons au chiffre énoncé par Google, celui-ci n’apporte qu’une information très sommaire, celle de la taille importante d’un chiffre, accolé très rapidement à un phénomène qui pour l’instant n’est qu’un ‘mot-clé’. La question se pose alors de savoir quelle importance est accordée à cet objet par la littérature et quels champs disciplinaires se sont saisis du phénomène. Par ailleurs, les mécanismes d’isomorphisme institutionnels (Dimaggio et Powell, 1983) que nous décrivons dans ce travail permettent également de penser que les organisations adoptent des points de vue qui s’imposent de l’extérieur. Les prescriptions en matière d’Université d’Entreprise n’en sont pas exclues. De ce fait, si « la problématique est l’approche ou la perspective théorique qu’on décide d’adopter pour traiter le problème posé par la question de départ » (Quivy et Van Campenhoudt, p. 75), l’objet « Université d’Entreprise » doit être qualifié de manière théorique.

La place de l’Université d’Entreprise

Le témoignage qui suit est une illustration très représentative de l’Université d’Entreprise telle qu’elle peut être illustrée dans les discours contrôlés que nous avons pu recueillir. Il s’agit d’une extraction de la section recrutement du site Internet de l’entreprise Dexia et présentant l’Université Groupe :

« La Dexia Corporate University, plus couramment appelée DCU, a été créée en 2005 pour répondre à divers besoins nés de l’expansion du groupe et de son identité cosmopolite. Elle bénéficie, depuis son lancement, du support du top management du groupe. Celui-ci est d’ailleurs représenté, à côté de représentants RH de diverses entités et de responsables de division (Audit, Communication,…) au University Council, organe décisionnel de la DCU. Le University Council décide entre autres de la stratégie de la DCU et définit les axes de sa mission. Celle-ci est de contribuer de manière permanente à l’évolution du groupe et de l’aider à atteindre ses objectifs humains, organisationnels et financiers en :

• fournissant d’excellents programmes de développement aux collaborateurs,
• intervenant dans la création d’une culture de groupe,
• et en facilitant la mise en œuvre de la stratégie du groupe.

Pour accomplir cette mission, la DCU a développé une gamme assez large de formations, organisée en 6 facultés distinctes :

• Leadership & Management
• Sales & Business Development
• Finance & Risk Management
• Tax & Legal
• Operations & Technology
• Communication & Languages.

Ces domaines couvrent aussi bien les aspects relatifs aux capacités de management et au modèle de leadership que des sujets plus techniques liés aux activités bancaires et d’assurance. Formations sur des nouvelles réglementations financières, comme Bâle II, sur les normes de comptabilité internationale IFRS (International Financial Reporting Standards) ou encore sur des projets propres à Dexia. C’est le University Council qui s’assure de l’adéquation des programmes avec l’actualité et l’avenir de Dexia.

L’offre de la DCU s’adresse à tous et intervient dans le développement du collaborateur à chaque grande étape de sa carrière. Même si des formations de développement personnel s’adressent plus particulièrement aux managers pour les aider à gérer leur équipe au mieux selon le modèle de leadership, la DCU propose également des cours destinés à l’ensemble des collaborateurs sur des problématiques transversales (Stages d’accueil pour les nouveaux collaborateurs, e-learning en bureautique ou en langue, information sur le monde de la finance, etc.). Il existe même un programme extrêmement enrichissant qui forme de jeunes cadres à la mobilité internationale, le programme Marco Polo.

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Table des matières

Introduction
Le phénomène Université d’Entreprise
Un travail complexe
Une posture complexe
L’étude du discours contrôlé
L’étude du discours spontané
L’observation, support méthodologique précieux
L’expression par le dessin
Un travail en deux parties
Chapitre 1 : Formes et origines : les influences de l’Université d’Entreprise
Sous-Chapitre 1 : Formes d’Université d’Entreprise
Section 1 : La prescription de la place de l’Université d’Entreprise
A. : Un rattachement stratégique au sommet
B. : Une prescription identitaire
Section 2 : Les différentes formes d’Université d’Entreprise
A. : Etapes
B. : Modélisations
Modèles universels
Modèles contingents
Sous-Chapitre 2 : Les origines de l’Université d’Entreprise
Section 1 : L’enseignement de la gestion
A. Des « Ecoles de Commerce » aux « Business Schools »
L’institutionnalisation des « Ecoles de Commerce »
B. La constitution d’une discipline à part entière et sa consécration à l’Université
Section 2 : La tradition de la formation continue
A. Une histoire d’institutions
B. Un cadre juridique spécifiquement français
Section 3 : Quel héritage pour les Universités d’Entreprise ?
A. Quelles influences de l’enseignement de la gestion sur les Universités d’Entreprise ?
B. L’apparition des Universités d’Entreprise
Chapitre 2 : La légitimation de l’Université d’Entreprise
Sous-Chapitre 1 : Quel discours pour l’Université d’Entreprise ?
Section 1 : Le discours organisationnel contrôlé des Universités d’Entreprise
A. L’Université d’Entreprise en histoire
B. La dimension stratégique de l’Université d’Entreprise
Le contexte du discours contrôlé
Identité et culture de l’Université d’Entreprise
Le statut du savoir
C. L’Université d’Entreprise, instrument relationnel
L’Université d’Entreprise, une structure relationnelle
Un instrument de développement des compétences
Les partenariats de l’Université d’Entreprise
D. Synthèse intermédiaire
Section 2 : La place légitime de l’Université d’Entreprise
A. Quelle influence de la direction générale ?
L’argumentation sur l’Université d’Entreprise
Le crédit accordé au discours contrôlé
B. Le discours sur l’Université d’Entreprise
Le recours à la rhétorique
L’ambiguïté, marque de la rhétorique
L’ambiguïté dans le discours de l’Université d’Entreprise
Sous-Chapitre 2 : La place légitime de l’Université d’Entreprise
Section 1 : L’institutionnalisation légitime de l’Université d’Entreprise
A. La construction d’une Université d’Entreprise légitime
Légitimité et Université d’Entreprise
Le processus d’institution légitime
B. Les croyances diffusées par l’Université d’Entreprise
L’Université d’Entreprise, « chair tangible »
« Découplage » et « recouplage »
Les références légitimes de l’Université d’Entreprise
Section 2 : Les prescriptions sur l’Université d’Entreprise
A. L’exigence de la conformité
Développement des compétences et isomorphisme
Quel isomorphisme pour l’Université d’Entreprise ?
Analyse du processus isomorphique
B. L’artifice de la spécificité
L’émergence d’un savoir propre ?
Les limites du savoir propre
Un « discours constituant »
Chapitre 3 : L’institution seconde Université d’Entreprise
Sous-Chapitre 1 : Les acteurs de l’Université d’Entreprise
Section 1 : Quels acteurs, pour quelles stratégies et quelles relations ?
A. Les différentes parties prenantes de l’Université d’Entreprise
B. Stratégie(s) et relation(s) entre parties prenantes
Les apports de l’analyse stratégique
L’Université d’Entreprise, un contexte particulier
Section 2 : La question du pouvoir des acteurs
A. Le pouvoir homogène et visible des dirigeants
B. Le pouvoir composite et diffus des experts
C. Dépasser l’analyse stratégique ?
Sous-Chapitre 2 : L’Université d’Entreprise, institution seconde de l’imaginaire ?
Section 1 : L’imaginaire organisationnel et sa prise en compte par l’Université d’Entreprise
A. Les contours imaginaires de l’Université d’Entreprise
Imaginaire et institution seconde
La place du symbole
La notion d’imaginaire effectif
B. L’imaginaire effectif comme cadre d’analyse ?
L’imaginaire dans le dispositif d’entretiens
Le traitement méthodologique de l’imaginaire
Section 2 : L’institution imaginaire de l’Université d’Entreprise
A. La place et le rôle imaginaires des dirigeants dans l’Université d’Entreprise
Les motifs de l’adhésion
Le rôle et l’influence de la Direction Générale
Le dialogue Direction Générale – Université d’Entreprise
B. Imaginaire effectif et Université d’Entreprise
Valeurs et culture
La diffusion et l’adhésion à des valeurs universelles
L’imaginaire des valeurs
Le prestige, corollaire des valeurs
Conclusion

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