L’institution scolaire face aux nouvelles formes de socialisation juvénile

Socialisation adolescente, socialisation numérique

                   La plupart des chercheurs ayant travaillé sur ce sujet mettent en évidence un fait social : depuis l’irruption du numérique dans la société et la démocratisation d’Internet en France au début des années 2000, les jeunes et plus particulièrement les adolescents sont les plus actifs dans ce domaine : « Le taux de connexion des foyers avec adolescents a en effet toujours été supérieur à la moyenne et il s’est accru ces dernières années15 ». Selon une enquête réalisée en janvier 2003 de GfK/SVM (Sciences et Vie micro), 8,8 millions de foyers français sont équipés d’un ordinateur, dont les deux tiers (5,8 foyers) sont connectés. Les enfants apparaissent être les plus grands promoteurs des nouvelles technologies : 34 % des foyers comprenant au moins un enfant entre 11 ans et 15 ans appartiennent au groupe des Français sur-équipés, contre 19 % des ménages sans enfants. De nos jours, on sait que 85 % des foyers sont équipés en Internet mais comment se quantifie la pratique des jeunes ? Une étude Ipsos réalisée en 201716 nous donne quelques chiffres clés :
– 81 % des 13-19 ans possèdent leur propre smartphone (contre 77 % en 2016).
– Les 1-6 ans passent en moyenne 4H37 sur internet par semaine (contre 2H10 en 2012). Ce chiffre monte à 6H10 pour les 7-12 ans, et 15h11 pour les 13-19 ans.
– 79 % des 13-19 ans sont inscrits sur Youtube (vs 45 % en 2016), ce qui en fait le réseau social le plus fréquenté par cette tranche d’âge, suivi de Facebook (77 %).
– 36 % des 7-12 ans et 34 % des 13-19 ans ont leur propre tablette.
– Plus d’un foyer avec enfants sur deux (59 % vs 57 % l’année dernière) est maintenant équipé d’une tablette.
– 94 % des parents prennent en compte l’avis de leurs enfants dans au moins une catégorie de consommation.
Les pratiques numériques se diversifient donc principalement par les outils utilisés mais la plupart des usages réels concerne avant tout la socialisation. Nous allons donc voir comment elle a évolué en une quinzaine d’années notamment avec l’apparition et l’explosion des réseaux sociaux. Au début des années 2000, la pratique des jeunes se résume essentiellement à l’utilisation de logiciels de messagerie instantanée (MSN) et à la pratique du chat : « Selon une étude de NetValue de mars 2002, le chat est le service préféré des 13-19 ans, devant les jeux en ligne et l’e-mail […]. Les pratiques scolaires viennent largement derrière.17» Nous devons aussi parler de la pratique du blog aujourd’hui datée car une partie des réseaux sociaux modernes ont compilé les différentes caractéristiques du blog avec d’autres fonctionnalités tandis qu’une autre partie a simplement transformé les formes d’exposition de l’expression et de l’image numérique. Avant 2008 et l’explosion des réseaux sociaux (notamment Facebook), le blog pour un adolescent sert d’espace qui lui permet de « compter ses proches, de donner à chacun une place spécifique, et de se constituer ainsi un ordre relationnel et intime ». Il sert à ordonner la sociabilité entre pairs adolescents, membres de la famille et éventuellement quelques adultes. On assiste alors à une compartimentation de son cercle social par le jeune qu’il classe en groupe distincts : meilleurs amis, amis, copains, copains de classe et connaissances. Cette compartimentation varie selon les jeunes, leur établissement, leur lieu de vie (rural ou urbain) mais aussi leur genre, leur personnalité, leur tempérament : « Les adolescents ne forment pas une masse homogène, mais sont des individus uniques, dont l’existence relationnelle, culturelle, sociale est spécifique. ». Pour « donner une place à chacun », les adolescents qui utilisent un blog pratiquent une forme de description de leur pair : selon les utilisateurs, la forme diffère mais c’est une norme sociale répandue, un impératif : « il faut » parce que « ça leur fait plaisir ». Cet affichage du réseau amical fait que le blog ne se pratique pas ou très peu dans l’anonymat. Par ailleurs, on affiche surtout des activités ou pratiques sociales qui unissent le groupe sous formes de photos agrémentées de textes courts explicitant le statut relationnel. Le blog est également interactif puisqu’il y a possibilité pour le visiteur de laisser un commentaire et la règle veut qu’un commentaire laissé par un utilisateur doit lui être rendu. À partir de l’année 2008, on assiste à une évolution de la pratique puisque de nouvelles formes de socialisation numériques apparaissent ou du moins se popularisent en France. C’est ce qu’on pourrait appeler le « boum » des réseaux sociaux avec la démocratisation de Facebook et Twitter dans un premier temps (même si ce dernier est plutôt utilisé par les jeunes adultes) puis Instagram et Snapchat vers 2010-2011 mais surtout, Youtube, qui a la particularité d’être le plus populaire. Même si ce n’est pas un réseau social à proprement parler, il permet néanmoins de partager des vidéos : il y a donc distinction entre les vidéastes, les créateurs qu’on appelle communément « Youtubers » et le public, les spectateurs qui peuvent décider de s’abonner à une chaîne. Chez les 13-19 ans, on assiste à une évolution très marquée de l’utilisation de ces réseaux modernes puisque selon l’étude Ipsos :
– 79 % des 13-19 ans ont un compte Youtube en 2017 contre 45 % en 2016
– Facebook stagne voire perd en utilisateurs dans cette tranche d’âge : 78 % en 2015 contre 77 % en 2017
– Snapchat gagne en popularité : 57% d’inscrits en 2017 contre 29% en 2016
– Instagram : 42 % en 2017 contre 28 % en 2016
– Twitter reste le moins usité mais gagne tout de même en popularité : 34 % en 2017 contre 30 % en 201619
Ces sites ou applications, parfois uniquement accessibles sur smartphone remplacent complètement les logiciels de messagerie instantanée et les blogs devenus obsolètes. Les réseaux sociaux tels que Facebook remplissent les fonctionnalités des deux et permettent de communiquer instantanément avec ses contacts, de partager des contenus, de laisser des commentaires etc… La vie sociale se trouve donc concentrée en un seul espace virtuel. De par la mise en scène de sa personnalité virtuelle, un adolescent avec un grand nombre d’amis sur Facebook ou de followers sur Instagram et Twitter est alors considéré comme « populaire ». Il en était de même à l’époque des blogs : « Dans la compétition acharnée à la popularité que se livrent les adolescents, disposer d’un grand nombre de correspondants numériques représente un véritable capital relationnel, qui accroît son prestige et assure sa place dans le groupe. Ainsi, si laisser un commentaire sur le blog d’un ami permet de lui manifester son amitié, il permet surtout à cet ami d’augmenter le nombre de commentaires sur son blog. Et lorsqu’on laisse un commentaire, on est en droit d’attendre en retour un commentaire sur son propre blog. Ainsi, l’intérêt de la communication par commentaires sur les blogs est double : comme les échanges par SMS ou MSN, elle manifeste et réaffirme l’existence du lien social, mais son caractère public permet de manifester aux yeux du reste du groupe son capital relationnel. Ce nombre de commentaires est donc l’enjeu d’une compétition entre adolescents, qui essaient d’en avoir le plus grand nombre possible. 20» Avec l’émergence et la démocratisation des smartphones et des forfaits illimités, la pratique du numérique se fait donc à la fois depuis l’ordinateur et le téléphone portable : on peut parler d’hyper-connectivité voire d’hyper-socialisation puisque la frontière entre l’extérieur et l’intérieur de l’école n’existe plus virtuellement. Malgré les nombreux règlements intérieurs qui interdisent l’utilisation des téléphones portables dans les EPLE, les collégiens et les lycéens se servent de leurs téléphones quasi-quotidiennement et donc en cachette. De nouvelles problématiques voient le jour comme celle du cyberharcèlement, des contenus choquants accessibles à tous, de la collecte des informations personnelles par des grands groupes ou des « fake news » etc… Cette attitude d’hyper-consommation des jeunes avec le numérique permettent en fait un renouvellement et une intensification des comportements classique de l’adolescence en matière d’émancipation et de construction de nouveaux repères.

Culture du numérique et identité adolescente

              Internet et les outils numériques pour les préadolescents et adolescents servent donc d’outils pour conquérir leur autonomie et se démarquer de leurs parents. L’autonomie pour les jeunes se conquiert en contournant les règles établies par les parents notamment grâce à l’aide de compétences que ces derniers ne connaissent pas forcément comme utiliser un navigateur privé pour ne pas qu’on puisse voir si des sites « interdits » ont été consultés. L’enfant peut se retrouver valorisé car il est souvent le plus compétent en informatique par rapport à ses parents et la transmission des savoir-faire est difficile. L’autonomie se conquiert également via la communication permanente qu’il est possible d’entretenir avec les pairs adolescents via Internet ou le téléphone portable. La construction d’une identité adolescente se fait souvent par l’appartenance à un groupe où on lui valide une reconnaissance différente que celle assurée par la famille. Les possibilités offertes par le numérique sont accrues puisque les jeunes hors du temps scolaire peuvent désormais communiquer virtuellement, rapidement, à faible coût et à toute heure de la journée. Ils se permettent alors de se dire « des trucs qu’on n’ose pas se dire à l’école, parce que sinon, les autres ils entendent ». Le lien créé à l’école continue donc en dehors et se réaffirme sur le temps du quotidien. L’école et la maison sont donc des lieux de plus en plus perméables. Pour décrire ces phénomènes sociaux liées à l’adolescence et aux outils numériques, Cédric Fluckiger parle de « sociabilité instrumentée dans la culture juvénile ».20 En effet, ces pratiques sont extrêmement technocentrées et dépendantes d’un certain nombre d’outils dont la particularité est leur obsolescence rapide au fur et à mesure des avancées technologiques : les constructeurs téléphoniques sortent par exemple un modèle par an sans qu’il y ait pourtant une grande innovation mais le succès est pourtant toujours là grâce à des campagnes marketing bien menées. L’effet de mode est également très important et c’est la raison pour laquelle il est difficile d’établir un éventail à jour des pratiques juvéniles : « Nous ne brosserons ici qu’un rapide panorama des pratiques de sociabilité instrumentées, qui permet de réactualiser les observations dans un domaine où les technologies et les usages évoluent extrêmement rapidement. Ainsi, Metton (2006) montre qu’entre ses premières et ses dernières observations, la place de la messagerie instantanée avait été bouleversée par la diffusion massive du logiciel MSN, rendant obsolète une partie des premières données d’enquête. De la même manière, nous assisterons probablement à la rapide obsolescence de nos propres données […]. Au moment de notre enquête, les usages plébiscités par les collégiens étaient le logiciel de messagerie instantanée MSN et l’activité autour des blogs de la plate-forme Skyblog. Il est possible que ces usages soient rapidement remplacés par d’autres. La fin de notre enquête sur le terrain coïncidait par exemple avec un développement de l’usage et de la renommée de MySpace. Peut-être les adolescents du collège Louis Guilloux se mettront-ils à créer des pages sur cet outil communautaire dans les mois ou les années prochaines. » Il est à noter que MySpace n’a eu qu’un succès mineur en France, n’a pas eu de retentissement particulier chez les préadolescents ou adolescents et fut vite « détrôné » par Facebook vers 2008 / 2009. La culture numérique adolescente s’exprime notamment à travers les particularités des outils employés. L’instantanéité et la rapidité d’usage à donc créé une sorte de langage, un sociolecte, qu’on appelle communément langage SMS : ses particularités linguistiques sont l’utilisation d’abréviations en français ou en langue étrangère (MDR → mort de rire et LOL→ laughing out loud) ou l’utilisation d’une écriture phonétique (sa va ? → ça va ? ; b1 é twa ? → bien et toi ?) dans une optique de gain de temps, d’espace et d’abolition de la règle orthographique qui peut paraître trop normative. L’utilisation du langage SMS permet aussi de conserver des caractères sur certains anciens modèles de téléphones qui limitaient à 140 signes ou un site comme Twitter où les utilisateurs ne peuvent écrire des messages de plus de 280 signes (autrefois 140). L’usage est donc à la fois « culturel » et pratique. Sa compréhension nécessite donc une certaine connaissance du vocabulaire utilisé, de normes implicites et son utilisation à l’oral ou dans un autre contexte écrit que celui du numérique est souvent moqué ou décrié. Ce langage est un élément de plus qui permet la démarcation entre le monde adolescent et le monde adulte : à chaque tranche d’âge son vocabulaire, ses expressions : « Les adolescents, avides d’identité, sont exposés précocement aux nouveaux usages communicationnels, et d’autant plus que l’écriture électronique constitue un moyen de résister aux contraintes imposées par le monde des adultes (Sebba 2003). Selon Gadet, des usages scripturaux apparaissent chez les adolescents, « puisque conformes à leur désir de bousculer les conventions du standard » (citée dans Anis 2001 : 62). Il se dégage un réel désir de démarcation entre les jeunes et les adultes.21 » Outre le langage, en raison des évolutions extrêmement rapides dans ce domaine, il existe un très grand nombre de normes sociales qui sont propres à chacun des outils du numérique. Il serait donc impossible de les citer toutes mais on peut néanmoins citer leurs particularités. Certaines sont langagières : par exemple, terminer un SMS par un point lors d’une conversation apparaît comme « froid » et peut faire comprendre tacitement à l’interlocuteur qu’on ne veut pas continuer la conversation ; autrement, pour corriger une faute d’orthographe involontaire, il est de coutume de réécrire le mot corrigé et de le faire suivre d’une astérisque (*). D’autres sont des normes plus liées à l’outil particulier utilisé : ainsi, converser plusieurs jours de suite avec le même interlocuteur sur Snapchat permet d’avoir une icône de flamme à côté de son pseudonyme, gage d’une amitié forte chez les adolescents utilisateurs. On pourrait aussi citer la pratique plus connue du « hashtag » qui consiste à agrémenter une publication, image ou texte, d’un ou plusieurs dièses (#) et d’une ou plusieurs phrases ou mots pour connoter le sujet dont on veut parler et le rendre facile à référencer et rechercher. Tous ces éléments témoignent donc d’une véritable culture juvénile identitaire du numérique en constante évolution et dont certains aspects se sont répandus au-delà des adolescents et des jeunes adultes. L’essentiel est maintenant de voir comment cette culture numérique adolescente s’articule avec l’institution scolaire.

Usages raisonnés et usages « profanes »

                    « On pourrait penser que du fait de la présence des ordinateurs à la fois à l’école et dans les pratiques personnelles des élèves, les compétences acquises en dehors de l’école peuvent être disponibles pour les activités scolaires. Or ces transferts s’avèrent délicats. Nous soulignerons tout particulièrement le fait que les compétences techniques des élèves se limitent le plus souvent à des savoir-faire peu explicitables et qu’il est possible de repérer l’existence de schèmes d’utilisation hétérogènes, même dans le cas d’outils similaires.21 » C’est là que réside la tension du sujet : les compétences développées en autonomie par les jeunes ne sont pas forcément exploitables en classes : elles relèvent souvent de savoir-faire ponctuels liées au matériel spécifiquement utilisé par le jeune : par exemple, transférer un fichier mp3 sur un lecteur audio ou commenter un blog. D’autre part, cette virtuosité des jeunes avec le numérique n’est parfois qu’apparente et sert de façade pour être « dans le coup » : un élève avoue alors ne pas avoir réussi à créer de blogs tandis qu’un autre pense qu’il faut plusieurs abonnements Internet pour accéder à toutes les pages du web. Cela veut donc dire que la connaissance des outils numériques n’est que superficielle et que les mécanismes de l’informatique sont souvent mal compris. Ainsi, face à un problème d’une nature autre que ce que le jeune a l’habitude de manipuler, celui-ci se verra souvent renoncer. Cette relative « incompétence » se remarque d’ailleurs bien plus dans les discours que dans la pratique puisque les jeunes ne maîtrisent pas forcément le vocabulaire exact qui doit être associé aux usages numériques : « Marie, 4e sait par exemple que pour se connecter à Internet « j’ai un petit carré, qui passe du rouge au jaune, du jaune au vert, du vert au bleu, et quand c’est au bleu ça veut dire que c’est censé être au maximal et que je peux aller sur Internet », sans pour autant comprendre ce que signifie ce carré, pourquoi il faut attendre qu’il « passe au bleu », ni ce qui est alors « maximal ». » De manière générale, « il semble que les transferts soient relativement délicats et que les compétences acquises soient locales et contextualisées bien davantage que transversales et générales. » En effet, il existe une différence fondamentale dans l’encadrement de la pratique du numérique selon la localité et le contexte, que le jeune soit en autonomie sur son téléphone ou son ordinateur ou qu’il soit à l’école. D’un côté, nous avons la liberté et l’émancipation relative qui dépend de la vigilance des parents et dont on sait qu’elle est généralement minime : « Mais dans la grande majorité des cas, les parents n’ont pas le désir d’exercer  un contrôle très poussé. » Ont-ils installé un contrôle parental ? Savent-ils quels sites leur enfant fréquente ? À quelle fréquence ? Etc… Les parents équipés ont une bonne image du numérique qui est considéré comme un apport d’un point de vue socio-professionnel mais regardent avec une certaine distance critique les pratiques de leurs enfants. Pour certaines familles instruites ou cultivées, la pratique du numérique est sans cesse comparée à la culture du livre et du papier et paraît donc plus « médiocre » et pauvre. Cependant plutôt que de contrôler les contenus, ils contrôlent plutôt la temporalité et veillent à ce que leurs enfants ne passent pas trop de temps devant des écrans, inquiets du risque de passer plus de temps sur Internet que sur le travail scolaire alors même qu’Internet est reconnu et adopté comme un outil permettant la réussite scolaire. De par ces éléments, il n’est donc pas étonnant que la culture numérique juvénile à laquelle nous faisions référence fasse irruption dans un univers où ils sont massivement présents et où les codes leur sont soit plus familiers, soit plus faciles à appliquer. Par opposition, il n’y a pas à proprement parler de culture numérique scolaire ce qui peut rendre l’enseignement austère et l’école impose des contraintes absentes de la pratique domestique : « le collège instaure un cadre normatif strict, allant de l’interdiction des téléphones portables à la limitation stricte de l’accès à Internet au CDI […] Ces restrictions visent à limiter les abus, possibles ou effectifs […] les enseignants qui ont la charge du matériel informatique accessible aux élèves évoquent le risque de virus ou l’accès possible à des sites, violents, pornographiques ou racistes. » Quant aux normes sur Internet, celles attendues par l’école et celles pratiquées par les jeunes diffèrent grandement : la familiarité, le langage SMS, la publication de contenus nonlibre de droits est proscrite par l’institution scolaire qui se veut respectueuse des normes sociales et de la loi : « Le fait que les attentes scolaires sont spécifiques s’exprime en revanche dans l’incompréhension entre élèves et enseignants concernant l’usage de certaines ressources documentaires en ligne. Bruillard (2007) montre ainsi que les valeurs participatives et de neutralité de Wikipedia se heurtent à la logique scolaire : à l’école, prime la fiabilité de l’information et est assumé un point de vue laïque et républicain. » Le décalage entre la pratique et les attendus institutionnels sont nombreux et est d’autant plus paradoxal puisqu’il concerne un champ disciplinaire que tous les jeunes ont été amenés à utiliser, avec intérêt, dans leur vie. Le numérique intéresse les jeunes, c’est un fait, et ils apprennent à s’en servir de manière empirique mais incomplète. Seulement, l’intérêt des jeunes pour le numérique ne correspond pas ou très peu à ce que l’école aimerait développer chez eux. Cédric Fluckiger distingue et oppose alors un usage « profane » et un usage « raisonné ». On pourrait même supposer que ce décalage existe parce que les jeunes se sentent plus experts que leurs enseignants à cause des écarts de pratique, de vocabulaire, d’utilisation etc… Le numérique est un outil dont l’appropriation est très connotée en fonction de l’âge (on parle de génération digitale, de génération Internet etc…) et ces différentes logiques d’appropriation continuent à creuser un fossé entre l’école et les jeunes. Aurait-il tendance à se résorber au fur et à mesure que cette génération numérique entre elle-même dans le monde professionnel via l’éducation ?

UNE POLITIQUE DE L’ É TABLISSEMENT POUR L’ ÉDUCATION AU NUM É RIQUE ?

                    Cette configuration où le professeur-documentaliste est le plus formé n’est pas rare et en fait, courant dans de nombreux établissements et plus particulièrement dans les lycées où l’éducation au numérique ne fait pas partie des priorités de la politique éducative. C’est ce que nous avons pu constater durant notre période d’exercice. Premièrement, si l’on se réfère à la politique éducative telle qu’elle est formellement présentée dans le projet d’établissement, il n’est presque jamais fait mention d’une éducation au numérique et encore moins du simple outil numérique, le projet d’établissement se divisant en quatre axes basés sur les quatre parcours éducatifs (Citoyen, Avenir, Santé et Artistique et Culturel). Le règlement intérieur est lui aussi lacunaire et mentionne simplement les règles d’usages du téléphone portable qui est, comme nous l’avons précisé auparavant, interdit dans les lieux à vocation pédagogique ainsi que dans le self. À l’inverse, il est autorisé dans les espaces où les élèves ne travaillent pas. La révision du règlement intérieur qui est à l’étude en ce moment même va potentiellement changer quelque peu la règle puisque les élèves du CVL (conseil de vie lycéenne) aimeraient étendre son usage à la salle d’étude où il serait limité à un but pédagogique (recherche, enregistrement de documents etc…). Toutefois, la règle actuellement en place n’est pas respectée partout puisqu’elle ne précise pas qu’un enseignant peut contrevenir à la règle pour des buts pédagogiques ce qui pourtant se fait assez régulièrement mais de manière très parcellaire. Certains enseignants sont d’ailleurs coutumiers du fait et d’autres pas du tout. Cela dépend essentiellement de la matière : certains enseignants de disciplines scientifiques (SVT, physique-chimie) sont favorables à ce que les élèves prennent en photo le tableau pour éviter d’avoir à le recopier systématiquement, d’autres sont d’accords pour que les élèves fassent une recherche rapide sur Internet lors d’un travail de groupe (histoire-géographie, français). Quant à la charte d’usage des TIC du lycée, elle précise simplement les éléments permettant de se conformer au droit et est censée responsabiliser tous les acteurs et usagers. Son rôle éducatif est cependant limité puisque c’est un document institutionnel complexe, dont la lecture est survolée et cantonnée à un simple rôle contractuel en cas de litige. D’un point de vue légal, tout EPLE se doit d’avoir un RUPN (référent des usages pédagogiques du numérique). C’est un enseignant des sciences de l’ingénieur qui endosse cette responsabilité mais son rôle dans le lycée se limite à un maintien assez sommaire de la plateforme en ligne E-Lyco qui est censée mettre en relation les personnels de l’établissement, les familles et les élèves afin de faciliter la communication, de mettre en place un cahier de textes en ligne, un dépôt de devoirs et de cours. Cet outil aurait pu présenter un intérêt pour nous si une mise à jour du logiciel sortie en début d’année scolaire ne l’avait pas rendu beaucoup moins simple d’usage et n’avait pas drastiquement réduit sa fréquentation. Cependant, le logiciel Pronote permet à peu près ces mêmes fonctionnalités bien que son usage demande un peu plus de maîtrise technique et une part des utilisateurs d’E-Lyco s’est donc tournée vers Pronote tandis que la plupart des familles a tout simplement cessé d’utiliser ces plate-formes. Lors de notre enquête de l’utilisation du numérique par les jeunes (enquête et résultats disponibles en annexes, résultats exploités en troisième partie), nous avons rajouté une question portant sur l’utilisation de ces plate-formes pour nous donner une idée des proportions de cette tendance. Enfin, nous avons précisé lors de la présentation de notre terrain d’études qu’une filière S SI existait et lors de notre observation, nous avons pu constater que leur salle de classe n’était pas nécessairement plus équipée mais elle l’est mieux dans le sens où les ordinateurs sont plus récents, plus performants et disposent de logiciels nécessaires aux apprentissages des classes de SI comme des logiciels de conception mécanique 3D (Autodesk) afin de réaliser des plans d’ingénierie. Cependant, cet usage particulier ne se distingue pas de celui d’une machine et nécessite un apprentissage peu réutilisable en dehors de ce cas précis et est principalement destiné aux des élèves voulant poursuivre leurs études en école d’ingénieur. Il est donc difficile de décréter qu’une réelle politique de l’éducation au numérique existe dans notre établissement d’exercice. Ainsi, notre problématique, qui vise à connaître les modalités de compatibilité entre les pratiques des jeunes et les pratiques que veut transmettre l’école, est rendue quelque peu caduque par un manque de volontarisme clair et net quant à la transmission d’une éducation au numérique dans cet établissement précis. En somme, il ne nous reste plus qu’à voir quelles sont les pratiques sociales des jeunes de notre établissement et ce qu’elles peuvent nous dire sur les intérêts réels des jeunes quant à cette question, les manquements et les réussites de l’établissement et les possibilités d’évolutions futures.

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Table des matières

PARTIE TH ÉORIQUE
Rappel du sujet, introduction et problématique
Partie 1 L’institution et le numérique à l’école : quelle évaluation pour quels attendus ?
Contextualisation historique
Pourquoi le numérique à l’école ?
Partie 2 Pratiques des jeunes liées au numérique
Socialisation adolescente, socialisation numérique
Culture du numérique et identité adolescente
Partie 3 Quelle compatibilité entre la pratique scolaire du numérique et celle des jeunes ?
Usages raisonnés et usage « profanes »
Compétences relationnelles et citoyenneté numérique
Conclusion intermédiaire
ÉTUDE DE TERRAIN
Présentation du terrain d’étude
Partie 1 Analyse de pratique : l’éducation au numérique vu par le professeur documentaliste
Partie 2 Une politique de l’établissement pour l’éducation au numérique ?
Partie 3 Pratiques numériques quotidiennes et sociales juvéniles au lycée
CONCLUSION GÉNÉRALE
Annexes
Bibliographie et références

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