l’installation coloniale entre conquête et résistances dans l’Est et le Nord

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Occupation humaine

Au néolithique, la présence humaine dans la région était directement liée aux ressources du lac. Les chercheurs parlent d’une civilisation « aquatique » se nourrissant exclusivement de poissons. Des traces d’industrie telles que des céramiques datant du 8e milliaire avant notre ère indiquent qu’une civilisation florissante occupait les abords du lac Tchad. Les périodes d’abondance et de sécheresse des millénaires suivants ont façonné les modes de vie des populations qui s’y adaptaient en devenant sédentaires ou nomades, se divisaient, se réfugiaient au Nord ou au Sud au gré des conditions climatiques et formant des peuplades aussi nombreuses que différentes.

Les Sao

Le mot Sao qui s’écrit de différentes formes selon les auteurs et les peuples, (Saos) (Sho-ho) etc., désigne une multitude de populations assez disparates mais partageant en commun leur espace vital (les abords du lac-Tchad)11. Les Sao sont un ancien peuple de noirs, premier à avoir bâti une authentique civilisation dans le bassin tchadien du lac-Tchad qui couvre aujourd’hui le nord Cameroun, le nord-est du Nigéria et le sud-ouest du Tchad. Ce fut un peuple dont la civilisation a suscité un grand intérêt scientifique. La connaissance des Sao et des populations partageant les mêmes caractéristiques a été signalée depuis des siècles notamment par des récits arabes, des Légendes, mais aussi des fouilles archéologiques qui ont fourni de bons résultats. Dans l’antiquité, les rapports ou relations entre Sao et Égypte pharaonique ont été démontrés par Cheick Anta Diop. Certaines sources les font venir de l’Égypte où ils occupaient les fonctions de prêtre, sorciers et d’autres sources les font venir du Proche-Orient lors de l’effondrement de l’empire Assyrien à la fin du VIIème siècle avant J-C. Cette occupation très ancienne des Sao des abords du lac-Tchad est signalée au nord Cameroun par Sango Mathias : ‘’ Ainsi, de 1000 avant J.C. à 1400 après J.C. s’épanouit dans la région périphérique du lac-Tchad la civilisation des Sao. D’après une théorie récente fondée les Sao étaient Plusieurs centaines de sites archéologiques ont été repérés par J-P. Lebeuf. De nombreux cimetières ont été découverts. Les Sao y enterraient leurs morts dans de gigantesques urnes funéraires en terre cuite en position fœtale. L’art du métal a été pratiqué mais les vestiges en sont rares. Bijoux de bronze ou de cuivre trouvés dans les urnes funéraires, anneaux d’oreilles et de chevilles, bracelets, colliers, bagues, grains d’enfilage, labrets, boutons sont éclipsés par d’admirables pendentifs souvent zoomorphes13.
Mais cette population sera victime de plusieurs agressions. Les cités Sao sont envahies par le Kanem au XI siècle. Dans le but de former ce qui sera le grand Kanem, les Kanembu décidèrent de coloniser l’Ouest du lac-Tchad et de maîtriser les Sao de cette région. Mais les Sefuwo exercent toujours une répression féroce sur les Sao qui finissent par se réfugier à l’intérieur du lac. Au XIV siècle, les attaques d’extermination connaissent leur apogée sous le règne d’Idriss Alaoma avec la destruction de camps fortifiés, des champs et récoltes, des habitations, et abattage des arbres. Tout de même les Sao ne périrent pas tous dans ces guerres et trouvèrent refuge dans les massifs montagneux du Nord Cameroun où leur trace est signalée à Mora, Bibemi et Pitoa.

les structures d’organisation de la zone méridionale

Cet ensemble géographique couvre une superficie d’environ 10% de la superficie du Tchad. La zone soudanienne couvre les régions du Mayo-Kebbi, de la Tandjilé, du Logone Oriental et Occidental, et du Moyen-Chari, carte n°1. Cette zone caractérisée par une pluviométrie comprise entre 800 et 1200(14) mm par an, comprend de vastes domaines très fertiles pour l’agriculture. La majeure partie de la population tchadienne est concentrée dans cette zone au sud du Logone et du Chari.

Organisation sociale

Les structures sociales des populations du sud du Tchad, d’une manière générale, reflètent leur mode d’organisation économico-culturel. En effet, ce qui caractérise les populations du sud est leur mode de vie. Ce sont des populations sédentaires pratiquant l’agriculture et l’élevage. L’animisme reste l’élément culturel dominant, avec une organisation sociale très décentralisée, reposant sur le lignage et la parenté. L’agriculture extensive est soumise à de nombreux aléas naturels considérables.
Une portion de terre appartient au clan fondateur du village, qui se la partage entre familles. Chaque membre majeur de la famille possède obligatoirement un champ. Les travaux champêtres se répartissent suivant le sexe et l’âge. Le travail s’organise donc au niveau de la cellule familiale. L’homme défriche le terrain. Les femmes et les enfants sèment. L’homme laboure, mais les femmes et les enfants peuvent l’assister occasionnellement. Si la superficie du champ ne peut être travaillée par la cellule familiale selon le calendrier agricole, on associe alors la famille au sens large. Dans ce cas, l’assistance devient mutuelle et se généralise. Mais il y a des champs dont le labour dépasse la capacité d’une famille élargie : le propriétaire fait donc appel aux autres membres du clan. Des villages se déversent sur le lieu et le labour peut durer une journée entière. A cette occasion, on mange, on boit et on danse depuis le champ jusqu’au village.
Tandis que les enfants veillent sur les plantes afin de limiter les dégâts que causeraient les oiseaux destructeurs lorsqu’arrive la saison des récoltes, le processus du travail associatif recommence. Une fois la récolte achevée, avant de stocker les divers produits dans les greniers, le chef de famille répartit une part symbolique entre les membres de la famille régulièrement associés aux travaux. Ce qui est stocké reste la propriété de la famille. Le chef de famille est responsable de la gestion. La famille produit tout ce dont elle a besoin. Dans le cas contraire, elle est obligée de troquer une partie de ses produits contre ceux qui lui font défaut. Chaque famille élargie, ou groupe de familles élargies a ses forgerons et ses musiciens. Les uns pour produire les instruments de travail et les autres pour leur rôle dans le travail de groupe. On travaille toujours en musique pour exalter les valeurs individuelles en signe d’encouragement. D’une manière générale, la société produit essentiellement les biens d’usage. Les échanges prennent la plupart du temps la forme de trocs entre agriculteurs, puis entre ces derniers et les pêcheurs, sans oublier les éleveurs saisonniers.
L’éducation des jeunes insiste sur le respect des traditions, des vieux et surtout des esprits qui, sous une configuration ou d’une autre, sont considérés comme faisant partie de la société. De même l’autorité de l’aîné sur le cadet, la suprématie de l’homme sur la femme sont des valeurs qui ne doivent pas être contestées. Les classes d’âges restent un critère important de classification sociale et de la prise de décisions. La société communautaire ignore à dessein la division sociale sur la base des critères économiques. Les structures des sociétés communautaires reposent donc essentiellement sur la cellule familiale et le clan. Elles ont pour but de favoriser l’assistance mutuelle, de défendre la société contre les dangers communs et de favoriser l’harmonie sociale, autrement dit de réduire autant que possible les conflits entre individus. Toutefois, Abakar Kassambara Abdoulaye dans sa thèse, souligne le caractère lacis de pratiques traditionnelles avec les rites religieux : ‘’Au Tchad, l’organisation sociale de tribus animistes est déterminée par leurs croyances religieuses. Celles-ci régulaient les rapports socio-économiques et culturelles entre les différents groupes ethniques et aussi au sein de même tribu15 ‘’.

Organisation politique

Dans la partie méridionale du Tchad, l’organisation des structures politiques a des caractères différents selon les sociétés ou communautés : des chefs de familles notables aisés (mbaybé), des chefs religieux, des chefs d’initiation comme le Mbang16 de Bédaya, des chefs de pluies, des chefs de guerre y exerçaient une influence qui était spécialisée ou temporaire. Ces structures sont fondées sur la royauté. Le chef de clan a pour pouvoir d’assigner de la terre aux étrangers, et, en dehors de cela, une grande partie des fonctions d’autorité politique est assumée soit par un ‘’ chef de guerre ‘’ soit par un ‘’ chef religieux ‘’17. Ainsi, dans le village, différentes instances de pouvoir se côtoyaient au carrefour soit de la politique matrimoniale, soit de la politique rituelle, soit de la politique foncière, soit de la politique guerrière. Toutes ces instances, tous ces lieux renvoyaient à des responsabilités différentes, à des capacités et ressources politiques variées dont certaines dépendaient de performances individuelles. Dans certaines sociétés du sud, un homme constitue le support divin : c’est le roi. La royauté ne peut avoir sa source et son soutien que dans le sacré, dans l’utilisation des forces supérieures, dans le respect et la stricte observance d’un rituel dont le souverain est le dépositaire et le gardien. Chez les Moudang18, le Gôn de Léré19 est chargé des relations avec les puissances célestes. Chez les Sara, le caractère sacré de la fonction et de la personne du Mbang de Bédaya l’entoure d’interdits. Ses responsabilités sont essentiellement religieuses mais elles atteignent ainsi tout l’ordre social.
Mais dans cette société de la zone méridionale en général, ou l’ordre n’est maintenu par aucun appareil coercitif, il est maintenu par du consensus social. Cette absence des institutions fortes fait d’elle une cible privilégiée et une réserve d’esclaves pour les sociétés des royaumes de la zone septentrionale. Ainsi, elles ont été plusieurs fois victimes des campagnes des expéditions des royaumes du nord surtout le Baguirmi et l’Ouaddaï. D’où l’organisation de la défense dans certaines sociétés. Jean Chapelle décrit cette organisation : ‘’l’or de sa campagne en pays Sara, le Mbang Abou Sakkin, accompagné de l’explorateur Nachtigal en 1874 pour la chasse aux esclaves au village de Kimré chez les Goulaî : au lendemain de cette attaque, les baguirmiens harcelés par les Goulaî qui disposaient de 50 à 60 cavaliers se replièrent vers Gouindi. Aussi, est-il à noter qu’entre le Logone, le Chari et autour de la Tandjilé se trouvent les populations qui séparent les Sara au sud des Massa plus au nord. Ce sont les peuples de Laï qui n’ont jamais été les vassaux du Baguirmi et ne se sont jamais laisser attaquer par les baguirmiens. Car ils possédaient des chevaux et de traditions guerrières.
En somme, le sud est une société décentralisée. L’ordre social n’est pas maintenu par un appareil coercitif en dehors du consensus social sur les principaux interdits de la communauté. L’individu reste libre dans un cadre social qui a des principes admis par tous. Il en découle un principe d’éducation qui repose sur le respect absolu des classes d’âge.

Organisation économique

La zone méridionale qui regroupe les cinq régions du pays, rassemble en son sein plus de la moitié de la population tchadienne du fait du climat très favorable aux activités humaines. Le fort potentiel naturel de cette zone est indéniable. Elle bénéficie d’un climat soudanien (800 à 1200 mm) de précipitation par an. La richesse de son hydrographie ouvre la zone à de larges plaines alluviales. Ces eaux de surface nombreuses fournissent autant de potentiels. L’organisation des activités économiques reposent principalement sur l’agriculture, la pêche, l’élevage et la cueillette.

LA STRUCTURATION DE LA ZONE SEPTENTRIONALE

La zone septentrionale couvre la partie saharienne et sahélienne qui totalise environ 90% de la superficie du territoire. La zone sahélienne comprend les régions du Batha, du Biltine, de l’Ouaddaï, du Guéra, du Kanem, du Salamat et du Baguirmi. Elle bénéficie d’une pluviométrie comprise entre 200 et 800 mm par an20. Il s’agit essentiellement de l’organisation sociopolitique des populations islamisées qui peuplent le Nord du Tchad actuel.

Le Kanem-Bornou

Bref historique du royaume

Le Kanem se trouve dans la partie nord-ouest actuelle de la République du Tchad, mais l’empire du Kanem ou du Bornou comme on l’appela à partir du XIIIème siècle couvrait une immense région autour du lac-Tchad et à une certaine époque s’étendait vers le nord du Fezzan. Les premiers habitants du Kanem étaient les Sao. Cette thèse qui fait des Sao les premiers habitants semble la plus crédible pour Jean-Pierre Magnant qui souligne la mise en place de cette population et de son organisation. (Elle est composée de trois ethnies : les kanembou, les Dazagada et les yédima : boudouma et kanouri. Ces derniers considérés comme les descendants des Sao ayant fui les raids bornouans vers le XVIème siècle et qui sont réfugiés depuis dans les îles du lac-Tchad. Kanembou sédentaires et Dazagada nomades proches linguistiquement sont tenus pour les plus anciennes populations). Les premiers fondèrent l’empire du Kanem, mais ils furent chassés au XIVème siècle par les Boulala venus du lac-fitri. Ils se réfugièrent au Bornou d’où ils repartirent pour la conquête des terres ancestrales à la fin du XVIème siècle. Les Boulala durent alors retourner dans leur ancienne patrie du Fitri.
L’histoire politique du Kanem Bornou jusqu’au XIXème siècle se divise en deux grandes périodes : la première qui va de 800 à 1470 et la seconde de 1470 à 1808. Les chefs du Kanem embrassèrent la religion musulmane un peu avant la fin du XIème siècle. Avec l’introduction de l’islam au Kanem, le royaume devient le noyau principal de l’influence musulmane au Soudan Occidental et le Hadj, le principal moyen de communication entre cette région, le Maghreb et le Moyen-Orient. En effet, le royaume fut fondé vers le VIIIème siècle. Sa capitale fut Ndjimi. Le royaume se convertit à l’Islam sous le règne de Maï Omé vers 1085. Il atteignit son apogée sous le règne de Maï Dounama Dilabami (1221-1259)21, qui l’étendit vers le Fezzan et le Nil, faisant désormais partie du monde islamique, le Kanem lia des relations avec les royaumes Berbères en particulier avec les Almohades. Après la mort de Dounama, le royaume se morcela rapidement. La tradition lui a reproché d’avoir, par zèle religieux, détruit le ‘’Moumi’, le talisman qui assurait la chance de la dynastie. Les malheurs qui s’abattirent par la suite sur le Kanem furent attribués à cette destruction de l’objet sacret, « gage de la victoire »22. Au XIVème siècle des querelles de pouvoir et des dissensions religieuses affaiblirent l’empire. Il fut menacé par les Sao et les Boulala venus de l’Est. En 1382, Omar, vingtième successeur du roi Houmé, se réfugia au Bornou « avec son armée, tous ses biens et tous les siens » en abandonnant le Kanem au Boulala23.
Le fondateur du deuxième empire fut le Maï Ali Ghaji (1472-1504) dont le règne glorieux ouvrit dans bien de domaines une nouvelle époque dans l’histoire du Kanem Bornou. Pour centraliser son pouvoir, il construisit une grande capitale Kouka, sur la rive sud qui restera capitale jusqu’à sa destruction par les Fulani en 1812. Le règne de d’Idriss III Alaoma (1571-1603) fut une période référentielle dans l’histoire précoloniale de bassin tchadien en général et du Bornou en particulier.
Il organise son armée en créant un corps spécialisé de mousquetaires constitués d’esclaves de case particulièrement fidèles à la dynastie. En effet, fin diplomate et soldat, il établit très tôt des relations avec la Libye qui lui permit d’obtenir des mousquetaires Turcs qui l’aidèrent à consolider son autorité24. Il entreprend des campagnes d’assujettissement contre les Touareg, les Téda ou il s’empare de Bilma. Cette ville présente de grande portée stratégique et économique car elle se situe sur la route des caravanes, ainsi qu’un grand centre important de production du natron. Il fit construire lors d’une de ses pèlerinages à la Mecque un hôtel pour les pèlerins du Bornou. Il fit de l’Islam une religion d’Etat au Bornou. Le deuxième royaume atteignit son apogée sous son règne.
A la fin du XVIIIème siècle, le Kanem Bornou a retrouvé une puissance certaine et étend son influence jusque sur les peuplades de la Bénoué Moyen. Sa prospérité est basée sur le trafic des esclaves. A la fin du XIXème siècle, toute la région fut ravagée par le soudanais Rabah que nous évoquerons, qui s’impose comme le dernier sultan du royaume, puis ce dernier fut écrasé à son tour par les armées françaises.
Cette région qui s’est élevé par la guerre et le commerce des esclaves qui étaient très actifs au XIX siècle, a joué un rôle très important comme zone d’approvisionnement en esclaves25.

Organisation du royaume

Ce royaume est l’un des plus importants de la région. Il a connu un régime politique aux lois bien établies, sur la base d’un ordre clanique héréditaire. (Les sociétés du Kanem qu’ils s’agissent des kanembou ou des Dazagada sont divisées en castres. Au sommet les hommes ‘’normaux’’ Kanembou et Dazagada ont des activités nobles, la deuxième classe est la caste endogame, enfin la couche inférieure, la dernière est composée d’esclaves (qui sont tous émancipés et affranchis de nos jours)26.
A la tête du royaume se trouve le Maï, un souverain héréditaire entouré d’un conseil de gouvernement composé de douze membres dont la mission est le contrôle du respect des lois. Les membres sont désignés par le Maï. Le plus éminent de ces notables était Kogoma le reste de la famille royale Maïna. Nommés à vie, les Kogoma exerçaient également chacun un commandement territorial. Les plus importants étaient les Kaîgama, chef militaire, le Yérima et le Caladima gouverneurs de province, le Thiroma héritier présomptique et le Mastrama chef de ‘’Harem’’27. Le territoire était divisé et réparti en plusieurs départements dont chacun était dirigé par un membre du gouvernement central. Chaque département est doté d’une armée bien équipée en nombre suffisant et en armes. Elle représentait la force du pouvoir. A la tête de chaque tribu ou clan, on trouvait un chef à qui incombe la mission de collecte de l’impôt sur la moisson et l’élevage qu’il devait remettre à l’émissaire du Maï, celui-ci à son tour déposait le butin dans la trésorerie générale.

Le royaume du Ouaddaï

Bref historique du royaume

Le royaume du Ouaddaï était limité comme la plupart des empires et royaumes de la même époque, de la manière la moins précise. Ses frontières variaient en fonction du degré de puissance du souverain et avec le déplacement de certaines tribus nomades qui, de migration en migration et de pâturage en pâturage, donnait au Ouaddaï des limites mouvantes. D’origine Arabe et principalement soudanaise du fait du voisinage, ce royaume s’étend du désert au Bahr Salamat et du Dar Kounti, du Darfour au Baguirmi. Sa frontière septentrionale, située au nord du 15ème parallèle, le sépare du massif de l’Ennedi, elle suit à l’Ouest, le 20ème degré de longitude Est et s’en écarte vers le 12ème parallèle pour aller rejoindre dans le sud les rives du Bah Kamer qui marquent la frontière de l’Oubangui. La population se composait d’Arabes beaucoup plus nombreux, de Peuls, dans le nord de Toubou, dans le centre et le sud-ouest des parler appartenant à la famille nilo saharienne : les Mabas, les Mimis, des Boulala, des Rouguas, etc. Sous l’appellation Maba on regroupait la population dominante, cette noblesse se transmettait en ligne maternelle.
Les Tûnjur venant du Darfour, s’emparent du pays et y règnent puis ils seront chassés par une révolte des habitants dirigée par le prince Abdelkerim originaire du nord du Khartoum. Le prince issu de la tribu des Djaliba sera considéré comme le Kollak (fondateur du royaume de l’Ouaddaï). Le royaume restera tributaire du Darfour jusqu’au roi Djoda de 1747-1795 qui libèrera son pays. Au cours du XVIIIème siècle, le pays résistera aux tentatives d’annexion du Darfour et vers 1800 le sultan Saboun commença à étendre son pouvoir. Ses successeurs furent moins habiles que lui, et le Darfour tira parti d’une dispute pour placer son candidat au pouvoir Mohammed Sharif en 1838. Ce dernier se retournera cependant contre le Darfour et instaura son règne, ce qui lui permit de se faire accepter par les différents clans de l’Ouaddaï. A la mort du sultan muhammad Bnu en 1859, il fut remplacé par son fils Muhammad al Mahdaî, selon le choix des maîtres de l’ordre. Son règne fut marqué par la stabilité, l’ordre dans l’Ouaddaï. Son successeur Ali, s’affilie à la Sanûsiyya avec bon nombre de ses sujets ; introduisant ainsi la senûsiyya dans l’Ouaddaï. A sa mort en 1875, il fut remplacé par Yûsuf qui vulgarise la Sonûsiya.
L’Ouaddaï devient ainsi le centre le plus important de la Senûsiya au sud de l’Afrique du nord. Et l’Ouaddaï connut soudain un développement considérable. Le développement du trafic vers le Ouaddaï à l’origine du développement est dû à la rentabilité des échanges, mais il s’explique aussi par deux raisons principales : ‘’ la baisse constante des échanges avec le Bornou au profit du Ouaddaï, la sécurité nouvelle dont jouit la route vers le Ouaddaï grâce
à l’influence de la confrérie de la Senûsiyya en Cyrénaïque et dans le désert Libyque28‘’. A sa mort, une révolution s’opère dans l’Ouaddaï lors de la cérémonie de succession. Ainsi, son successeur Ibrahim abolit les sacrifices lors de la cérémonie d’intronisation. Cette révolution s’explique par la religion présente depuis des décennies à travers la Senûsiyya.

La structuration du royaume

Le royaume du l’Ouaddaï adopta une organisation politico-militaire qui a été pendant cette période une référence dans le bassin tchadien. En effet, à la tête du sultanat se trouve le Sultan souverain qui incarne le pouvoir et l’autorité suprême. Le sultanat est divisé en plusieurs régions militaires. Ces régions sont sous l’autorité des ‘’Aguides’’. Nommés par le sultan, les aguides assurent les fonctions de commandant et d’administrateur. Ils agissent au nom du sultan et pour le sultan. Ils sont tenus de lui rendre compte. Chaque aguide a à sa disposition une armée dont le recrutement, l’organisation et la gestion ne dépendent que de lui. Les aguides choisissent à leur tour leurs représentants dans les différents clans des régions sous leur autorité. Le Boulama, chef de district, le Lawan, chef de canton ; le Mbarman, chef de village. Ces derniers ont pour missions de faire respecter l’autorité du sultan, de prélever les impôts et d’harmoniser les relations entre individus selon les prescriptions Coraniques. Les Faquirs et les Marabouts constituent le corps judiciaire. Jean Chapelle fait écho de cette organisation politico-militaire : ‘’ Les dignitaires du Ouaddaï sont d’abord ceux qui exercent un grand commandement à la fois militaire et territorial, les aguides tous subordonnés au Djarma ministre du sultan. Ils sont souvent en campagne pour lever l’impôt, diriger les expéditions punitives, razzier les esclaves. D’autres dignitaires sont attachés à la capitale ou la personne du sultan…’’29.

Le Baguirmi

Bref historique

Le royaume historique du Baguirmi, l’un de trois grands royaumes du bassin tchadien pendant la période précoloniale du Tchad a pour capitale Masseniya. Ce royaume situé entre le lac-Tchad et le Chari est selon les traditions fondé vers la fin du XVIème siècle : Selon la première tradition, le royaume serait fondé par un groupe de chasseurs Kenga sous la conduite de leur chef Birni Besse qui aurait fondé Masseniya vers 1513 et aurait obligé les populations de la région à rejeter la domination des Bilala. Pour Bernard Nanbet, le royaume connut son premier roi entre (1522-1536) ce fut Dokengué30 qui renforce cette tradition orale. Une seconde tradition, donne une origine Yéminite de ce royaume : douze hommes frères de même père vinrent de Yémen. Ils arrivèrent au pays Kenga à Abtouyour31. Un des frères resta dans ce pays, les autres vécurent à Masseniya. Une dernière tradition attribue la création du royaume à l’œuvre de neuf frères venus de Ndjimi au Kanem.
C’est sous le règne de Mâlo (1548-1561) que fut créé le titre de Mbang, l’Islam fut sa pénétration dans ce royaume sous le règne de ce dernier.
« L’Islamisation est due au Mbang Mâlo qui régna de 1548 à 1568 et institua les dignitaires du Baguirmi à l’imitation des Bilala avec lesquels des relations existaient »32. Le royaume entreprend des guerres sous le règne du neuvième Mbang et successeur de Mâlo, Bourkoumanda Tadlélé (1734-1739) qui dirige des expéditions vers le Kawar et le Borkou, il vainquit le sultan de l’Ouaddaï Mohamed Ez-Baouni. Son successeur le Mbang Alamine(1739-1741) fut vaincu par le roi du Bornou, qui entraine la vassalité du Baguirmi. Mohammed Alamine (1741-1784) contesta la tutelle du Bornou. Mais Abderamane Mbang Gaourang (1784-1806) fut défait par le sultan du Ouaddaï Saboun lors de la guerre qu’il entreprend et le royaume fut soumis à la suzeraineté cette fois ci du Ouaddaï.
Ce royaume connaît une grande prospérité grâce au commerce des esclaves que lui procurent d’incessantes expéditions dans la zone méridionale. Mais, le royaume placé sous la suzeraineté de royaume voit amorcer son déclin dès le début du XIXème siècle, car la capitale Masseniya fut l’objet de plusieurs pillages. Le royaume fut ravagé par le conquérant Rabah (que nous évoquerons dans la deuxième partie), en 1895 et le sultan Abderahamane Gaourang II sollicite la protection de la France qui venait d’arriver dans la région, conclut un accord avec Emile Gentil en 1897. Après s’être engagé à supprimer la traite, il signa un traité de protectorat avec la France en 1912.
Toutefois, en 1915, le régime d’administration directe est appliqué au Baguirmi, ce qui fait perdre au sultanat tous ses pouvoirs politiques et judiciaires. Tout de même, il subsiste comme une chefferie traditionnelle en relation avec l’administration moderne.

Organisation sociopolitique du royaume

Le royaume du Baguirmi à l’image des deux autres, présentait une forme élaborée de gouvernance basée sur une organisation politique bien établie. Jusqu’à l’avènement du colonisateur français, il était gouverné directement par le Mbang, un souverain héréditaire. Celui-ci vivait entouré d’un grand nombre de fonctionnaires et courtisans. Le Mbang régnait en chef absolu. La puissance et la richesse de ce royaume qui s’est développé à l’Est de l’actuel Ndjamena à partir du XVIème siècle étaient fondées essentiellement sur le commerce des esclaves destinés à l’empire Ottoman. Cette puissance est due à l’œuvre de l’armée qui comptait 10.OOO fantassins et 3.000 cavaliers au temps de Barth. Le monarque avait des collaborateurs notamment le Mbarma ou chef de guerre, le Pactha ou deuxième chef de guerre (généralement un esclave) ; vient le Kiréma, favori du roi et le Ngarmané, chef des eunuques, et enfin un collège de quatre conseillers. A ces dignitaires s’ajoute Goumsou, première femme du roi avec trois autres femmes ; Thiroma, l’héritier, fils ainé du roi et trois Ngar ou respectivement 2e 3e et 4e fils du roi.il y a aussi la Maguira, mère du roi régnant et Tchkotma, sœur ainée du roi, chef de toutes les femmes du Baguirmi.
L’administration s’exerce par les chefs de village, de tribu et autres dignitaires féodaux. Ce sont notamment les Boulamas ou chefs de village, les Alifas ou gouverneurs de provinces lointaines. Le fonctionnement des administrations nécessitait une organisation. Les dépenses étaient couvertes par divers impôts, notamment la traite, impôts des villages en espèces ou en nature, revenus de la justice, de la guerre ou impôts religieux telle la Zakat.

Le Borkou Ennedi Tibesti

Les Toubou

Le terme Toubou est d’origine Kanouri (habitants du Bornou au sud-ouest du lac-Tchad), il désigne les habitants du Tibesti33. Les Toubou eux-mêmes ne l’utilisent pas. Ils se dénomment Téda au nord et Daza au sud34. Les Téda occupent la zone saharienne et les Daza la zone sahélienne. Mais selon Chapelle Jean, ‘’les distinctions entre les deux ne sont pas absolue’’35. A ses deux groupes s’ajoutent les Aza : artisans, chasseurs, forgerons, griots ou même éleveurs. Apparentés aux Touaregs et aux Maures, les Toubou se rencontrent au Tchad en Libye au Niger et dans la moindre mesure au nordouest du Soudan ainsi qu’au sud-ouest de l’Egypte selon Baroin Catherine. Communément appelés Gouranes au Tchad, ils peuplent le nord du pays notamment la région du BET et se subdivisent en deux sous-groupes et clans : Téda, Daza, Aza, kréda, Anakaza, kamatcha, Gaéda, Ouaguaga, Mourdia, Bidéyat. Les Toubou représentent environ 5% de la population tchadienne, mais qui ont pris une grande part dans l’histoire politique du pays notamment en raison de leur participation active dans les soulèvements armés survenus au nord-est du pays. Peuple semi-nomade, les Toubou tchadiens ont connu des vagues successives d’émigration vers le Niger et la Libye à cause de l’instabilité récurrente dans le nord du pays, mais aussi de la sécheresse qui a affecté la région au milieu des années 1980. Les principaux leaders politiques Toubou sont, le Téda Goukouni Weddeye (auquel a succédé un Anakaza, Hissein Habré. D’autres leaders comme Youssouf Togoimi, AdoumTogoi, Timan Erdimi, Mahamat Nouri ont pris part activement dans l’histoire des rébellions armées au Tchad.

Organisation sociale et judiciaire des Toubou

Au sein de la communauté Toubou, sévit une organisation judiciaire du genre la loi de la vendetta ou Talion « œil pour œil dent pour dent ». En effet, lorsqu’il y a blessure ou meurtre, il appartient aux parents de la victime de venger cette dernière sur l’auteur de la jurisprudence, préjudice, ou sur un quelconque de ses parents par le sang. Inversement la parentèle de l’auteur du crime devra, si elle souhaite mettre un terme aux attaques dont elle est devenue l’objet, verser aux parents cognatiques de la victime, une compensation évaluée en proportion du dommage causé. C’est le cas du meurtre, “prix du sang“36 « fora gera » en Daza ‘’les vaches du sang’’. Selon Chapelle, les Toubou n’admettent le principe de compensation pour meurtre que très récemment, au début du XXe siècle sous l’influence de l’Islam et grâce aux efforts du Derdei37 Chai du Tibesti qui en tirait un avantage personnel. Catherine Baroin, auteur de plusieurs travaux sur les Toubou fait mention de cette mutation : ‘’Tandis que jusque-là le meurtre ne pouvait être réparé que par un autre meurtre, le Derdei a fait admettre qu’après l’exil du meurtrier pendant quelques années et s’il n’avait pas été rejoint et tué, la famille du mort pouvait se contenter sans déshonneur d’une indemnité allant de quatre à vingt chameaux suivant le sexe et la qualité de la victime et suivant la fortune du meurtrier. Une réconciliation générale des deux familles avait lieu alors devant le Derdei, le meurtrier étant présent. Le plus proche parent déclarait la palabre finie et frappait trois fois le tambour, la famille du meurtrier remettait ce jour-là « le chameau du tam-tam » au bénéfice du trésor public’’.38

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Table des matières

Liste de cartes, tableaux et graphiques
Sigles et abréviations
Résumé
Introduction
I. Délimitation de l’étude
II. Problématique
III. Objet de l’étude
IV. Intérêt de l’étude
V. Méthodologie
VI. Revue de la littérature
VII. Difficultés
Première PARTIE La société tchadienne précoloniale
Introduction
Chapitre I L’occupation du bassin tchadien
A/ Occupation physique
A-1. La Mer paléo tchadienne
A-2. Le Lac Tchad
B/ Occupation humaine
B-1. Les Sao
C/ Les structures d’organisation de la zone méridionale
C-1. Organisation sociale
C-2. Organisation politique
C-3. Organisation économique
Chapitre II Les structures d’organisation de la zone septentrionale et centrale
Introduction
A/ Le Royaume du Kanem-Bornou
A-1. Bref historique
A-2. Organisation du royaume
B/ Le Royaume du Ouaddaï
B-1. Brève historique
B-2. Structuration
C/ Le Baguirmi
C-1. Bref historique
C-2. Organisation sociopolitique
D/ Le Borkou Ennedi Tibesti
D-1.Les Toubou
D-2. Organisation sociale et judiciaire des Toubou
D-3. L pénétration de l’Islam
Deuxième partie la colonisation du Tchad 
Introduction
Chapitre III Les impressions et motivations françaises pour le bassin tchadien
A/ Les propagandes sur le Tchad
A-1. Les différentes impressions
A-2. Les missions d’expédition
B/ La conquête de Rabah
B-1. Personnage de Rabah
B-2. La conquête de Rabah dans le bassin tchadien
C/ Les différentes missions de conquête du Tchad
C-1. La mission du Chari
C-2. La mission Saharienne
C-3. La mission Afrique Centrale
Chapitre IV l’installation coloniale entre conquête et résistances dans l’Est et le Nord
A/ Les difficultés d’occupation
A-1. L’installation coloniale
A-2. Conquêtes et Résistances
B/ Exploitation du territoire
B-1. L’instauration de l’impôt
B-2. L’exploitation de la colonie
Chapitre V Les potentialités économiques et leur mise en valeur
Introduction
A/ Secteur traditionnel d’exploitation
A-1. Le coton
A-2. L’élevage
A-2-1. Les sociétés pastorales
A-3. La pêche
B/ Les secteurs non traditionnels avec forte potentialité de croissance
B-1. La gomme arabique
B-2. L’arachide
B-3. Le riz
Troisième partie Héritages et mutations de 1900 à nos jours 
Introduction
Chapitre VI Evolution des structures de 1900 à 1960
A/ Evolutions politiques et économiques
A-1. Evolution politique
A-1-1. Le PPT-RDA
A-1-2. L’UDT
A-1-3. Le MSA
A-2. La période d’administration civile et militaire coloniale
A-2-1. L’indigénat
A-2-2. La loi-cadre et ses réformes
B/ La coloniale au Tchad
B-1. Le rôle de l’armée coloniale dans la colonisation
C/ Evolution économique pendant la période coloniale
Chapitre VII Evolution de 1960 à 1990
A/ Evolution politique
A-1. Le régime de Tombalbaye
A-2. Le FROLINAT
A-2-1. Les succès du mouvement
A-3. La fin tragique de Tombalbaye
B/ Le régime de Malloum
B-1. Héritage du régime du CSM
B-2. Les imbroglios et les interventions étrangères
B-2-1. La dislocation et le règne des seigneurs de guerre
B-2-2. Occupation libyenne
B-3. Le retour au pouvoir de Hissène Habré
B-3-1. L’entente entre la Libye et la France au Tchad
C/ Le règne de Hissène Habré
C-1. Le personnage
C-2. Le pouvoir sous Hissène Habré
C-2-1. Le pouvoir et ses dérives
C-3. Les moyens et soutiens du régime
D/ La situation économique
Chapitre VIII Le régime démocratique
Introduction
A/ Evolution politique
A-1. Le personnage
A-2. La mise en place des Institutions politiques
A-3. Les difficultés à la démocratisation
A-3-1. La société civile, les partis politiques et le processus de démocratisation
B/ La mutation et la contribution de différents secteurs économiques —
B-1. L’élevage
B-2 Situation économique durant le régime
B-3. L’ère pétrolière
C/ L’émergence de l’armée tchadienne sous ce régime
Conclusion Générale
Annexe
Bibliographie

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