Instabilité thermodiffusive
L’instabilité thermodiffusive est directement liée au nombre de Lewis : en effet, pour une flamme non-equidiffusive, la diffusion thermique et la diffusion massique ne se compensent pas et peuvent transformer une flamme initialement plane en une flamme pulsative (Figure 1.4) ou encore faire apparaître de la cellularité (division de la flamme homogène en plusieurs zones de combustion localisées que l’on appelle cellules, Figure 1.3) au sein de la flamme. Afin d’expliquer le phénomène donnant naissance à l’apparition de la cellularité, considérons une flamme perturbée comme sur la Figure 1.5. La flamme n’étant pas plane mais légèrement incurvée, la diffusion massique et thermique entre la zone de réaction et la zone de préchauffage peut avoir lieu dans la direction de l’écoulement et dans la direction perpendiculaire à celui-ci. Dans le cas d’une flamme dont le nombre de Lewis est inférieur à 1 (Le < 1), le flux de chaleur partant du front de flamme est plus faible que la quantité de masse qui y arrive, permettant une accumulation locale de quantité de chaleur et de réactifs.
Ceci se traduit par une augmentation de la vitesse de combustion au sein des segments convexes (par rapport au mélange frais) et une diminution de celle-ci au sein des segments concaves (par rapport au mélange frais) ce qui a pour conséquence de faire avancer les segments convexes (par rapport au mélange frais) du front de flamme vers les gaz frais et de faire reculer les segments concaves (par rapport au mélange frais) vers les gaz brûlés : ainsi, nous obtenons une flamme de plus en plus courbée et qui peut parfois se briser localement. À l’inverse, dans le cas d’une flamme possédant un nombre de Lewis supérieur à 1 (Le > 1), la combustion est intensifiée au niveau des segments concaves et diminuée au niveau des segments convexes : ce qui entraîne un lissage de la flamme.
Par conséquent, une flamme laminaire prémélangée possédant un nombre de Lewis supérieur à 1 se stabilisera forcément (par un lissage du front de flamme) alors qu’une flamme laminaire prémélangée possédant un nombre de Lewis inférieur à 1 aura tendance à se plisser et donc devenir plus instable. L’instabilité thermodiffusive ayant été définie et expliquée, nous allons passer à la deuxième instabilité pouvant causer une instabilité intrinsèque de la flamme : l’instabilité hydrodynamique.
Études numériques
Une des premières études numériques sur les instabilités de flammes laminaires prémélangées fut celle réalisée par Michelson (1977). Celui-ci réalisa une étude numérique en deux dimensions dans des conditions spécifiques afin de provoquer chaque instabilité intrinsèque de la flamme : dans le cadre de conditions provoquant spontanément une instabilité hydrodynamique, une flamme laminaire perturbée mais non cellulaire fut observée, dans le cadre de conditions provoquant spontanément une instabilité thermodiffusive, une flamme turbulente cellulaire fut observée, et enfin dans le cadre de conditions permettant de provoquer spontanément les deux instabilités (hydrodynamique et thermo-diffusive) une flamme turbulente perturbée et cellulaire fut observée. Cette étude donna des premiers éléments de comparaison avec la théorie des instabilités de flammes prémélangées. Plus tard, Patnaik et al. (1989) réalise une étude numérique en deux dimensions d’une flamme laminaire prémélangée et soumise à une perturbation. La simulation numérique utilise un modèle de combustion H2/O2 qui comporte 24 réactions élémentaires de huit espèces, et modélise la diffusion moléculaire de chaque espèce, ainsi que la conduction thermique et la convection.
Les résultats présentés indiquèrent que pour le mélange pauvre, le front de flamme devenait perturbé et présentait une structure cellulaire, tel qu’observé expérimentalement. Au contraire, pour le mélange riche, la perturbation initiale s’estompait et aucune structure cellulaire n’apparaissait, confirmant les résultats expérimentaux observés par Mitani (1980). De plus, afin de mettre en évidence le rôle de la diffusion moléculaire dans le phénomène de cellularité, les coefficients de diffusion binaire de H2 et O2 furent modifiés : lorsque le coefficient de diffusion binaire de H2 fut imposé égal à celui de O2, la perturbation s’estompa alors que lorsque le coefficient de O2 fut imposé égal à celui de H2, l’instabilité se développa quand même, en accord avec la théorie thermodiffusive des instabilités intrinsèques de la flamme.
Les instabilités hydrodynamiques et thermodiffusives furent également étudiées en régime incompressible par Rastigejev (2006). Afin de prendre en compte correctement les effets d’expansion thermique, des masses volumiques différentes furent imposées pour les gaz frais et les gaz brûlés, ainsi que des termes sources singuliers. Les résultats présentés indiquèrent un comportement de la flamme en cohérence avec la théorie : les instabilités hydrodynamiques du front de flamme furent observées, ainsi que le front de flamme devenant plan dans des domaines trop petits, mais également le développement non-linéaire de structures creuses telles que prédites par l’équation de Michelson-Sivashinsky Michelson (1982) lorsque la masse volumique varie légèrement. Cette étude permis de mettre en lumière les effets de l’expansion thermique sur la dynamique du front de flamme. L’étude numérique des instabilités de la flamme laminaire prémélangée ayant été présentée de manière globale, la prochaine section se concentrera sur la variation d’un des paramètres clés du phénomène de cellularité : le nombre de Lewis.
Influence de la cinétique chimique
La première section de ce chapitre porte sur l’influence de la cinétique chimique sur la création et le développement du phénomène de cellularité. Au total, quatre cinétiques chimiques seront testées (dans leur ordre d’apparition : Sandia (section 3.1.1), Davis (section 3.1.2), San Diego (section 3.1.3) et LLNL (section 3.1.4)). Pour chaque cinétique chimique, le comportement de la flamme sera détaillé au travers de l’évolution de la fraction molaire de OH, tel qu’effectué dans la littérature ( Yu (2013), Altantzis et al. (2011), Kadowaki et al. (2005b), Kishore et al. (2011)), et puisque ce paramètre est celui qui permet la meilleure observation du phénomène de cellularité. Chacune des cinétiques chimiques présentée dans cette section fut testée dans les conditions exposées dans le chapitre 2, avec les spécificités suivantes : une condition de Dirichlet en sortie (température, pression et fractions molaires des espèces imposées), le front de flamme est initialisé via la fonction sinusoïdale selon l’équation 2.32 présentée dans la section 2.3.4 afin de faire apparaître les cellules, les conductivités thermiques et dynamiques des espèces H2/O2/N2/H2O ont été calculées via les fonctions A I-2 et A I-3, la conductivité thermique et la viscosité dynamique du mélange ont été calculées selon la loi de mélange basée sur la fraction massique (équation 2.28) et la vitesse d’entrée du mélange correspond à la vitesse de flamme laminaire de chaque cinétique chimique qui a été calculée via Chemkin ( Ouimette (2009)) 44 pour une richesse de 0.4.
Les vitesses de flamme laminaire de chaque cinétique chimique étant différentes du fait des différences au sein des mécanismes de réactions de chaque cinétique chimique et des propriétés de thermodynamiques et de transport associées. Enfin, le tableau 3.1 fournit un récapitulatif des conditions de simulations de cette section.
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Table des matières
INTRODUCTION
CHAPITRE 1 REVUE DE LITTÉRATURE
1.1 Les bases de la combustion
1.2 La flamme unidimensionnelle
1.3 Instabilités de flamme laminaire prémélangée
1.3.1 Instabilité thermodiffusive
1.3.2 Instabilité hydrodynamique
1.3.3 Instabilité de Rayleigh – Taylor
1.4 Théorie et travaux actuels
1.4.1 Théorie générale des instabilités
1.4.2 Études numériques
1.4.3 Effet du nombre de Lewis
1.4.4 Effet de la pression
1.4.5 Effet de la turbulence
1.4.6 Conditions initiales et taille du domaine
1.4.7 Synthèse du chapitre et définition des objectifs
CHAPITRE 2 MODÈLE NUMÉRIQUE
2.1 Résolution numérique des équations fondamentales
2.1.1 Équations de Navier-Stokes pour un écoulement compressible
2.1.1.1 Méthode des volumes finis
2.1.2 Discrétisation des équations
2.1.2.1 Discrétisation temporelle
2.1.2.2 Terme source
2.1.2.3 Terme de convection
2.1.2.4 Terme de diffusion
2.1.3 Transport des espèces
2.2 Domaine de simulation
2.3 Construction du modèle numérique
2.3.1 Choix du schéma de discrétisation temporelle
2.3.2 Choix du schéma de discrétisation spatiale
2.3.3 Choix des modèles chimiques
2.3.4 Conditions initiales et conditions aux limites
2.3.5 Étude de maillage
2.3.6 Synthèse du modèle numérique
CHAPITRE 3 INFLUENCE DE LA CINÉTIQUE CHIMIQUE ET DE LA LOI DE MÉLANGE
3.1 Influence de la cinétique chimique
3.1.1 Cinétique chimique de Sandia
3.1.2 Cinétique chimique de Davis
3.1.3 Cinétique chimique de San Diego
3.1.4 Cinétique chimique de LLNL
3.2 Comparaison des cinétiques chimiques
3.2.1 Nombre de cellules
3.2.2 Taux de déformation
3.2.3 Dégagement de chaleur et fraction molaire de OH
3.3 Influence de la loi de mélange
3.3.1 Test de la nouvelle loi de mélange sur Davis
3.3.2 Test de la nouvelle loi de mélange sur San Diego
3.3.2.1 Conditions de Dirichlet
3.3.2.2 Conditions de Neumann
3.4 Conclusion du chapitre
CHAPITRE 4 INFLUENCE DE LA PRESSION
4.1 Contexte numérique
4.2 1 atmosphère
4.3 2.5 atmosphères
4.4 5 atmosphères
4.5 Comparaison des différents cas de pression
4.5.1 Nombre de cellules
4.5.2 Taux de déformation
4.5.3 Taux de dégagement de chaleur
4.6 Conclusion du chapitre
CHAPITRE 5 INFLUENCE DE LA PERTURBATION INITIALE
5.1 Contexte numérique
5.2 Amplitude divisée par deux
5.3 Période multipliée par deux
5.4 Amplitude divisée par deux et période multipliée par deux
5.5 Comparaison globale
5.5.1 Nombre de cellules
5.5.2 Taux de déformation
5.5.3 Taux de dégagement de chaleur
5.6 Conclusion du chapitre
CONCLUSION
ANNEXE I INFORMATIONS COMPLÉMENTAIRES SUR LE MODÈLE DE CHIMIE
ANNEXE II MÉCANISMES DE RÉACTION UTILISÉS
ANNEXE III RÉSULTATS COMPLÉMENTAIRES
BIBLIOGRAPHIE
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