Dans la société, les relations sont basées sur l’ouverture de cœur, c’est-à-dire l’expression de la vérité qui devient ipso facto le leitmotiv. Cette vérité tant réclamée et exigée trouve son écho dans la notion de sincérité qui est à son tour considérée comme le garant de toutes les relations. Ainsi, dans les relations sociales, religieuses et littéraires, on s’attache à cette notion de sincérité. Mais, comme il sied de le remarquer, cette union devient difficile à atteindre dans la mesure où ce qui est conçu par la pensée n’est pas forcément conforme à la morale et aux codifications sociales. L’individu, devenu un animal grégaire, se doit en effet, de se conformer à certaines règles qui empêchent cette union. Toutefois, la sincérité reste malgré ces difficultés énumérées, une vertu inextricable à l’existence humaine. C’est pourquoi, les uns et les autres veulent vaille que vaille traquer la véracité des propos et des agissements de leurs interlocuteurs. Cela suffit à montrer que la sincérité est devenue un enjeu à la fois social et psychique.
LA VIE D’ANDRE GIDE
La naissance
Fils unique d’un professeur de droit romain à la Faculté de Paris, Paul Gide issu d’une famille protestante uzétienne et d’une riche héritière d’origine normande catholique, mais convertie au protestantisme, Juliette Rondeau, André Gide est né à Paris le 22 novembre 1869. Dans cette famille riche, l’enfance de Gide est très mouvementée par les vacances, tantôt dans la Normandie maternelle, tantôt dans le Languedoc paternel, sous deux climats et deux milieux différents, surtout pendant les fêtes les plus importantes de l’année. Selon une certaine habitude, le jour de l’an se passe à Rouen, tandis que la Pâque à Uzès.
Gide, enfant très fragile et maladif, éprouve précocement une mélancolie pour ces déplacements fréquents qui l’amènent déjà à se demander s’il est comme les autres enfants de son âge. Cette situation a sans nul doute eu une répercussion sur son adolescence et lui inspire les sujets les plus fondamentaux de sa vision littéraire.
Son éducation et ses études
L’éducation morale et religieuse de Gide n’est pas facile dans cette famille profondément marquée par la religion et le respect des valeurs sociales de la bourgeoisie. Mais ses parents ont fait preuve d’un certain libéralisme, jusqu’à la disparition de Paul Gide, son père, qui est le début de plusieurs impositions maternelles. En effet, la mort prématurée de ce père doux, compréhensif et libéral, suite à une tuberculose intestinale le 28 octobre 1880, sonne le glas de ce libéralisme et annonce le début d’une éducation sévère, puritaine de la part d’une mère surprotectrice, rigide et austère, voulant juguler l’onanisme de ce garçon.
De plus, dans une atmosphère féminine qui lui vaut des reproches et des punitions quasi-permanents. Situation dont il garde de mauvais souvenirs, jusqu’à l’âge mûr, et fait aussi de temps à autre l’objet de certains de ses sujets de révolte sous forme d’anathème. Nous lisons dans Les Nourritures terrestres :
« Familles, je vous hais ! Foyers clos, portes renfermées, possession jalouse du bonheur.» .
En 1874, le petit Gide, alors âgé de cinq ans, est envoyé Rue de Vaugirard à l’institut de Mademoiselle Fleur et Madame Lackerpauer. En 1875, ses parents quittent la Rue de Médicis pour s’installer 2 Rue de Tournon. Le mois de novembre 1877, il entre en classe de neuvième à l’Ecole Alsacienne, Rue d’Assas où vont généralement la plupart des enfants de la bourgeoisie protestante. Le nouvel élève de M. Vedel n’est pas brillant. Lui-même écrira plus tard :
«J’étais un des derniers de la classe (…) je dormais encore, et j’étais pareil à ce qui n’est pas encore né. » .
Suite à une maladie, il part en convalescence à la Roque où il achève l’année. En 1878-79, il double sa neuvième dans la classe de M. Vedel. Bref, sa santé fragile et les déménagements répétés font de sa fréquentation scolaire forte irrégulière. Il entre comme pensionnaire chez M. Vedel pour sa huitième en 1880. Printemps 1881 à la Roque, Madame Gide fait venir un certain M. Bonnard comme précepteur pour combler les lacunes de son fils.
Quelques années plus tard, Madame Gide et son fils s’installent à Montpellier où André Gide va au Lycée. Mais il souffre de la brutalité de ses camarades. Il tombe malade et sa mère l’envoie en traitement à Lamalou-le-haut, puis à Gérardmer. Après l’été 1882 passé à la Roque, puis une nouvelle cure à Lamalou, il rentre à l’Ecole alsacienne. Mais des maux de tête le contraignent de la quitter un mois plus tard pour Rouen.
En octobre 1887, il entre en rhétorique à l’Ecole alsacienne, où il se lie d’amitié avec Pierre Louis, le futur Pierre Louÿs. C’est le début des découvertes et de l’élargissement de ses horizons. L’année suivante, il entreprend des études de philosophie au Lycée Henri IV. Sa principale lecture philosophique est celle de Schopenhauer, pour lequel il voue une grande admiration, sans doute par la sensibilité et l’intérêt que ce dernier porte pour le genre humain. Au mois de juillet 1889, il décroche son baccalauréat. Pour fêter ce succès et cette liberté tant voulue qui se pointe enfin à l’horizon, il effectue un voyage en Bretagne. Décidé de se consacrer à la littérature, il s’inscrit à la Sorbonne pour préparer une licence. Certes, l’enfance d’André fut mouvementée à cause des déplacements récurrents qui interrompirent fréquemment son éducation, sa scolarisation et affectèrent profondément son état physique. Cela se répercute fortement sur son adolescence et sa maturité, marquées par un pessimisme ambiant qui le pousse à une exploration quasi-permanente de sa propre personnalité, sur laquelle se base son œuvre.
La carrière littéraire d’André Gide
Ses premières rencontres avec les grands littérateurs de l’époque
Epargné des soucis financiers, André Gide s’abandonne à sa passion que sont la lecture et l’écriture. L’irrégularité de ses études qui l’avait amené à plusieurs établissements, lui permet de connaître rapidement des amis dont Louÿs qui lui fait découvrir de très bonne heure les cercles et les salons littéraires les plus connus de l’époque. C’est en cette période qu’il fait successivement la connaissance de Paul Valéry, Stéphane Mallarmé et Laforgue. Il devient ainsi un habitué des « mardis » de la rue de Rome : cercles littéraires animés par Stéphane Mallarmé. Cela explique les empreintes du symbolisme de ses premières œuvres : (Les Cahiers d’André Walter 1891, Le Traité de Narcisse 189, Le Voyage d’Urien).
Lors de son déplacement en Afrique du nord en octobre 1893, il a comme compagnon de voyage le peintre Paul Albert Laurens. Gide intensifie ses rencontres avec les grands littérateurs et personnalités de l’époque ; il lit beaucoup Flaubert et Balzac. Il ne se limite pas aux rencontres des grands littéraires français, mais aussi ceux de l’étranger, susceptibles de lui apporter de nouvelles connaissances. C’est dans cet esprit qu’il rencontre à Paris, en novembre 1891, l’Irlandais Oscar Wilde qui lui inspirera plusieurs thèmes fondamentaux de son œuvre. Il effectue un séjour à Munich où il fait la connaissance de Wagner et lit intensément Goethe dont l’influence sera décisive.
Ayant été exempté du service militaire pour cause de tuberculose, il a continué ses rencontres et ses lectures qui lui ont permis d’élargir ses horizons vers des contrées lointaines.
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Table des matières
INTRODUCTION
PEMIERE PARTIE : L’AUTEUR ET SON APPROCHE DU MONDE
CHAPITRE I : LA VIE D’ANDRE GIDE
1. La naissance
2. Son éducation et ses études
3. La carrière littéraire d’André Gide
3.1. Ses premières rencontres avec les grands auteurs de l’époque
3.2. Ses premières publications
4. Ses problèmes de santé et son premier voyage en Afrique
5. Idiosyncrasie gidienne
CHAPITRE II : SA CONCEPTION LITTERAIRE
1. André Gide, Poète, critique, Dramaturge et Romancier
2. Un grand découvreur de talent
3. Son rôle auprès des jeunes littéraires
CHAPITRE III : DE LA MATURITE A LA SAGESSE
1. Ses inquiétudes
2. L’engagement et la satisfaction
3. La consécration d’un parcours littéraire et le résumé du livre
DEUXIEME PARTIE LA SINCERITE DANS LES RAPPORTS AVEC LES AUTRES ET AVEC SOI : LA DICHOTOMIE HUMAINE
CHAPITRE I : LA SINCERITE ET LE PARAÎTRE
1. La notion de sincérité
2. La sincérité vue dans et par la société : évolution de la notion
2.1. Le juge d’instruction Profitendieu
2.2. Le vieux La Pérouse
2.3. Rachel
2.4. Le professeur de français, mari de Laura, Félix Douviers
3. La sincérité et la religion
3.1. Le Pasteur Vedel Azaïs
4. La sincérité et la littérature
CHAPITRE II : LE PROBLEME DE L’ETRE DANS LES RAPPORTS AVEC LES AUTRES
1. Les apparences dans les relations ou les faux-semblants
1.1 .Les apparences dans les mariages
1.2. Les apparences dans les relations amoureuses
1.3. Les apparences dans la religion
1.4. Les apparences dans la littérature
1.5. Les apparences dans les amitiés
2. La sincérité, source de conflit entre l’individu et les institutions sociales et pour soi-même
CHAPITRE III : IDEAL SINCERITE : NOUVEL HUMANISME GIDIEN OU LE GIDISME
1. Le rapport à soi, autonomie des personnages, prémisses de liberté et bonheur reconquis
2. La sincérité et l’état de nature
3. L’égotisme
TROISIEME PARTIE : LA SINCERITE DANS L’ECRITURE
CHAPITRE I. LES ECRITS INTIMES ET AUTRES GENRES VOISINS
1. Un texte autobiographique
2. Le journal intime
3. Les échanges épistolaires
CHAPITRE II : LES ASPECTS NARRATIFS
1. L’art et la révolution romanesque gidiens
2. Un roman pour le Roman, un genre polymorphe
3. La narration et le narrateur
4. Le narrateur et les personnages
5. L’espace et la temporalité
6. La mise en abyme
CHAPITRE III : LA DERESPONSABILISATION
1. La déresponsabilisation esthétique : André Gide et le Nouveau roman
2. La déresponsabilisation morale
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE