L’insertion professionnelle des jeunes
Introduction générale
Les déséquilibres résultants des mutations de l’activité économique ont des répercussions considérables sur le marché de l’emploi, notamment de lourdes conséquences en termes du chômage, qui est un phénomène redouté à la fois par les personnes qui en sont victimes et par les responsables politiques en raison des conséquences désastreuses qui peuvent en découler au triple plan économique, social et politique. Sur le plan économique, le chômage signifie une sous utilisation du facteur travail. Il se traduit par une baisse des revenus des ménages qui seront conduit à réduire leur demande, ce qui à son tour affectera le niveau de l’activité économique. Sur le plan social, le chômage dégrade les conditions de vie et alimente la pauvreté. Sur le plan politique, le chômage constitue un élément d’insécurité politique, en raison des protestations des jeunes, traduisant leurs exaspérations face à des conditions de vie difficiles. En Algérie, le déséquilibre du marché de l’emploi est le résultat de l’échec des stratégies de développement entreprises pendant la période allant de l’indépendance à la veille des grandes réformes économiques.
Ces déséquilibres ont conduit à une augmentation du chômage, au développement du secteur informel et à l’apparition de nouvelles formes de travail dites atypiques (CDD, temps partiel, intérim,…), et ce au détriment du salariat permanant. Le taux de chômage en Algérie a connu des fluctuations à la hausse et à la baisse suivant la conjoncture économique. Selon l’ONS, le taux de chômage durant ces dix dernières années a connu une tendance à la baisse, passant de 29.5% en 2000 à 10% en 2011. Malgré cette diminution, le chômage reste toujours préoccupant. La principale caractéristique du chômage dans notre pays réside, dans le fait qu’il touche en grande partie la composante la plus jeune de la population active (les jeunes de moins de 35 ans représentent 90% des chômeurs en 2011) et en particulier les femmes (le taux de chômage féminin (19,1%) représente plus que le double que de celui des hommes (8,4%)1. Ce phénomène a suscité l’intérêt des pouvoirs publics, d’où l’intervention de l’Etat algérien pour mettre en place de multiples dispositifs de prise en charge des chômeurs, ainsi que de nombreuses structures publiques (ANEM, ANGEM, ADS, ANSEJ) chargées de leur gestion. Les politiques de lutte contre le chômage consistent principalement en des mesures passives d’aide aux licenciés économiques et aux chômeurs, mais aussi en de programmes actifs sous forme d’activités subventionnées, d’activités de formation ou d’insertion professionnelle qui vise la mise au travail des jeunes.
l’essor de l’auto-emploi et du salariat précaire
Pendant les années 70, l’emploi salarié a été la forme d’emploi la plus appliquée surtout dans le secteur public d’industrie et d’administration. Mais au milieu des années 80, cette forme d’emploi a reculé suite au désengagement de l’Etat de l’activité économique, laissant espace au développement des autres formes de travail atypique comme l’emploi précaire.La période allant de 1992 à 2011 peut être découpée en deux phases. La première phase, couvre la période initiale du Plan d’Ajustement Structurel (PAS) où la population occupée marque une stagnation. La seconde phase, est caractérisée par un accroissement important de la population occupée grâce à la reprise de l’activité économique à l’entame des années 2000. Ce qui a marqué l’évolution de la population active occupée est la modification de la structure de l’emploi en faveur de l’auto-emploi et au détriment du salariat et l’essor du salariat non permanent ou temporaire. L’effectif des employeurs et indépendants ; dont 80% sont des indépendants selon l’enquête ménage de l’ONS en 2006 et 2007 ; a plus que doublé, tandis que l’effectif des salariés permanents augmente à peine et sa part relative dans la population active baisse très fortement, de 59% en 1992 à 36% en 2011. Le salariat non permanent ou temporaire est passé de 438 000 à 2 978 000 entre 1992 et 2011, il est essentiellement occupé par le secteur privé. Mais ces dernières années le salariat précaire tend à se développer significativement dans le secteur public, notamment dans le cadre des dispositifs publics d’emplois temporaires (les travailleurs non permanents représentent plus d’un tiers des salariés des PME publics en 2007, ils constituent la majorité des employés de ces entreprises dans le BTP, les services et l’agriculture11).
L’essor de l’emploi informel
L’expression de l’emploi informel est apparue au début des années 70, elle est l’une des préoccupations du Bureau International du Travail (BIT). Ce dernier englobe dans la catégorie de l’emploi informel : le travail à domicile et autres formes d’activités qui sont sans couverture sociale et dans un total mépris de la législation du travail ce qui rend sa mesure très difficile. En Algérie, l’identification du travail informel est généralement faite par les enquêtes emploi de l’Office National des Statistiques (ONS) en se basant sur certains critères qui permettent de l’identifier tels que le non affiliation à la sécurité sociale et l’absence d’enregistrement administratif et fiscal. Ces critères permettent de distinguer les catégories de personnes relevant de l’informel, qui sont : les travailleurs à domicile non agricoles, les femmes exerçants des activités marginales non agricoles qu’elles soient au foyer, au chômage ou inactives, les apprentis et aides familiaux non agricoles, les employés du secteur structuré exerçant une activité d’appoint non déclarée, les employeurs et indépendants non déclarés. En Algérie, les causes essentielles de l’expansion de l’emploi informel sont les difficultés (que se soit de type administratif ou de financement) que les personnes rencontrent lorsqu’elles souhaitent créer une entreprise ou développer une activité. Selon une enquête emploi réalisée en 2011, la part de l’emploi informel non agricole dans l’emploi total se situait à 33,5% en 2001, 41,3% en 2005 et 45,6% en 201012.
L’accroissement de la durée de la recherche de l’emploi
L’un des effets indésirables qui résulte des mutations du marché du travail est l’allongement de la durée du chômage. En Algérie, l’accroissement inquiétant de la durée de la recherche d’emploi a été noté à partir du début des années 90. Selon l’ONS, la durée moyenne de recherche d’un emploi qui était de 23 mois en 1989 est passée à 27 mois en 1992 pour atteindre 29,5 mois en 2005, 25,8 mois en 2008, puis une diminution à un an et plus en 2010 et 2011. L’accroissement de la durée de chômage peut provoquer des effets négatifs pour les personnes qui en sont victimes et leur entourage mais aussi pour l’économie. La connaissance de la détresse, la privation et les problèmes de cette population en Algérie n’a pas était l’objet d’enquête. Cependant on peut faire confiance aux travaux sociologiques et statistiques réalisés ailleurs (notamment en France) qui témoignent des violences matérielles et morales qui accompagnent l’allongement de la durée de chômage. Ces travaux montrent que plus la durée de privation d’emploi augmente plus de nombreux fléaux se manifestent : éclatement de la cellule familiale, vols, crimes, suicides, désocialisation des personnes qui n’ont plus les moyens ou/et la volonté de fréquenter des amis, des clubs et associations sportives et culturelles,… etc. En Algérie, cette situation se manifeste à travers un phénomène, qui a pris de l’ampleur parmi les jeunes, qui est l’émigration clandestine. Enfin, l’allongement de la durée de recherche d’un emploi affecte l’employabilité future des chômeurs lorsque des opportunités d’embauche se présenteront parce que les personnes qui restent longtemps éloignées du marché du travail perdent leur savoir faire donc leur compétence se détériore face à une évolution rapide des technologies. L’évolution de l’emploi en Algérie peut être résumée en deux périodes : une période caractérisée par le plein emploi pendant les premières années de l’indépendance et une période où le phénomène du chômage a pris de l’ampleur. Ce dernier sera l’objet de la seconde section.
L’évolution du chômage en Algérie
L’évolution du chômage en Algérie a connu trois périodes marquantes. La figure suivante retrace l’évolution du chômage sur une quarantaine d’années, qui fait apparaitre trois périodes importantes : la première, juste après l’indépendance, la deuxième, au milieu de la décennie 80 jusqu’au début des années 2000 et la dernière, au début des années 2000 jusqu’à 2011.
– La période (1966/1985) : La période (1966/1985) correspond à celle de l’économie administrée où le taux du chômage est passé de 32,9% en 1966 à 9,7% en 1985 ; soit une perte de 23,2 points de pourcentage sur une période de 19 années. Cette situation affirme que la stratégie de développement adoptée en Algérie à cette époque a atteint ses objectifs en termes de réduction du chômage, Mais d’autres facteurs ont joué aussi un rôle dans la réduction du chômage. Parmi ces facteurs : l’obligation faite au secteur public et aux domaines agricoles de recruter au-delà de leur besoins, l’émigration qui s’est accrue à cette époque et l’instauration du service national de 24 mois qui permet le retrait momentané d’autant de personnes du marché du travail.
– La période allant de 1987 au début des années 2000 La deuxième période commence à partir de 1987, se caractérise par la rupture de la croissance et par l’entrée en crise de l’économie algérienne, ce qui s’est répercuté sur le marché du travail et par conséquent a augmenté le taux de chômage (21,4% en 1987). Cette hausse se poursuit jusqu’à 1989 où nous remarquons une légère baisse mais qui ne tient pas longtemps et le taux de chômage repart à la hausse; cette légère tendance à la baisse s’explique par les tentatives des pouvoirs publics de calmer la situation dramatique qui a suivi le soulèvement populaire de 1988. En 2000, le taux de chômage arrive à plus de 29,5%. Cette situation est due à la restructuration économique dans le cadre du PAS.
– la période allant de 2001 à nos jours La dernière période débute à partir de 2001, marquée par une tendance à la baisse du chômage. Durant cette période le taux de chômage est passé de 29,77% en 2000 à 10% en 2011, soit une perte de 19,77 points de pourcentage dans un intervalle de 11 ans. Cette situation est impressionnante, mais elle doit être considérée avec prudence car les dépenses publiques constituent le moteur de l’offre d’emploi (introduction de plusieurs formules d’emploi en CDD pour insérer les jeunes dans les institutions publiques ou privées).
Les catégories de chômeur en Algérie
L’identification des catégories de chômeur peut nous amener à déduire les caractéristiques du chômage en Algérie. Cette identification est nécessaire pour saisir leurs difficultés et aider à orienter la politique d’emploi vers les mesures les plus adéquates.
– Le chômage des jeunes Selon les normes internationales, la catégorie jeune recouvre les personnes âgées de 16 à 25 ans. En Algérie, est considérée jeune toute personne âgée de moins de 35 ans 13, cette catégorie d’âge est caractérisée par des taux de chômage les plus élevés par rapport aux autres composantes de la population active comme le montre le tableau représente le taux de chômage pour la catégorie d’âge (16-24ans), 2 le taux de chômage pour la catégorie d’âge (25 ans et +). La lecture du tableau nous montre que la catégorie jeune est la plus exposée au chômage par rapport aux autres catégories d’âges. En 2001, presque la moitié (47,9%) des personnes âgées de moins de 24 ans est à la recherche d’emploi. Bien que le taux de chômage ait reculé progressivement pour la catégorie d’âge 20 à 24 ans pour atteindre 23,3% en 2008 contre 45,92% en 2001 ; soit une perte de plus de 22 points de pourcentage (cette perte peut être expliquée par le développement de divers dispositifs en faveur de cette catégorie d’âge) ; mais reste élevé au regard des normes internationales. Ce taux élevé de chômage juvénile est peut être expliqué par la part importante qu’occupe cette tranche d’âge dans la composition de la population totale ainsi son arrivée massive sur le marché du travail et la difficulté de son insertion sur le marché du travail.
– Le chômage et le niveau d’instruction Contrairement à la théorie du capital humain selon laquelle l’individu investi dans sa formation dans l’espoir d’acquérir des gains supplémentaires associés à l’emploi, l’Algérie est marqué ces deux décennies par une tendance inverse, dans Chapitre I Emploi et chômage en Algérie laquelle le chômage augmente avec le niveau d’instruction. En 2011, le chômage des actifs universitaires était de 15,2% alors que celui des sans instructions était de 2,5%14.La part des chômeurs ayant un niveau d’instruction supérieur a progressivement augmenté, passant de 0,6 en 1985 à 15,2 en 2011, en parallèle la part des sans instructions a connu une tendance inverse. Alors qu’elle représentait 20,5% de l’ensemble des chômeurs en 1985, elle chute à 2,5% en 2011. Cette situation s’inverse dans les pays riches où le taux de chômage est inversement proportionnel au niveau d’éducation. Le taux élevé de chômage des diplômés peut être expliqué par : l’augmentation des inscrits dans les différents niveaux de l’éducation nationale face à une capacité d’insertion limitée et aussi par l’inadéquation entre les formations proposées et les besoins du système productif, ce qui fait que les employeurs n’ont pas confiance dans les porteurs de diplôme délivrés par le système de formation nationale. L’augmentation du chômage des diplômés pourrait avoir plusieurs conséquences indésirables telles que la dévalorisation des titres scolaires, l’émigration de personnes qualifiées, le gaspillage des ressources par les investissements en éducation qui ont été réalisés et la non incitation des jeunes à investir en éducation, ce qui limite l’accumulation du capital humain par l’éducation dans une économie où celui-ci est rare et constitue une externalité positive.
– Le chômage des femmes En Algérie, le chômage des femmes a commencé à se faire remarquer vers 1988 avec l’évolution de la société, le développement de son instruction, l’allégement des charges domestiques et les garanties accordées à l’emploi salarié donnant plus d’assurance aux femmes qui exercent un emploi salarié. On remarque la présence des femmes sur le marché du travail par le taux de chômage élevé, malgré les taux de participation les plus bas par rapport à celui des hommes. La présence des femmes sur le marché du travail en Algérie a progressé au fil du temps mais elle reste faible par rapport aux pays développés. Ajoutant aussi la discrimination dans la distribution des emplois par secteur d’activité. A titre d’illustration, les industries lourdes (sidérurgie, pétrole, BTP) ne favorisent pas le travail des femmes à cause du poids que tiennent les traditions dans la distribution des taches entre sexe. La présence des femmes sur le marché du travail se remarque plus dans le secteur d’administration et de l’éducation nationale.
|
Table des matières
Liste des abréviations
Introduction générale
Chapitre I : Emploi et chômage en Algérie
Section 01 : L’emploi en Algérie
Section 02 : Le chômage en Algérie
Chapitre II : Les politiques de lutte contre le chômage en Algérie
Section 01 : Les mesures passives et actives en faveur de l’emploi
Section 02 : Les intermédiaires sur le marché de l’emploi et les limites des politiques d’emploi
Chapitre III : L’insertion professionnelle des jeunes en Algérie
Section 01 : Notion de base sur L’insertion professionnelle
Section 02 : Le Dispositif d’Aide à l’insertion Professionnelle des jeunes (DAIP) appliqués en Algérie
Chapitre IV : Enquête auprès des jeunes insérés par l’Agence Nationale de l’Emploi (ANEM)
Section 01 : Présentation du lieu d’étude et de l’enquête
Section 02 : Analyse et interprétation des résultats de l’enquête
Conclusion générale
Annexes
Bibliographie
Liste des tableaux
Liste des figures et des graphiques
Table des matières
Résumé
Télécharger le rapport complet