L’insertion professionnelle des enseignants

L’insertion professionnelle des enseignants

La période entre la fin de la première année scolaire et le moment de l’entretien

Les facilitateurs

Concernant ce dernier temps, Laure n’a rien relevé de particulier étant donné que pour elle, rien n’avait changé. En effet, elle sollicite actuellement toujours les mêmes ressources et personnes.
Chez les trois autres enseignantes débutantes, les collègues chevronnés (1) apparaissent à nouveau comme un soutien important au niveau de l’échange de matériel et de la collaboration. Coralie affirme que cela ne risque pas de changer et Caroline précise toutefois que cet aspect est un peu moins important pour elle désormais. Lorsqu’elle enseignait en 3H, Charlotte a apprécié l’expérience de ses collègues de degré et plus particulièrement celle de l’une d’entre elle concernant l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Elle avoue n’avoir jamais eu besoin de créer de planifications, étant donné qu’elle les a toujours reçues de ses collègues chevronnées de mêmes degrés. Elle a ensuite relevé, concernant son enseignement actuel en 5H, que ses collègues lui ont aussi donné leurs planifications et que la collaboration avec elles était très utile. En effet, elles effectuent leur journal de classe ensemble, ce qui donne naissance à de nombreux échanges de matériel par mail.
De plus, l’expérience de celles-ci lui permet de savoir quoi faire à quel moment de l’année.
La mention des moyens d’enseignement (2) revient chez Coralie et Charlotte. Cette dernière précise qu’en 3H, les moyens didactiques de maths ainsi que leurs balises apparaissent comme des ressources qui ont pu l’aider. En 5H, elle a pu identifier plus de moyens didactiques auxquels elle peut se référer et qui l’aident à savoir où aller.
Coralie se rend compte qu’elle utilise maintenant sa propre expérience et son propre matériel (3) qu’elle considère également comme des ressources qu’elle possède désormais. A ce propos, Caroline, qui a des élèves de 4H pour la seconde fois, se dit être dans la création de ses propres outils (3) tout en s’inspirant à nouveau des blogs trouvés sur internet. Coralie, quant à elle, indique une augmentation dans son utilisation des sites officiels tels que www.friportail.ch (4).
Pour terminer, nous allons à nouveau relever les quelques spécificités propres à chacune. En effet, Caroline relève le fait que c’est toujours son conjoint (5) qui l’aide à mettre en place sa classe. Pour des problématiques spécifiques auxquelles elle est parfois confrontée, ou pour demander des conseils, le responsable d’établissement reste sa personne de référence (6). De plus, elle possède une copine enseignant en 3-4H avec laquelle elles échangent encore des documents via Dropbox (7). Etant donné que la collaboration entre les participantes au GAP avait vraiment bien fonctionné dans le groupe de Coralie, celle-ci a expliqué que durant leur deuxième année d’enseignement, elles ont continué à se rencontrer selon le même principe lors de certains mercredis après-midi (8). Comme elles se trouvent actuellement dans leur troisième année de pratique et qu’elles en ressentent moins le besoin, elles organisent dorénavant des « GAP-soupers » (9). Elle a également expliqué que les rencontres avec ses copines de la HEP permettaient toujours un échange d’expérience et de matériel et que le fait d’avoir un autre regard pouvait aider. Enfin, le cercle scolaire dans lequel Charlotte enseigne, possède un professeur de sport (10) qui est disponible plusieurs fois dans l’année pour collaborer avec les enseignants. Il est également perçu comme une ressource par cette néotitulaire.

Les freins et les manques

Par rapport à cette période, seule Laure avoue avoir manqué d’une personne d’expérience lors des moments de doutes. Elle a donc été obligée de se faire confiance et conclut avec ces propos : « (…) c’est vrai qu’avoir quelqu’un, de temps en temps, qui vient te dire : non mais c’est super, continue de bosser comme ça parce que c’est juste bien, ça peut parfois aider ».

DISCUSSION DES RESULTATS

Afin d’entrer dans une démarche compréhensive par rapport aux propos recueillis lors de nos entretiens et d’en faire ressortir des constats intéressants, nous allons désormais passer à la phase de discussion des résultats. Pour mener à bien nos interprétations, il nous semble intéressant, à ce stade, de rappeler les objectifs sur lesquels nous nous sommes basées tout au long de notre travail : identifier le ressources et personnes réellement sollicitées par les enseignants interrogés ; identifier les représentations de ces enseignants à propos des ressources et personnes mises à leur disposition ; déterminer si ces ressources et personnes sont perçues comme des freins ou des facilitateurs en situation d’insertion professionnelle. Afin d’en faire une analyse pertinente, nous nous sommes dans un premier temps appropriées les informations obtenues. Pour ce faire, nous avons utilisé les différentes figures élaborées dans le chapitre précédent afin de créer des schémas heuristiques représentant les ressources perçues comme facilitateurs, comme freins et les manques mentionnés par notre échantillon d’enseignantes débutantes. Ceux-ci étant un appui intéressant pour la bonne compréhension des propos qui vont suivre, se trouvent donc en annexe 10.4 et 10.5 de notre travail.
Pour répondre à notre question de recherche, la théorie développée dans la première partie de ce travail sera exploitée et nous permettra de faire des liens avec les résultats obtenus. Il est également possible qu’au fil de nos analyses, un apport théorique supplémentaire soit nécessaire pour éclairer au mieux nos propos. De plus, il nous semble important de mentionner que pour cette étude, nous nous sommes restreintes à quatre entretiens semi-dirigés. C’est pourquoi, il est délicat de généraliser tous les résultats obtenus dans ce chapitre. Il y a différents facteurs qui doivent être pris en compte lors de la lecture de nos interprétations. Par exemple, précisons que les personnes interrogées sont toutes de sexe féminin, que toutes les quatre sont restées dans le même établissement depuis leurs débuts et que deux d’entre elles font partie de notre entourage proche.
De nos résultats ressortent plusieurs catégories intéressantes qui vont être traitées ci-dessous, chacune individuellement.

L’importance du milieu

Lors de l’élaboration de nos schémas heuristiques, il est apparu que les divers facilitateurs, freins ou manques pouvaient avoir différentes « origines ». Afin de bien comprendre cette analyse, il nous semble utile de rappeler que les ressources à la disposition des néotitulaires peuvent être perçues comme positives et stimulantes par ceux-ci mais également comme négatives. Dans ce second cas, nous les définissons plutôt comme des freins ou des manques. Précisons que nous entendons par « manques » les ressources relevées par les novices comme étant absentes dans leur propre insertion professionnelle, mais qui auraient pu leur être utiles si elles avaient été présentes. En outre, cela signifierait soit qu’elles n’existent pas, soit qu’elles ne sont pas connues par ces dernières.
Ainsi, nous avons premièrement pu identifier des ressources facilitatrices provenant de la HEP (formation initiale des jeunes enseignantes), des autorités présentes dans le canton, de la vie privée des novices (maison), des pairs, de l’établissement scolaire dans lequel elles ont été engagées et enfin, des enseignantes débutantes elles-mêmes. Ensuite, concernant les ressources considérées comme des freins ou encore les manques relevés, seules quatre de ces provenances sont apparues : la HEP, les autorités, l’établissement scolaire et le novice lui-même. Nous pouvons d’ores et déjà constater que les aspects s’apparentant aux pairs et à l’entourage proche de nos enseignantes sont exclusivement perçus comme des ressources favorisant l’insertion professionnelle puisque ceux-ci ne se retrouvent pas dans le deuxième schéma heuristique. Le fait de créer cette catégorisation nous a permis de nous rendre compte des différents niveaux auxquels peuvent apparaître les ressources. Cela fait particulièrement écho à un aspect déjà mentionné dans notre cadre théorique et qui permet d’apporter un éclairage intéressant sur le phénomène d’insertion professionnelle des jeunes enseignants : l’influence du milieu à travers le modèle écosystémique de Bronfenbrenner (1979). De la même manière qu’ont fait Akkari et al. en 2007, nous allons l’utiliser afin de comprendre l’origine des ressources et l’influence qu’elles peuvent avoir sur les jeunes enseignants en situation d’insertion professionnelle.
En maintenant l’idée que le novice, donc l’individu concerné par le processus d’insertion professionnelle est au centre du modèle, nous pouvons penser que le fait qu’il soit lui-même une ressource contribue aux interactions entre les différents milieux. Dans leur environnement immédiat, le microsystème, nos quatre jeunes enseignantes retrouvent la maison constituée de leur entourage proche, les pairs, l’école (autrement dit leur lieu de travail) et la Haute Ecole Pédagogique. A ce niveau-là, nous avons pu observer une différence intéressante entre les facilitateurs et les freins et manques à l’insertion professionnelle. En effet, comme déjà mentionné, la maison et les pairs n’apparaissent pas comme freins et manques mais sont exclusivement perçus comme facilitateurs. Nous pouvons penser que ces éléments relativement proches des individus ont contribué à la bonne insertion professionnelle de notre échantillon. Bronfenbrenner a ensuite mentionné le mésosystème qui englobe les acteurs du niveau précédent. Il s’agit des relations qu’ « entretiennent entre elles les diverses composantes du microsystème » (Bee et Boyd, 2011). Dans la nature de certaines ressources, les liens entre ces dernières sont particulièrement visibles. Nous pensons notamment aux GAP qui associent autant la HEP et l’école (lieu de travail) que la HEP et les pairs. Parfois, l’entourage proche a contribué à la mise en place de la classe, ce qui serait un exemple de relation entre la maison et l’école. Nous avons ensuite situé les autorités dans l’exosystème. En effet, l’individu n’y participe pas immédiatement, « mais les décisions qu’on y prend influent directement sur lui » (Bee et Boyd, 2011). Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, nous pouvons penser que les éventuelles modifications du PER pourraient influencer l’insertion professionnelle d’un enseignant débutant.
Comme notre cohorte enseigne dans le canton de Fribourg, celui-ci représenterait la culture et donc le macrosystème du modèle de Bronfenbrenner adapté à notre recherche.
Le chronosystème, quant à lui, apparaît d’une certaine façon dans les quatre temps que nous avons définis pour les entretiens. Cette perspective temporelle est donc intégrée en quelque sorte dans nos analyses ci-dessus. Celle-ci aura toutefois une grande importance dans la suite de l’interprétation des résultats puisque nous pourrons, un peu plus loin, analyser l’évolution dans le temps de l’utilisation des ressources par les néotitulaires interrogées.

La nature des ressources

En poursuivant l’étude de nos résultats, deux éléments sont particulièrement ressortis. Il s’agit des ressources s’apparentant à l’aspect « humain » et à l’aspect « instrumental ». Il nous semble intéressant de nous y attarder afin de comprendre lequel ressort le plus dans les ressources identifiées par le groupe sondé.
Premièrement, les facilitateurs sont divisés en six catégories (annexe 10.4) où seulement deux d’entre elles sont composées majoritairement de ressources matérielles qui s’apparentent au novice lui-même et aux autorités. Ce résultat suggère que le côté « humain » est largement dominant quant aux éléments qui favorisent l’insertion professionnelle. Nos résultats montrent également que les manques, quant à eux, se rapportent surtout à l’aspect matériel. En effet, ceux-ci concernent dans la plupart des cas des ressources qui sont dites inexistantes. En outre, le matériel n’est que rarement associé à une ressource perçue comme un frein. Nous retrouvons ce phénomène uniquement dans le cas de Laure où les planifications des collègues chevronnés étaient jugées inexploitables.
Comme l’aspect « humain » domine particulièrement les ressources facilitatrices, nous développons maintenant plus en profondeur ce résultat. Nous avons remarqué que les relations qu’entretiennent nos jeunes enseignantes avec d’autres personnes sont multiples, ce qui accentue leur importance. Premièrement, nos résultats montrent à plusieurs reprises que la collaboration avec les collègues chevronnés est un élément important lors de l’insertion professionnelle. De nombreux travaux préexistants ressortent également ce soutien. En effet, il n’est pas étonnant que ces personnes-ressources semblent si présentes étant donné qu’ils ont un statut très particulier auprès des jeunes maîtres (Hoff, 2009). Leur rôle est non-négligeable puisqu’il permet d’aider le novice à s’insérer professionnellement. Comme le mentionne Boutin (1999, p. 44) leur importance est si grande qu’ « on leur demande souvent de transmettre leur savoir-faire, leur connaissance du métier, de léguer un héritage, en un mot de préparer la relève ».
En analysant de plus près les propos de l’échantillon interrogé, nous avons pu constater qu’un des critères de collaboration avec les collègues chevronnés résidait dans le fait qu’ils enseignent dans le même cycle, ou plus précisément dans un degré similaire. Ainsi, deux des novices ont parlé de collègues pratiquant également en 3-4H dans leur établissement et Charlotte a mentionné successivement ses collègues enfantines, ses collègues de 3H, puis celles de 5H. Précisons également que Laure a justement relevé le fait qu’elle aurait apprécié avoir une personne expérimentée du même degré avec qui collaborer dans son école. En ce sens, toutes les quatre semblent être en accord avec les recherches de Hoff (2009), Tardif et Lessard (1999) stipulant que la collaboration s’effectuant en priorité par les jeunes praticiens se fait avec des enseignants de mêmes degrés lorsque les conditions le permettent.

Table des matières

1 INTRODUCTION
2 CADRE THEORIQUE – PROBLEMATIQUE
2.1 L’insertion professionnelle des enseignants
2.1.1 Définition
2.1.2 Les particularités de cette insertion
2.2 L’insertion professionnelle des enseignants débutants au niveau de quelques régions francophones du monde
2.2.1 Au Québec
2.2.2 En Belgique
2.2.3 En France
2.3 L’insertion professionnelle des enseignants débutants au niveau national
2.3.1 Les trois modèles de l’insertion professionnelle en Suisse
2.3.2 Les objectifs de l’insertion professionnelle en Suisse
2.3.3 La situation de l’insertion professionnelle dans les cantons suisses
2.4 L’insertion professionnelle des enseignants débutants dans le canton de Fribourg
2.5 Problématique
3 METHODE DE RECHERCHE
3.1 Présentation des sujets
3.2 Instrument de la recherche
3.3 Présentation du contexte des entretiens
4 PRESENTATION DES RESULTATS
4.1 L’été qui a précédé la première rentrée scolaire
4.1.1 Les facilitateurs
4.1.2 Les freins et les manques
4.2 Les premiers jours d’enseignement
4.2.1 Les facilitateurs
4.2.2 Les freins et les manques
4.3 La première année scolaire
4.3.1 Les facilitateurs
4.3.2 Les freins et les manques
4.4 La période entre la fin de la première année scolaire et le moment de l’entretien
4.4.1 Les facilitateurs
4.4.2 Les freins et les manques
5 DISCUSSION DES RESULTATS
5.1 L’importance du milieu
5.2 La nature des ressources
5.3 Les ressources formelles et informelles
5.4 Les groupes d’analyse de pratique (GAP)
5.5 L’évolution de l’utilisation des ressources au fil de l’insertion professionnelle
6 CONCLUSION
7 DECLARATION SUR L’HONNEUR
8 BIBLIOGRAPHIE
9 TABLE DES ILLUSTRATIONS
10 ANNEXES 
10.1 Protocole de l’entretien semi-directif
10.2 Tableau de synthèse des entretiens
10.3 Figures récapitulatives de la présentation des résultats
10.3.1 Figure 1
10.3.2 Figure 2
10.3.3 Figure 3
10.3.4 Figure 4
10.3.5 Figure 5
10.3.6 Figure 6
10.3.7 Figure 7
10.4 Schéma heuristique des facilitateurs à l’insertion professionnelle
10.5 Schéma heuristique des freins et des manques à l’insertion professionnelle.
10.6 Retranscriptions des entretiens
10.6.1 Retranscription de l’entretien mené avec Caroline
10.6.2 Retranscription de l’entretien mené avec Charlotte
10.6.3 Retranscription de l’entretien mené avec Coralie
10.6.4 Retranscription de l’entretien mené avec Laure

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