L’innovation ouverte : un modèle qui s’impose de plus en plus comme le modèle général de l’innovation

L’innovation ouverte : un modèle qui s’impose de plus en plus comme le modèle général de l’innovation

Au début du XXe siècle, les entreprises développaient majoritairement des innovations en s’appuyant principalement sur leurs propres R&D et sur un processus d’innovation linéaire (Landry, Amara, & Lamari, 2002). Or, ce modèle devient de plus en plus obsolète en raison de différents facteurs (Loilier & Tellier, 2013). Tout d’abord, il ne s’agit plus d’internaliser les connaissances par le rachat de brevets ou de technologies mais plutôt de développer des démarches de collaboration permettant d’accéder à ces connaissances Ensuite, la connaissance étant de plus en plus abondante et plus largement disséminée (Becker, 2001; Brusoni & Prencipe, 2001; Kogut, 2008; McKelvey, 1998), les entreprises sont amenées à utiliser des concepts, idées ou connaissances issues d’entités externes si elles veulent optimiser leurs performances économiques. Dès lors, pour améliorer leur processus d’innovation, les firmes doivent et s’éloigner du paradigme traditionnel de l’innovation fermée et ouvrir leur processus par le développement de collaborations avec différents acteurs de l’innovation (Bogers & West, 2012) tels que les universités et les centres de recherche (Perkmann & Walsh, 2007), les fournisseurs (Emden, Calantone, & Droge, 2006), les utilisateurs (Von Hippel, 2005; West & Lakhani, 2008) etc. Ce changement de paradigme a permis de mettre en exergue le rôle croissant des sources externes d’innovation, par opposition aux seules ressources internes, et de formaliser un nouveau concept : l’innovation ouverte (Chesbrough, 2003).

L’innovation ouverte est un concept qualifié de bidirectionnel : il mobilise des flux de connaissances dans des logiques entrantes ou sortantes (Chesbrough, 2006a). Il consiste pour une entreprise à exploiter de manière efficiente les sources d’innovation disponibles dans son environnement (Chesbrough, 2003) tels que des connaissances, des brevets ou des compétences (logique entrante) tout en valorisant les résultats de sa propre R&D qu’elle n’exploite pas directement (Chesbrough, 2006a), le tout afin d’améliorer ses performances en innovation (Laursen & Salter, 2006; West & Gallagher, 2006). Dans un tel modèle, les frontières de l’organisation sont poreuses et les entreprises interagissent avec leur
environnement (Chesbrough, 2003; Enkel, Gassmann, & Chesbrough, 2009; Gassmann, 2006; Huizingh, 2011).

Dans les années à venir, les secteurs économiques devront connaître une mutation significative pour répondre aux divers défis socioéconomiques et environnementaux. Le recours à des technologies numériques contribuent à faciliter la mobilisation de ressources situées à distance (Deltour, Le Gall, & Lethiais, 2016) et leur utilisation, notamment dans les PME, est devenu fréquent dans les activités innovantes (Deltour & Lethiais, 2014). La numérisation croissante favorise la capitalisation des savoirs R&D de l’entreprise (Pavlou & El Sawy, 2006), améliore la compréhension du besoin client (Kmieciak, Michna, & Meczynska, 2012) et facilite la coordination (Banker, Bardhan, & Asdemir, 2006). L’innovation constitue dès lors un levier indispensable permettant de répondre à ces changements, s’y adapter et générer de nouvelles opportunités de marché. C’est pourquoi elle est aujourd’hui un concept central à la fois dans la recherche universitaire et la pratique industrielle tout comme dans le domaine de la politique publique (Bogers, Chesbrough, & Moedas, 2018). De nouvelles thématiques telles que les approches permettant de mesurer l’innovation ouverte, les approches d’exploration et d’exploitation, l’apparition de nouveaux business models, de nouvelles formes d’organisation… sont d’ailleurs issues de travaux de recherche portant sur l’innovation ouverte (West, Salter, Vanhaverbeke, & Chesbrough, 2014). Cet intérêt se manifeste également au sein des entreprises : dans un sondage réalisé auprès de 125 grandes entreprises (Chesbrough & Brunswicker, 2013), 82% d’entre elles déclaraient avoir pratiqué de manière plus intensive l’innovation ouverte en 2011 qu’en 2008.

L’innovation ouverte dans les PME : un domaine encore mal compris

Au tout début des recherches portant sur l’innovation ouverte, et ce durant plusieurs années (jusqu’en 2009), cette dernière a été associée uniquement aux grandes entreprises, négligeant l’analyse de ce phénomène dans les petites et moyennes entreprises (Kirschbaum, 2005; Ollila & Elmquist, 2011). Ce n’est qu’en 2009 que les premières recherches se sont intéressées à « l’application » de l’innovation ouverte aux PME (Van de Vrande, De Jong, Vanhaverbeke, & De Rochemont, 2009). De plus, ce modèle et les pratiques d’ouverture qui lui sont associées ne sont désormais plus réservés exclusivement aux entreprises de hautes technologies mais se diffusent dans l’ensemble des secteurs comme les domaines nontechnologiques (Bianchi, Cavaliere, Chiaroni, Frattini, & Chiesa, 2011; Chiaroni, Chiesa, & Frattini, 2011; Doloreux, 2015) ou les services (Cheng & Huizingh, 2014; Chesbrough, 2011; Mention, 2011).

De nombreuses recherches se sont intéressées aux pratiques « opérationnelles » déployées par les entreprises dans un contexte d’innovation ouverte (Ahn, Minshall, & Mortara, 2015; Ahn, Mortara, & Minshall, 2013; Bigliardi & Galati, 2016; Cosh & Zhang, 2011; Mazzola, Bruccoleri, & Perrone, 2012; Van de Vrande et al., 2009). Elles ont généralement pour but d’étudier l’impact de l’innovation sur la performance des entreprises tout en démontrant aussi que l’innovation ouverte n’a pas un caractère universel, n’est pas appliquée de la même manière dans un grande et une petite et moyenne entreprise (Van de Vrande et al., 2009). Pour tirer le meilleur parti de l’innovation ouverte, les entreprises doivent donc adapter leurs pratiques d’innovation ouverte, développer de nouvelles compétences et créer en leur sein une « atmosphère » adéquate (Usman, Roijakkers, Vanhaverbeke, & Frattini, 2018).

Bien que le passage d’une innovation fermée à un monde très ouvert ait posé des défis importants pour les PME, les processus d’innovation ouverte n’ont pas été suffisamment analysés de manière spécifique (Maranto-Vargas & Rangel, 2007). Or, l’innovation ouverte n’ayant pas un caractère universel, il est primordial d’étudier spécifiquement la mise en œuvre de l’innovation ouverte dans la PME (Stanisławski & Lisowska, 2015). Malgré tout, la majorité des travaux sur l’innovation ouverte se concentre encore sur les grandes entreprises (Appleyard & Chesbrough, 2017) et le cas spécifique des PME reste de ce fait négligé (Popa, Soto-Acosta, & Loukis, 2016). L’innovation ouverte dans le cas spécifique de la PME offre donc des possibilités multiples, d’autant que son analyse peut être prolongée au-delà des frontières de l’entreprise et être multi-niveaux (Bogers et al., 2017). En plus d’être étudiée au sein même de l’entreprise, l’innovation peut être analysée au niveau des pratiques, des acteurs, du processus, de l’organisation ou encore de la stratégie. Quel que soit le type d’entreprise, la décision d’adopter l’innovation ouverte n’est pas sans conséquence pour les pratiques, l’organisation, le management, la stratégie et l’environnement. Une approche multi-niveaux permettrait de combiner des angles d’analyse complémentaires pour améliorer la compréhension du phénomène d’adoption de l’innovation ouverte par les PME.

L’approche par les pratiques : une perspective peu mobilisée pour étudier l’innovation ouverte

Depuis sa formulation en 2003, l’innovation ouverte a fait l’objet de plusieurs analyses documentaires. Généralement, ces recherches sont orientées vers une vue d’ensemble de la littérature pour identifier les principaux courants de recherche futurs. Récemment, les analyses documentaires se sont concentrées sur des thèmes spécifiques (Bogers & West, 2014), sur des preuves empiriques (Greco, Grimaldi, & Cricelli, 2015) ou sur des méthodes plus quantitatives (Kovacs, Van Looy, & Cassiman, 2015). Il en ressort que peu de recherches traitent des pratiques d’innovation ouverte. Ces dernières sont généralement abordées selon la forme de l’ouverture, et même si la classification des modèles reste un domaine complexe (Dahlander & Gann, 2010; Huizingh, 2011), une tendance semble se définir : la catégorisation des démarches selon la direction du flux de connaissances (Ahn et al., 2013; Bigliardi & Galati, 2016; Van de Vrande et al., 2009). C’est pourquoi, l’étude des pratiques d’innovation ouverte est souvent simplement réduite aux trois principaux modèles de logiques (outside-in, inside-out et coupled process). Cependant, les entreprises qui utilisent davantage de pratiques s’avèrent plus ouvertes à l’innovation que celles qui en utilisent peu (Burcharth, Knudsen, & Søndergaard, 2014). Les pratiques d’innovation ouverte se définissent donc de manière plus précise que par la simple définition des trois logiques identifiées, et nécessitentl’identification d’activités que les entreprises adoptent et déploient lorsqu’elles choisissent d’innover de manière ouverte (Chesbrough & Crowther, 2006; Van de Vrande et al., 2009). Les pratiques d’innovation ouverte sont donc le résultat d’une décision, que nous pensons influencée par des caractéristiques organisationnelles, environnementales et stratégiques.

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Table des matières

Introduction générale
1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE
1.1. L’innovation ouverte : un modèle qui s’impose de plus en plus comme le modèle général de l’innovation
1.2. L’innovation ouverte dans les PME : un domaine encore mal compris
1.3. L’approche par les pratiques : une perspective peu mobilisée pour étudier l’innovation ouverte
2. OBJECTIFS ET QUESTIONNEMENTS DE LA RECHERCHE
3. ARCHITECTURE GÉNÉRALE
Chapitre 1 : Le concept d’innovation ouverte appliqué à la PME
INTRODUCTION
1. INNOVATION ET PME
1.1. Le rôle des PME dans l’innovation
1.2. L’innovation un facteur de développement pour la PME
1.3. Les freins des PME à l’innovation
1.4. Collaboration des PME dans un contexte d’innovation
2. FONDEMENTS DU CONCEPT D’INNOVATION OUVERTE
2.1. Définition générale de l’innovation ouverte
2.2. Typologie des logiques d’innovation ouverte
2.3. Critiques du concept d’innovation ouverte
3. INNOVATION OUVERTE ET PME : UN DOMAINE DE RECHERCHE À EXPLORER
3.1. La PME comme objet de recherche
3.2. Pertinence de l’innovation ouverte pour les PME
3.3. Spécificité de l’innovation ouverte dans le contexte de la PME
3.4. L’innovation ouverte dans les PME comme objet de recherche
4. ADOPTION DE L’INNOVATION OUVERTE : QUELLES APPROCHES MOBILISER ?
4.1. Adoption de l’innovation ouverte : une approche par les pratiques
4.2. Quels déterminants pour étudier l’adoption des pratiques d’innovation ouverte?
4.3. Théorie de la stratégie par les ressources ou théorie de la contingence ?
4.4. L’adoption : décision ou processus ?
4.5. Quels niveaux d’analyse ?
CONCLUSION DU CHAPITRE 1
Chapitre 2 : Les pratiques d’innovation ouverte en pme : proposition d’un modèle intégratif
INTRODUCTION
1. REVUE SYSTÉMATIQUE DE LA LITTÉRATURE
1.1. Intérêt d’une revue systématique de la littérature
1.2. Méthodologie pour la revue de littérature
1.3. Analyse descriptive
2. LES PRATIQUES D’INNOVATION OUVERTE EN PME
2.1. Les pratiques d’outside-in
2.2. Les pratiques d’inside-out
2.3. Les pratiques de coupled process
2.4. Synthèse des pratiques d’innovation ouverte retenues
3. LES CARACTÉRISTIQUES ORGANISATIONNELLES ET ENVIRONNEMENTALES INFLUENÇANT L’ADOPTION DES PRATIQUES D’INNOVATION OUVERTE DES PME
3.1. Les déterminants structurels
3.2. Les déterminants inter-organisationnels
3.3. Les déterminants extra-organisationnels
3.4. Les déterminants environnementaux
4. LES STRATÉGIES D’INNOVATION INFLUENÇANT LES PRATIQUES D’INNOVATION DES PME
4.1. Exploration et exploitation : des différences d’interprétation
4.2. Stratégie d’exploitation
4.3. Stratégie d’exploration
4.4. Le couplage des deux stratégies d’innovation : l’ambidextrie stratégique
4.5. La caractérisation des stratégies d’exploitation et d’exploration
5. CADRE D’ANALYSE GLOBAL ET FORMULATION DES HYPOTHÈSES
5.1. Proposition d’un modèle intégratif
5.2. Les hypothèses de la recherche
CONCLUSION CHAPITRE 2
Chapitre 3 : Positionnement épisthémologique et méthodologie de recherche
INTRODUCTION
1. POSITIONNEMENT ÉPISTÉMOLOGIQUE
1.1. Paradigmes épistémologiques en sciences de gestion
1.2. Le choix du réalisme critique
1.3. Une démarche hypothético-déductive
2. MÉTHODOLOGIE DE LA RECHERCHE : UNE APPROCHE QUANTITATIVE
2.1. Intérêt et choix d’une méthodologie quantitative
2.2. Construction du questionnaire
2.3. Phase de recueil
2.4. Présentation des variables
3. VALIDITÉ ET FIABILITÉ DE LA DÉMARCHE QUANTITATIVE
3.1. Fiabilité de la recherche
3.2. Validité des construits
3.3. Validité interne : gestion des biais potentiels
3.4. Validité externe
4. MÉTHODE D’ANALYSE DES DONNÉES
4.1. Méthode d’analyse multivariée
4.2. Méthode de classification
CONCLUSION DU CHAPITRE 3
Chapitre 4 : relations entre les pratiques d’innovation ouverte et les caractéristiques stratégiques, organisationnelles et environnementales dans le contexte de la PME
Conclusion générale

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