L’initiative populaire fédérale pour des multinationales responsables

L’initiative populaire fédérale pour des multinationales responsables

Présentation et enjeux de l’initiative populaire fédérale pour des multinationales responsables

L’initiative « Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement » ou plus communément appelée « initiative pour des multinationales responsables », est le fruit d’un vaste processus de réflexion autour de la bonne gouvernance des sociétés transnationales à l’égard des droits de l’homme et de l’environnement. Le comité pour des multinationales responsables déposait en 2016 son initiative planifiée pour 2020. Cette initiative demande la modification de la Constitution fédérale en rédigeant l’article supplémentaire « 101a » afin que les sociétés helvétiques soient responsables, en vertu du droit civil, des manquements aux droits de l’homme et aux normes environnementales reconnus internationalement (al. 1 et al. let. a). Ce mécanisme de responsabilité civile se fonde sur la responsabilité de l’employeur (art. 55 CO). En finalité, l’entreprise mère doit user de son pouvoir d’influence pour ne pas causer de dommages (Initiative pour des multinationales responsables, 2018).

Par ailleurs, ces mêmes sociétés devront procéder à une diligence raisonnable, en ce sens, identifier les risques réels et potentiels liés aux droits de l’homme et de l’environnement, entreprendre les mesures adéquates et effectuer un rapport conformément aux Principes directeurs de l’ONU et de l’OCDE. Cet engagement s’imputerait également aux sociétés étrangères contrôlées par des sociétés suisses ainsi qu’à toutes leurs relations commerciales (al. 2 let. b). Faute de preuves, les sociétés seront responsables des dommages causés par des sociétés étrangères sous leur contrôle lorsqu’elles bafouent les droits de l’homme ou les normes environnementales internationalement reconnus (al. 2 let. c) (Association initiative multinationale responsable, 2018).

Le champ d’application inclurait 1500 sociétés transnationales suisses et les PME suisses opérant dans des activités à risque, telles que les raffineries d’or ou le commerce de diamants (Public Eye, 2020). Ainsi, cette initiative permet à la partie lésée d’intenter une action civile en Suisse en vue d’obtenir réparation et de réclamer une indemnisation pour les pertes subies. La charge de la preuve incombe à la partie lésée. Elle doit démontrer qu’elle a subi un préjudice, qu’elle est survenue en violation de la loi (violation des droits de l’homme ou des normes environnementales internationales), et que les sociétés transnationales en sont responsables à travers ses filiales. Si la partie lésée peut prouver tout cela, il est encore possible pour les multinationales de désengager leurs responsabilités. Elles doivent prouver qu’elles ont assumé la responsabilité de la filiale et qu’elles ont effectué toutes les inspections nécessaires conformément à toutes leurs instructions. À l’heure actuelle, l’initiative est soutenue par une centaine d’organisations de la société civile, dont Amnesty International, Greenpeace, WWF et Unia ainsi que par des institutions oecuméniques (Michaud, 2019).

La civilisation grecque

L’époque hellénistique correspond à la période de l’Antiquité qui suit la conquête d’une partie du bassin oriental de la Méditerranée et de l’Asie par Alexandre le Grand de 323 av. J.-C. jusqu’à la période romaine en 30 av. J.-C. Une attitude générale négative à l’égard du travail servile, le mépris des classes inférieures, la supposition que l’esclavage est une institution universelle et pratiquement nécessaire et la conviction que les Barbares étaient naturellement serviles et incapables d’être des citoyens libres, semble avoir été l’opinion commune du Grec bien né lorsqu’on étudie l’histoire de la pensée grecque. La répartition de la population libre et esclave dans la société helléniste était environ la suivante :

• 30 % de citoyens libres, ne s’occupant que de politique ;

• 30 % de métis, libres, mais sans aucune citoyenneté, sans droits politiques, étrangers sélectionnés pour leurs compétences en gestion administrative et en production.

• 40 % d’esclaves, sans aucun droit, appartenant à leur propriétaire, occupés principalement aux tâches domestiques et agricoles.

La situation juridique de l’esclave avait un double aspect, il était à la fois une propriété et une personne. Ces deux aspects étaient inextricablement liés dans le droit grec, comme ils le sont dans la pensée de Platon et d’Aristote. En tant que propriété, l’esclave pouvait être vendu ou libéré par son maître ou utilisé à n’importe quelle fin selon l’appréciation du maître. Mais l’esclave lui-même était aussi une personne, puisqu’il était individuellement soumis à la loi et responsable de ses propres délits. Le meurtre d’un esclave était légalement punissable. Plus important encore, son maître pouvait être puni pour l’avoir maltraité d’une manière que les Grecs considéraient comme le signe d’une insolence impie (hybris) pour cause de violence excessive ou d’inconvenance. Les esclaves pouvaient être libérés par une procédure légale régulière, la manumission, soit par le paiement de son propre prix par une épargne prudente, soit en récompense d’un acte héroïque ou d’un service spécial rendu à l’État. Les meilleurs citoyens, dit Aristote, laissaient leurs esclaves à des intendants pour qu’ils puissent s’engager dans la politique et la philosophie.

L’esclavage des prisonniers de guerre demeurait une caractéristique permanente de la vie grecque et la source traditionnelle d’esclaves. Un autre mode d’esclavage était la punition, en particulier pour le vol. La mise en esclavage pour non-remboursement de dettes était courante, mais la célèbre loi de Solon l’a abolie à Athènes. Encore plus barbare, mais une source très importante, était l’enlèvement. Outre ces méthodes violentes, le moyen le plus courant était d’obtenir des esclaves par achat et chaque ville grecque avait son marché d’esclaves. Ainsi, la principale source d’esclavage était la vente, l’enlèvement et la guerre, avec la naissance et l’esclavage de type pénal comme sources secondaires. La crainte de la révolte et une certaine modération culturelle ont cependant conduit les Grecs à traiter leurs esclaves avec beaucoup d’humanité. Leur loi n’a jamais été aussi libérale et leurs écrivains aussi francs dans l’intérêt de l’esclave que les lois et les philosophes de Rome : la brutalité anormale et la cruauté sensuelle qui caractérisaient les luxueux Romains de l’Empire n’ont probablement jamais été courantes chez les Grecs (Ashley, 1941).

Le Portugal : la conquête de l’Afrique grâce à l’esclavage à partir de 1375 C’est l’époque de la Renaissance (1300 – 1600 apr. J-C) en Occident qui marque l’entrée des Européens à l’exploitation de la main-d’oeuvre servile. Avec l’essor des techniques de navigation en haute mer et l’invention de la caravelle, une embarcation révolutionnaire à bords élevés pour affronter les tempêtes et à faible tirant d’eau pour aborder les côtes, le Portugal se lance activement le premier, à partir de 1375, à la conquête de l’Afrique en dessous des zones occupées par l’Empire arabe. Le financement de ce commerce florissant et de la mise en oeuvre d’une agriculture industrielle pour la canne à sucre, le café et le cacao, a nécessité le développement de la première phase du capitalisme avec la création des banques et des assurances. Contournant les musulmans en Méditerranée, les navigateurs portugais, qui convoitent l’or du continent, reviennent avec des milliers d’esclaves, issus notamment du royaume Kongo, pour exploiter les mines d’or et les fermes industrielles.

Sur l’île de São Tomé, sorte de « laboratoire » de l’esclavage situé au large du Gabon, ils améliorent et organisent les premiers systèmes industriels de plantation sucrière à la rentabilité inégalée, et créent les premières sociétés esclavagistes qui réunissaient les capitaux de plusieurs investisseurs compte tenu de l’ampleur de leur projet : c’est une révolution dans la société de l’époque qui privilégie les petites entreprises artisanales pour défendre des valeurs opposées à l’esclavage. Une nouvelle société de commerçants extrêmement riche voit le jour et affiche avec arrogance ses moyens, tout d’abord au Portugal puis dans toute l’Europe. À partir de 1516, la découverte du Brésil ouvre de nouvelles routes de traite, inaugurant le commerce triangulaire entre les continents – or, esclaves, sucre. Les esclavagistes portugais abandonnent l’île de São Tomé en proie à une guerre civile larvée et déplacent leurs ingénieries au Brésil pour convertir ce pays en immense exploitation agricole industrielle et esclavagiste. L’activité des Portugais attire l’attention et suscite l’émulation des autres pays européens, lesquels ne vont pas tarder à les imiter dans la voie de l’esclavage et de la colonisation (Coquery-Vidrovitch, 2018).

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Table des matières

1.Introduction
2.L’initiative populaire fédérale pour des multinationales responsables
2.1 Le droit à l’initiative populaire fédérale en Suisse
2.2 Présentation et enjeux de l’initiative populaire fédérale pour des multinationales responsables
2.3 Contre-projets de l’initiative
2.3.1 Présentation et enjeux du contre-projet du Conseil National
2.3.2 Présentation et enjeux du contre-projet du Conseil des États
2.3.3 L’état actuel de l’initiative
2.4 Argumentaire des principaux acteurs en Suisse relatif à l’initiative pour des multinationales responsables et de leurs enjeux
2.4.1 La coalition de l’initiative pour des multinationales responsables
2.4.2 Les associations économiques
3.L’esclavage contemporain, son développement
3.1 Définition
3.2 Nombre d’esclaves contemporains : Suisse Europe et l’international
4.L’histoire de l’esclavage en Occident
4.1 L’époque antique et la théorie de l’esclavage naturel
4.1.1 La civilisation grecque
4.1.2 La civilisation romaine
4.2 La transition après l’époque romaine et le Moyen-Âge : une disparition progressive de l’esclavage dans l’Europe chrétienne
4.2.1 L’esclavage endémique dans l’Europe des peuples barbares
4.2.2 L’émergence de l’Empire Arabe et d’une civilisation basée sur l’esclavage du VIIème au XIXème siècle
4.2.3 L’Europe chrétienne
4.2.4 Le Portugal : la conquête de l’Afrique grâce à l’esclavage à partir de 1375
4.2.5 Émulation des autres pays européens en compétition pour la domination de l’esclavage : 1620 1788
4.2.6 Colonisation et nouveaux systèmes d’esclavage : 1789 – 1888
4.2.7 Abolitions de l’esclavage
5.Caractéristiques de l’esclavage contemporain
5.1 L’impact de la mondialisation
6.Le cadre des droits humains et des entreprises
6.1 Le standard international
6.2 L’introduction dans d’autres pays
6.3 L’introduction en Suisse
7.Le cadre juridique en matière de traite d’êtres humains, en particulier sous sa forme de l’exploitation du travail
7.1 Définition juridique suisse
7.2 Répression de la traite des êtres humains en Suisse
8.Présentation des principales multinationales domiciliées en Suisse et de leur chaîne d’approvisionnement et analyse des impacts éventuels de l’initiative
8.1 Les métaux précieux des batteries de smartphones
8.1.1 Le cobalt
8.1.2 L’Or
8.1.3 États des lieux
8.2 Le secteur du textile
8.2.1 Louis Dreyfus et les pires formes de travail d’enfants burkinabées
8.2.2 Reinhart et le travail forcé par le Gouvernement ouzbek
8.2.3 États des lieux
8.3 Le secteur alimentaire
8.3.1 Migros et le travail forcé thaïlandais
8.3.2 Neslté et le travail forcé malaisien
8.3.3 États des lieux
8.4 Constat
9.La prévention face à l’esclavage moderne pour le consommateur, les entreprises et les États
9.1 Le consommateur
9.2 Les entreprises
9.3 Les États
10.Parallèle avec les lois anti-corruption dans deux pays
10.1 La loi « Foreign Corrupt Practices Act » des États-Unis
10.2 La loi « UK Bribery Act » du Royaume-Uni
10.3Comparaison des lois anti-corruption UK Bribery Act et Foreign Corruption Practices Act avec le champ de dispositions légales de l’initiative pour des multinationales responsables
Conclusion
Bibliographie

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