L’ingénierie métabolique dans les biotechnologies

LES MICROORGANISMES, CATALYSEURS DES BIOTECHNOLOGIES – ESSOR DE LA BIOLOGIE DE SYNTHESE

Introduction aux biotechnologies

Les biotechnologies se situent au carrefour des sciences fondamentales et appliquées. Le préfixe « bio » signifie l’étude du monde vivant, et le terme « technologies » implique le développement et l’utilisation de méthodes et outils. Les biotechnologies sont donc définies comme un ensemble de techniques visant à piloter en laboratoire des applications du vivant. Plus précisément, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) définit les biotechnologies comme « l’application des principes scientifiques et de l’ingénierie à la transformation de matériaux par des agents biologiques pour produire des biens et services ».

Les biotechnologies sont utilisées depuis l’antiquité (fabrication de pain, de bière ou de vin). Cependant, on trouve les origines des biotechnologies telles qu’elles viennent d’être définies lors de la « seconde révolution industrielle », correspondant à l’application de la science aux nouvelles industries, entre 1870 et 1914 (Bud, 2001). La théorie des germes énoncée par le pionnier de la microbiologie, Louis Pasteur, au début des années 1860 a permis de développer des industries articulées autour de processus de fermentation caractérisés, optimisés et intégrés aux industries vinicoles, brassicoles, ou boulangères pour citer les exemples les plus connus. Les procédés biotechnologiques utilisant les microorganismes à une échelle industrielle se sont rapidement diversifiés. Un triste exemple a été donné lors de la première guerre mondiale, quand un procédé biotechnologique a été optimisé pour produire de l’acétone (jusque-là obtenu par distillation de bois) afin d’alimenter la fabrication d’explosifs (William Bunch, 2014). Un peu plus tard le premier antibiotique, la pénicilline, est découvert par Alexander Flemming à la fin des années 1920. Il n’est alors pas encore destiné à une utilisation massive sur l’homme, mais la mise au point de son procédé de purification à la fin des années 1930 par le groupe de Howard Florey, et les besoins en traitements accrus à cause de la seconde guerre mondiale, ont débouché sur sa production par fermentation du Penicillium, rendant le médicament disponible à travers le monde à partir de 1944. Ce n’est qu’après la seconde guerre mondiale que le terme de « biotechnologies » est utilisé pour décrire une nouvelle discipline scientifique. Le journal scientifique Biotechnology and Bioengineering voit le jour en 1961. L’idée de véritable virage technologique visant la production de composés d’intérêt chez les microorganismes est alors bien présente dans les esprits scientifiques.

Au début des années 1970 le génie génétique émerge. Les techniques d’ADN recombinant (1973, Stanley Cohen and Herbert Boyer), la découverte des enzymes de restriction et de leurs applications aux problèmes de génétique moléculaire (1978, prix Nobel de médecine décerné à Werner Arber, Daniel Nathans et Hamilton O. Smith), puis l’invention de la Polymerase Chain Reaction, (PCR) par Kary Mullis en 1984 signent le début des biotechnologies « modernes », qui ciblent l’échelle moléculaire.

Les biotechnologies se divisent aujourd’hui en cinq classes selon leur domaine d’application, associées à des couleurs par la Communauté Européenne :
– Les biotechnologies rouges, avec des applications en médecine ;
– Les biotechnologies vertes, appliquées à l’agriculture ;
– Les biotechnologies bleues, appliquées à l’aquaculture ;
– Les biotechnologies jaunes, appliquées à l’assainissement des sols, traitement des eaux, épuration des gaz résiduels et de l’air, le recyclage des déchets ;
– Les biotechnologies blanches, appliquées à l’industrie. Ce sont des biotechnologies modernes permettant la production durable de matériaux, produits et carburants d’utilisation courante. Cela consiste en une transformation de matériaux renouvelables (bois, déchets de l’agriculture, CO2…) par des organismes vivants et/ou leurs enzymes (Tang & Zhao, 2009).

Les biotechnologies blanches représentent des enjeux majeurs pour des industries aussi diverses que la santé, l’alimentation, l’agriculture ou encore l’énergie (Purnick & Weiss, 2009). Elles sont associées à une réduction de la consommation énergétique, des émissions de gaz à effet de serre et de la génération de déchets. Il est en effet souhaitable de trouver des alternatives durables à une industrie pétrochimique couteuse et en inadéquation avec les préoccupations environnementales actuelles (Stephanopoulos, 2007). De plus, on assiste à l’heure actuelle à un engouement vers une plus grande consommation de produits naturels, ou biologiques, le mot « naturel » étant systématiquement associé à l’idée de « bon pour la santé ». Par opposition, le rejet de tout ce qui peut être qualifié d’ « artificiel », de « chimique », ou de « synthétique » est de plus en plus systématique, car lié à l’idée de dangerosité potentielle du produit. La production d’un composé dans un organisme vivant puis sa purification ne faisant pas appel à des techniques de synthèse chimique, l’ingénierie des microorganismes pour en faire des « usines cellulaires » est couronnée d’un succès grandissant.

Parmi les exemples marquants de production de molécules d’intérêt chez les microorganismes, on trouve la production d’acide glutamique par Corynebacterium glutamicum (Gourdon & Lindley, 1999). L’acide citrique, avec un marché annuel mondial excédant les 1.5 milliard de dollars US, est produit par Aspergillus niger (Karaffa & Kubicek, 2003). La production de bioéthanol par Saccharomyces cerevisiae est à présent très développée, et représente le produit des biotechnologies industrielles le plus répandu dans le monde (Otero & Nielsen, 2010). La coentreprise DuPont Tate et Lyle commercialise depuis 2006 du 1,3 propanediol (intermédiaire de synthèse de certains polymères utilisés dans le textile ou en cosmétiques) biosourcé, jusque là produit via l’instrustie pétrochimique. Le glucose extrait de céréales est fermenté par S.cerevisiae pour produire du glycérol. Le gycérol est ensuite fermenté par Klebsiella pneumoniae pour former du 1,3 propanediol. On peut aussi donner l’exemple de l’acide succinique, produit dans l’organisme Mannheimia succiniciproducens. Ce microorganisme isolé depuis 2002 seulement est devenu, grâce au séquençage de son génome et à la reconstruction de réseaux métaboliques entre autres, un candidat pour une production d’acide succinique à l’échelle industrielle (Hong et al., 2004). De tels succès ont donné naissance à des entreprises comme METabolic Explorer (France, fondée en 1999), Genomatica (USA, fondée en 2000), Fluxome Sciences (Danmark, fondée en 2002), Amyris Biotechnologies (USA, fondée en 2003) ou encore Evolva (Suisse, fondée en 2004). Ces initiatives ont toutes en commun de chercher des réponses durables à des problèmes actuels par les biotechnologies basées sur les microorganismes.

La biologie de synthèse

Stéphane Leduc (biologiste et chimiste français, 1853-1939) a écrit: « Quand on est arrivé à connaître le mécanisme physique de la production d’un objet ou d’un phénomène, (…) il devient possible (…) de reproduire l’objet ou le phénomène, la science est devenue synthétique. La biologie est une science comme les autres, (…) elle doit être successivement descriptive, analytique et synthétique. » (Lecuc, 1912). En effet, le génie génétique, associé à une caractérisation exponentielle de nouveaux génomes, puis plus tard la biologie computationnelle (construction de modèles enzymatiques/structuraux/métaboliques), l’ingénierie des protéines (amélioration des capacités d’une enzyme pour obtenir le produit désiré), ou encore la génomique fonctionnelle (Otero & Nielsen, 2010; Tang & Zhao, 2009) ont ouvert les portes à la création de ce champ scientifique interdisciplinaire qu’est la biologie de synthèse, en plein essor depuis 2005 environ. Deux principales approches sont utilisées, « Top-Down » et « Bottom-Up » (Lee & Lee, 2013), avec des objectifs différents :

– Une meilleure compréhension du vivant par la simplification artificielle de son fonctionnement et une observation en conditions contrôlées (de Vos et al., 2013). Il s’agit ici d’une application de la stratégie « Top-Down », qui est une déconstruction de systèmes moléculaires existants de façon à obtenir des organismes vivants simplifiés permettant une étude ciblées des éléments indispensables à la vie d’une cellule. En 2010, un génome entièrement synthétique de Mycoplasma mycoides, JCVI-syn1.0, a été construit en ne conservant que les gènes indispensables à la vie de la cellule en dehors de tout stress. Ce génome minimal a été assemblé et introduit dans une souche de Mycoplasma capricolum, donnant naissance à la souche Mycoplasma laboratorium (Gibson et al., 2010). Il s’agit du premier organisme contenant un génome intégralement reconçu et fabriqué par l’homme.
– L’approche « Bottom-Up », dans laquelle différents composants biologiques sont connectés de façon appropriée au sein d’organismes vivants pour y ajouter une fonction désirée. On utilise alors la notion de modules, ou de briques fondamentales, qui sont des éléments génétiques (séquences codantes, promoteurs, terminateurs, sites de liaison des ribosomes…) isolés. Une fois ces éléments assemblés de manière fonctionnelle dans un organisme, il est possible d’obtenir un système vivant nouveau, présentant les caractéristiques recherchées.

En relation avec l’approche Bottom-Up, le concept de standardisation de la biologie voit le jour entre la fin des années 1990 et les années 2000. Au Massachusetts Institute of Technology (MIT, Boston) et à l’Université de Berkeley Roger Brent, Robert Carlson, Drew Endy ou encore Adam Arkin proposent une biologie « intentionnelle » ou « constructive ». Des méthodes de sciences de l’ingénieur sont appliquées à la conception et à la construction de systèmes biologiques robustes, aux fonctions prévisibles. Le congrès Synthetic Biology 1.0 organisé au MIT en 2004 marquera l’acte de naissance « officiel » de la biologie synthétique contemporaine. A titre d’exemple, la fondation IGEM (Internationnal Genetically Engineered Machine, Cambridge, Massachussetts) organise depuis 2003 un concours d’étudiants. Le concept est basé sur un kit de composants biologiques appelés Biobricks, à partir duquel les étudiants doivent mettre au point une stratégie et un design de construction d’un système biologique nouveau et fonctionnel, à l’intérieur d’une cellule vivante.

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Table des matières

Introduction
CHAPITRE 1 : L’ingénierie métabolique dans les biotechnologies – L’implication de Saccharomyces cerevisiae
I. LES MICROORGANISMES, CATALYSEURS DES BIOTECHNOLOGIES – ESSOR DE LA BIOLOGIE DE SYNTHESE
1. Introduction aux biotechnologies
2. La biologie de synthèse
II. L’INGENIERIE METABOLIQUE CHEZ S. CEREVISIAE
1. Les Applications
1.1 Production de métabolites
1.2 Production de protéines recombinantes
1.3 Biotransformations in vivo
2 Les outils utilisés pour la reconstruction de voies métaboliques chez la levure
2.1 Les constructions plasmidiques
2.2 Les YACs
2.3 L’intégration chromosomique
2.4 L’émergence de nouveaux outils d’assemblage
2.5 Les stratégies combinatoires
3 Les stratégies de régulation de l’expression de gènes
3.1 Points de contrôle au niveau de la molécule d’ADN
3.2 Points de contrôle au niveau transcriptionnel
3.3 Les points de contrôle au niveau traductionnel
3.4 L’interaction entre biologie synthétique et systémique conduit à la perspective d’une régulation dynamique
CHAPITRE 2 : Les caroténoïdes et leur production par ingénierie métabolique chez Saccharomyces cerevisiae
I. DEFINITION ET PROPRIETES D’INTERET DES CAROTENOÏDES
II. LE CLIVAGE DES CAROTENOÏDES DONNE NAISSANCE A DES AROMES ET DES PARFUMS
III. LA PRODUCTION DE CAROTENOÏDES CHEZ S. CEREVISIAE
1. Les précurseurs endogènes
2. L’ingénierie métabolique de Saccharomyces cerevisiae pour produire des caroténoïdes
Pre sentation du projet de the se
Re sultats et Discussion
CHAPITRE 1 : Etude des forces de promoteurs constitutifs de S. cerevisiae
I. DONNEES INTRODUCTIVES
II. Transcription interference and ORF nature strongly affect promoter strength in a reconstituted metabolic pathway
Abstract
1. Introduction
2. Materials and methods
Plasmid constructions
Strains, culture and sampling conditions
RT-qPCR experiments
mRNA variation quantification
pRS426 copy number determination
3. Results
Zeaxanthin pathway library generation
S. cerevisiae strains, culture and sampling
pRS426 copy number quantification
Expression profile of the pRS426 marker
Controls of plasmid integrity and cell physiology
Absence of correlation between promoters strengths and mRNA levels
Gene orientation and order strongly affect promoters strengths
4. Discussion
5. Acknowledgement
6. Author’s contribution
7. References
Supplementary Material
1. Supplementary Data
2. Supplementary Figures and tables
Supplementary Tables
Supplementary Figures
3. Reference
III. RESULTATS COMPLEMENTAIRES
1. Construction de la banque combinatoire
2. Production de caroténoïdes
IV. DISCUSSION
CHAPITRE 2 : Etude de l’activité des Carotenoid Cleavage Dioxygenases connues chez Crocus sativus
I. DONNEES INTRODUCTIVES
1. Données structurales et mécanisme de clivage des caroténoïdes par les Carotenoid Cleavage Oxygenases (CCOs)
2. Le cas de Crocus sativus
II. RESULTATS
1. Analyses bioinformatiques des données disponibles sur les CCOs de Crocus sativus
1.1 Etude de similarités de séquences
1.3 Analyse structurale
2. Description des constructions de biologie moléculaire utilisées dans la suite de l’étude
3. Expression de la protéine chez E. coli
3.1 Validation de l’expression
3.2 Essai de re-solubilisation
3.3 Optimisation des conditions de culture
3.4 Essai de différentes souches recombinantes
4. Tests d’activité
4.1 Reproduction des conditions de Bouvier et al., 2003b
4.2 Reproduction de conditions optimisées pour la caractérisation d’une CCO chez Vitis vinifera
4.2.1 Test d’activité de VvCCD1
4.2.2 Tests d’activité dans les conditions de Mathieu et al. 2005
4.2.3 Essai d’optimisation du test d’activité 1
4.2.4 Essai d’optimisation du test d’activité 2
4.2.5 Test d’activité de CsCCD
4.3 Tests d’activité in vitro sur lysats de levures
4.4 Tests d’activité in vivo chez Saccharomyces cerevisiae
III. DISCUSSION
Conclusion

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