L’information quantique avec les spins électroniques et nucléaires

L’INVENTION DE L’ORDINATEUR a bouleversé nos vies en automatisant les tâches, en résolvant des problèmes très complexes et en permettant de communiquer avec facilité. Depuis l’essentiel des capacités de calculs a été employé à la résolution de problèmes physiques comme la prédiction météorologique, les changements climatiques, la modélisation d’écoulement de fluides dont les applications se trouvent dans l’industrie mais aussi dans la régulation du trafic urbain, la simulation des collisions dans les centrales nucléaires et les accélérateurs de particules, la théorie des cordes. . . Bien que les natures respectives de ces problèmes soient différentes, ils sont tous résolus à l’aide d’algorithmes classiques basés sur l’algèbre de Boole. À l’heure actuelle la puissance des ordinateurs est considérable et si l’on poursuit le développement du calcul parallélisé, l’ordinateur classique a encore de beaux jours devant lui. Cependant deux problèmes se profilent :

1. certains problèmes resteront inaccessibles à la résolution car ils requièrent une puissance de calcul colossale, comme par exemple la simulation du comportement d’un très grand nombre de particules en interaction ;
2. la miniaturisation sans cesse accrue des composants devient telle que l’industrie de la microélectronique doit faire face à un nouveau défi : contrôler les systèmes à l’échelle quantique.

Avant de présenter les fondements et les applications possibles du traitement quantique de l’information, une citation de DiVincenzo en résume bien les enjeux et les objectifs (présentation au MIT [16])

“QIP consists in using the full power of our physical (i.e. quantum) world to compute and communicate ­ powerfully, discreetly and securely” D’ors et déjà l’information quantique est un champ de recherche actif et très prolifique. On ne peut toujours pas affirmer avec certitude quelle technologie sera employée, mais cette thématique est un extraordinaire bouillon interdisciplinaire. Elle stimule la recherche en physique fondamentale par la compréhension de phénomènes quantiques aussi complexes que la décohérence et stimule également la théorie de l’information, les mathématiques, les multiples spectroscopies, la chimie moléculaire et la chimie des matériaux… Dans ce premier chapitre nous allons nous intéresser à l’origine et aborder les fondements théoriques de cette discipline : quelle est l’ambition du traitement quantique de l’information ? Quels sont les critères nécessaires pour réaliser un ordinateur quantique ? Quels sont les systèmes expérimentaux testés et envisagés ?

Origine et intérêt de l’information quantique

Rappel historique. . .

Turing et Von Neumann [55] sont souvent considérés comme les acteurs clés du développement des machines de calcul modernes. Brièvement, Turing a travaillé sur la base logique afin de concevoir des systèmes programmables [55] et Von Neumann a quant à lui plutôt développé l’aspect architecture du système [1]. Dans leur approche, ces deux scientifiques se sont appuyés sur la mécanique classique et il est peut­être étonnant de constater qu’en dépit de leurs connaissances approfondies de la mécanique quantique, aucun de ces pionniers n’ait évoqué la possibilité de réaliser des systèmes logiques basés sur la mécanique quantique.

Les premiers travaux de recherche qui utilisent les propriétés quantiques pour la cryptographie débutent en 1970, avec S. Wiesner dans un manuscrit : « Conjugate Coding ». Dans ce travail Wiesner imaginait réaliser des billets infalsifiables en utilisant les états propres d’un système, par exemple les états de polarisation de la lumière. Ce travail serait resté inconnu sans son amitié avec C.H. Benneth qui a rendu possible sa publication en 1983 [58]. S. Wiesner n’a jamais eu de poste en tant que chercheur et il a passé l’essentiel de sa vie en tant qu’employé des postes. Cependant bien qu’éloigné du monde académique, il « jette » les bases d’une réflexion très ingénieuse dans l’utilisation de la mécanique quantique pour la cryptographie et il propose par exemple l’utilisation de la transformation d’Hadamard pour rendre inclonable deux photons. Benneth poursuivra cette approche par la suite après s’être attaché aux coûts énergétiques du calcul. En 1980, les objectifs du groupe de Benneth étaient de rendre les opérations de calcul réversibles 1 pour diminuer la consommation énergétique des calculs qui est très importante. En effet un ordinateur classique n’est pas réversible et chaque étape de calcul a un coût énergétique élevé contrairement à un ordinateur quantique qui est réversible. Par exemple une porte logique « Et » (AND) idéale devrait avoir un coût de δQ = −δS = kT ln2, alors que dans les années 80 il est de 10¹⁰ · kT . Aujourd’hui le coût d’une porte logique « et » (AND) reste de 10⁶ · kT.

C’est au cours du premier séminaire « Physics and Computation » en mai 1981 à l’Endicott House (MIT, Boston) que Feynman fit la présentation qui en fait le père de « l’ordinateur quantique » [22]. Il propose l’utilisation des systèmes quantiques pour simuler les propriétés d’autres systèmes et démontre qu’un ordinateur classique ne peut pas simuler fidèlement la réalité. Ces « simulateurs » envisagés par Feynman sont basés sur le principe que toutes les observables pouvant être mesurées sur un système quantique peuvent être obtenues avec un simulateur quantique  .

Intérêt de l’information quantique

Résolution de problèmes insolubles classiquement 

Pour l’instant il y a peu d’algorithmes basés sur la mécanique quantique, et pour ne citer que les plus célèbres il y a :
– l’algorithme de Shor [52], qui permet de factoriser des nombres en nombres premiers ;
– l’algorithme de Grover [26], qui permet de rechercher des données dans un ensemble désordonné ;
– le codage Superdense de Benneth et Wiesner [3], pour l’échange de données cryptées. Ces algorithmes sont un aperçu des capacités des systèmes quantiques et par anticipation sur la section suivante, c’est principalement par le biais de la RMN que ces algorithmes ont été testés. [20, 56, 59].

L’intérêt de ces algorithmes est une réduction considérable du temps de calcul par rapport à un algorithme classique. C’est notamment le cas pour l’algorithme de Shor qui est utilisé pour factoriser très rapidement un entier en nombres premiers. Alors que les meilleurs algorithmes sont capables de factoriser un entier N de n chiffres, dans un temps de l’ordre de exp(n⅓ (log n)⅔ ), l’algorithme de Shor permet de le faire en un temps de l’ordre de n³ . L’algorithme de Grover permet de rechercher une information très rapidement dans une base de donnée non triée. Si la base de donnée contient n éléments, les algorithmes classiques ne permettent de trouver l’information qu’en un temps proportionnel à n. L’algorithme de Grover offre une amélioration quadratique en donnant une réponse en un temps proportionnel à √n. Il a été prouvé qu’il n’était pas possible d’effectuer plus rapidement cette recherche .

Parallélisme et réversibilité d’un ordinateur quantique

Ces deux algorithmes sont les meilleurs exemples actuels des améliorations que pourraient apporter un ordinateur quantique. Le gain de temps est significatif et pour parvenir à de tels résultats, ces deux algorithmes utilisent les propriétés de superposition des états qui permettent de paralléliser les opérations de calcul. Par exemple, la factorisation des nombres entiers passe par un calcul de transformée de Fourier qui est l’étape la plus lente de l’algorithme. Or les performances de l’algorithme de Shor sont dues à l’emploi d’une transformée de Fourier quantique qui est parallélisée et permet d’effectuer le calcul en seule étape, alors que sur un ordinateur classique cette étape est réalisée de façon séquentielle .

Critères de DiVincenzo

Ces critères proposés en 1995 ont ensuite été complétés à mesure que le domaine progressait [33] et sont au nombre de six. Ils représentent les conditions nécessaires pour qu’un système puisse devenir un « ordinateur quantique ».

Un système physique de qubits bien identifiés
Il faut déterminer avec précision la façon dont le système évolue dans le temps, ce qui implique qu’il faut pouvoir déterminer avec précision l’hamiltonien du système. Les qubits et l’évolution temporelle peuvent être déterminés si les interactions internes sont connues. L’exemple le plus commun de qubit est le spin, qu’il soit électronique, nucléaire ou photonique. Dans ces trois cas les particules portent des moments cinétiques intrinsèques qui peuvent être facilement caractérisés, ce qui en fait de très bons qubits. Dans le cas des spins électroniques et nucléaires, la résolution du spectre de résonance magnétique doit être suffisante pour permettre l’adressage de chaque qubit.

Un ensemble de portes logiques quantiques facilement réalisables
Les portes logiques sont des systèmes qui, à plusieurs signaux d’entrée, renvoient une ou plusieurs réponses. Les réponses dépendent des entrées et sont tabulées dans ce qui est nommé « une table de vérité ».En pratique les portes logiques sont générées par les deux types d’opérations suivantes :
1. appliquer des perturbations externes W (impulsions de champ électrique, de champ magnétique, ou un rayonnement). Par exemple en RMN, RPE ou optique, les portes logiques sont réalisées à l’aide de d’impulsions sélectives de rayonnement électromagnétique (radiofréquence pour la RMN, micro­onde pour la RPE et visible en général pour l’optique) ;
2. laisser évoluer librement le système sous l’influence du hamiltonien statique, et alors les couplages tels que le couplage scalaire J et les couplages dipolaires dans le cas de spins, servent à la construction de portes logiques en mélangeant les états du système.

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Table des matières

Introduction générale
1 L’information quantique avec les spins électroniques et nucléaires
1.1 Origine et intérêt de l’information quantique
1.1.1 Rappel historique
1.1.2 Exemples simples de manipulations d’état quantiques
1.1.3 Intérêt de l’information quantique
1.1.4 Contraintes expérimentales : les critères de DiVincenzo
1.2 Information quantique avec les spins
1.2.1 Les spins nucléaires
1.2.2 Associer spins électroniques et spins nucléaires : le concept de bus de spin
1.2.3 Choix des matériaux pour le concept de bus de spin
1.3 Objectifs de la thèse
2 Propriétés de l’oxyde de gallium β − Ga2O3
2.1 Structure cristallographique de β − Ga2O3
2.1.1 Description de la structure
2.1.2 Anisotropie de la structure
2.2 Structure électronique et défauts dans β − Ga2O3
2.2.1 Structure de bande : le solide idéal
2.2.2 Les défauts dans β − Ga2O3 : le solide réel
2.3 Propriétés électroniques de β − Ga2O3
2.3.1 Propriétés optiques
2.3.2 Conductivité électrique
2.3.3 Une conséquence remarquable de l’anisotropie : la bistabilité magnétique
2.4 Conclusion
3 Synthèse et caractérisation de β − Ga2O3 : Ti
3.1 Cristallogenèse par la méthode de la Zone Flottante
3.1.1 Principe de la cristallogenèse par Zone Flottante
3.1.2 Cristallogenèse de β − Ga2O3 : Ti
3.2 L’ion Ti3+ dans β − Ga2O3
3.2.1 Propriétés optiques de β − Ga2O3 : Ti
3.2.2 Niveaux d’énergie de Ti3+ dans β − Ga2O3
3.3 Conclusion
4 Caractérisation de l’environnement nucléaire de Ti dans β − Ga2O3
4.1 Généralités sur la spectroscopie ENDOR
4.1.1 Cas d’un système de spins S = 1/2, I = 1/2
4.1.2 Cas d’un système de spins S = 1/2, I = 3/2
4.2 Environnement nucléaire du titane
4.2.1 Conditions expérimentales
4.2.2 Analyse et interprétation des spectres ENDOR
4.2.3 Analyse des interactions hyperfines et quadrupolaires
4.2.4 L’environnement nucléaire éloigné
4.2.5 Conclusion sur l’environnement nucléaire
4.3 Effet Isotopique sur les interactions noyau­noyau véhiculées par l’électron
4.3.1 Origine de l’interaction pseudo­dipolaire
4.3.2 Trimères symétriques et asymétriques dans β − Ga2O3 : Ti
4.4 Conclusion
5 Dynamique du système de spins électroniques et nucléaires dans β − Ga2O3:Ti
5.1 Généralités sur la résonance magnétique en impulsion et sur la dynamique de spin
5.1.1 Principe de la résonance magnétique en impulsion
5.1.2 Temps caractéristiques d’un système de spin
5.1.3 Dynamique des spins sous rayonnement : oscillations de Rabi ou nutation
5.1.4 Importance des temps caractéristiques dans le concept de bus de spin
5.2 La dynamique des spins électroniques dans β − Ga2O3 : Ti
5.2.1 Matériel et méthodes
5.2.2 Analyse et discussion des résultats
5.2.3 Conclusion sur la dynamique des spins électroniques
5.3 Dynamique des spins nucléaires dans β − Ga2O3 : Ti
5.3.1 Principe de l’ENDOR impulsionnelle
5.3.2 Matériel et méthodes
5.3.3 Oscillations de Rabi nucléaires
5.4 Conclusion et discussion
Conclusion générale

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