LA DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE
Cette recherche s’inscrit dans le domaine de la didactique professionnelle. Cette discipline vise à analyser l’activité du sujet en situation de travail afin de développer les compétences professionnelles. Elle est née en France dans les années 1990, développée par Pierre PASTRÉ, professeur titulaire de la chaire de communication didactique au Conservatoire national des arts et métiers français.
L’analyse du travail suppose une analyse de l’activité et de la tâche au préalable. Elle trouve son origine dans trois courants théoriques, la psychologie du développement, l’ergonomie cognitive et la didactique. La didactique professionnelle prend en considération la notion d’activité. Selon PASTRÉ, l’activité et l’apprentissage sont indissociables, toutes les activités permettent aux individus d’apprendre. Cet apprentissage ne se limite pas à des procédures clairement établies mais également à la façon dont l’individu s’inscrit personnellement dans cette activité, c’est-à-dire sa façon de se comporter face à cette activité .
Il semble primordial de définir les termes employés en didactique professionnelle pour traiter ce sujet, une adaptation au contexte de la salle de naissance sera réalisée.
Prescriptions des sages-femmes en salle de naissance
Le métier de sage-femme est une profession médicale à compétences définies, régie par la Code de la Santé Publique et par le Code de Déontologie. Elle est autonome dans sa pratique, spécialiste de la physiologie.
La prescription qui définit le champ de compétence de la profession de sage-femme en salle de naissance, « comporte la pratique des actes nécessaires au diagnostic, à la surveillance de la grossesse et à la préparation psychoprophylactique à l’accouchement ainsi qu’à la surveillance et à la pratique de l’accouchement et des soins postnataux en ce qui concerne la mère et l’enfant », selon l’article L-4151-1 du Code de la Santé Publique .
Cette prescription en salle de naissance ne peut se détacher de l’information que la sage-femme délivre à la parturiente. C’est ce que nous stipule la loi Kouchner de mars 2002 , l’information est un droit des patients : les professionnels de santé sont tenus d’informer les patients de leur état de santé et de recueillir leur consentement lorsque des actes sont réalisés.
Pour aider les professionnels dans la délivrance de l’information auprès des patients, des recommandations issues de la Haute Autorité de Santé (HAS) ont été élaborées de façon générale mais également dans le domaine obstétrical . Les recommandations de la HAS sur la délivrance de l’information auprès des patientes , c’est-à-dire les prescriptionsen didactique professionnelle, se centrent majoritairement sur la période prénatale au dépit de la période per partum.
Dans les années 50, le Docteur LAMAZE a mis en évidence que face aux douleurs de l’enfantement, il y avait beaucoup d’obscurantisme, une absence de connaissance des femmes de l’anatomie, de la physiologie de la naissance. C’est à partir de ce moment que se développa la psychoprophylaxie obstétricale, un enseignement pédagogique des femmes enceintes afin de comprendre le mécanisme de l’accouchement dans l’objectif d’évacuer les peurs.
LES INTERACTIONS LANGAGIERES EN SITUATION DE TRAVAIL
Les interactions langagières
Les interactions langagières sont marquées par des influences réciproques entre les interactants. KERBRAT ORECCHIONI parle de « discours en interaction » .
L’interaction entre les partenaires se maintient car chacun d’entre-eux collabore à cette interaction. Il existe une adaptation du discours entre les acteurs, ils prennent en compte ce qu’ils souhaitent transmettre mais également sur la compréhension et les attentes du locuteur, on parle de « modèle de production-interprétation » .
Par ailleurs, l’activité langagière est marquée par la présence d’invariants. Ce concept est développé par VINATIER elle parle « d’invariants du sujet » que le sujet construit et exprime tout le long de sa vie grâce à son histoire, son expérience.
Ces invariants représentent les valeurs, les intérêts, les motivations, les engagements, les jugements véhiculés par le professionnel dans l’interaction . Ils permettent à l’acteur de s’adapter à la situation rendant ainsi son action efficace .
Les dimensions du langage en situation de travail
L’activité de langage, quel que soit l’univers du travail, s’opère dans diverses dimensions. BORZEIX et FRAENKEL nous mentionnent que le langage s’inscrit au sein de trois dimensions : instrumentale, cognitive et sociale. Dans les activités de travail, ici en salle de naissance, les sages-femmes ont l’obligation de transmettre des informations auprès de la parturiente (dimension instrumentale), conformément à la loi de mars 2002, avec la notion de transparence du professionnel de santé sur les soins réalisés auprès du patient .
Mettre en mots l’activité du travail nécessite une réflexion de la part du locuteur sur l’action . Lorsque la sage-femme décrit et explique ses gestes, elle rend intelligible ses connaissances pour elle-même et pour la parturiente en lui transmettant ses savoirs (dimension cognitive).
De plus, le langage est un marqueur des rapports sociaux qui s’effectue entre les partenaires en interaction. Le fait de parler lors d’une interaction est une manière pour les individus de se présenter, de défendre leur place. Il existe une influence réciproque entre les partenaires qui se traduit par l’image qu’ils souhaitent montrer mais également par ce que chacun pense que l’autre attend de lui . La parole est donc le marqueur de l’identité des individus : la parturiente comprendra l’identité de la sage-femme par son discours et la sage-femme, par le discours de la parturiente assimilera son niveau de compréhension permettant ainsi d’adapter son discours (dimension sociale) .
L’analyse du langage au travail
Le langage ne peut être dissocié des activités du travail. Analyser le langage au travail permet de comprendre les pratiques professionnelles. Le langage peut également modifier les activités du travail, en adoptant une posture réflexive avec l’objectif d’améliorer les pratiques professionnelles. Analyser le travail peut s’effectuer par la réalisation d’enquêtes auprès des personnes concernées. Dans le domaine de la périnatalité, diverses études ont été réalisées auprès des usagers.
Le CIANE a pour ambition de faire mieux entendre les attentes, les demandes et les droits des femmes et des couples, afin d’améliorer les conditions de la naissance dans notre pays.
Leurs enquêtes ont montré quelles femmes dont les souhaits n’ont pas été respectés sont à 71% demandeuses d’un temps d’échange à postériori de l’accouchement .
Par ailleurs, les femmes perçoivent l’information comme insuffisante lors du déclenchement de l’accouchement. Cette information semble avoir un réel impact sur le vécu de l’accouchement. En effet, le manque d’information et l’absence de demande de consentement lors des interventions médicales semblent être des facteurs aggravants tant sur le plan physique que psychologique . D’après la DRESS, les femmes affichent une très grande satisfaction globale sur le suivi de leur grossesse et le déroulement de l’accouchement, et les femmes relèvent des insatisfactions sur la question de l’information, de l’écoute et de l’échange autour des gestes médicaux réalisés en salle de naissance.
Les sujets abordés en salle de naissance par la sage-femme
Les éléments que retiennent les femmes sur l’information délivrée en salle de naissance par la sage-femme sont les suivants :
La sage-femme expliquait les gestes techniques tels que la pose de la perfusion (Entretiens 1/3), la position à respecter pour la pose de la péridurale (Entretiens 1/6), le toucher vaginal pour connaître la dilatation du col de l’utérus et la présentation du fœtus (Entretiens 2/6/7) mais également la rupture artificielle des membranes (Entretiens 1/4) quand celle-ci a été nécessaire. L’une a mentionné sa tension artérielle qu’il fallait surveiller à distance (Entretien 6).
L’explication des poussées a été mentionnée à trois reprises (Entretiens 1/2/7), ces femmes ont stipulé avoir eu besoin de ses explications. L’une d’entre elles a approuvé l’explication des poussées avant le moment de l’installation pour l’accouchement « ça m’a permis de savoir comment on faisait avant » (Entretien 7).
La douleur a été évoquée par les sages-femmes auprès de certaines femmes, notamment auprès des femmes sans analgésie péridurale pour les prévenir des diverses sensations : « Elle m’a également dit que la douleur allait être de plus en plus intense et que j’allais ressentir l’envie de pousser » (Entretien 2-Primipare).
Des compliments, des encouragements ont été mentionnés par les femmes n’ayant pas eu d’analgésie péridurale. Ces éléments ont été appréciés et ont rassuré les patientes sur leur capacité à y arriver.
« Après, elle m’a fait beaucoup d’encouragements « vous êtes courageuse… » Des choses comme ça, sur le coup ça fait plaisir, on se sent rassurée, on se dit qu’on fait bien les choses » (Entretien 2 Primipare).
« Elle m’a dit que j’avais été courageuse aussi et que j’avais fait du super travail, c’est gentil de nous dire ça, on se sent fière quand même, on est contente » (Entretien 5-Multipare).
|
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE
1. LA DIDACTIQUE PROFESSIONNELLE
1.1 DEFINITION
1.2 LES CONCEPTS MOBILISES DANS CETTE RECHERCHE
1.2.1 Tâche, activité et prescription
1.2.2 Prescriptions des sages-femmes en salle de naissance
1.2.3 Activité et apprentissage
1.2.4 Situation
1.2.5 Compétences
2. LE LANGAGE EN SITUATION DE TRAVAIL
2.1 GENERALITES
2.1.1 Définition du langage
2.1.2 La communication
2.2 LES INTERACTIONS LANGAGIERES EN SITUATION DE TRAVAIL
2.2.1 Les interactions langagières
2.2.2 Les dimensions du langage en situation de travail
2.2.3 Le langage au travail : un apprentissage
2.2.4 L’analyse du langage au travail
DEUXIEME PARTIE
1. PRESENTATION DE L’ETUDE
1.1 LE THEME
1.2 LES OBJECTIFS
1.3 LES AXES DE RECHERCHE
1.4 LA METHODOLOGIE
1.4.1 Outil de recherche
1.4.2 Critères d’inclusions et d’exclusions
1.4.3 Déroulement de l’étude
2. LES RESULTATS
2.1 PROFILS DES ACCOUCHEES
2.1.1 Âge des patientes
2.1.2 Parité
2.1.3 Situation familiale et professionnelle
2.1.4 Modalités d’accouchement
2.2 L’INFORMATION SUR LE DEROULEMENT DU TRAVAIL ET DE L’ACCOUCHEMENT
PENDANT LA GROSSESSE
2.2.1 Internet, livres, émissions télévisées
2.2.2 La préparation à la naissance et à la parentalité (PNP)
2.2.3 Les consultations prénatales
2.2.4 L’entourage
2.2.5 La confiance en la sage-femme présente en salle de naissance
2.2.6 Le ressenti des femmes sur les informations du déroulement du travail et de l’accouchement
2.3 LA PRISE EN CHARGE EN SALLE DE NAISSANCE PAR LA SAGE-FEMME
2.3.1 La chronologie des actions
2.3.2 La chronologie temporelle
2.3.3 Les gestes réalisés par la sage-femme
2.3.4 L’interaction parturiente/sage-femme
2.3.5 Représentations du métier de sage-femme
2.4 L’INFORMATION DELIVREE EN SALLE DE NAISSANCE PAR LA SAGE-FEMME
2.4.1 Les attentes des femmes concernant l’information délivrée en salle de naissance
2.4.2 Les sujets abordés en salle de naissance par la sage-femme
2.4.3 La manière dont l’information a été délivrée
2.4.4 Le moment de la délivrance de l’information
2.4.5 Le ressenti des parturientes face à cette information
2.4.6 Les émotions des parturientes et l’information en salle de naissance
2.5 L’INFORMATION EN POST-PARTUM SUR LE PASSAGE EN SALLE DE NAISSANCE
2.5.1 Interrogations concernant le passage en salle de naissance
2.5.2 Besoin de parler de leur passage en salle de naissance
2.5.3 Une information adaptée et suffisante
TROISIEME PARTIE
1. CRITIQUE DE LA DEMARCHE DE RECHERCHE
1.1 LIMITES ET BIAIS
1.2 POINTS FORTS
2. ANALYSE ET DISCUSSION
2.1 LE REGARD DES FEMMES SUR L’INFORMATION DELIVREE EN SALLE DE NAISSANCE
PAR LES SAGES-FEMMES
2.2 L’ACTIVITE ET LES COMPETENCES DES SAGES-FEMMES EN SALLE DE NAISSANCE A
TRAVERS LE DISCOURS DES FEMMES
3. OUVERTURE ET PROPOSITIONS
CONCLUSION
Télécharger le rapport complet