L’influence des médiations discursives et visuelles du bioart sur la constitution, le fonctionnement et la réception des oeuvres

En constatant que les œuvres bioartistiques parviennent au public accompagnées de discours et de documents qui influencent leur réception, il nous apparaissait impossible de les étudier sans prendre en compte le phénomène de leur interaction avec ces médiations langagières et visuelles.

Nous avons donc dû construire une méthode qui puisse nous aider à comprendre la manière dont circule le bioart en considérant la constellation des textes et des images gravitant autour des œuvres.

La décision fut alors prise d’élaborer une approche à la fois théorique et pratique pour collecter des données matérielles mais aussi empiriques sur notre sujet. En effet, vu que c’est l’expérience de notre premier contact sensible avec le bioart qui est à l’origine de notre problème, il nous semblait crucial de continuer à visiter les œuvres sur le terrain de leur exposition. Cette méthode nous donnait ainsi la possibilité de rester fidèle à notre intuition de départ en réitérant les expériences de réception directe du bioart et en observant ainsi à quel niveau la documentation peut interagir sur cette rencontre.

Du point de vue pratique, cela nous demandait de nous déplacer sur les lieux des expositions de bioart mais pas seulement. Car dans un souci de mise en contexte de notre problématique, nous avons aussi pensé qu’il était important d’élargir la question en visitant aussi d’autres types de collections. Du point de vue théorique, il fallait aussi bien sûr documenter notre objet de recherche en faisant l’état de la question du rôle du document dans l’histoire de l’art. C’est pourquoi nous nous sommes documenté en conjuguant des approches sociologique, muséologique et esthétique sur le sujet. Ainsi, en partant de l’histoire de l’institution muséale et de la tradition des textes de présentation des collections, nous avons voulu remonter jusqu’au conflit qui émerge dans les années 1960, à mesure que l’art dématérialisé établit un rapport de plus en plus complexe et ambigu avec sa documentation. A ce stade, des auteurs comme Anne Bénichou (2010) et Jean Marc Poinsot (1999) qui se sont spécialisés sur la question des enjeux et des pratiques de documentation dans les arts visuels contemporains ont servi de support à notre analyse. C’est d’ailleurs en assistant au séminaire d’Anne Bénichou (que nous avons eu l’opportunité de suivre à l’Université du Québec à Montréal) que l’idée d’orienter notre recherche vers la question de la documentation des œuvres nous est venue. Voilà comment celle-ci évoque la naissance de ce champ de recherche : « Depuis les années 1960, la nature éphémère de nombreuses pratiques artistiques (le Land art, le happening, la performance, l’art d’intervention, etc.), la remise en question de l’œuvre d’art comme objet (l’art conceptuel et ses développements), l’usage de technologies qui deviennent rapidement obsolètes (la vidéo, l’art numérique, l’art Internet, etc.), amènent les artistes et les institutions à documenter systématiquement les œuvres. Cette documentation assure une forme de pérennité et une diffusion à des œuvres, qui autrement disparaîtraient après leur mise en vue inaugurale. Elle permet parfois de les recréer partiellement ou intégralement. Un grand nombre de pratiques artistiques ne sont connues du public et des spécialistes que par l’intermédiaire de cette documentation. Elle est souvent l’unique source du théoricien et de l’historien d’art ; et chez certains artistes, elle tend à devenir œuvre à part entière, selon un glissement de plus en plus fréquent de la documentation à la création. » (Bénichou, 2010) .

Si ces approches nous ont ainsi permis d’explorer le statut du document du côté des producteurs et exposants de l’art, nous devions encore poursuivre notre tour de la question en abordant aussi le travail des experts. Pour cela, la sociologie de Bourdieu (1992) était une référence incontournable pour introduire le rôle de la critique d’art sur l’existence du champ littéraire et artistique.

Bien entendu, nous ne pouvions pas reporter cette connaissance sur notre objet de recherche sans faire aussi l’état de la question du bioart lui-même. Nous avons alors dû faire le tri parmi le corpus d’énoncés théoriques qui sont apparus avec ce courant émergeant. En quelques sorte, c’est comme si nos données devenaient à ce stade de notre recherche un support théorique pour nous permettre de définir ce champ de pratique artistique ainsi que ses enjeux esthétiques et éthiques. Ce travail nous demandait alors de prendre position parmi plusieurs auteurs aux points de vue divergents, avec la difficulté de conserver une posture de recul.

Collecte de données 

Notre analyse repose ainsi sur deux modes de collecte de données que sont l’observation et l’analyse du matériel écrit et visuel. Nous allons donc présenter comment nous avons procédé pour recueillir chacune d’elles.

Observation

Nous avons collecté un ensemble de données empiriques sur le contexte d’exposition des œuvres du bioart par l’observation. Durant les visites, nous consignions nos observations dans des notes manuscrites et des enregistrements audiovisuels (quand c’était autorisé). La priorité consistait alors à relever comment étaient installées les œuvres ainsi que la manière dont elles étaient documentées et médiatisées vers le public à travers les textes affichés et à sa disposition, comme des brochures d’aide ou des catalogues.

Précisément, c’est durant cette étape que nous collections ce que Jean-Marc Poinsot (1999, p.247) appelle les « récits autorisés de proximité » de l’art, c’est-à dire les discours d’artistes « qui sont produits dans le temps et le voisinage de la prestation esthétique » à laquelle ils réfèrent, et les écrits d’experts.

La liste des expositions dans lesquelles nous avons puisé notre analyse de cas est la suivante :
• Trans-evolution : examining bio art (19 sept. – 20 déc. 2008) à la CEPA Art Gallery, Buffalo, New York ;
• Microwave New Media Art Festival : Transient Creatures (7-23 nov. 2008), Hong Kong city hall, Hong Kong ;
• Sk-interfaces (26 sept. 2009 – 10 jan. 2010), Casino du Luxembourg, Luxembourg. Citons aussi deux expositions visitées dans l’intérêt d’élargir notre terrain vers des pratiques périphériques au bioart :
• Wim Delvoye : dessins & maquettes (13 févr. – 23 mai 2010), MAMAC, Nice ;
• Damien Hirst : cornucopia (2 avr. – 30 sept. 2010), Musée océanographique, Monaco.

Par ailleurs, nous avons complété notre approche empirique des œuvres par une observation participante réalisée pendant le suivi d’un séminaire intitulé « BioArt: contemporary art & the life sciences. Conquering Life? Questions at the frontiers of art, philosophy and the life sciences » enseigné en laboratoire par l’artiste australienne Boo Chapple. Ces séances se sont déroulées pendant huit semaines du 17 avril au 19 juin 2009 dans le cadre des classes d’honneur de la faculté de science de l’université de Leiden, aux Pays-Bas, et étaient organisées par le TAGC, The Arts & Genomics Center .

Nous parlons d’observation « participante » dans la mesure où nous prenions part à la dynamique ambiante (Savoie-Zajc, 2004, p. 123-150) du séminaire en nous comportant comme les autres étudiants. Des lectures et des travaux pratiques étaient régulièrement à faire et nous recevions les visites d’artistes et de scientifiques invités comme Adam Zaretsky, Kathy High, Ellen Ter Gast ou Huub de Groot, pour nous enseigner et nous sensibiliser sur leurs pratiques artistiques.

Ainsi, cette immersion dans notre objet d’étude nous a permis d’expérimenter le bioart du point de vue de son contexte de création afin de nous faire dépasser le langage de ce que les artistes disent qu’ils font pour nous intéresser directement à leur comportement et au sens qu’ils y donnent (Savoie-Zajc, 2004, p. 123-150). Car en ayant nous-mêmes développé une pratique bioartistique et une médiation langagière à son propos, nous inversions notre regard de chercheur en nous mettant dans la peau de l’artiste .

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Table des matières

REMERCIEMENTS
LISTE DES FIGURES CITÉES DANS LE TEXTE
LISTE DES FIGURES EN APPENDICE
LISTE DES TABLEAUX CITÉS DANS LE TEXTE
LISTE DES ABRÉVIATIONS
RÉSUMÉ
INTRODUCTION
CHAPITRE I PROBLÉMATIQUE
1.1 Origine du sujet
1.2 Problème de recherche
1.3 Question
1.4 Objectifs de recherche
1.5 Définition des concepts clés
1.6 Organisation de la thèse
1.7 Délimitation du sujet
CHAPITRE II MÉTHODOLOGIE
2.1 Choix de la méthode
2.2 Collecte de données
2.2.1 Observation
2.2.2 Matériel écrit et visuel
2.3 Traitement des données
2.3.1 Observation
2.3.2 Matériel écrit et visuel
2.4 Choix et légitimation des cas
2.4.1 Critères de sélection et difficultés rencontrées
2.4.2 Présentation des cas
2.5 Taxonomie et mise en contexte du bioart
CHAPITRE III EXAMEN DES DOCUMENTS
3.1 Origines, formes et fonctions du document dans l’institution muséale
3.1.1 Le développement des musées d’art et de science : quelques repères historiques
3.1.2 Les muséographies antagonistes de l’art et de la science : descriptions, approches et enjeux
3.1.3 Les normes d’exposition de l’art appliquées au bioart : formes, limites et enjeux
3.2 La tradition du document en art
3.2.1 Le statut ambigu de la documentation artistique
3.2.2 Les « récits autorisés » de l’art exposé
3.2.3 Les discours d’experts
CHAPITRE IV LE BIOART
4.1 Généalogies
4.1.1 Les origines de la manipulation artistique du vivant
4.1.2 La thématique des biotechnologies dans les arts visuels
4.1.3 Les représentations artistiques du posthumain
4.1.4 Les représentations artistiques du pré-humain
4.1.5 Arts et technosciences
4.2 Rupture et continuité
4.2.1 « Du vivant dans l’art à l’art vivant »
4.2.2 De la simulation à l’incarnation corporelle de la nature : l’organisme/œuvre
4.2.3 Corps, tabou et documentation
4.2.4 La révolution bio-industrielle : enjeux, fantasmes et dérives
4.2.5 « Mimesis critique » et auto-critique de l’art
4.3 Examen du bioart
4.3.1 Terminologie
4.3.2 Esthétique
4.3.3 Ethique
CHAPITRE V LA DOCUMENTATION DU BIOART
5.1 Panorama du corpus de documents
5.2 Retour sur l’état de la question : la mise en contexte de l’œuvre par le document
5.3 Le discours d’artiste
5.3.1 Les fonctions didactique et didascalique de la description
5.3.2 Enjeu : « bio-ready-made » et « mimésis critique »
5.3.3 Déclarations, légendes et commentaires
5.3.4 Enoncés théoriques
5.3.5 La place de l’éthique
5.4 Les discours d’experts
5.4.1 Du contrat iconographique des artistes à l’interprétation des experts
5.4.2 De l’interprétation à l’intégration dans le champ de l’art
5.5 Les documents visuels
5.5.1 Structures iconiques : les modes de référence visuelle aux œuvres
5.5.2 Le subterfuge des images : « mise en intrigue » et consécration
5.5.3 De l’œuvre à son image
CONCLUSION

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