L’influence des comportements excessifs sur la dynamique de groupe dans un atelier protégé
Cadre de recherche
Dans mon cadre professionnel, je peux être amené à devoir faire face à certaines situations problématiques, comme un comportement perturbateur ou une certaine forme de violence. Ces situations ont une influence sur les comportements des autres personnes présentes dans l’atelier. Plusieurs thèmes seront abordés dans le cadre de cette recherche. Dans un premier temps, il sera question de définir le comportement excessif. Le sujet du comportement humain est abordé dans plusieurs cours durant la formation de maître socioprofessionnel. De nombreux courants psychologiques expliquent les comportements excessifs et plusieurs perspectives en découlent. Je préciserai dans le chapitre « problématique » sur quels concepts je me suis appuyé. Dans un deuxième temps, je me pencherai sur le thème de la dynamique de groupe et plus particulièrement sur celui des relations interpersonnelles entre les différentes personnes formant ce groupe. Je vais largement m’appuyer sur les travaux de Didier Anzieu et Jacques-Yves Martin concernant leurs recherches sur la dynamique des groupes restreints. Le plus intéressant pour moi sera de voir comment les comportements excessifs agissent sur les différents éléments de la dynamique de groupe. Finalement, en fonction des résultats de cette recherche, je me demande quels liens je pourrais faire avec les concepts pédagogiques de mon institution et ainsi ouvrir quelques pistes d’action afin de m’aider à mieux gérer le groupe formé par les personnes employées dans nos ateliers. 1.1.3 Intérêt présenté par la recherche Dans un premier temps, il est important pour moi d’approfondir mes connaissances et améliorer la qualité de mon accompagnement. Je veux comprendre les mécanismes qui font naître les situations difficiles et comprendre comment celles-ci évoluent. Dans un deuxième temps, je veux connaître et savoir utiliser les outils servant à gérer les situations difficiles lors de comportements excessifs, tout en sachant prévenir ces épisodes. Pour terminer, l’institution dans laquelle je travaille s’appuie sur le concept de la Valorisation des rôles sociaux (VRS), l’intérêt pour moi est de rechercher les moyens que donne la VRS pour travailler avec des personnes ayant des problèmes de comportement. 1.1.4 Précisions, limites posées par la recherche J’ai décidé pour des raisons d’organisation personnelle de limiter ma recherche aux Ateliers Saint-Hubert de Monthey. Je pense que la diversité des personnes prises en charge dans l’institution est significative et les exemples de comportements excessifs sont nombreux et variés. Dans mes recherches bibliographiques, j’ai commencé par m’intéresser aux comportements excessifs, les recherches sur la définition du comportement humain et sur ce qu’il pourrait avoir d’excessif, m’ont ouvert un vaste champ de possibilités. Je 3 me suis donc intéressé de plus près aux liens entre psychopathologies et troubles du comportement, parce qu’à mon sens c’est dans ces domaines que je peux être au plus proche de la problématique des gens pris en charge sur mon lieu de travail. Concernant la dynamique des groupes, je me suis, dans un premier temps, intéressé à la dynamique des groupes en général. Il m’est vite apparu que je devais focaliser ma recherche sur les groupes restreints, qui correspondent mieux au profil de groupe de personnes de nos ateliers. Pour la définition du contexte, j’ai voulu donner une définition générale des ateliers protégés, puis plus précisément des Ateliers Saint-Hubert. La définition du contexte est importante car les ateliers protégés peuvent accueillir nombre de profils de personnes différents et les comportements excessifs ne seront pas perçus ni gérés de la même manière dans un atelier de production que dans un atelier occupationnel ou même dans un atelier de réinsertion professionnelle. 1.1.5 Objectifs de la recherche Par le biais de cette recherche, je compte réaliser les objectifs suivants : Objectifs théoriques – Définir l’influence d’une personne sur un groupe – Comprendre les mécanismes de la dynamique de groupe – Comprendre les causes de comportements excessifs – Connaitre en détail la mission et le concept pédagogique de l’institution Objectifs concrets – Comprendre l’impact du comportement de ce genre de personnes sur l’atelier au niveau social – Définir dans quelle mesure l’institution est adaptée pour la prise en charge de ces personnes – Améliorer ma conduite d’équipe
Cadre théorique
Comportements excessifs La notion de comportements excessifs n’est pas toujours aisée à définir. Les troubles de la personnalité, les troubles du comportement et plus largement le handicap psychique sont caractérisés par des comportements dits « excessifs ». Les troubles de la personnalité sont des schémas de comportement ou des types de fonctionnements relationnels d’une excessive rigidité. Celle-ci empêche les gens de s’adapter aux demandes et aux sollicitations extérieures de telle sorte que le fonctionnement pathologique en question est finalement l’équivalent d’une mise en échec, voire d’une autodestruction (Nevid, Rhatus, & Greene, 2009, p. 286). Le professeur Bertrand Escaig dans son article intitulé : « Le handicap psychique, un handicap caché, un handicap de tous les malentendus » définit le handicap psychique comme suit : Il a fallu le distinguer du handicap « mental », ou handicap intellectuel, reconnu trente ans avant lui. Le handicap psychique a, en effet, ses particularités : sa forte liaison avec le médical, sa variabilité dans le temps, une part laissée intacte du potentiel intellectuel. Médical, car il est la conséquence de maladies psychiques évolutives, comme les psychoses ou les troubles de comportement, où demain la personne peut aller mieux ou plus mal qu’aujourd’hui. Variable, car des états psychiques calmes ou tendus alternent d’un jour à l’autre, quelquefois dans la même journée, conduisant à des capacités variables dans le temps, souvent avec une grande fragilité et une angoisse prête à monter à la moindre complication. Enfin, un potentiel intellectuel certain, qui en fait des personnes « comme nous », avec les mêmes désirs, les mêmes exigences, les mêmes ambitions, mais hélas, pas les mêmes moyens. Relativement « caché » au premier regard, c’est le handicap de tous les malentendus (Escaig, 2010). Ces deux définitions mettent, selon moi, en lumière le fait que les comportements excessifs peuvent être le symptôme d’un trouble de la personnalité ou d’un handicap psychique. Néanmoins, le personnel encadrant de la Fondation Foyers Ateliers SaintHubert ne dispose pas de diagnostics précis sur les troubles dont souffrent les personnes au moment de leur engagement. Par la suite, le MSP peut remarquer des comportements dits excessifs et chercher à avoir un diagnostic plus précis à travers des réseaux interdisciplinaires articulés autour de la personne employée. Dans cette recherche, les comportements dits excessifs 5 sont considérés comme tels au moment où le MSP juge qu’ils ne sont plus acceptables dans le cadre d’un atelier protégé et productif. Les comportements sont ainsi le résultat de plusieurs déterminismes : l’histoire personnelle de l’individu (biopsychosocial), sa position (statut, pouvoir) dans l’organisation, son rôle (accepté ou reconnu) dans le groupe. Les comportements sont aussi dictés par les désirs et les craintes plus ou moins momentanés liés à la tâche ou à l’identité de chacun au sein de l’organisation et du groupe. Les échanges répondent donc à une logique et à une stratégie plus moins inconsciente (Amado & Guittet, 2010, p. 145). 1.3.2 Dynamique de groupe Dans le cadre de ce travail de recherche, je prendrai en compte le « groupe primaire ou restreint ». Car dans chaque secteur des Ateliers, les collaborateurs travaillent par groupe de cinq à dix personnes. Le groupe primaire ou groupe restreint est déterminé par son nombre restreint, par le fait que chacun a une perception individualisée de l’autre et que les échanges interindividuels sont nombreux. Les participants ont en commun les mêmes buts. Il existe une interdépendance, une solidarité en dehors des réunions et actions communes, très fortes, d’où la constitution de sous-groupes (relation affective). Des normes, des signaux et des rites propres s’érigent. On n’a pas systématiquement toutes ces caractéristiques représentées à la fois dans le même groupe. Le groupe primaire est en général restreint, mais les auteurs nous donnent une grille d’analyse nuançant les deux termes. Le groupe primaire est nuancé par les liens personnels, intimes, chaleureux qui s’installent ; alors que le groupe restreint (6 à 13 personnes) connote une dimension numérique (Anzieu & Martin, 2013a). Si j’ai choisi comme référence les groupes restreints pour cette recherche, c’est parce que le groupe de l’atelier se rapproche le plus de la définition du groupe restreint d’Anzieu et Martin, qui présentent les caractéristiques suivantes: – Nombre restreint de membres, tel que chacun puisse avoir une perception individualisée de chacun des autres, être perçu réciproquement par lui et que de nombreux échanges interindividuels puissent avoir lieu – Poursuite en commun et de façon active des mêmes buts, dotés d’une certaine permanence, assumés comme but du groupe, répondant à divers intérêts des membres, et valorisés – Relations affectives pouvant devenir intenses entre les membres (sympathies, antipathies, etc…) et constituées des sous-groupes d’affinités – Forte interdépendance des membres et sentiments de solidarité, union morale des membres du groupe en dehors des réunions et des actions en commun – Différenciation des rôles entre les membres – Constitution de normes, de croyances, de signaux et de rites propres au groupe (langage et code du groupe) 6 Les auteurs précisent que toutes ces caractéristiques ne sont pas nécessairement présentes à la fois dans les mêmes groupes. Ainsi, au sein de la Fondation, nous aurons peut-être une plus grande interdépendance et un plus grand sentiment de solidarité dans « l’atelier bois » que dans celui du « conditionnement », ou une plus grande différenciation des rôles entre les membres de l’atelier « e-commerce » que dans celui de la « céramique ». Mais la grande majorité de ces caractéristiques se trouvent dans chacun des ateliers dont les membres forment un groupe restreint. Kurt Lewin a posé les fondements de l’étude des groupes avec sa théorie sur la dynamique des groupes. Si Lewin utilise le terme de dynamique, c’est que pour lui, la vie d’un groupe correspond à un mouvement continu entre des périodes de stabilité et des périodes de changements. […] Si Lewin analyse la réalité du groupe comme un champ dynamique, c’est aussi en se référant à l’idée gestaltiste de champ. Celle-ci pose qu’un tout est autre chose que la somme de ses éléments, et que c’est la manière dont ces éléments s’agencent et se structurent entre eux qui caractérisent ce tout. […] Or les facteurs déterminants ce qui se passe dans le groupe sont localisés aussi bien dans le groupe que dans son environnement. Ce champ dynamique inclut donc le champ du groupe et le champ social dans lequel il est situé (Oberlé, 2015, pp. 11-16). Dans la théorie de la dynamique des groupes, on parle plus volontiers de « phénomène de groupe ». Ces phénomènes, que je vais aborder dans cette recherche sont les suivants : 1. La cohésion du groupe, il sera largement question dans ce travail de recherche du maintien de la cohésion du groupe. o Facteurs intragroupes de la cohésion, où il sera question des différents attraits qu’ont les individus pour leur groupe o Facteurs intergroupes et identitaires de la cohésion o Facteurs contextuels de la cohésion, il sera important de prendre en compte le contexte, car l’atelier protégé est par définition un contexte de travail particulier 2. Les aspects structurels des groupes et plus particulièrement le système des rôles et la différentiation des statuts ainsi que les structures affinitaires entre individus. 3. Le leadership et les différentes approches du leader ainsi que la soumission ou l’adhésion des participants. 4. La communication et les relations à l’intérieur d’un groupe. Ces différents points seront développés et étudiés plus en détails tout au long du chapitre 2. 1.3.3 Ateliers protégés Il convient tout d’abord de définir les ateliers, selon l’encyclopédie le Grand Robert : « L’atelier est un local ou un espace consacré à la fabrication, dans une usine, chez un artisan ou un artiste. C’est un lieu où des ouvriers travaillent en commun. » 7 L’encyclopédie internationale de réhabilitation définit les ateliers protégés comme suit : Les ateliers protégés sont des programmes de jour en établissement qui sont fréquentés par des adultes ayant des incapacités et qui se substituent à un emploi sur le marché du travail normal (Martin 2001, Samoy et Waterplas 1992). Le travail est le principal centre d’intérêt des ateliers protégés, qui accordent une préférence aux activités de travail relativement simples comme l’assemblage, l’emballage, le travail du bois, la fabrication, l’entretien ou la couture. De plus, les ateliers protégés peuvent offrir d’autres activités, comme des programmes éducatifs et des loisirs. Le travail dans les ateliers protégés peut avoir différentes significations, allant de la thérapie par le travail jusqu’à constituer une réelle source de revenus. La distinction entre les significations du travail prend sa source dans les objectifs des ateliers protégés, qui peuvent s’étendre d’une garde à long terme, à une réadaptation orientée vers la transition dans le marché du travail normal et vers l’emploi à long terme. De même, le statut des adultes ayant des incapacités fréquentant des ateliers protégés peut aller de « patient » en garde à long terme, en passant par le statut de stagiaire se préparant à un emploi individuel, jusqu’au statut de travailleur (« Les ateliers protégés | Encyclopédie internationale multilingue de la réadaptation », s. d.). Les Ateliers de la Fondation sont des lieux de production où les collaborateurs ont le statut de travailleurs et sont donc engagés à long terme. Afin de bien comprendre quelle est la population travaillant aux Ateliers Saint-Hubert, je définirai plus loin le mot collaborateur au sens de la Fondation Foyer Ateliers Saint-Hubert. Selon la définition du mot atelier, celui-ci est un endroit physique consacré à la fabrication. Les Ateliers Saint-Hubert sont séparés en différents secteurs ayant leurs activités propres et leurs collaborateurs affiliés, ainsi que leur MSP responsable. Les collaborateurs des Ateliers ont un statut de travailleurs et par ce fait ils perçoivent un salaire en complément de leur rente d’assurance invalidité. Il m’est important de préciser que, contrairement au premier marché du travail, les personnes qui travaillent en atelier protégé bénéficient d’un encadrement dont la tâche principale est d’aider les travailleurs en les responsabilisant et en s’appuyant sur le concept de la Valorisation des Rôles Sociaux, tout en menant à bien son mandat économique.
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Table des matières
1 Introduction
1.1 Cadre de recherche
1.1.1 Illustration
1.1.2 Thématique traitée
1.1.3 Intérêt présenté par la recherche
1.1.4 Précisions, limites posées par la recherche
1.1.5 Objectif de la recherche
1.2 Problématique
1.2.1 Question de départ
1.3 Cadre théorique
1.3.1 Comportements excessifs
1.3.2 Dynamique de groupe
1.3.3 Ateliers protégés
1.4 Méthodologie
1.4.1 Terrain de recherche et échantillon retenu
1.4.2 Méthodes de recherche
1.4.3 Méthodes de recueil de données et résultats de l’investigation
2 Développement
2.1 Comportement passif
2.2 Comportement agressif
2.3 Comportement assertif
2.4 Comportement manipulateur
2.5 Synthèse
3 Conclusion
3.1 Limites du travail
3.2 Perspectives
3.3 Conclusion personnelle
4 Références
5 Annexes
Annexe I : Extrait du Système Management Qualité de la Fondation Foyers
Ateliers Saint-Hubert
Annexe II : Grille d’entretien MSP
Annexe III : Grille d’entretien collaborateur
Annexe IV : Extrait de la construction de la problématique
Annexe V : Extrait de la grille de dépouillement des entretiens
Annexe VI: Extrait des tableaux de synthèse des données
Annexe VII: Valorisation des Rôles Sociaux
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