L’intelligence chez l’humain
Les diverses recherches menées par de nombreux chercheurs depuis le début des années 90 concernant le cerveau et son fonctionnement, témoignent d’une nouvelle conception de l’intelligence. En effet, une vision dichotomique de l’intelligence voit le jour. Cette intelligence serait, selon certains scientifiques, une et indivisible et pour d’autres, multiple (Racle, 1986).
Tout d’abord, les travaux d’Alfred Binet ont débouché en 1904 sur le Q.I., le quotient intellectuel, qui permet de mesurer l’intelligence des enfants dans le but de repérer ceux qui paraissent « anormaux » afin de leur donner une éducation spéciale (Binet & Simon, 1905). En effet, pour Binet, les mesures devaient servir à accroître la compétence mentale par une éducation appropriée. Cette mesure du quotient intellectuel est l’exemple même de l’idée d’une intelligence unique et mesurable. Il faut encore préciser que le test Q.I. examine surtout l’intelligence mathématique, linguistique et visuo-spatiale. Comme nous le verrons par la suite, de plus en plus de chercheurs, à l’image d’Howard Gardner, croient en l’existence de multiples intelligences qui dépassent celles citées précédemment. Le test Q.I. ne semble donc plus être adapté pour évaluer un apprenant.
Selon Racle (1986), cette théorie a été remise en question par les travaux de Thurstone qui croyait « en l’existence d’un ensemble d’activités premières, indépendantes, et qui peuvent être évaluées par des tests différents » (p.60). Enfin, Jean Piaget (1967), qui définit l’intelligence comme « l’adaptation ayant lieu entre les actions de l’organisme vers l’environnement (pour organiser ce qui l’entoure) et les actions qui se passent entre l’environnement et l’organisme » (Racle, 1986), présente le développement de la pensée de l’enfant comme étant le résultat dynamique de l’interaction constante entre les caractéristiques biologiques de l’organisme et les conditions environnementales. Grâce à l’assimilation et à l’accommodation, l’individu acquiert de nouvelles connaissances, enrichit les connaissances déjà acquises ou encore réorganise les schèmes précédemment assimilés. Ainsi, Jean Piaget a apporté de nouvelles connaissances sur la manière dont les individus construisent leurs capacités cognitives mais également d’apprentissage et de développement. Dès le XXème siècle, ces théories prônant une intelligence une, indivisible et quantifiable ont été remises en question par une nouvelle vision de l’intelligence. En effet, les recherches mettent en avant une vision multidimensionnelle de l’intelligence. Celle-ci serait composée d’une multitude de capacités en relation les unes avec les autres. Ainsi, de nombreuses théories sur les différentes manières d’être intelligent voient le jour, dont celle de Howard Gardner qui sera développée plus bas.
Stratégies d’enseignement
Enseignement centré sur l’élève
La volonté d’harmonisation de l’éducation, pour des raisons à la fois politiques, économiques et culturelles, a entraîné une nouvelle conception de l’apprentissage et de l’enseignement. Les spécialistes en éducation parlent d’un « changement de paradigme », qui représente une transition allant du « paradigme d’enseignement » au « paradigme d’apprentissage » (Chevalier & Jannuzzo, 2007). Chevalier définit le paradigme d’enseignement comme étant une « conception de la pédagogie fondée essentiellement sur un processus d’accumulation d’informations chez l’apprenant » (p.5). Le paradigme d’apprentissage place quant à lui l’élève au centre de l’action : « Selon le paradigme d’apprentissage, les rôles respectifs de l’enseignant et de l’apprenant sont redistribués. D’un côté, l’apprenant devient pleinement responsable d’effectuer un travail actif de sélection, de structuration et d’intégration des connaissances. De l’autre, l’enseignant occupe une position toute aussi importante, mais réorientée dans une direction différente : il devient «vecteur» de connaissances et « catalyseur » d’apprentissages. Dans ce sens, il a la responsabilité de mettre à disposition de l’apprenant les outils qui lui seront nécessaires pour réaliser ses apprentissages (documents, livres, références, bibliographies, multimédias, etc.). Mais il a aussi une autre responsabilité : celle de guider les démarches d’apprentissage des étudiants. » (p.6-7). Ainsi, non seulement le rôle de l’élève mais aussi celui de l’enseignant sont modifiés.
Différenciation
Selon Perrenoud (1995), différencier, c’est organiser les interactions et les activités de sorte que chaque élève soit constamment, ou du moins très souvent, confronté aux situations didactiques les plus fécondes pour lui. Ainsi, la différenciation est une démarche pédagogique qui a comme objectif d’adapter le style d’enseignement aux besoins de chaque élève. Il existe plusieurs manières de diversifier son enseignement : de manière successive en variant les méthodes, les démarches, les supports, ou simultanément, en effectuant dans le même temps des activités différentes. Les élèves peuvent également réaliser des tâches identiques mais avec des ressources ou des contraintes personnalisées (Meirieu, 1990). D’après Perrenoud (2012), il s’agit de traiter chaque élève de manière individuelle. Non pas en lui donnant des leçons particulières, mais en agissant à son égard en tenant compte de ses difficultés, de ses acquis, de son « niveau », de son développement, de sa manière d’apprendre. L’important donc, c’est de mettre l’élève face à des situations didactiques optimales pour lui et lui seul. L’enseignant, le formateur, doit chercher à faire comprendre à l’élève qu’il agit d’une certaine manière pour apprendre. L’élève doit établir des liens entre objectifs et démarches (Berbaum, 1991). Cela étant dit, les difficultés qu’engendre la différenciation (gestion de classe, individualisation de l’apprentissage, etc.) semblent insurmontables. Pourtant, il faut se donner les moyens de la réaliser. Placer l’élève aussi souvent que possible dans une situation d’apprentissage idéale est un impératif à réaliser. Bien entendu, il est impossible de différencier tout le temps ; mais la différenciation peut être mise en place à différents moments d’une séquence. L’enseignant doit ainsi acquérir luimême des compétences et des outils pour y parvenir. Perrenoud insiste sur le fait que l’enseignement se fait en s’appuyant sur le sujet, ses acquis et les stratégies qui lui sont familières (Perrenoud, 1997); en effet, des élèves peuvent lire un même texte mais le comprendre différemment : tout dépend de leurs connaissances précédentes ou encore ce qu’il veulent en faire (par exemple : agir ou simplement mieux comprendre). Demander à l’élève de décrire ce qu’il fait, comment il s’y prend pour saisir les données, les mémoriser ou les traduire en action, voilà quelque chose d’utile pour l’élève, obligé ainsi à un processus d’autoréflexion (Berbaum, 1991). Si l’élève a de la peine à définir ses propres stratégies, l’action didactique doit avoir pour but d’enrichir ses compétences pour lui permettre d’expérimenter toutes sortes de stratégies, afin de trouver celle qui lui convient le mieux (Perrenoud, 1997). Il est important que l’enseignant prenne conscience et fasse prendre conscience aux élèves de leur méthode d’apprentissage. Ensuite, une fois le profil de l’élève obtenu, l’enseignant doit concevoir et proposer des activités qui favorisent au mieux l’apprentissage de l’élève. Ces activités d’apprentissage demandent donc à être aussi diverses que variées, et flexibles en fonction des élèves. Ce n’est pas une mince affaire, tout le monde en est conscient. Pouvoir mettre en place sans aucun problème des séquences entièrement dédiées à la différenciation demande une certaine expérience. Les élèves doivent être en confiance et se sentir capables de réaliser les apprentissages que l’on attend d’eux. L’apprenant doit comprendre que, dans la différenciation, il n’y a pas « d’échelle de valeur » qui est mise en place. L’enseignant ne décrète pas qu’un élève est plus « nul » qu’un autre. Au contraire, il est primordial de favoriser la progression, tout en stimulant la création d’une communauté d’apprentissage où la diversité est reconnue, exploitée et valorisée dans un climat d’interdépendance et d’intercompréhension (Prud’homme et Bergeron, 2012). Résumons donc : l’enseignant reconnaît qu’il existe de multiples façons d’apprendre, que chaque élève utilise ses propres stratégies, qu’il fait donc face à un groupe hétérogène et ainsi, qu’il doit développer une variété de stratégies d’enseignement pour que chacun atteigne un même objectif.
Enseignement d’une langue étrangère
Pour débuter ce chapitre, nous nous posons la question des conditions qui favorisent un apprentissage efficace d’une langue étrangère. Pour y répondre, nous allons nous appuyer sur la théorie de Klein (1989). Selon cet auteur, l’acquisition d’une langue peut se faire de deux manières :
– l’acquisition non guidée : « On désigne ainsi l’acquisition d’une langue étrangère par la communication quotidienne, acquisition qui se développe naturellement, et sans interventions systématiques pour guider le processus. » (p.29)
– l’acquisition guidée : celle- ci « doit être vue comme un cas dérivé, comme une tentative de domestiquer un processus naturel. Mais c’est un cas d’acquisition particulièrement important dans la pratique. » (p. 33) .
Cette distinction que fait Klein entre une acquisition non guidée et guidée nous permet de différencier l’acquisition naturelle et l’apprentissage (apprendre) présent dans le domaine scolaire. Selon Bange (2005), l’apprentissage de la langue étrangère est « un processus individuel mis en mouvement et rendu possible par l’interaction avec un partenaire social. » (p. 10). Il relève une différence en l’apprentissage en milieu scolaire et les autres formes d’apprentissage. Celle-ci réside dans le fait que : « l’activité du novice ne se développe pas spontanément (selon ses lois propres) mais qu’elle y est proposée, guidée et évaluée c’est-à-dire en définitive imposée à l’apprenant par son partenaire et par l’interaction au nom du savoir qu’il possède sur les buts et les moyens de l’apprentissage » .
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Table des matières
I. Introduction
II. Partie théorique
1. Problématique
1.1 L’apprentissage, comment fonctionne-t-il ?
1.2 L’intelligence chez l’humain
1.3 Objectif de la recherche
1.4 Contexte de la recherche
2. Cadre conceptuel
2.1 Stratégies d’enseignement
2.1.1 Enseignement centré sur l’élève
2.1.2 Différenciation
2.2 Enseignement d’une langue étrangère
2.3 Stratégies d’apprentissage
2.3.1 Style cognitif ou style d’apprentissage?
2.3.2 L’apprentissage vicariant
2.4 La théorie des intelligences multiples d’Howard Gardner
2.4.1 Apparition et fondement
2.4.2 Définition de l’intelligence
2.4.3 Application de la théorie à l’enseignement et à l’apprentissage
3. Question de recherche et hypothèses
4. Méthodologie
4.1 Population
4.2 Déroulement de l’expérimentation
III. Partie empirique
5. Analyse des résultats
5.1 Données factuelles
5.2 Présentation des résultats selon les différentes variables
5.2.1 Résultats du nombre d’erreurs obtenu selon la préférence d’apprentissage
5.2.2 Résultats du nombre d’erreurs obtenu selon le niveau d’apprentissage
5.2.3 Résultats du nombre d’erreurs obtenu selon le degré d’apprentissage
6. Discussion
7. Conclusion et perspectives
8. Prise de conscience du développement professionnel
Attestation d’authenticité
Bibliographie
Annexes