L’influence de la situation géopolitique au Moyen-Orient sur la génération des accords israélo-arabes

Quelles sont les limites de l’Etat d’Israël ? La question peut paraître surprenante. Chacun peut consulter la carte de ce pays situé le long de la côte orientale de la mer Méditerranée, s’étendant de la Galilée au nord jusqu’à la Mer Rouge au sud, entouré au sud-ouest par l’Egypte et à l’est par le royaume de Jordanie, avec une frontière au nord-est avec la Syrie.

Cette conception objective des limites de l’Etat d’Israël n’est cependant pas la réalité légale, juridique, la frontière de l’Etat d’Israël ne se comprenant pas aussi simplement. Dans les faits, aujourd’hui, l’Etat d’Israël n’a de frontières reconnues qu’avec l’Egypte et la Jordanie, les autres tracés sont des lignes de cessez-le-feu datant de 1948, ou qui ont été modifiées lors de la guerre israélo-arabe de 1967, après la conquête du Golan aux dépens de la Syrie. Ces « frontières » ne sont pas reconnues par les Etats en cause. Il n’y a que les accords de cessez-le feu qui figent une situation post-conflictuelle dans l’attente d’un règlement sans terme pour l’instant, malgré différentes tentatives. Donc, sur les quatre Etats limitrophes d’Israël, la moitié des frontières n’a pas de reconnaissance interétatique et internationale.

Cependant, la situation d’Israël est encore plus complexe. Les cartes de cet Etat font apparaître deux zones « grisées », l’une à l’est, l’autre au sud-ouest. Quelle en est la signification ? Cette différence de « couleur » illustre que ces territoires sont occupés par l’Etat d’Israël depuis la guerre de 1967. Leur statut est très complexe : ils n’appartiennent pas à Israël du point de vue du droit international, la Charte des Nations Unies interdisant la prise de territoires par la guerre, mais cet Etat les administre cependant comme tels.

Les deux frontières d’Israë

L’Etat d’Israël possède donc deux types de frontières, ou de « quasi-frontières » , différentes qu’il faut définir. La première idée qui vient à l’esprit en considérant le statut de ces frontières est que nous sommes face à des états de fait et non à une réalité juridique. Les cartes mentionnent donc des limites factuelles et non des frontières au plein sens du terme, c’est-à-dire une limite reconnue entre deux entités juridiques de droit international, des Etats avec la totalité de leurs prérogatives, exerçant une souveraineté pleine et entière de chaque côté de cette limite, et sans contestation quelconque par une de ces entités étatiques ou un Etat tiers reconnu par l’ordre international.

L’Etat d’Israël est donc dans une situation particulière : d’une part il est contesté dans ses limites par des Etats extérieurs, comme la Syrie et le Liban, d’autre part, les Territoires occupés depuis 1967 demandent leur indépendance, mais sont dans les faits sous administration ou contrôle israélien, malgré l’existence depuis 1993 d’une Autorité palestinienne, qui devait théoriquement être la préfiguration d’un Etat palestinien indépendant.

Le premier type de questions concernant les frontières de l’Etat d’Israël suscite peu de difficultés, car elles ressortent de la négociation classique entre Etats souverains dans le cadre des règles des relations internationales : ce fut le cas de la fixation des frontières entre l’Etat d’Israël, la République Arabe d’Egypte et le royaume de Jordanie. En effet, une fois les conditions requises à une négociation interétatique réunies, des accords ont été rapidement conclus et des frontières reconnues fixées : après la guerre de 1973 et sous la pression des EtatsUnis d’Amérique pour la paix israélo-égyptienne en 1979, et après les accords d’Oslo de 1993, pour la frontière entre Israël et la Jordanie. Il est possible que dans un contexte adéquat des accords soient trouvés avec la Syrie et le Liban dans les mêmes conditions.

Cependant, cette définition classique de la frontière ne suffit pas à exprimer la question de la limite des Territoires occupés. En effet, ceux-ci n’ont jamais juridiquement eu une frontière, même avant la conquête de 1967, car ces lignes n’étaient alors que des lignes de cessez-le-feu issues de la guerre de 1948, par exemple la « ligne verte » entre l’Etat d’Israël et le royaume de Transjordanie.

Contexte idéologique, politique et événementiel du conflit

Le conflit israélo-arabe occupe le champ de l’actualité internationale depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948. Il se passe peu de jours sans que l’on évoque une opération militaire d’un côté, un attentat de l’autre, une déclaration ici, une prise de position là. Cette « guerre de cinquante ans », comme l’ont appelée certains commentateurs, est presque devenue une antienne. On voit chaque soir sur les écrans, ici des corps calcinés, des personnes assassinées, là des hommes en armes, certaines très modernes, d’autres propres à la guérilla. On écrit aussi beaucoup sur le sujet : des centaines de références dans toutes les langues balayant tous les genres littéraires ; romans, nouvelles, souvenirs, études militaires, livres de science politique, d’actualité, par exemple, fournissent un matériel paraissant sans fin au chercheur. Le conflit semble affecter nombre de personnes, directement ou indirectement, qu’elles y soient impliquées réellement ou non. Il apparaît presque comme faisant partie des informations nationales tant il est là quotidiennement. En ce sens, il a pu entraîner des actions violentes et condamnables de la part de groupes se sentant liés aux parties depuis le début de la seconde Intifada. La France est le pays d’Europe où les citoyens juifs et musulmans sont les plus nombreux, comme on l’a déjà noté. Certains se sont alors plus à « importer » sur le territoire français, un conflit politique (problème territorial) au travers de l’attaque de personnalités religieuses et de lieux de culte juifs, par exemple. Ces excès montrent aussi l’importance du sujet pour une frange de la population qui se sent chargée d’un « devoir » envers les parties en présence au Proche-Orient.

La durée de ce conflit peut, en outre, indiquer une différence de stratégies des parties en présence selon la situation géopolitique mondiale ou régionale du moment (Guerre froide, périodes post-soviétique puis post-11 septembre 2001). Le jeu des alliances a été important, par exemple la France est un des partenaires essentiels de l’Etat d’Israël au début de son existence, ensuite la place est prise par les Etats-Unis. La France se retrouve d’ailleurs aujourd’hui dans la situation paradoxale, après avoir été un des principaux soutiens d’Israël lors de sa création, d’être aussi un des pays les plus critiqués par l’Etat hébreux pour ses positions actuelles en faveur de la négociation avec les Palestiniens et de la création d’un Etat palestinien, ainsi que pour les actes antisémites sur son sol, ceci jusqu’en 2005 environ. Les pays arabes ont aussi beaucoup changé d’options politiques nationales et donc internationales. L’Egypte en est un bon exemple. Le leader nationaliste arabe G. Nasser était plutôt proche des Soviétiques alors que son successeur A. Sadate s’est rapproché peu à peu des pays occidentaux, puis a signé une paix séparée entre l’Egypte qu’il dirigeait alors et l’Etat d’Israël.

Il est indispensable de connaître le fond historique et idéologique du conflit pour mettre en évidence son influence manifeste sur la création et la gestion des accords dans la région. La question israélo-arabe n’est pas née avec la création d’Israël en 1948, elle a ses fondements dans l’émancipation des juifs d’Europe à partir du XVIII° siècle et l’affirmation de l’arabité dans les provinces arabes de l’Empire ottoman au XIX° siècle, entité alors en pleine déliquescence. Le jeu des puissances coloniales a eu aussi un rôle essentiel sur la situation actuelle, surtout dans le cas de la Grande Bretagne et de sa lutte contre la France pour le contrôle du Levant. Un autre point important dans la politique britannique régionale de l’époque a été sa recherche d’alliés au Moyen-Orient, ce qui a entraîné des promesses données et reprises aussi vite par les autorités coloniales aux deux parties se trouvant en Palestine mandataire. Au même moment, les nationalismes juif et arabe prenaient de la puissance, sur des bases historiques, ethniques et religieuses différentes, mais avec un point de friction à venir : la Palestine, que les Arabes considèrent comme partie indivisible de leur territoire et les Juifs comme leur foyer national historique où ils ont toujours eu le souhait de se retrouver, en témoignent les prières hébraïques. Après 1948, les faits sont plus aisément perceptibles car il s’agit surtout de conflits armés, mais l’idéologie n’est jamais vraiment absente (on reviendra sur cette question plus loin), et cela même lors des accords d’Oslo. Le contexte historique facilite une nécessaire mise en perspective permettant de comprendre de quelle situation, de quel terreau idéologique à un moment précis sont issus les accords signés depuis Camp David I qui sont le pivot de cette recherche, au sens où un avant et un après sont remarquables à la suite de ces textes. Ils définissent le moment historique où l’Etat d’Israël va commencer à régler juridiquement la question de ses frontières avec ses voisins.

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Table des matières

INTRODUCTION
I. LES DEUX FRONTIÈRES D’ISRAËL
II. DÉFINITION DU CADRE DE RECHERCHE ET DU SUJET
A. Définition du sujet
B. Délimitation du sujet
1. Délimitations géographiques
2. Délimitations temporelles
C. Intérêt du sujet
D. Méthodologie
Première partie : Naissance de l’Etat d’Israël et génération progressive de la frontière interétatique (« externe ») – des accords de cessezle-feu de 1948 à « Camp David I »
1° CHAPITRE : CONTEXTE POLITIQUE, IDEOLOGIQUE ET EVENEMENTIEL DU CONFLIT
I. APERÇU POLITIQUE, IDÉOLOGIQUE ET ÉVÉNEMENTIEL DU CONFLIT ISRAÉLO-ARABE AVANT 1948
A. Aspects culturels et projection de la terre dans les civilisations juive et musulmane Un « irrédentisme » religieux juif et musulman
B. Le statut de la terre dans les religions juive et musulmane : origine et promesse juives – onquête et terre d’islam
Conclusion
II. NAISSANCE DES IDÉOLOGIES NATIONALISTES JUIVE ET ARABE ET LA GUERRE DE 1948 EN PALESTINE
A. La naissance de l’arabisme : l’affirmation d’une nation au cœur de l’islam et de l’Empire ottoman
a. Orientalisme et apparition de l’arabité dans l’Europe du XVIII° au début du XX° siècle
b. La naissance de l’arabisme en Turquie d’Asie : nationalisme et Islam
c. Arabisme culturel et ethnique à la fin du XIX° siècle
d. L’apport religieux au nationalisme arabe
B. L’apparition du sionisme en Orient : l’émergence d’un nouveau nationalisme
a. Les sionismes politique et révisionniste : la modernisation de la revendication historique juive sur la Palestine
b. L’appui du sionisme religieux à l’Etat d’Israël : vision millénariste et actions pragmatiques
c. Le sionisme chrétien aux Etats-Unis d’Amérique
2° CHAPITRE : ISRAEL ET LES ETATS ARABES
I. ISRAËL ET LES ACCORDS D’ARMISTICE DE LA GUERRE DE 1948 : LE
NON-RÈGLEMENT DE LA QUESTION FRONTALIÈRE AVEC LES ETATS ARABES
A. Les rapports de forces entre sionistes et pays arabes à la fin du mandat britannique en 1948
B. La guerre de Palestine de 1948 : perspectives stratégiques israélienne et arabe – la naissance de la question palestinienne
1. Première phase : fin du mandat et création de l’Etat d’Israël
2. Deuxième phase : la guerre de 1948 en Palestine
3. Troisième phase : trêve et reprise des combats
4. Quatrième phase : dissensions dans le nouvel Etat
5. Cinquième phase : la fin du conflit de 1948
C. Les accords d’armistice entre les belligérants du conflit de 1948 : le non-règlement de la question frontalière
1. Des accords séparés entre Israël et ses voisins
2. Les accords d’armistice de 1948
II. LA CONTINUITÉ DU SCHÉMA JURIDIQUE DE STATU QUO FRONTALIER DURANT LES CONFLITS ISRAÉLO-ARABES DE 1956 À 1973
A. 1956 : la confirmation de la puissance israélienne et le retrait des anciennes puissances coloniales des Proche et Moyen-Orients
1. L’Egypte de G. Nasser et l’affaire du canal de Suez : nationalisme arabe et déclin des anciennes puissances mandataires
2. Déroulement du conflit entre l’Egypte et la coalition israélo-franco-britannique
3. Les conséquences géostratégiques et juridiques de l’affaire de Suez : statu quo frontalier et puissance israélienne
B. La guerre de 1967 : débâcle arabe et hégémonie israélienne
1. Contexte et déroulement du conflit de 1967, dit « Guerre des Six jours »
2. 1967 : approfondissement des questions frontalières et palestiniennes
3. Les raisons de la non applications de la résolution 242
III. LA GUERRE DE 1973 (GUERRE DU KIPPOUR OU DU RAMADAN) : UN INTÉRÊT RÉALISTE À NÉGOCIER LA PAIX
A. 1973 ou la remise en question de la suprématie israélienne
B. Israël et l’Egypte : changements internes et réflexion, le rôle des Etats-Unis
C. Camp David I : acte fondateur de la négociation israélo-arabe et transition vers une tentative de règlement général de la question palestinienne
1. Les premiers contacts de haut niveau entre Israéliens et Arabes
2. Camp David I et le traité de paix israélo-égyptien
Seconde partie : La question palestinienne et la frontière « interne » – Cisjordanie et Gaza – le processus d’Oslo et ses suites
3° CHAPITRE : ISRAEL ET LES PALESTINIENS
I. LA QUESTION PALESTINIENNE DANS L’ACCORD-CADRE DE CAMP DAVID ENTRE L’EGYPTE ET L’ETAT D’ISRAËL
II. LES ACCORDS ISRAÉLO-PALESTINIENS DU 13 SEPTEMBRE 1993, DITS « D’OSLO », ET SUIVANTS
A. Le contexte de la négociation et de l’adoption des accords israélo-arabes du 13 septembre 1993, dits « d’Oslo »
1. Les Etats-Unis et la communauté internationale
2. L’Etat d’Israël et l’après- guerre du Golfe
3. La faiblesse de l’OLP dans l’après-guerre du Golfe
4. La conférence de Madrid de 1991 : les prémisses des accords intérimaires d’Oslo de 1993
B. L’accord d’Oslo de 1993 : génération et contenu
1. « Declaration of Principles on Interim Self-Government Arrangements » du 13 septembre 1993
2. Les lettres de reconnaissance entre Israël et l’OLP
C. L’accord intérimaire sur la Cisjordanie et la bande de Gaza de 1995 ou la génération d’un accord inapplicable
1. De 1993 à 1995 : malgré la Déclaration de principes, la situation demeure compliquée sur le terrain
2. L’Accord intérimaire ou Accord israélo-palestinien intérimaire sur la Cisjordanie et la bande de Gaza, dit « Oslo II »
III. LES NÉGOCIATIONS ISRAÉLO-PALESTINIENNES SOUS LE GOUVERNEMENT DE E. BARAK À PARTIR DE 1999
4° CHAPITRE : LES RELATIONS ISRAELO-PALESTINIENNES DEPUIS 2001
I. LES TENTATIVES DE RÈGLEMENT DU CONFLIT ISRAÉLO-ARABE DEPUIS 2000
A. La proposition saoudienne de 2002 et la feuille de route de 2003
B. L’exemplarité comme avenir de la génération du droit entre l’Etat d’Israël et ses voisins ?
II. CONCLUSION GÉNÉRALE ET PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE

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