Une réorganisation de la régulation sociale au sein des quartiers d’habitat social mobilisable par les institutions publiques
Les analyses classiques d’explication de la délinquance par l’anomie urbaine et la baisse du contrôle social informel
L’anomie se définit généralement comme l’absence d’organisation sociale résultant de la disparition des normes communément acceptées.
Or, selon les analystes classiques de la première école de Chicago, c’est bien ce phénomène d’anomie ou plutôt de « désorganisation sociale », qui étant à l’origine du déclin de l’influence des valeurs collectives de l’individu dans les zones urbaines est à même de provoquer des phénomènes de délinquance.
Ainsi la croissance urbaine, que l’on peut observer aux États-Unis dès le début du XXème siècle, et en France au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, s’accompagnerait d’un remplacement progressif des relations sociales primaires par des relations sociales dites secondaires.
En effet, dans ce cadre, les relations établies au sein des institutions sociales traditionnelles telles que la famille, l’école ou la religion s’effritent, ainsi que l’ordre moral qui y était adossé. Ce sont alors les relations sociales ayant lieu au sein d’organisations professionnelles, telles que les entreprises ou les syndicats, au sein d’associations ou des médias qui se développent.
Ce mouvement rejoint celui du passage d’une solidarité mécanique à une solidarité organique comme le démontre le sociologue Emile Durkheim dans son ouvrage de référence De la division du travail social.
L’urbanisation assure ainsi le développement d’une cohésion sociale fondée sur la différenciation et sur l’interdépendance des individus entre eux que favorise la division du travail, au détriment d’une cohésion sociale fondée sur la similitude et la proximité d’individus doués d’une forte conscience collective.
Le développement des relations sociales secondaires et de la solidarité organique encourage donc une montée de l’anonymat et de l’individualisme dans les grandes villes marquées par une forte mobilité des individus, ce qui engendrerait une diminution du contrôle social informel, fondé sur la coutume et les mœurs dominantes, au profit d’un contrôle social davantage formel, fondé sur l’application de la loi par les juges.
Au reste, le sociologue allemand Ferdinand Tönnies analysait déjà la montée de l’insécurité et des comportements déviants du fait du développement anomique des grandes villes qui annulerait toute
forme de contrôle social communautaire, de surveillance mutuelle et d’obligation de secours.
De plus, ce phénomène serait renforcé par la disparition progressive des « quartiers populaires » dans leur acception traditionnelle, ainsi que de la « culture ouvrière ».
Ces quartiers populaires se caractérisaient par la mixité fonctionnelle d’un espace public dense, animé et fréquenté. Ils étaient habités par une population pauvre mais occupée, et tenue par un fort sentiment d’appartenance à la communauté ouvrière, qui se sentait dès lors responsable de ce qui se passe dans la rue.
Mais ces caractéristiques des quartiers populaires ont été mises à mal par une séparation grandissante des fonctions urbaines et le développement d’une vocation unique de l’espace public à n’être qu’un lieu de circulation, ce qui « détruit les conditions de l’implication des habitants dans la surveillance » de celui-ci, comme le rappelle Thierry Oblet dans son ouvrage Défendre la ville : la police, l’urbanisme et les habitants. Ce dernière rajoute que « la destruction de la convivialité de la rue, le désert engendré par l’abandon de la mixité fonctionnelle et l’anonymat complet du voisinage auquel conduit le gigantisme des tours, stérilisent les ferments minimaux d’une vie communautaire : l’entraide et la surveillance spontanée…».
A ce constat se joint la dislocation progressive de la culture ouvrière affaiblie par la montée de l’individualisme, la précarisation du travail et l’avènement du chômage de masse, ou encore l’éclatement du communisme et de l’identité de classe.
Au demeurant, le contexte de crise économique a provoqué des phénomènes d’exclusion sociale mais aussi la concentration de la pauvreté dans les quartiers populaires devenus quartiers d’habitat social, de « relégation ». Le développement d’une ségrégation socio-spatiale, des logiques d’évitements et d’enclavements territoriaux ont engendrées une anomie relative des quartiers d’habitat social vis à vis du reste de la société.
Pour autant, ces phénomènes n’ont pas engendré de désorganisation sociale locale, comme nous allons le voir à présent, mais bien plutôt une réorganisation de la régulation sociale sur des bases plus « communautaires », dans le sens d’un retour relatif à des relations sociales primaires et un contrôle social informel.
Une réorganisation locale de la régulation sociale profitable aux institutions face aux insuffisances des mécanismes modernes d’intégration et de contrôle social
Face au développement du chômage de masse, de la précarité du travail et de la concentration de la pauvreté dans les quartiers d’habitat social se produit donc une certaine désagrégation des liens sociaux et donc une mise à l’écart du reste de la société, ce qui amène certains sociologues à parler de ghettoïsation.
Cependant, comme le souligne Thomas Sauvadet dans son ouvrage Jeunes dangereux, jeunes en danger : comprendre les violences urbaines, en réaction à cette première logique de dégradation des conditions d’existence s’élaborent au sein des quartiers d’habitat social, des protections et solidarités mutuelles établies autour de relations sociales primaires.
Manuel Bouchet résume ainsi dans son ouvrage Turbulences, contrôle, et régulation sociale : les logiques des acteurs sociaux dans les quartiers populaires, que « nous n’assistons pas à la déréliction au sein des territoires d’habitat social mais bien à une recomposition de la régulation sociale ».
Au reste, le sociologue américain William Foot Whyte réfutait déjà dans son ouvrage Street Corner Society publié en 1943, l’idée défendue par les membres de la première école de Chicago d’une omniprésence de la désorganisation sociale dans les ghettos. Si les codes adoptés dans ces quartiers se retrouvaient en opposition avec certaines normes dominantes de la société dans son ensemble, l’organisation sociale locale restait pour autant très ordonnée.
Or, Thomas Sauvadet nous rappelle que l’on retrouve dans les quartiers d’habitat social en France une organisation sociale interne partageant une même sous-culture de rue avec des codes langagiers, vestimentaires, artistiques, musicaux, sportifs mutuels.
D’autre part, Véronique Le Goaziou confirme dans l’ouvrage co-écrit avec Yazid Kherfi, Repris de justesse que l’on « a souvent tendance à considérer que la violence et la délinquance s’expliqueraient par un vide social… La violence au contraire, particulièrement lorsqu’elle s’exerce à plusieurs, est à la fois signe de vie et construction d’un monde ».
On assiste donc dans ces quartiers, en réaction au contexte de crise économique et d’enclavement territorial, à une importante mobilisation des réseaux sociaux à base locale voire familiale assurant à l’individu une forte conscience d’appartenance locale.
Ce sur-investissement affectif des liens proches, ou des « liens forts » pour reprendre les termes du
sociologue américain Mark Granovetter , engendre selon Hugues Lagrange une « surrafiliation à un espace qui, lui-même dans sa totalité, est en rupture avec le reste de la société ». Dans son ouvrage De l’affrontement à l’esquive : violences, délinquances et usages de drogues, ce sociologue affirme bien que l’ « assignation à résidence » symbolique de certains garçons immobiles engendre pour eux « une réévaluation du local, avec le retour à des formes de sociabilités fondées sur des sphères de confiance étroites ».
Au reste, en partant de notre définition de la cohésion sociale , si les mécanismes traditionnels d’intégration dans nos sociétés modernes restent insuffisants dans le contexte de crise économique et de concentration de la pauvreté, les mécanismes de contrôle social formel apparaissent, de la même manière, insuffisants dans ce contexte et celui de quartiers de relégation ayant développés leur propres processus de régulation sociale.
En outre, ces quartiers regroupant souvent une forte proportion de personnes issus de différentes vagues d’immigration, les malentendus culturels nés des différents contextes d’émigration ont aussi contribué à l’insuffisance des instances d’intégration et de contrôle social de notre société moderne.
Or, face aux insuffisances des mécanismes de contrôle social formel dans le contexte de ces quartiers, les institutions publiques ont cherché outre-Manche et outre-Atlantique, à encourager le contrôle social informel pour prévenir la délinquance. C’est le sens des expériences de « community policing », qui se sont appuyées sur la réorganisation locale de la régulation sociale sur des bases communautaires, dont l’objectif, au moins dans la rhétorique, est de développer le sentiment d’appartenance à la communauté locale et ainsi une plus grande surveillance mutuelle et obligation de secours.
L’idée étant, pour Manuel Boucher, de « rétablir la confiance entre les gens alors que la démarche française veut surtout rétablir la confiance envers les institutions ».
Nicolas Sanfourche, nous rappelle ainsi que le slogan des « Neighborhood Watch », soit des organisations anglaises de voisins vigilants supportées par le Home Office, n’est autre que : « Crime cannot flourish in community that cares ».
Au reste, la célèbre « théorie de la vitre cassée » de James Wilson et Georges Kelling , qui a servie de base théorique à certaines expériences de « community policing », avant d’être reprise par les partisans de la « tolérance zéro », insiste sur l’importance du contrôle social informel développé par les communautés solidaires de voisinage. Selon cette théorie, de petites détériorations sur l’espace public telles qu’une vitre cassée sont un signal d’abandon qui appellent de plus graves dégradations si elles ne sont pas vite remplacées. Les auteurs affirment alors que : « la police a essayé dans le passé de contrôler des quartiers sans impliquer ses résidents. Le résultat fut désastreux. La criminalité resta largement non-affectée. Les jeunes déjà hostiles à la police le devinrent encore plus. Pire encore, les citoyens se séparèrent de la police ! ».
Les forces de police outre-Manche et outre-Atlantique ont donc établi des liens de confiance avec les communautés locales des quartiers dégradés et les ont invités à participer à la coproduction de la sécurité de leur quartier.
Fort de ces expériences anglo-saxonnes, et alors que l’on retrouve en France les mêmes insuffisances des mécanismes traditionnels d’intégration sociale et de contrôle social formel, de nombreux universitaires appellent à faire davantage confiance aux habitants des quartiers d’habitat social.
Certains souhaiteraient ainsi partir de ce double contexte de crise économique et d’enclavement territorial des quartiers d’une part, et par conséquence de réorganisation locale de la régulation sociale dans ces quartiers d’autre part, pour promouvoir un « empowerment » des habitants. Ce dernier se réalisant notamment via la coproduction des politiques publiques, telles que la politique locale de sécurité et de prévention de la délinquance, alors que le contexte français y est comme nous l’avons vu défavorable.
Pour exemple, la psychosociologue Joëlle Bordet affirme ainsi que « la lutte contre les violences et les sentiments d’insécurité ne peut pas être aujourd’hui le seul fait des institutions régaliennes de l’État, elle implique d’autres lieux de pouvoir et d’autres dimensions de la vie sociale », avant d’appeler à reconnaître les « communautés de vie ». Thierry Oblet appelle quant à lui à la mise en place d’une « police des villes » composée des services de l’État (police, justice, éducation nationale) mais aussi des collectivités locales, des associations, des entreprises et des habitants, ce que Manuel Boucher assimile à une intensification et une complexification du contrôle social.
Nicolas Sanfourche évoque l’idée de s’inspirer de la doctrine anglaise du « policing by the community », où les institutions sont censées « encourager sans diriger, initier sans s’approprier » la coproduction locale de la sécurité, avant d’insister sur « le dynamisme culturel et associatif des quartiers comme levier à l’action publique contre la délinquance ».
De ce fait, il s’agit donc de faire des habitants des acteurs à part entière de la régulation sociale, et ce notamment par la mobilisation de leur « capital social », au sens du politologue américain Robert Putnam. Cette notion se définit comme l’ensemble des réseaux sociaux et des normes de confiance mutuelle permettant par son usage, la collaboration d’un groupe humain.
Dans le cadre de la coproduction locale de la sécurité, Manuel Boucher analyse cette mobilisation du « capital social » comme le fait de devoir trouver un équilibre entre les liens forts, de « sociabilité d’inter-connaissance qui soudent les individus dans des communautés chaleureuses », et les liens faibles, « soit des relations sociales anonymes permettant de circuler en ville et favorables à l’insertion socioprofessionnelle ». La mobilisation des liens faibles visant l’intégration sociale, en donnant notamment « l’espoir aux jeunes des « quartiers sensibles », qu’ils pourront potentiellement bénéficier des richesses de la vie urbaine », tandis que la mobilisation des liens forts sert la logique de contrôle social dans le cadre de la coproduction de la sécurité via « le fort développement de relations sociales horizontales de coopération et de réciprocité ».
Par ailleurs, Thierry Oblet insiste sur le caractère civique d’une « police des villes » qui s’appuie bien sur une « participation mêlée » des habitants, la sécurité des habitants reposant davantage « sur des relations horizontales de réciprocité que sur des relations de dépendance envers les institutions traditionnelles ».
Une réorganisation de la régulation sociale a donc lieu au sein des quartiers d’habitat social, dont les institutions peuvent se servir comme nous venons de le voir, dans le cadre de leur politique de sécurité publique et de prévention de la délinquance.
Au regard de cette réorganisation locale, les analyses classiques de l’école de Chicago expliquant le développement de la délinquance par l’anomie locale et donc la diminution du contrôle social informel semblent donc invalidées.
Ce d’autant plus au regard de la prégnance d’un contrôle social de nature sexué dans les quartiers d’habitat social. Marylène Lieber, dans son ouvrage Genre, violences et espaces publics : la vulnérabilité des femmes en question, rappelle ainsi que « si dans le langage commun et dans certaines recherches, on relie la montée des violences à une perte de contrôle social, dans le cas des femmes la situation n’est pas la même. En l’occurrence, les violences viennent renforcer le contrôle social sexué, participant à la reproduction des identités de sexe » . Elle assure enfin que la peur sexuée est « le reflet de la persistance d’une forme de contrôle social ».
L’influence des rapports sociaux de sexe locaux sur les trajectoires délinquantes des jeunes hommes
Description des mécanismes et conséquences du contrôle social sexué au sein des quartiers d’habitat social
Il faut tout d’abord assurer que le contrôle social sexué n’est pas le seul fait des quartiers d’habitat social, mais qu’il est exacerbé dans cet environnement de concentration de personnes exclues. Sarah Lazzaroni rappelle par ailleurs que l’architecture de ces quartiers joue un rôle dans le redoublement du contrôle social: « la forme architecturale de la cité conçue pour regrouper un maximum de gens dans un minimum d’espace contribue fortement à l’inter-connaissance et au contrôle mutuel ».
De plus, il semble nécessaire de rappeler qu’il s’agit d’un phénomène de société et non pas d’un simple problème à caractère privé, bien que comme le souligne Jalna Hanmer, « ce phénomène n’apparaît pas comme un fait social, il n’est reconnu que comme un problème individuel ».
En outre, ce contrôle de nature sexué est essentiellement exercé par une minorité de jeunes hommes et garçons habitant les quartiers d’habitat social, mais qui ne sont pas représentatifs de l’ensemble de la jeunesse de ces quartiers, comme le rappelle Nacira Guénif-Souilamas dans son ouvrage Les féministes et le garçon arabe.
Le contrôle social sexué au sein des quartiers d’habitat social se matérialise premièrement par une restriction plus ou moins ferme de l’accès à l’espace public pour les jeunes femmes et filles. L’accès à l’espace public est notamment conditionné aux buts de l’occupation de l’espace public et aux horaires de sortie.
Ce contrôle social sexué s’appuie sur le puissant mécanisme des rumeurs et de la réputation. Les jeunes hommes qui « tiennent les murs » commentent et fabulent ainsi la « respectabilité » des jeunes femmes à partir de leur démarches, tenues vestimentaires, maquillage…Cela amène à une catégorisation des jeunes femmes du quartier entre « filles sérieuses » et « filles faciles ».Certaines jeunes femmes du quartier développent alors des stratégies en réaction à ce contrôle des comportements. Ainsi, certaines « jouent » (au moins en façade) « le jeu de la fille sérieuse », par l’observance marquée de pratiques religieuses ou des rôles traditionnels assignés aux femmes. Le port du voile islamique peut à ce titre relever en partie de cette stratégie. D’autres développent leur sociabilité à l’extérieur du quartier, qu’elles ne parcourent que rarement. Enfin, quelques unes adoptent les codes de la masculinité des quartiers d’habitat social pour mieux se protéger du jugement des jeunes hommes.
Un contrôle social sexué et des trajectoires délinquantes renforcées par la peur de l’émancipation féminine.
L’enfermement de certains garçons et jeunes hommes des quartiers d’habitat social dans une logique d’affrontement, l’injonction à la virilité et au rôle de « protecteur » rend d’autant plus compliqué leur intégration socioprofessionnelle.
En effet, leur attachement au territoire et les « liens forts » qu’ils tissent au sein de leur groupe de pairs leur apportent une sécurité à l’intérieur du quartier. Cependant, ces liens forts et leur manque de « liens faibles » constituent un sérieux handicap à la sortie du quartier.
En revanche, la majorité des filles et jeunes femmes des quartiers d’habitat social ne s’inscrivent pas dans de telles logiques et cherchent même au contraire davantage à s’intégrer au reste de la société, via la réussite scolaire ou encore une sociabilité développée à l’extérieur du quartier. Cette recherche s’expliquant comme un moyen de sortir du quartier et du contrôle social sexué exercé par les jeunes hommes, et ainsi de s’émanciper.
Au demeurant, Joëlle Bordet rappelle qu’ « alors que les filles cherchent leur reconnaissance auprès des institutions et souhaitent établir des liens avec les garçons qui ne s’inscrivent pas au cœur de la vie de la cité, face à l’exclusion sociale, les garçons renforcent leur attachement à l’exercice de la force, à l’affirmation de leur virilité au risque de la domination ».
Certains jeunes hommes des quartiers d’habitat social sont ainsi rendus et se rendent les premières victimes de l’exclusion socioprofessionnelle, subissant alors le chômage ou la précarité de l’emploi, mais aussi les discriminations et le racisme, pour ceux d’origine étrangère, ce qui vient renforcer l’attraction de leur trajectoire délinquante.
Didier Lapeyronnie déclare ainsi que « chez ces jeunes garçons arabes, le racisme et la discrimination cumulent le genre et la race mais aussi l’âge…ces jeunes garçons sont beaucoup plus assignés et fixés aux stéréotypes que les jeunes femmes ». En revanche, « la féminité protège les femmes et les jeunes femmes du racisme ».
En outre, l’émancipation féminine vient alors renforcer la honte de ces jeunes hommes exclus.
Celle-ci est par ailleurs « vécue par les hommes comme une forme de trahison d’une solidarité raciale et sociale ». Pascale Jamoulle exprime alors que lorsque les jeunes femmes prennent leur indépendance, « les souffrances sociales les plus intimes des jeunes du noyau (de délinquance) se logent là, dans leurs difficultés relationnelles avec l’autre sexe ».
La féminité, protection face au racisme, favorise donc l’émancipation des femmes. Dans cette optique, il faut remarquer que le contrôle social sexué des jeunes hommes s’effectue moins sur les femmes que sur les signes de féminité, assimilés à l’émancipation. Ainsi, Fadela Amara dans son ouvrage Ni putes ni soumises, constate que « la féminité est vécue par ces garçons comme une provocation » , tandis que Didier Lapeyronnie estime que « la présence des femmes dans l’espace public pose moins problème que celle de la féminité » et remarque que les jeunes hommes « désexualisent » les jeunes femmes « à l’intérieur du ghetto interdisant toute forme de manifestation de féminité ».
Enfin, le contrôle social sexué et l’affirmation de la virilité de certains jeunes hommes des quartiers d’habitat social est aussi consolidé par un rapport défaillant aux pères voire aux grands-frères.
L’influence de la réorganisation de la régulation sociale et des rapports sociaux de sexe à Villiers -le-Bel dans l’émergence et la composition du collectif du 29 Juin
Nous constaterons que le collectif du 29 Juin à Villiers-le-Bel apparaît comme une expérience de participation coproductive en matière de sécurité publique s’inscrivant dans une réorganisation locale de la régulation sociale et dont la composition est influencée par les rapports sociaux de sexe locaux.
Ainsi, le contexte d’enclavement social et territorial et l’historique local de conflits inter-quartiers contribue à l’émergence du collectif du 29 Juin. Ce dernier se construit de manière informelle autour de grands axes de travail en cherchant à promouvoir un contrôle social informel et une intégration sociale des habitants. Il s’agit alors d’un acteur de la réorganisation locale de la régulation sociale, utilisé et accompagné par l’exécutif communal étant donné les apports possibles que représente cette instance de participation coproductive pour le développement de la cohésion sociale et du vivre ensemble à Villiers-le-Bel dans son ensemble (Chapitre I).
D’autre part, les rapports sociaux de sexe locaux influent donc la composition de ce collectif regroupant avant tout des femmes et mères de famille. Effectivement, la dépaternalisation relative des quartiers d’habitat social provoque une sur-valorisation du statut maternel. Or, celle-ci explique la composition actuelle du collectif et légitime son action auprès des jeunes hommes et notamment ceux s’inscrivant dans des trajectoires délinquantes et/ou exerçant un contrôle social sexué (Chapitre II).
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Table des matières
Remerciements
Sommaire
Introduction
Partie I : La participation coproductive des habitants en matière de sécurité publique dans le cadre des rapports sociaux de sexe et de la réorganisation de la régulation sociale au sein des quartiers d’habitat social
Chapitre I : Définition des termes principaux
Chapitre II : Limitations et apports possibles d’une participation coproductive des habitants en matière de sécurité publique
Section 1 : Un contexte français défavorable à une participation coproductive
Section 2 : Les réticences et les risques liés à une participation coproductive en matière de sécurité publique
Section 3 : Les apports possibles d’une participation coproductive en matière de sécurité publique
Chapitre III : Une réorganisation de la régulation sociale au sein des quartiers d’habitat social mobilisable par les institutions publiques
Section 1 : Les analyses classiques d’explication de la délinquance par l’anomie urbaine et la baisse du contrôle social informel
Section 2 : Une réorganisation locale de la régulation sociale profitable aux institutions face aux insuffisances des mécanismes modernes d’intégration et de contrôle social
Chapitre IV : L’influence des rapports sociaux de sexe locaux sur les trajectoires délinquantes des jeunes hommes
Section 1 : Description des mécanismes et conséquences du contrôle social sexué au sein des quartiers d’habitat social
Section 2 : Un contrôle social sexué et une injonction à la virilité comme quête de reconnaissance des jeunes hommes en réponse à leur exclusion sociale
Section 3 :Un contrôle social sexué et des trajectoires délinquantes renforcées par la peur de l’émancipation féminine
Section 4 : Un rapport défaillant aux pères et grands-frères encourageant les trajectoires délinquantes des jeunes hommes
Partie II : L’influence de la réorganisation de la régulation sociale et des rapports sociaux de sexe à Villiers-le-Bel dans l’émergence et la composition du collectif du 29 Juin
Chapitre I : Une expérience de participation s’inscrivant dans une réorganisation locale de la régulation sociale
Section 1 : Un contexte et historique local contribuant à l’émergence du collectif du 29 Juin
Section 2 : Un collectif informel s’inscrivant dans la réorganisation locale de la régulation
sociale
Section 3 : Une instance de participation mobilisée par l’exécutif communal
Chapitre II : Des rapports sociaux de sexe locaux influant sur la composition du collectif du 29 Juin
Section 1 : Une présence quasi-exclusive de mères de famille
Section 2 : Une composition du collectif s’expliquant par la dépaternalisation relative des quartiers d’habitat social
Section 3 :Un statut maternel sur-valorisé comme conséquence de la dépaternalisation légitimant les membres du collectif
Partie III : L’influence du collectif du 29 Juin sur le développement de la cohésion sociale et sur les rapports sociaux de sexe à Villiers-le-Bel
Chapitre I : L’action du collectif du 29 Juin en faveur de la cohésion sociale à Villiers-le-Bel
Section 1 : Des partenariats et coproductions avec les institutions publiques locales
Section 2 : Les multiples apports des actions partenariales du collectif du 29 Juin
Section 3 : Le collectif du 29 Juin comme acteur de la réorganisation locale de la régulation sociale
Chapitre II : Les incidences de l’action du collectif du 29 Juin sur les rapports sociaux de sexe à Villiers-le-Bel
Section 1 : Une réappropriation de l’espace public et un symbole d’émancipation féminine
Section 2 : Un soutien au retour des pères et à l’intégration sociale des jeunes hommes
Conclusion
Bibliographie
Liste des entretiens
Table des annexes
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