L’histoire des PMI
C’est par l’ordonnance du 2 novembre 1945 qu’est fondé le service de PMI. Ce système est conçu dans un contexte d’après-guerre, où la condition sanitaire des femmes et des enfants est médiocre. En effet, la mortalité infantile en France est très élevée à cette époque. Ces nouveaux services doivent ainsi assurer la protection médico-sociale systématique des femmes enceintes et des enfants de 0 à 6 ans. Pour cela, la PMI répond à trois principes fondamentaux : l’accessibilité universelle, la gratuité et le caractère préventif de ses actions. Par le décret du 19 juillet 1962, la PMI devient une structure départementale gérée par la Direction Départementale des Affaires Sanitaires et Sociales (DDASS). Progressivement, les objectifs vont évoluer : l’idée d’une santé globale va émerger. Le service de PMI va continuer de lutter contre la mortalité infantile mais va également avoir un rôle de dépistage et d’orientation pour différents handicaps, qu’ils soient psychiques, moteurs ou sensoriels. Par la suite, les lois de décentralisation de 1982 et 1983 et les lois de 1986 transfèrent aux Conseils généraux la gestion et l’organisation des services de PMI. C’est ainsi que les services départementaux de PMI s’inscrivent dans les politiques territoriales de santé et interviennent au plus près des réalités locales. Le service de PMI joue un rôle important dans le dépistage et l’accompagnement des familles et des nouveau-nés.
Les missions des structures de PMI
Quelles sont alors les missions de la PMI ? L’article L2112-23 du Code de la santé publique, en vigueur depuis le 9 février 2022, donne une liste des missions et obligations des services de PMI. Ils réalisent des consultations et des actions de prévention auprès des femmes enceintes et des enfants jusqu’à l’âge de 6 ans, mais également pour les familles en période pré et postnatale et cela éventuellement à domicile. Ils réalisent des bilans de santé et ont un rôle dans les activités de planification et d’éducation familiale, dont la réalisation d’Interruptions Volontaires de Grossesse (IVG) par voie médicamenteuse. Les services de PMI s’occupent du recueil et du traitement d’informations épidémiologiques. Ils permettent l’édition et la diffusion de supports d’informations destinés aux couples. Ils prévoient aussi des actions à but informatif sur la profession d’assistant maternel, ainsi que leur agrément et un encadrement de la formation et du travail auprès des enfants. Pour terminer, la PMI s’engage dans des actions de prévention et de prise en charge des mineurs en danger ou qui risquent de l’être. L’article L2112-24 du Code de la santé publique se termine en spécifiant que “le service contribue également, à l’occasion des consultations et actions de prévention médico-sociales […], aux actions de prévention et de dépistage des troubles du développement physique ou psycho affectif, des troubles du neuro-développement et des troubles sensoriels ainsi qu’aux actions de promotion des environnements et des comportements favorables à la santé. Il oriente, le cas échéant, l’enfant vers les professionnels de santé et les structures spécialisées.”
La psycho-quoi ?
La psychomotricité, qu’est-ce que c’est ? Les termes psycho et motricité sont ainsi assemblés en un seul et même mot. La psychomotricité se base autant sur le fonctionnement moteur que sur le fonctionnement psychique du sujet. Le corps et l’esprit ne font qu’un : la construction psychique ne peut être dissociée de l’organisation neuromotrice. C. POTEL (2019) insiste sur “le lien indissoluble avec une fonctionnalité corporelle qui n’est jamais seulement mécanique et anatomique, puisque toujours liée à la vie psychique et imprégnée de désir, de plaisir, de conflits, les trois données de la pulsion de vivre.” C’est ainsi que la psychomotricité est l’étude de l’ensemble des relations qui existent entre l’activité motrice et le psychisme. C’est une profession paramédicale reconnue par l’État. Le champ des compétences du psychomotricien est régi par un décret : l’article R4332-15 du Code de la santé publique, en vigueur depuis le 8 août 2004. Celui-ci énumère les différents actes professionnels pouvant être réalisés : bilan psychomoteur, éducation précoce et stimulation psychomotrices, rééducation des troubles du développement psychomoteur ou des désordres psychomoteurs et contribution, par des techniques d’approche corporelle, au traitement de différents troubles. Le psychomotricien conçoit, élabore et réalise des actions d’éducation psychomotrice, de prévention, d’éducation pour la santé, de rééducation, de réadaptation et de psychothérapie à médiation corporelle. Il accompagne les patients en proposant une approche globale. L’approche psychomotrice en PMI est variée tout comme les pathologies observées. Le suivi en psychomotricité se fait, le plus souvent, avec la présence des parents lors des séances. Une des approches psychomotrices en PMI est la prévention. En effet, la psychomotricienne donne des conseils sur le portage, les activités pouvant être faites avec le bébé, les positions que l’enfant peut adopter et celles à éviter. La durée d’une prise en charge varie dans le temps, elle peut être courte, seulement quelques séances, ou plus longue pour soutenir la parentalité, et aider à l’ajustement relationnel. Néanmoins, la PMI n’est pas un lieu privilégié pour une prise en charge à long terme. La structure permet, le plus souvent, d’orienter les enfants dans des structures plus spécifiques à leurs pathologies, CMP , CAMPS, etc. Malheureusement, ces structures ont des listes d’attente relativement longues. La PMI permet une prise en charge précoce. Ainsi, l’évaluation et l’orientation des enfants font partie intégrante de la prise en charge psychomotrice en PMI. Le profil psychomoteur de l’enfant est établi par l’observation du jeu spontané et la réalisation de bilans standardisés. Cela permet de connaître les facilités et les difficultés de l’enfant. L’interaction parent-enfant est aussi un élément important observé lors des séances. La psychomotricienne reçoit des enfants présentant notamment des retards psychomoteurs, des troubles de la relation, etc. La guidance parentale est également au cœur de la prise en charge. Par ailleurs, elle intervient aussi en crèche et en école.
La situation familiale d’Anna
Concernant les parents, la mère est âgée de 29 ans, le père de 32 ans. Ils ont un parcours de PMA7 qui, après 5 années de tentatives, n’a pas pu se concrétiser. Ils entrent finalement à la maison d’adoption et reçoivent l’agrément en 2019. Lors de notre première rencontre, la mère d’Anna nous dit directement avec un immense sourire “ Nous avons adopté Anna le 15 juillet 2021, elle avait 3 mois et demi.” L’adoption a été confirmée le 18 janvier 2022, la filiation devrait se faire avant la fin de l’année 2022. La mère biologique nomme cette petite fille Lili lors de la naissance. Les parents préfèrent la renommer Anna. C’est la mère d’Anna qui l’accompagne lors des séances de psychomotricité, car celle-ci a un congé parental jusqu’au mois d’octobre 2022. Le père se montre également disponible et se libère de son travail pour être présent lors de certaines séances. La situation familiale semble soutenante. Lors des séances, la mère nous parle souvent des grands-parents, des oncles et des tantes qui entourent Anna.
La prise en charge en psychomotricité de Malia
La prise en charge de Malia commence en novembre 2020, elle est alors âgée de 8 mois. À ce moment-là, le suivi a lieu en visioconférence. La rencontre se fait alors via un écran. Une prise en charge en PMI s’est mise en place en juillet 2021, signant alors la fin des séances en visioconférence. Je rencontre Malia en septembre 2021. Je la vois à raison d’une fois par mois environ, le jeudi. Elle est suivie en psychomotricité en PMI à titre préventif dans le cadre du suivi des enfants nés prématurément. L’axe thérapeutique est centré sur le soutien de l’exploration et de l’expérimentation. Travailler autour de la relation semble aussi important avec cette petite fille. Un travail thérapeutique est surtout amorcé avec la mère. Elle ne semble pas voir les difficultés de sa fille. Elle intervient souvent et ne parvient pas à laisser Malia expérimenter seule. Elle paraît agacée par la lenteur de Malia.
Être femme, devenir Mère
Devenir mère est une étape entraînant de nombreux changements, que ce soit d’ordre physique ou psychique. Tout d’abord, avoir un enfant engendre un changement radical de l’identité de la femme. En effet, elle se voit vivre un changement de statut aux niveaux social, familial ou individuel. Au niveau social, la femme enceinte acquiert le statut de personne vulnérable, personne devant être protégée et a, de ce fait, des signes de distinction visibles dans la société comme les places assises réservées ou des files d’attente prioritaires. La femme avec un nouveau-né est également vue comme une personne fragile. Au niveau familial, l’arrivée d’un enfant engendre un changement générationnel pour la femme. Elle passe du statut de fille à celui de mère. Au niveau individuel, la mère doit désormais s’occuper et prendre soin de cet enfant, subvenir à ses besoins. C’est alors une grande responsabilité. Certaines femmes de mon entourage m’ont fait part du fait que, lors de la naissance de leurs enfants, elles se sont oubliées, n’ont plus pensé à elles, pour laisser place au nouveau-né et à leur rôle de mère. D’autres femmes peuvent avoir le sentiment de renoncer à leur vie d’avant la grossesse et se sentir illégitimes. Les mères, et les parents en général, doivent maintenant penser pour deux : eux-mêmes et leur enfant. Ainsi, l’identité de la femme évolue lorsqu’elle devient mère. Sa maternité peut être visible par de nombreuses manifestations physiques, notamment lorsque la femme est enceinte : nausées, arrêt des règles, prise de poids, etc. L’entourage de la future mère est alors attentif à ces modifications, cette maternité corporelle est reconnue. J.M. DELASSUS dénonce le fait qu’il n’y a pas d’identité reconnue pour la maternité d’ordre psychique. Si dans le monde médical nous nous soucions de la grossesse, de l’accouchement, du bébé, nous n’imaginons pas “que la maternité puisse – en même temps qu’elle est physique – être aussi d’une autre nature. […] En un mot, on ne se soucie pas de la maternité au sens psychique du terme. Celle-ci n’a aucune identité reconnue. Plus exactement, la maternité psychique, c’est-à-dire la maternité humaine, n’existe que sous une fausse identité, celle de la maternité biologique […]. Quant à la maternité psychique, si elle est effectivement vécue par la femme, c’est en secret […] ” (DELASSUS, 2011, p. 387). Ainsi la part de processus psychique dynamique n’est pas prise en compte, la maternité n’existe souvent que sous forme biologique.
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Table des matières
INTRODUCTION
CLINIQUE
Une structure institutionnelle : la PMI
1.1 La PMI
1.1.1 L’histoire des PMI
1.1.2 Les missions des structures de PMI
1.1.3 Le personnel
1.1.4 La structure
1.2 La place de la psychomotricité en PMI
1.2.1 La psycho-quoi ?
1.2.2 La place de stagiaire
La présentation des enfants
2.1 Qui est Anna ?
2.1.1 La situation familiale d’Anna
2.1.2 La prise en charge en psychomotricité d’Anna
2.1.3 Le développement d’Anna
2.1.4 La question du lien pour Anna
2.2 Qui est Malia ?
2.2.1 La situation familiale de Malia
2.2.2 La prise en charge en psychomotricité de Malia
2.2.3 Le développement de Malia
2.2.4 La question du lien pour Malia
2.3 Qui est Nina ?
2.3.1 La situation familiale de Nina
2.3.2 La prise en charge en psychomotricité de Nina
2.3.3 Le développement de Nina
2.3.4 La question du lien pour Nina
THÉORIE
Devenir parents
1.1 Être femme, devenir Mère
1.1.1 La grossesse, un corps pour deux
1.1.2 L’accouchement, la rencontre de deux inconnus
1.1.3 Le traumatisme du post-partum
1.2 Le père
1.3 La parentalité
1.3.1 Définition
1.3.2 Construction de la parentalité
1.3.3 Plusieurs parentalités
Devenir enfant
2.1 Un nouveau regard sur le nourrisson
2.2 La sécurité, un besoin fondamental pour le bébé
2.3 Les compétences du nouveau-né
2.3.1 Les compétences sensorielles
2.3.2 Les compétences psychomotrices
2.3.3 Les compétences relationnelles
Les interactions précoces
3.1 Les interactions comportementales
3.1.1 Les interactions corporelles
3.1.2 Les interactions visuelles
3.1.3 Les interactions vocales
3.1.4 Les interactions olfactives
3.2 Les interactions affectives
3.3 Les interactions imaginaires et fantasmatiques
3.4 La perturbation des interactions précoces
DISCUSSION
L’attachement, créer le lien
1.1 La théorie de l’attachement
1.2 Figure d’attachement
1.3 Différents types d’attachement
1.4 S’attacher pour mieux se détacher : l’exploration
Le rôle du psychomotricien
2.1 Créer un espace, un cadre thérapeutique
2.2 Le cadre psychique
2.3 Auprès de bébés
2.3.1 Le psychomotricien soutient le développement
2.3.2 Le psychomotricien est un lecteur, un décodeur du corps de l’enfant
2.3.3 Le psychomotricien est un partenaire de jeu
2.4 Auprès des parents
2.4.1 Les préalables
2.4.1.1 L’accord et la motivation des parents
2.4.1.2 L’alliance thérapeutique
2.4.2 Guidance parentale, soutenir la parentalité
2.4.3 L’influence de la perception du bébé par les parents
2.4.4 Une écoute
2.4.5 Informer
2.4.6 Mettre en lumière les compétences parentales
2.4.7 Chacun à sa place
Environnement actuel : le COVID-19
Le psychomotricien, le stagiaire, le parent et l’enfant
Les difficultés et les limites de la psychomotricité en PMI
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
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