La définition générale de la coparentalité
Simplement définie, la coparentalité réfère à l’ ensemble des interactions concernant l’ enfant entre les adultes responsables de l’ éducation et des soins de cet enfant (Adamson et Pasley, 2006; Mchale et Lindahl, 2011). Plus précisément, ce concept concerne le soutien et la coordination (ou le manque de soutien et de coordination) que les adultes manifestent l’ un envers l’autre dans leur rôle de parent (Feinberg, 2003). Précisons que « cette relation coparentale n’ inclut pas les aspects romantiques, sexuels, amicaux, émotionnels, financiers et légaux de la relation entre adultes qui ne concernent pas l’enfant.» [traduction libre] (Feinberg, p.96). Par ailleurs, la coparentalité n’ implique pas que les rôles parentaux soient répartis équitablement entre les deux parents. Ainsi, il existe de nombreuses façons de vivre une relation coparentale et de jouer son rôle de coparent (Drapeau, Tremblay, Cyr, Godbout et Gagné, 2008). Pour comprendre plus en profondeur le concept de la coparentalité, il est nécessaire, dans un premier temps, de définir ce qu’ est un coparent et, dans un second temps, de bien saisir l’ aspect triadique qui est au cœur de ce concept. Selon Mchale et Irace (20 Il), deux critères permettent de définir ce qu’ est un coparent. Le premier critère concerne la personne qui détient l’ autorité légale de prendre les décisions pour l’ enfant. Au Québec, lorsque deux parents se séparent, l’autorité parentale légale est conservée par les deux parents, et ce, même si l’enfant vit exclusivement chez un de ses deux parents (Educa1oi, 2016a). En tenant uniquement compte de ce critère, un père ne s’ impliquant pas dans la vie de son enfant partagerait tout de même une coparentalité avec la mère de l’enfant. Le second critère, tout aussi important que le premier, nuance justement cette dernière définition du coparent en s’ intéressant à la personne qui est réellement impliquée en tant que figure d’attachement et de socialisation dans la vie de l’ enfant (Mchale et Irace).
La coparentalité dans le contexte particulier de la séparation parentale
Bien que la coparentalité puisse s’ exercer dans divers contextes, cela ne signifie pas qu’elle s’exerce de manière similaire au sein des différentes familles. La séparation parentale est un des évènements qui influencent la manière dont la relation coparentale est vécue. En effet, lorsque deux coparents, deux adultes ayant la responsabilité d’ un même enfant, mettent fin à leur relation conjugale, leur union intime, sociale, sexuelle et financière prend fin.
Toutefois, en conservant chacun leur rôle de parent auprès du même enfant, l’ aspect parental de leur relation se poursuit, et ce, même après la rupture conjugale (Maccoby et Mnookin, 1992). Après la séparation, il est presque impossible de poursuivre la relation coparentale telle qu’ elle était avant la séparation (Maccoby et Mnookin, 1992). En fait, plusieurs aspects de la relation coparentale vécue par un couple diffèrent de celle vécue par des ex-conjoints. Un premier aspect unique à la coparentalité postséparation concerne la gestion du déplacement de l’enfant entre les milieux de vie des deux parents (MacBroom, 2011 ; Maccoby et Mnookin). Cet aspect est central dans la coparentalité postséparation, étant donné que, même lorsqu’ un plan de garde précis est établi à la suite de la séparation parentale, le déplacement de l’ enfant et le temps de garde de chaque parent doivent souvent être renégociés au fil du temps.
La division des tâches concernant l’enfant est un deuxième aspect qui distingue la relation coparentale postséparation de celle en union (Maccoby et Mnookin, 1992). Il apparait effectivement difficile de répliquer la même division des tâches qui prévalait avant la rupture, puisque, par exemple, le parent devra réaliser des tâches qui, avant, étaient prises en charge par l’autre parent. C’est d’ailleurs en ce sens qu’ un minimum de communication entre les deux coparents séparés est nécessaire afin d’exécuter avec cohérence l’ensemble des tâches parentales concernant l’éducation de l’ enfant (Maccoby et Mnookin).
La division des tâches et des responsabilités parentales
Une première dimension de la coparentalité concerne la division des tâches et des responsabilités relatives à l’enfant entre les parents. Van Egeren et Hawkins (2004) ainsi que Feinberg (2003) définissent de manière similaire cette dimension, aussi appelée parentalité partagée, en précisant que l’enjeu au sein de cette dernière concerne le degré de satisfaction des parents concernant la manière dont les tâches sont divisées. Cette idée va dans le même sens que ce qui a été énoncé plus haut quant au partage des responsabilités concernant l’enfant qui n’ a pas à être égal pour assurer une coparentalité adaptée (Feinberg). Certains auteurs incluent aussi dans cette dimension le degré d’ engagement et d’ implication envers l’enfant de chacun des parents (Mchale et al., 2004; Van Egeren et Hawkins). Feinberg inclut, quant à lui, le degré de flexibilité et de rigidité avec lequel les parents en viennent à leurs arrangements. Généralement, la flexibilité est considérée comme positive, bien que la rigidité puisse parfois éliminer certaines sources de conflits lorsque deux parents sont très hostiles dans leurs interactions (Drapeau et al. , 2008).
Le modèle écologique de la coparentalité
Il est clair qu’une coparentalité adaptée suivant la rupture conjugale est déterminante pour favoriser l’adaptation positive des familles en contexte de séparation parentale. Il importe donc de mieux connaitre les facteurs qui permettent l’ émergence d’ une telle coparentalité (Mchale et Irace, 20 Il). Dans la présente étude, un facteur en particulier (i.e. la modalité de garde) sera examiné plus en profondeur. Avant de s’y attarder, le modèle écologique de la coparentalité de Feinberg (2003), qui a été choisi comme cadre conceptuel de cette étude, est présenté. Ce cadre est nécessaire pour positionner les objectifs poursuivis dans une dimension plus globale (Turcotte, 2000).
L’importance d’ une coparentalité adaptée dans le contexte de la séparation parentale étant reconnue, plusieurs auteurs ont tenté d’ identifier l’ ensemble des facteurs associés à ce concept. Alors que plusieurs synthétisent leurs résultats sous forme de liste de facteurs, souvent regroupés par thème, (i.e. Adamson et Pasley, 2006; Bonach, 2005 ; Drapeau, Bellavance, Robitaille et Baude, 2014; Jamison et al. , 2014; McBroom, 2011), d’ autres proposent d’ organiser ces facteurs de manière à illustrer la dynamique de leurs interactions. À la lumière des recherches effectuées dans le cadre de ce mémoire, il semble que seul un nombre restreint d’ auteurs, tels que Hardesty et al. (2012) et Markhams et Coleman (2012), se sont intéressés à modéliser les variables influençant la coparentalité postséparation.
Le modèle écologique de la coparentalité de Feinberg (2003) a été retenu comme cadre conceptuel. Quatre raisons ont guidé ce choix. Premièrement, ce dernier semble être le seul modèle existant à tenir compte de l’aspect triadique de la coparentalilé. Afin de tenir compte de l’aspect triadique, essentiel dans le concept de coparentalité, ce mémoire s’ intéresse à la réalité des deux coparents ainsi qu’ à l’adaptation de toute la famille. Concrètement, cela est important puisque les variables étudiées dans cette méta-analyse proviennent d’études utilisant des échantillons populationnels variés, autant composés de mères, de pères que d’enfants. Deuxièmement, tel que défini, ce modèle est applicable à une variété de familles aux visages diversifiés. Cela est considéré comme une force importante étant donné que, de nos jours, la richesse et la diversité des familles est un fait socialement reconnu (Saint-Jacques et Drapeau, 2009).
L’association entre la modalité de garde de l’enfant et la coparentalité postséparation
Les modalités de garde
Au Québec, à la suite d’une séparation parentale, il existe deux principales options de garde pour les enfants: la garde exclusive et la garde partagée. La garde est dite exclusive si l’enfant passe plus de 60 % de l’année avec un seul de ses parents (Éducaloi, 2016b). Dans ce cas, le parent n’ayant pas la garde peut disposer de droits d’accès lui permettant d’avoir des contacts avec l’enfant. La garde est dite partagée (ou alternée) lorsque l’enfant passe entre 40 % et 60 % de son temps avec chacun de ses parents (Éducaloi, 2016b). La garde partagée implique à la fois une garde physique (i.e. la fréquence des contacts entre l’enfant et les parents) et une garde légale (i.e. les prises de décision importantes relatives à l’enfant). Au Québec, sauf exception, l’ aspect légal de la garde est conservé par les deux parents, et ce, même si l’ enfant vit en garde exclusive chez un de ses parents (Éducaloi, 2016a). Cela signifie que les parents québécois ayant vécu une séparation parentale ont toujours la possibilité de s’ impliquer dans les prises de décision importantes concernant leur enfant.
Aux États-Unis, les lois concernant les modalités de garde varient selon les États et se distinguent des lois québécoises sur deux aspects principaux (Findlaw, 2015). D’ une part, la garde légale n’est pas systématiquement conservée par les deux parents à la suite d’ une rupture parentale: les parents peuvent donc avoir une garde légale partagée ou une garde légale exclusive (Findlaw). Cependant, la majorité des États privilégient la garde légale partagée pour répondre aux meilleurs intérêts de l’enfant. D’ autre part, la définition de la garde physique partagée diffère de celle du Québec. En effet, la garde physique partagée signifie que l’enfant passe entre 35 % et 65 % (contrairement à 40 % à 60 % au Québec) de son temps avec chacun de ses parents (Warshak, 2014).
La prévalence des modalités de garde
Au Québec, même si la garde exclusive à la mère a historiquement été la modalité de garde la plus prévalente et qu’elle l’est encore aujourd’ hui, la garde partagée physique connait, depuis les années 90, un essor important (Juby et al. , 2005). Au Québec, parmi un échantillon d’ordonnances juridiques rendues en 2008 (n = 2000), 60 % des dossiers sont des cas de garde exclusive à la mère, ce qui en fait le type de garde le plus fréquent (Biland et Schütz, 2013). Pour ce qui est des autres dossiers, 25 % représentent une situation de garde partagée, 14 % représentent une situation de garde exclusive au père et 1 % une situation de garde autre (e.g. la garde exclusive à un tiers) (Biland et Schütz). Il importe de préciser que seule une minorité des situations de garde sont ordonnées par la cour. Ainsi, ces statistiques ne représentent pas l’ensemble de la réalité québécoise concernant les types de garde. Il semble d’ailleurs que chez les familles qui ne traversent pas de processus judicaire, la proportion de garde partagée est supérieure à 25 %. (Juby et al., 2005).
Aux États-Unis, étant donné la variation des définitions des modalités de garde selon les États, il est difficile d’ obtenir des données de prévalence exactes pour l’ ensemble du pays. Nielsen (2014) offre un portrait de la réalité des plans parentaux aux États-Unis en recensant plusieurs statistiques de différents États. Par exemple, dans l’État du Wisconsin, le tiers des parents divorcés en 2007 ont une garde partagée alors que dans l’État de Washington, c ‘est la moitié des parents d’un échantillon d’ ordonnances (n=4354) qui ont une garde partagée. En bref, cette auteure met en lumière que les taux de garde partagée sont en progression aux États-Unis.
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Table des matières
INTRODUCTION GÉNÉRALE
Contexte théorique
La coparentalité postséparation
L’ influence de la coparentalité postséparation sur l’ adaptation des familles
Le modèle écologique de la coparentalité
L’ association entre la modalité de garde de l’enfant et la coparentalité postséparation
Objectifs de recherche
Les variables potentiellements modératrices
Précisions méthodologiques
La perspective méthodologique de recherche
La méthode de synthèse des connaissances
Les définitions opérationnelles des concepts à l’ étude
ARTICLE SCIENTIFIQUE
Rationnel
Objectifs
Méthode
Stratégie de recherche
Stratégie d’analyse
Biais de publication, hétérogénéité et modérateurs
Résultats
L’ association entre la modalité de garde et le soutien
L’ association entre la modalité de garde et le conflit
Biais de publication
Discussion
Association entre la modalité de garde et le soutien coparental
Association entre la modalité de garde et le conflit coparental
Implications cliniques
Limites et pistes de recherches futures
Références
Appendice A
Appendice B
Appendice C
Appendice D
CONCLUSION GÉNÉRALE
Retour sur les résultats et ouverture sur les implications théoriques
Limites et pistes de recherche
Implications pour la pratique en psychoéducation
RÉFÉRENCES
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