L’influence de la littérature de jeunesse dans la formation des représentations de la différence

« Le harcèlement est fondé sur le rejet de la différence et sa stigmatisation. » (Catheline, Debarbieux, Médiateur de l’éducation nationale, & Direction générale de l’enseignement scolaire, 2012). Voilà une phrase que l’on peut lire dans les ressources pédagogiques fournies par le gouvernement. Elle témoigne bien de l’impact important que peut avoir la représentation (ou le point de vue) sur la différence. Voilà pourquoi, lorsque nous avons intégré le séminaire de recherche concernant la représentation, nous avons d’un commun accord choisi de porter nos recherches sur la représentation de la différence, thème qu’il nous semblait essentiel de bien travailler en classe. Notre intérêt pour ce sujet de mémoire est d’autant plus fort car lié à des thèmes qui nous touchent personnellement, comme la discrimination face à la différence ou encore les représentations initiales des élèves. En tant que futures professeures des écoles, il nous semble primordial d’aborder ces notions pour prendre en compte chaque élève de la façon la plus complète possible, mais également afin d’appréhender les possibles discriminations et de pouvoir y remédier.

L’influence de la littérature de jeunesse dans la formation des représentations de la différence

Les stéréotypes face à la différence

Les représentations stéréotypées dans la littérature de jeunesse

« La littérature est ainsi grande utilisatrice et pourvoyeuse de modèles, de types, de prototypes, d’archétypes, produisant inévitablement des stéréotypes qui peuvent se dégrader en quantité de lieux communs, poncifs et images toutes faites. » (Butlen, 2005, p. 45). Il est fréquent que la littérature, qu’elle soit de jeunesse ou pour adultes, soit vectrice de stéréotypes, d’idées reçues, qui décrivent des personnages ou des situations complexes de manière répétitive, sans originalité. Pour que le message transmis soit efficace, certains auteurs ou éditeurs estiment qu’il faut rester dans un schéma de pensée très binaire : « les bons et les méchants » (Butlen, 2005, p. 46). D’où le recours aux stéréotypes, des clichés que bien souvent la société partage au fur et à mesure des traditions et du temps, bien que ce ne soient pas véritablement des données réelles. Dans la littérature de jeunesse, nous pouvons souvent retrouver des raccourcis, des phrases ou expressions favorisant ces stéréotypes, tels que le grand méchant loup, les scènes d’amours impossibles, d’amitiés trahies, des adolescents qui se rebellent, des aventuriers perdus ou encore des héros sans peur. Malheureusement, un stéréotype étant une forme de représentation collective «culturelle et datée », elle nourrit des préjugés qui vont parfois aller jusqu’à alimenter « l’incompréhension, le mépris et les tensions entre individus ou groupes sociaux » (Butlen, 2005, p. 47). Ainsi, l’on fait le lien avec la différence. Souvent les personnages présentant une différence vont être rendus archétypiques : l’enfant portant des lunettes va être le meilleur de la classe, la petite fille sera rarement héroïne, l’enfant handicapé sera rejeté par la majorité de la classe, etc. La lecture peut ainsi contribuer à la formation de représentations erronées, simplificatrices. Les stéréotypes peuvent apparaître déplorables, nocifs, contre productifs pour l’enseignant qui doit se battre contre des représentations toutes faites, établies, parfois fausses qui induisent les élèves dans un raisonnement en contradiction avec les valeurs de la République et qui dans certains cas favorisent la stigmatisation de la différence. Cet article montre donc le pouvoir nocif des stéréotypes face à la différence. Mais, il montre également le pouvoir de la littérature. Puisque la littérature est capable de transmettre des représentations erronées, des clichés, il semble logique de croire qu’elle est aussi capable de rectifier ces représentations, de montrer la complexité mais aussi la beauté de la différence.

La différence, une notion complexe et pluri sémantique

Tout d’abord, il nous faut définir ce que l’on entend par « différence ». Le mot différence tire ses origines du verbe latin differre, qui signifie disséminer, disperser, séparer, déchirer. Il y a dans ce mot la notion de séparation, une idée de divergence. Par la différence, on entend ce qui est autre, ce qui distingue deux choses ou deux personnes, un écart entre elles. La différence se rapporte donc à la notion d’altérité. Néanmoins, il y a un aspect de la différence que l’on tend à oublier : la notion de similitude. Ce mot peut sembler être l’exact opposé de la différence, pourtant, celleci se construit sur cette notion. C’est ainsi qu’Olivier Rey explique que « [l’] on ne compare jamais, on n’établit jamais aucun ordre entre deux entités radicalement étrangères l’une à l’autre. » (Rey, 2013, p. 329). Il faut pour observer une différence avoir déjà au préalable observé un terrain commun. En effet, l’on pourra dire qu’un chêne est différent d’un hêtre puisqu’ils entrent tous deux dans la catégorie des arbres. En revanche, il devient compliqué de dire que ce même chêne diffère d’une montagne puisqu’ils ne semblent avoir rien ou presque en commun, si ce n’est d’entrer tous deux dans la catégorie de « chose ».

Mais à l’opposé, Leibniz soutient que aussi identiques que deux entités puissent paraître, elles ne peuvent être entièrement identiques. Il prend pour illustrer son propos l’exemple de pièces de monnaie. Si on observe deux pièces ayant la même valeur avec du matériel professionnel, il s’avère qu’elles auront forcément une petite différence, aussi petite soit-elle. Cependant, cette différence ne rendra pas une pièce plus importante que l’autre. Ce qui les qualifiera, ou les définira, c’est bien le fait qu’elles aient la même valeur monétaire. (Rey, 2013, p. 330) Ainsi, l’on neutralise la différence. Bien que présentant nécessairement une différence imperceptible, une pièce de 1€ sera équivalente à une autre pièce de 1€.

Cette complexité se retrouve chez l’homme. Du fait de notre qualité d’êtres humains nous sommes tous semblables les uns aux autres. Or dans les faits, nous sommes « séparés » ou rendus divergents en raison d’un nombre considérable de différences, à tous les niveaux (Rey, 2013, p. 330). A la manière des pièces de monnaie de Leibniz, deux êtres pouvant sembler être de « même valeur » en tous points comme deux jumeaux, auront dans les faits, une multitude de différences, aussi imperceptibles qu’elles soient : un grain de beauté là où son jumeau n’en a pas, une façon de raisonner différente, un attrait particulier pour une discipline qui intéresse moins l’autre, etc.

Les différences sont donc multiples, tantôt imperceptibles, tantôt évidentes. Pourtant, les humains ont souvent la même réaction face à la différence, influencée par les représentations collectives.

La différence et ses représentations

Le concept de représentation

Le concept de représentation est essentiel car il nous permet, au quotidien, d’interagir, de communiquer, de dialoguer, de penser, de former notre propre idée. Donc, en somme, de forger notre esprit critique afin de lutter contre les stéréotypes. Même si nos représentations guident notre réalité et interviennent constamment dans notre vie, lorsque nous apprenons quelque chose nous avons besoin de l’assimiler. Pour cela il faut déjà avoir des représentations initiales, qui sont parfois biaisées par ces effets d’opinions réduites, d’idées admises qui forment les stéréotypes stigmatisant les différences ou particularités du monde. De plus, représenter ou se représenter correspond à un acte de pensée par lequel un sujet identifie un objet, une personne, un événement matériel, psychique ou social, un phénomène naturel, une idée, une théorie… Il peut être réel ou imaginaire ou mythique mais il est toujours requis, il n’y a pas de représentation sans objet (Jodelet, 2003).

Une représentation est toujours liée, rattachée à un objet qui guide et fait naître une connaissance, une pensée ou un savoir. On peut le voir dans ce schéma ci-dessous qui s’interroge sur l’espace d’étude des représentations sociales en différentes étapes. L’objet est réellement au cœur du processus de création des représentations, d’abord par interprétation puis par symbolisation de celui-ci, qu’il soit matériel, humain ou social. La création de notre réalité s’articule néanmoins autour de trois autres principes. Le premier est les formes de savoir, c’est-à-dire un support pour repérer la connaissance. Le deuxième c’est le sujet. Enfin, le dernier est la pratique, l’expérience personnelle sur cette représentation. Dans le concept de représentation, il est nécessaire d’avoir des notions qui servent de référence matérielle, de support visuel, auditif ou social. Les représentations ont deux statuts: d’un côté la valeur de vérité des représentations, ce sont des savoirs vrais, scientifiques et communs, de l’autre côté la valeur de réalité car une représentation évolue, le réel n’est pas fixe, une notion aujourd’hui établie peut demain être caduque, il s’agit alors du statut de distorsion du réel de la représentation. C’est véritablement ce qu’il se passe lors de création de stéréotypes, le réel est déformé pour laisser place à une version modifiée de la réalité. Une version qui entraîne parfois la stigmatisation de la différence (Jodelet, 2003). Par exemple, le stéréotype de la couleur bleue pour les garçons et rose pour les filles renforce l’inégalité des sexes. Aujourd’hui la représentation des couleurs est établie dans beaucoup d’esprits et on le constate au quotidien, par exemple dans les catalogues de jouets ou dans les magasins de puériculture. Ainsi, le stéréotypes est banalisé pour devenir une vérité de société.

Ce phénomène de société est accentué par le langage oral, moyen de communication quotidien et vecteur simple des stéréotypes. De plus, nous savons que l’oral est essentiel et apparaît comme principal moyen de création des représentations. En effet, l’oral intervient quotidiennement en articulant des éléments affectifs, mentaux et sociaux à travers la communication dans les rapports sociaux, les échanges. Lors de ces échanges, un phénomène d’influence se met en place ; nous échangeons et divergeons puis soit nous acceptons soit nous refusons le propos. Mais c’est alors qu’on définit une appartenance sociale en fonction de ce que l’on pense. C’est ce qu’explique Latour en disant que, « de toutes les activités humaines la fabrication des faits est la plus intensément sociale» (Latour, 1983, p. 218). C’est-à-dire que pour fabriquer une représentation la communication sociale est primordiale. Selon cette citation de Latour, la création des représentations caractérise les relations sociales, ces moments d’échanges forment notre pensée. L’oralité est donc facteur principal de transmission et de création des représentations, ayant pour but de fonder une réalité commune et collective. C’est pourquoi, d’après Piaget, dans le concept de représentation, la notion de collectif et d’individuel semble importante, d’autant plus que la pensée commune prend le pas sur la pensée individuelle. C’est-à-dire qu’une représentation qui est partagée par une seule personne aura moins d’appui, de valeur face à une représentation partagée par le plus grand nombre (Piaget, 2013). On peut également définir une représentation comme « savoir de sens commun », selon Jodelet ou encore comme un savoir « naturel » (Jodelet, 2003, p. 53).

Alors que ces formes de connaissances peuvent être mises en opposition aux connaissances scientifiques, on peut également décrire leur création par deux processus selon Denise Jodelet. D’abord, l’objectivation avec la constitution d’un noyau figuratif et l’ancrage. Cette objectivation passe par la construction sélective d’informations et de données afin de créer un noyau figuratif. Comme s’il s’agissait d’une case du cerveau liée à une représentation initiale et également à un objet, et qu’à chaque case correspondrait à une représentation. Puis l’ancrage enracine la représentation et son objet en un réseau de significations qui permet de les situer pour leur donner du sens, également en fonction d’autres représentations. Ainsi on crée une sorte de champ lexical des représentations. L’ancrage sert à l’instrumentalisation du savoir, lui donne un but, une fonction pour le réinvestir par la suite. Enfin on peut considérer une dernière étape qui est la « naturalisation » des notions. Cette étape leur donne valeur de réalités concrètes directement lisibles et utilisables dans l’action sur le monde et les autres (Jodelet, 2003). La naturalisation est active au quotidien dans les échanges, dans la distinction de la réalité et donc également dans les perceptions que nous avons du monde ou des autres, comme la différence.

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Table des matières

Introduction
Chapitre 1 : L’influence de la littérature de jeunesse dans la formation des représentations de la différence
I- Les stéréotypes face à la différence
a- Les représentations stéréotypées dans la littérature de jeunesse
b- La différence, une notion complexe et pluri sémantique
II- La différence et ses représentations
a- Le concept de représentation
b- Les perceptions de la différence
c- Les différences à l’école : transmettre des valeurs
III- La littérature : un outil pour aborder la différence
a- L’importance de la littérature face aux représentations
b- Faire évoluer les représentations des élèves
Chapitre 2 : Notre pratique de classe
I- Démarches et méthodologie
a- La littérature de jeunesse dans les programmes
b- Hypothèses et recueil de données
c- Choix des albums
d- Activités menées en classe
II- Analyse des résultats
a- Les représentations initiales
b- Analyse des données
c- Bilan des activités menées en classe
d- Regard critique et prolongements envisagés
Conclusion
Bibliographie

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