L’inflammation génitale post-partum de la vache

L’utérus post-partum : d’une inflammation physiologique transitoire à une inflammation pathologique persistante

Inflammation utérine physiologique post-partum

Dans toutes les espèces, la lumière utérine est considérée comme un milieu stérile jusqu’à la mise bas [5]. Si une contamination bactérienne intervient, elle engendre une résorption du fœtus ou un avortement. Mais la vache se distingue des autres femelles mammifères par une contamination microbienne presque systématique de l’utérus au moment ou peu après la parturition. Le retour de l’utérus à son état prégravidique après le part –ou phénomène d’involution utérine- essentiel pour une nouvelle gestation, est donc chez la vache un processus physiologiquement septique [6]. La réponse immunitaire de l’animal est alors très rapidement engagée. Elle repose sur la reconnaissance des contaminants, l’activation de la réponse innée et de l’immunité acquise. La mobilisation des défenses de l’hôte aboutit généralement à l’élimination progressive de la colonisation initiale. Si la contamination bactérienne prend le dessus sur les capacités de défense de l’hôte, la contamination physiologique se transforme en une infection pathologique.

Contamination bactérienne de l’utérus post-partum 

Conditions favorables réunies
Au moment du vêlage, alors que le col se dilate pour permettre le passage du veau, les barrières anatomiques naturelles composées de la vulve, du vagin et du col sont abolies [6-8], favorisant la colonisation des voies génitales par des bactéries en provenance de l’environnement, de la région périnéale, de la peau et des fèces de l’animal. La colonisation nécessite l’adhérence des bactéries à la muqueuse utérine, ainsi que leur pénétration dans l’épithélium [2]. Or, l’endomètre (figure 1 ; [7,9,10]) est le siège de remaniements histologiques importants après la parturition [11]. L’effacement complet de la lumière des vaisseaux sanguins à la base des caroncules conduit à la nécrose de l’endomètre, laissant place à une surface vive, dont les vaisseaux sanguins s’ouvrent directement dans la lumière utérine. De plus, peu après la parturition, la lumière utérine se remplit de lochies, constituées par une partie des liquides de gestation, du sang (en provenance des hémorragies capillaires des sites de nécrose des caroncules) et des débris tissulaires (desquamation de l’endomètre).

Bactéries impliquées

La flore bactérienne intra-utérine post-partum se compose de germes saprophytes et pathogènes, Gram-positifs et -négatifs en quantités équivalentes [13], aéro- et anaérobies [14-16]. La composition de la flore est donc variée et propre à chaque animal, mais elle est dominée par Escherichia coli au moins dans les premiers jours suivant la parturition [12]. Les autres bactéries les plus fréquemment identifiées sont Arcanobacterium pyogenes et les Enterobacteriaceae, suivies de quelques bactéries anaérobies, telles que Fusobacterium sp. et Bacteroïdes sp. [12]. Dans la lumière utérine, ces bactéries sont généralement associées [7]. L’isolement d’A. pyogenes est généralement combiné avec celui d’Escherichia coli ou de bactéries anaérobies, telles que F. necrophorum ou Bacteroides sp. [12]. Il a été montré que les germes aéro- et anaérobies agissent de façon synergique pour favoriser la croissance et/ou la pathogénicité d’autres bactéries [6]. A. pyogenes produit un facteur de croissance pour F. necrophorum et inversement, la croissance de germes anaérobies peut promouvoir la colonisation de la muqueuse par A. pyogenes.

La plupart des bactéries impliquées dans la colonisation de la muqueuse utérine sont des hôtes non pathogènes du tractus digestif bovin, mais qui peuvent cependant développer des propriétés invasives [13]. F. necrophorum produit ainsi une grande variété de produits extracellulaires, tels que leucotoxines, hémolysines, hémagglutinines, facteurs plaquettaires d’adhésion et d’aggrégation, protéases et DNases, probablement responsables de sa virulence [12]. Bacteroides sp. libère des substances empêchant la phagocytose bactérienne. La pathogénicité d’E. coli repose sur son adhésion aux cellules épithéliales, la motilité assurée par le flagelle et la libération de toxines telles que la shigatoxine et le lipopolysaccharide (LPS) [17]. Parallèlement au soutien de la croissance bactérienne, les endotoxines bactériennes (LPS) stimulent la réplication virale d’un contaminant de haut tropisme pour les cellules endométriales, l’herpesvirus bovin de type 4 (BoHV-4). Quant à A. pyogenes, qui cause des lésions sévères et persistantes de l’endomètre [7], sa pathogénicité repose sur la sécrétion de facteurs de virulence plutôt que sur une interaction directe avec les cellules de l’hôte. Les souches d’ A. pyogenes isolées de l’utérus post partum expriment toutes le gène plo qui code pour une cytotoxine appelée pyolysine, responsable de leur virulence. Les molécules de cytotoxine s’associent dans la membrane cellulaire pour former un pore, conduisant à la mort des cellules épithéliales de l’endomètre in vitro [1].

Mobilisation des défenses de l’hôte 

Cette intrusion bactérienne déclenche une réaction immunitaire. La première ligne de défense de l’endomètre contre la colonisation bactérienne est le système de défense inné. Celui-ci repose sur les récepteurs Toll-like (TLRs), les peptides antimicrobiens et les protéines de phase aiguë [18]. Des cytokines activent la réponse immunitaire, en favorisant principalement l’afflux de neutrophiles vers la lumière utérine. La réponse immunitaire innée est aussi soutenue par la mobilisation du système immunitaire acquis et l’activation de la voie du complément.

Reconnaissance des pathogènes 

Les cellules épithéliales de l’endomètre constituent une barrière protectrice efficace contre la pénétration des bactéries dans les couches profondes de la muqueuse utérine après la parturition. Chez la femme, les épithéliums du vagin, du col, de l’utérus et des oviductes protègent l’hôte des potentiels pathogènes bactériens et viraux [19]. La barrière physique que constitue l’endomètre n’est pas uniquement dépendante de l’intégrité des cellules épithéliales, mais aussi d’un maintien des jonctions serrées [19]. Au-delà de leur fonction de barrière physique, les cellules endométriales possèdent un rôle immunitaire primordial dans la reconnaissance et la réponse aux contaminants chez les humains, les rongeurs et les bovins. La détection des bactéries fait intervenir des récepteurs de l’immunité innée, groupe clé des TLRs, qui reconnaissent chez les pathogènes des séquences conservées connues sous le nom de PAMPs (pathogen-associated molecular patterns) [1,20]. Les ligands PAMPs sont présents dans une grande variété de pathogènes tels que les bactéries, les champignons et les virus.

Expression des TLRs par l’endomètre 

La structure des TLRs est hautement conservée d’une espèce à une autre [19]. Dix membres de la famille des TLRs sont codés dans le génome des mammifères. L’endomètre bovin des vaches non gestantes exprime les différents membres de cette famille, du TLR1 au TLR10 [21]. Avant et après le vêlage, les TLR2, TLR3, TLR4 et TLR9 sont exprimés dans l’endomètre caronculaire et intercaronculaire. Chez la vache, comme chez la souris, une inflammation utérine conduit à l’augmentation de l’expression du récepteur TLR4 par les cellules épithéliales [19,22].

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Table des matières

LISTE DES ABREVIATIONS
INTRODUCTION
AVANT PROPOS
ANALYSE BIBLIOGRAPHIQUE
I. INFLAMMATION UTERINE PHYSIOLOGIQUE POST-PARTUM
A. Contamination bactérienne de l’utérus post-partum
1. Conditions favorables réunies
2. Bactéries impliquées
B. Mobilisation des défenses de l’hôte
1. Reconnaissance des pathogènes
2. Activation de la cascade de signalisation
3. Activation du système de défense inné
4. Activation du système de défense acquis
5. Activation du système du complément
II. PERSISTANCE D’UNE INFLAMMATION UTERINE
A. Dysfonctionnement du système immunitaire
1. Déficience du système immunitaire
2. Exacerbation du système immunitaire
B. Conséquences de la persistance de l’inflammation génitale
C. Caractérisation du statut inflammatoire utérin
1. Examens utérin
2. Examens vaginaux
3. Examens sanguin
D. Axes principaux du travail expérimental
MATERIELS ET METHODES
I. ANIMAUX
A. Etudes in vivo
1. Echantillon d’étude
2. Gestion de la reproduction
B. Etudes ex vivo
II. CARACTERISATION DE L’INFLAMMATION GENITALE
A. Palpation transrectale
B. Echographie transrectale
C. Examen du contenu vaginal
1. Matériel
2. Méthode
3. Classification des sécrétions
D. Examen bactériologique
1. Matériel
2. Méthode
3. Culture et identification des souches bactériennes
E. Examen cytologique
1. Matériel
2. Méthode
3. Réalisation des frottis
4. Coloration et lecture des frottis
III. DETERMINATION DE LA PHASE DU CYCLE ŒSTRAL
A. Echographie ovarienne
B. Dosage des stéroïdes sexuels
IV. ANALYSES STATISTIQUES
A. Epidémiologie descriptive
B. Analyse de survie à partir de données longitudinales
C. Analyse par une fonction polynôme
RESULTATS
I. L’INFLAMMATION GENITALE EVALUEE PAR L’EXAMEN CYTOLOGIQUE
A. Description des populations cellulaires présentes sur les frottis génitaux
1. Protocole
2. Résultats
3. Discussion
B. Variabilité des résultats de lecture des frottis génitaux
1. Variabilité inter-opérateur
2. Variabilité intra-opérateur
3. Discussion
C. Variabilité liée au site de prélèvement
1. Etude ex vivo
2. Etude in vivo
3. Discussion
D. Correspondance entre les examens bactériologique et cytologique
1. Protocole
2. Résultats
3. Discussion
II. IMPACT DE L’INFLAMMATION GENITALE SUR LA FERTILITE
A. Impact à long terme de l’inflammation génitale
1. Protocole
2. Résultats
3. Discussion
B. Impact à court terme de l’inflammation génitale
1. Protocole
2. Résultats
3. Discussion
CONCLUSION

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