Pratiques des médecins généralistes pour la prise en charge des cystites en Normandie : évaluation à partir de cas-vignettes
Les infections urinaires (IU) sont un motif fréquent de consultation en soins primaires et le médecin généraliste (MG) est le premier acteur dans leur prise en charge. En 2016 en France, les IU étaient le troisième motif de prescription d’antibiotiques en ville avec un taux de 16,4%, derrière les infections ORL (43,8%) et des voies respiratoires basses (22,7%) [1]. La France était en 2016 le troisième plus grand prescripteur d’antibiotiques en ville en Europe, après la Grèce et Chypre [2] et les consommations en ville, qui représentent 90% de la consommation totale [3], ont augmenté de 8,6% entre 2006 et 2016 [1]. Cette surconsommation d’antibiotiques favorise l’apparition et l’augmentation des phénomènes liés à l’antibiorésistance aussi bien sur le plan individuel que collectif [4-6]. Certains antibiotiques sont particulièrement générateurs de résistances (association amoxicilline-acide clavulanique, céphalosporines et fluoroquinolones (FQ)) et sont référencés dans une liste des antibiotiques critiques. Ils sont à éviter en traitement de première intention [7]. En médecine de ville les souches d’Escherichia coli présentent des résistantes en constante augmentation depuis 2004, sauf pour la nitrofurantoïne et la fosfomycine qui restent stables, autour de 1% [8].
La Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française (SPILF), en collaboration avec les sociétés savantes auxquelles ses membres sont affiliés (Association Française d’Urologie, Collège National des Généralistes Enseignants, Société Française de Microbiologie, Société Française de Radiologie, Société Française de Gynécologie, Groupe de Pathologie Infectieuse de la Société Française de Pédiatrie, Société Française de Gériatrie et Gérontologie), a réévalué en 2014, 2015 et 2017 ses recommandations pour la prise en charge des infections urinaires en prenant en compte les données d’antibiorésistance actualisées afin de favoriser le bon usage des antibiotiques. Elle a ainsi supprimé de la liste des antibiotiques de première intention les fluoroquinolones et les céphalosporines de 3eme génération (C3G) en 2017 .
En France, comme dans d’autres pays, les recommandations établies par les sociétés savantes ne sont pas toujours correctement suivies [11-13], mais il a été montré que l’évaluation des pratiques professionnelles pouvait améliorer l’adhésion à celles-ci [14-16]. L’amélioration de la qualité des soins en médecine générale est favorisée par le développement des groupes de pairs et des groupes qualité (GQ), qui se développent dans les pays européens depuis plusieurs années [17]. En France, ces groupes existent dans six régions [18] et ont pour objectifs de favoriser l’échange entre les médecins généralistes d’une même zone géographique afin d’analyser et d’améliorer leurs pratiques professionnelles.
Matériels et Méthodes
Type d’étude
Il s’agissait d’une étude descriptive, observationnelle, transversale des pratiques des MG en Normandie, réalisée à partir d’un questionnaire sous forme de cas-vignettes.
Création des cas-vignettes
En septembre 2017, deux MG (CB, PT) et 2 infectiologues (EF, EP) ont développé un questionnaire d’évaluation de la prise en charge des cystites de la femme adulte, contenant trois cas-vignettes. Les casvignettes comportaient 16 questions au total : trois questions concernaient les cystites simples, sept les cystites à risque de complications, quatre les cystites récidivantes, et deux les cystites dues à une bactérie multirésistante (entérobactérie productrice de béta-lactamase à spectre étendu). Quatre questions parmi les 16 abordaient les critères diagnostiques des différentes cystites étudiées, cinq les examens utilisés pour le diagnostic, et sept la thérapeutique (absence de traitement, règles hygiéno-diététiques, antibiotiques en curatif ou en prophylaxie).
Les recommandations de la SPILF étaient utilisées comme référentiel pour l’évaluation des réponses des MG [10]. A partir de ces recommandations, 16 critères ont été définis pour évaluer la prise en charge des cystites . Pour les traitements antibiotiques, étaient considérés comme conformes, pour les cystites simples : fosfomycine, pivmécillinam; pour les cystites à risque de complication (traitement probabiliste): fosfomycine, nitrofurantoïne; et pour les cystites dues à une BMR : nitrofurantoïne, fosfomycine, pivmécillinam. Le traitement était considéré conforme si au moins une molécule recommandée était citée. Si une molécule non recommandée était citée, le traitement était considéré comme non conforme quelles que soient les autres molécules citées .
Une première version du questionnaire a été testée entre septembre et décembre 2017 par 27 MG faisant partie de 3 GQ de la région étudiée, qui en compte au total 31, afin de recueillir leurs commentaires et d’adapter au mieux le questionnaire aux spécificités de l’exercice en médecine générale. Les remarques des GQ ont été prises en considération dans la version finale du questionnaire. Le questionnaire comprenait également des questions démographiques et d’activité : classe d’âge des MG, sexe, milieu d’exercice (rural, semi-rural, urbain), nombre moyen de consultations par jour. Il était également demandé si les MG avaient eu recours à des ressources externes pour compléter les cas-vignettes. Afin de respecter la confidentialité des MG interrogés, l’âge, le mode d’exercice et le nombre de patients vus par jour ont été catégorisés en classes.
Population étudiée
En janvier 2018, le questionnaire a été envoyé par courrier postal via l’Union régionale des médecins libéraux (URML) dans un premier temps à l’ensemble des 278 MG des 28 GQ restant de Normandie occidentale, accompagné d’une lettre explicative . Ces MG n’avaient pas reçu préalablement d’information ou de formation récente sur la prise en charge des infections urinaires dans le cadre de leur participation aux GQ, la dernière datant de 2014. Dans un second temps (en avril 2018), l’ensemble des 34 MG exerçant dans un secteur géographique de la région (choisi par convenance) et ne faisant pas partie d’un GQ ont été sollicités par téléphone pour participer à l’étude, puis le questionnaire papier leur a été remis en mains propres . Ce second panel avait été constitué afin de vérifier l’acceptabilité des cas-vignettes auprès de MG ne participant pas à un GQ.
Analyses statistiques
Pour chaque critère d’évaluation, le nombre total de réponses conformes et le pourcentage par rapport à l’ensemble des réponses ont été calculés. Les résultats des sous-groupes constitués en fonction des caractéristiques démographiques ou d’activité des participants ont été comparés par le test du Chi² ou le test de Fisher en fonction des effectifs calculés. Pour chaque type de cystite étudié et chaque champ étudié (critères diagnostiques, moyens diagnostiques, traitement antibiotique), le pourcentage de bonnes réponses a été mesuré pour chaque participant. La moyenne de ce pourcentage et son intervalle de confiance à 95% ont été calculés. La moyenne obtenue dans les différents sous-groupes de participants a été comparée par le test non paramétrique de Wilcoxon.
Une valeur de p<0,05 a été considérée comme significative. Toutes les analyses ont été réalisées avec le logiciel SAS v9.4.
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Table des matières
INTRODUCTION
1. Introduction
2. Methods
a. Study type
b. Creating clinical vignettes
c. Study population
d. Statistical analysis
3. Results
4. Discussion
a. Conclusion
Version française
1. Introduction
2. Matériels et méthodes
a. Type d’étude
b. Création des cas vignettes
c. Population étudiée
d. Analyses statistiques
3. Résultats
4. Discussion
a. Conclusion
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
1. Annexe 1 : Questionnaire test
2. Annexe 2 : Questionnaire final
3. Annexe 3 : Lettre explicative GQ
4. Annexe 4 : Lettre explicative MG
5. Annexe 5 : Diaporama SPILF 2017
6. Annexe 6 : Réponses aux questionnaires
7. Annexe 6b : Statistiques selon les sous-groupes étudiés
8. Annexe 7 : Figure sur la conformité moyenne des réponses
9. Annexe 8 : Recommandations aux auteurs revue de soumission
10.Annexe 9 : Liste de contrôle synoptique EQUATOR