Les infections du site opératoire (ISO) constituent avec les infections urinaires, les infections pulmonaires et les septicémies, les infections nosocomiales les plus fréquentes [21 ; 39]. L’incidence des ISO serait entre 5,2 et 14,8% pour toute chirurgie confondue [39 ; 53]. En chirurgie orthopédique et traumatologique, l’ISO est une catastrophe qui peut ruiner les bénéfices d’une intervention destinée à réparer les conséquences d’un traumatisme ou à améliorer les fonctions d’une articulation. Souvent grave, elle conduit à des réinterventions et à une prolongation du séjour hospitalier .
Dans beaucoup de pays, il existe des programmes nationaux de surveillance et de lutte contre les infections nosocomiales [12 ; 33]. Dans certains pays en voie de développement comme le Sénégal, la chirurgie osseuse se pratique dans des conditions différentes de celles des pays développés. Elle reste souvent tributaire des salles opératoires démunies et d’une absence de Sécurité sociale collective permettant une prise en charge urgente et adéquate des patients.
RAPPEL SUR LES INFECTIONS
Définition et description
Le terme infection désigne l’invasion d’un organisme vivant par des germes, plus précisément des micro-organismes pathogènes, comme des bactéries, des virus, des champignons ou encore des parasites. Le terme pathogène désigne ce qui est susceptible d’entrainer une maladie [17]. Au cours d’une infection, les micro-organismes pathogènes ont une action délétère grâce à leur multiplication comme c’est le cas pour les virus par exemple. Ils peuvent éventuellement sécréter des toxines.
Une infection peut être locale ou généralisée. Elle est dite exogène quand les germes responsables proviennent de l’environnement. On considère qu’une infection est endogène pour des germes provenant du patient lui-même. L’infection résulte alors du passage anormal des germes digestifs dans le sang : il s’agit d’une translocation bactérienne ou d’une infection d’origine endogène. Une infection se développe quand il existe une faiblesse de défense immunitaire naturelle de l’organisme entrainant alors une compétition entre, la capacité de défense immunitaire de l’individu et le pouvoir pathogène des germes. La dangerosité d’un germe est quand à elle, fonction de l’inoculum c’est-à-dire du nombre de germes qui infectent un organisme. On parle quelque fois d’infection opportuniste pour désigner une infection due à un micro-organisme qui ne provoque pas de maladie chez un individu sain. Les germes opportunistes sont susceptibles de devenir pathogènes c’est-à-dire d’entrainer l’apparition d’une pathologie ou maladie chez un individu dont les défenses immunitaires sont affaiblies (c’est ce que l’on appelle une immunosuppression ou immunodépression). Une infection est dite nosocomiale lorsqu’elle est acquise par le patient au cours de son séjour hospitalier et survenant au-delà de 48h après l’admission. Elle est reconnue jusqu’à 30 jours après un séjour à l’hôpital.
Les infections du site opératoire (ISO) se définissent comme étant toutes infections survenant dans les suites d’une intervention chirurgicale [24]. Cette définition est essentiellement clinique et le délai de survenu est le suivant :
❖ Dans les 30 jours après la chirurgie.
❖ Jusqu’à 1 an si le matériel d’ostéosynthèse est présent.
Les infections du site opératoire peuvent revêtir plusieurs aspects :
L’infection superficielle de la plaie opératoire
Elle est évoquée devant une atteinte de la peau, des tissus sous-cutanés ou des tissus au-dessus de l’aponévrose. On observe un écoulement purulent de la plaie opératoire ou du drain et le germe isolé après la culture de l’écoulement provient d’une plaie fermée.
L’infection profonde de la plaie opératoire
Elle se caractérise par une atteinte des tissus ou espaces situés au niveau ou audessous de l’aponévrose. Ces critères sont :
❖ Un écoulement purulent provenant d’un drain sous aponévrotique.
❖ Une déhiscence spontanée de la plaie.
❖ Une ouverture cutanée en cas de fièvre supérieure à 38°.
❖ Une douleur localisée et une sensibilité à la palpation.
❖ Un abcès ou d’autres signes d’infection observés lors d’une intervention chirurgicale ou d’un examen histopathologique.
L’infection de l’organe ou du site
C’est une infection impliquant les organes ou espaces (autres que l’incision) ouverts ou manipulés durant l’intervention. Ces critères sont les suivants :
❖ La présence de pus.
❖ Le germe isolé au niveau de l’organe ou du site.
❖ Les signes évidents de l’infection impliquant l’organe ou le site.
Chez l’homme, la relation entre la taille de l’inoculum et le risque infectieux varie en fonction de la nature de l’intervention qui est classée dans chacune des 4 catégories du score d’Altemeier .
Les infections profondes caractérisées sur matériel d’ostéosynthèse
L’infection peut être le résultat d’un défaut d’asepsie, donc d’une faute médicale. Elle peut également être secondaire à une cause endogène telle une bactériémie ayant pour origine une infection profonde (digestive, urogénitale, respiratoire…). L’isolement du germe en cause orientera vers une porte d’entrée qu’il importe de détecter et de traiter. Trois types d’infections sur matériel d’ostéosynthèse sont décrits.
L’infection précoce
Elle se déclare dans les trois mois qui suivent l’intervention. Elle peut se manifester selon un mode aigu au décours immédiat de l’intervention pendant l’hospitalisation ou juste après la sortie, soit sur un mode subaigu un peu plus tard. Cette infection est le résultat d’une contamination du site opératoire pendant l’intervention ou en postopératoire immédiat par les bactéries pathogènes. Ces bactéries sont facilement identifiables dès l’examen direct du pus (staphylocoque doré, entérobactéries).
L’infection retardée
Elle s’extériorise plusieurs mois voire plusieurs années après l’intervention. Ce type d’infection est responsable de gène, de douleurs qui vont en s’aggravant depuis la pose du matériel. Le malade se plaint de n’avoir jamais été bien depuis l’intervention. Ces infections peuvent revêtir l’aspect trompeur d’une faillite rapide du but mécanique fixé (retard de consolidation, algodystrophie, etc.). Elles sont généralement dues à des bactéries cutanées superficielles comme les staphylocoques (en particulier les staphylocoques à coagulase négative), ou à des bactéries des couches profondes de l’épiderme.
L’infection tardive
Elle survient sur un mode aigu, chez un malade qui jusque là supportait parfaitement son matériel depuis des années (ostéosynthèse ou arthrodèse vertébrale). Brutalement, apparait une douleur violente, invalidante, accompagnée de fièvre souvent associée à des frissons. L’hyperleucocytose est constante. L’infection du matériel est secondaire à la dissémination d’une bactérie par voie sanguine ou lymphatique à partir d’un foyer infectieux à distance. Ce foyer est connu ou occulte qu’il importe de le détecter pour le traiter. Cette infection aigue tardive à deux étiologies :
– L’infection endogène le plus souvent d’origine cutanée, dentaire, digestive, urogénitale ou pulmonaire dans la plupart des cas. N’importe quelle bactérie peut être responsable d’une infection secondaire.
– L’infection iatrogène : de façon exceptionnelle, des actes invasifs à but diagnostique ou thérapeutique ont été rapportés comme responsables d’une bactériémie transitoire responsable de l’ensemencement du matériel prothétique.
LE MATERIEL D’OSTEOSYNTHESE
Historique
Nous devons le terme ostéosynthèse à Albin Lambotte (1866-1955). Il l’a définit dans son traité intitulé : l’intervention opératoire dans les fractures. Elle doit se faire sous «asepsie extrême» par « réduction mathématique absolue » contrôlée par la radiographie et la fixation « d’une solidité suffisante par elle-même pour maintenir les os dans leurs rapports normaux » grâce à des implants métalliques [31]. Enfin, il faut éviter par la mobilisation précoce les raideurs articulaires et les atrophies musculaires. Ces exigences révolutionnaires préoccuperont les chirurgiens jusqu’à nos jours.
Les premières interventions sanglantes sur le squelette ayant pour unique but de conserver un membre qui « sans ce moyen, était dévolu à l’amputation » étaient loin de satisfaire à ces exigences [5]. En 1867, Joseph Lister (1827-1912) à Edinburgh commença à éliminer les germes pathogènes sur la peau et les instruments par désinfection chimique. Inspiré par Louis Pasteur (1822-1895), il mit au point l’antisepsie : son champ opératoire était continuellement humidifié à l’acide carbolique par un vaporisateur [26]. L’antisepsie marqua le début de la grande chirurgie générale. Elle permit d’aborder le squelette avec des risques infectieux très réduits, l’orthopédie en profita.
Mais les désinfectants se révèlent toxiques pour les tissus et les mains des chirurgiens. On évolua vers 1880 vers l’asepsie, la stérilisation des linges et des instruments par la chaleur, ne laissant à la désinfection qu’une surface cutanée délimitée, celle du champ opératoire. Les gants stérilisés furent introduits par W.St. Halsted (1852-1922) à Baltimore en 1892 [48]. Les grandes opérations se pratiquèrent dorénavant dans un local hospitalier réservé et entretenu par un personnel (féminin) spécialisé : la salle d’opération devenue depuis le bloc opératoire. L’asepsie est devenue jusqu’à nos jours soumise à de continuelles améliorations. A l’heure actuelle, l’ostéosynthèse quoique reste incontournable mais elle est devenue encore plus complexe sous l’influence d’instrumentations et de matériaux de plus en plus sophistiqués. Quoi qu’il en soit, la restitution de la fonction doit rester le seul motif valable pour entreprendre une opération.
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Table des matières
INTRODUCTION
I-) RAPPEL SUR LES INFECTIONS
1-) Définition et description
1-1-) L’infection superficielle de la plaie opératoire
1-2-) L’infection profonde de la plaie opératoire
1-3-) L’infection de l’organe ou du site
2-) Les infections profondes caractérisées sur matériel d’ostéosynthèse
2-1-) L’infection précoce
2-2-) L’infection retardée
2-3-) L’infection tardive
II-) LE MATERIEL D’OSTEOSYNTHESE
1-) Historique
2-) Les aspects techniques de l’ostéosynthèse
III-) LES PRATIQUES ACTUELLES DE LA CHIRUGIE OSTEOARTICULAIRE DANS LES HOPIT AUX MODERNES
1-) Le bloc opératoire
1-1-) Le bloc opératoire pluridisciplinaire
1-2-) Les salles polyvalentes
1-3-) Le concept de salle « vide »
1-4-) La taille de la salle
1-5-) Le circuit du bloc opératoire
2-) L’équipe chirurgicale
2-1-) Les mesures de prévention
2-1-1-) La tenue spécifique au bloc opératoire
2-1-2-) Le lavage hygiénique et la désinfection chirurgicale des mains
2-1-3-) L’habillage chirurgical
2-1-4-) Le gantage
2-1-5-) La désinfection du champ opératoire
2-1-6-) Le drapage chirurgical
2-1-7-) Les principes d’instrumentation
3-) La préparation du malade pour la chirurgie
3-1-) Le pré-opératoire
3-1-1-) La consultation
3-1-2-) Les informations complémentaires
3-2-) La préparation physique du malade
3-2-1-) la veille de l’intervention
3-2-2-) Le jour de l’intervention
4-) L’acte opératoire
5-) La stérilisation
IV-) LES FACTEURS DE RISQUE DES ISO
1-) Les risques infectieux liés au patient
2-) Les risques infectieux associés à l’intervention
2-1-) Pendant l’intervention
2-2-) La contamination endogène
2-3-) En postopératoire
3-) Le risque infectieux et les bactéries
CONCLUSION