L’industrie extractive des matériaux argileux pour l’industrie de la terre cuite en France
Les tuileries et briqueteries se sont historiquement installées à proximité des sites d’extraction de la matière première nécessaire à leur production.
La base de données géoréférencée « Carrières et matériaux » gérée par le BRGM recense l’ensemble des carrières de France (http://materiaux.brgm.fr/). Cet inventaire, mis à jour régulièrement, présente l’activité extractive en France, tous matériaux confondus. Pour chaque carrière, une fiche descriptive fournit la localisation précise du site d’exploitation, son emprise au sol, le nom de l’exploitant, la formation géologique exploitée, la production annuelle… , ainsi que l’ensemble des carrières exploitées par l’industrie de la terre cuite. Celles-ci sont localisées sur le territoire grâce au site Geoportail de l’IGN .
Les matériaux exploités
Ceux-ci ont été caractérisés à partir de l’analyse des formations géologiques correspondant à la zone d’emprise de la carrière en s’appuyant sur les informations disponibles dans les notices des cartes géologiques au 1/50 000, ou si besoin sur des publications. Les différents gisements de matériaux argileux ont été regroupés en deux grands ensembles en fonction de leur genèse :
• Le régolithe (R) qui comprend toutes les formations géologiques de surface. Elles correspondent en général à des formations non consolidées. Parmi celles-ci, on distingue les formations allochtones [colluvions (R1), les loess (sédiments éoliens – R2) et les sédiments fluviatiles (R3)] des formations autochtones [altérites formées sur place et dont la nature résulte des processus d’altération supergène (R4)].
• Les roches sédimentaires consolidées (S), appartiennent à des séries sédimentaires issues de dépôts fluvio-lacustres (S1) ou de dépôts marins peu profonds (S2).
La répartition géographique des carrières selon leur typologie montre certaines spécificités régionales : l’exploitation des lœss se fait exclusivement en Alsace et celle des colluvions dans la région de Bordeaux. Les sites de production du Nord-Pas-de-Calais utilisent principalement des altérites d’origine sédimentaire, ce sont des limons de plateaux contrairement aux altérites exploités par les producteurs de la région Pays de la Loire qui proviennent de l’altération du socle hercynien du massif Sud Armoricain. L’exploitation des séries sédimentaires consolidées et des sédiments fluviatiles est assez répartie sur l’ensemble du territoire français. Dans ce qui suit, nous présentons les conditions de formation de chaque type de gisement et leur part dans l’industrie française de la terre cuite.
Le Régolithe
L’exploitation du régolithe représente un peu moins de la moitié de la production nationale (≈ 43 %) qui se repartit entre 19 % pour les formations allochtones et 24 % pour celles autochtones) .
Les formations allochtones
Les colluvions (R1) sont le produit de l’érosion des terrains par ruissellement et gravité. Plusieurs mécanismes conduisent à leur formation :
• le ruissellement qui entraîne les particules en bas de pente lorsque la capacité de saturation du sol est dépassée lors de fortes précipitations,
• des coulées de débris ou coulées boueuses qui glissent sur les pentes sous l’effet de la gravité et de leur perte de cohésion due à la saturation du sol en eau (Leopold and Volkel, 2007).
Ils s’accumulent au pied des versants, en fond de vallée, les coulées de solifluxion pouvant remobiliser de grands volumes de la couverture altérée. Les colluvions sont mal triés et présentent très souvent des granulométries très hétérogènes (amas de blocs) ou beaucoup plus homométriques dans des cônes peu stratifiés riches en argiles. Leur géométrie peut être très variable, les coulées de solifluxion donnant naissance aux volumes les plus conséquents. La formation des colluvions résulte d’interactions complexes entre les pentes locales, la formation des sols qui déstructurent le substrat des versants, la distribution des évènements climatiques exceptionnels qui favorisent la formation de coulées de débris. S’ils se forment en permanence, il est difficile d’évaluer leur volume. Des études sur l’érosion de surface, montrent que seulement 10 % du matériel érodé s’accumule hors de la zone d’érosion, le reste restant piégé dans les ravines et rigoles.
Les colluvions représentent une part minime des altérites allochtones exploitées en France (moins de 1 %) répartis entre deux sites, l’un dans la Gironde (Gironde sur Drop – 33) et l’autre dans le Tarn (Damiatte – 81). D’après les âges de ces formations donnés par la carte géologique, il s’agit de formations fossiles mises en place lors de la dernière grande période glaciaire (Würm, soit entre 100 000 et 40000 ans BP). En Europe , les lœss (R2) se sont formés lors des dernières périodes glaciaires du quaternaire par accumulation de particules fines principalement d’origine éolienne (Pye, 1995) au niveau du front de la calotte glaciaire (Haase et al., 2007).
Les conditions périglaciaires qui régnaient en France avaient conduit au développement d’une steppe, avec une végétation discontinue de petite taille, où peuvent s’accumuler des particules fines transportées par le vent (Leplat, 1968). Ces dépôts forment en Europe deux grandes bandes d’orientation Est-Ouest qui se rejoignent en Russie et sont parallèles aux fronts d’avancées extrêmes des glaciers Scandinaves pour la bande Nord (lœss du Nord de la Bretagne, du Bassin parisien et du Nord de la France) et à ceux des glaciers Alpins pour la bande Sud (lœss du bassin Rhodanien et de la vallée du Rhin à laquelle appartiennent les sites exploités dans l’industrie de la terre cuite) (Pye, 1995).
Peu de sites industriels exploitent les lœss qui représentent cependant 5 % de la production annuelle. Ils se situent tous en Alsace (Achenheim, Betschdorf et Seltz – 67). L’utilisation spécifiquement pour la production briques traduit les caractéristiques bien spécifiques de ce sédiment. En Alsace, les lœss appartiennent au Pléistocène supérieur à moyen et montrent quatre cycles séparés par des pédo-complexes en partie interglaciaires (Lautridou et al., 1986). L’épaisseur la plus forte est observée dans les exploitations et atteint 30 m. Les lœss sont caractérisés par une granulométrie fine homogène qui facilite leur exploitation.
Les dépôts alluviaux ou sédiments fluviatiles (R3) qui bordent les vallées des cours d’eau actuels s’organisent en terrasses étagées qui correspondent à des paliers d’incisions. Ceux-ci se sont formés au cours des cycles glaciaires/interglaciaires du Pléistocène moyen et supérieur. Les incisions se produisent lors de périodes d’instabilité climatique . L’incision majeure se produit à la transition période interglaciaire/période glaciaire en réponse à une forte augmentation du débit alors que les apports sédimentaires sont toujours limités par la couverture végétale. La période froide est caractérisée par des dépôts de sables et graviers de cours d’eau énergétiques. Les débits liquides augmentent en réponse à une infiltration limitée du fait du pergélisol et une évapo-transpiration réduite de la végétation steppique. Les apports solides conséquents proviennent du démantèlement des roches par les cycles gel/dégel. A la transition climatique suivante (glaciaire/interglaciaire), on observe à nouveau une incision, souvent plus faible qui traduit les déséquilibres entre flux hydrologique et apports sédimentaires, le cours d’eau voit son débit diminuer et un système méandriforme se met en place (Bridgland et al., 2009). Ainsi chaque terrasse correspond à la relique d’une nappe alluviale qui s’est formée pendant un cycle glaciaire /interglaciaire dont la durée est évaluée autour de 100 000 ans.
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Table des matières
Introduction
Chapitre 1 – Contexte industriel français
1. Une industrie de proximité à taille humaine
1.1. Une industrie répartie sur le territoire français
1.2. L’évolution de la production
1.3. Les processus de fabrication
1.4. La matière première
2. Ressource actuelle
2.1. L’industrie extractive des matériaux argileux pour l’industrie de la terre cuite en France
2.2. Les matériaux exploités
2.2.1. Le Régolithe
2.2.1.1. Les formations allochtones
2.2.1.2. Les formations autochtones
2.2.2. Les roches sédimentaires (S)
2.2.2.1. Les dépôts fluvio-lacustres
2.2.2.2. Les dépôts marins peu profonds
3. Conclusions
Chapitre 2 – Les matériaux argileux, une ressource renouvelable en France ?
1. Le renouvellement de la source en matériaux argileux
1.1. Le caractère renouvelable des types de dépôts actuellement exploités
1.1.1. Le Régolithe
1.1.2. Les roches sédimentaires consolidées
1.2. Les zones d’accumulation de matériaux argileux
1.2.1. Le régolithe : colluvions et altérites
1.2.1.1. Le régolithe autochtone
1.2.1.2. Les colluvions
1.2.1.3. Conclusion sur les modes d’accumulation actifs du régolithe
1.2.2. Les sytèmes fluviaux lacustres
1.2.2.1. Les types de systèmes fluviaux et les charges solides associées
1.2.2.2. Distribution des plaines alluviales en France
1.2.2.3. Des systèmes fortement aménagés
1.2.2.4. Conclusion sur les modes d’accumulation des systèmes fluviatiles
1.2.3. Les embouchures, zones de transition entre domaines fluviaux et côtiers
1.2.3.1. Les bouchons vaseux et la crème de vase
1.2.3.2. La dynamique des estuaires au cours de l’Holocène
1.2.3.3. L’estuaire de la Gironde
1.2.3.4. L’estuaire de la Loire
1.2.3.5. L’estuaire de la Seine
1.2.3.6. Le delta du Rhône, un système en recul
1.2.3.7. L’estuaire de la Rance, un aménagement unique
1.2.3.8. Conclusion sur les modes d’accumulation dans les systèmes estuariens
1.2.4. Les dépôts côtiers
1.2.4.1. La dynamique des côtes
1.2.4.2. Le littoral français
1.2.4.3. La baie de Somme
1.2.4.4. La baie du Mont-Saint-Michel
1.2.4.5. Les Pertuis Breton et d’Antioche
1.2.4.6. Le Bassin d’Arcachon
1.2.4.7. Conclusions sur les dépôts côtiers
1.2.5. Les sources du renouvellement en matériaux argileux
2. Les vitesses d’accumulation des sources de matériaux argileux
2.1. L’érosion hydrique des sols
2.2. Le régolithe
2.2.1. L’altération de surface
2.2.2. Les colluvions
2.3. Les flux sédimentaires associés aux cours d’eau
2.3.1. La sédimentation dans les plaines alluviales
2.3.2. Le piégeage dans les barrages
2.3.3. Les flux dans les aménagements liés à la navigation
2.3.4. Le comblement des estuaires
2.3.5. Conclusion sur le stockage de sédiments fins dans les systèmes fluviatiles
2.4. L’envasement des baies côtières
2.4.1. La dynamique naturelle
2.4.2. Impact des barrages littoraux
2.4.3. L’envasement des ports maritimes
2.5. Conclusion
3. Un Cadre Minéralogique de Référence (CMR) pour l’évaluation du renouvellement de la ressource
3.1. L’approche classique de l’industrie de la terre cuite
3.2. Le Cadre minéralogique de Référence (CMR)
3.2.1. La composition de la roche totale
3.2.2. Les assemblages de phyllosilicates
3.2.3. Application et perspectives
4. Conclusions
Chapitre 3 – Evaluation de la ressource : Apports du Cadre Minéralogique de Référence à l’étude des principaux sites d’atterrissements actuels
1. Choix des sites pilotes et stratégie d’échantillonnage
1.1. Les sites pilotes
1.2. La stratégie d’échantillonnage
1.2.1. Echantillonnage le long d’un cours d’eau
1.2.2. Echantillonnage dans les atterrissements
1.2.3. Echantillonnage des baies et des réseaux fluviaux qui les alimentent
1.2.4. Echantillonnage des sédiments issus de dragages portuaires
1.3. Conclusion
2. Evaluation des atterrissements à l’aide du CMR
2.1. Les atterrissements fluviatiles et côtiers
2.2. Evolution de la composition des sédiments le long de cours d’eau drainant des formations géologiques contrastées
2.2.1. La Durance, un bassin versant pilote
2.2.2. Le bassin versant amont de la Seine
2.2.3. Le bassin versant en rive droite du cours moyen de la Garonne
2.2.4. Conclusions
2.3. Les façades maritimes, baies côtières estuariennes et ports
2.3.1. Les baies côtières estuariennes de la côte de la Manche
2.3.2. Les baies côtières estuariennes de la façade atlantique
2.3.2.1. Le bassin d’Arcachon
2.3.2.2. Les pertuis Breton et d’Antioche
2.3.3. Les estuaires, marais et ports
2.3.4. Conclusions sur les apports sédimentaires dans les zones côtières
3. Comparaison des évaluations par le CMR et l’approche classique
3.1. Evaluation des sites à partir de l’approche classique
3.1.1. Les données géochimiques, le diagramme d’Augustinik
3.1.2. La distribution granulométrique, le diagramme de Winkler
3.1.3. Le façonnage
3.1.4. Le comportement au séchage
3.1.5. Le comportement à la cuisson
3.1.6. La résistance mécanique
3.2. Comparaison entre les deux approches
4. Estimation du renouvellement de la ressource
4.1. Relations entre contexte géologique, dynamique sédimentaire et potentiel des atterrissements
4.2. Evaluation du renouvellement de la ressource
Conclusion