L’industrie du textile
Le panorama de l’industrie du textile
L’industrie du textile regroupe toutes les étapes de la réalisation d’un vêtement : sa conception, sa fabrication et sa commercialisation. Il m’a semblé indispensable de débuter avec un bref historique dans le but de comprendre son origine. L’industrie du textile en Europe est née en l’an 1000, lors de l’aventure des croisades à Constantinople. Le peuple avait une vraie admiration pour la qualité et la beauté des tissus de l’Orient. Byzance représentait au 6ème siècle la capitale de l’art en matière de textile grâce à ses relations avec la Chine, la Perse et l’Inde. Les tissus provenant de la capitale du nouvel Empire chrétien étaient considérés comme des biens de luxe et durant de nombreux siècles, l’Occident s’en procure dans le but d’illustrer leur pouvoir et leur richesse. Dès sa naissance, cette industrie a poussé aux échanges entre les pays. Par ailleurs, c’est grâce aux importations que Venise a pu faire fortune à cette époque.
Par la suite, dès le 16ème siècle, l’apparition de la couleur et du coton provenant d’Inde a provoqué une réelle révolution dans le monde du textile. Peu à peu, et ce jusqu’au 18ème siècle, chaque pays d’Europe se spécialise dans l’impression de couleur et de fleurs. (Encyclopédie Universalis, Article « Textile ») Enfin, un grand changement s’est produit. En 1900, la démographie croît de plus en plus, le niveau de vie augmente également et la bourgeoisie est en plein essor. Dans le but de satisfaire la demande, l’Homme a dû se tourner vers la création de nouvelles fibres artificielles car les matières premières naturelles de textiles ne suffisaient plus. Nous constatons à l’aide de ce tableau ci-dessus que l’origine des principaux tissus naturels sont produits dans chaque région du monde sauf en Europe, ce qui obligeait les occidentaux à importer la matière et à créer par la suite des fibres synthétiques. La monde de la mode et son expansion a grandement influencé l’industrie du textile et la mondialisation.
La Fast Fashion Pour ce travail, je souhaiterais, tout d’abord, définir le terme « Fast Fashion » et récolter les informations nécessaires à l’analyse des principales problématiques de ce secteur. La Fast Fashion est en fait un terme anglo-saxon qui est défini par le renouvellement rapide des collections disponibles en magasin. Les pièces vestimentaires trouvées dans les boutiques sont inspirées directement par les défilés de haute couture. La principale caractéristique de ce courant est le prix très bas des vêtements. En effet, l’objectif ici est de permettre aux consommateurs, même ceux avec un petit budget, d’être à la pointe de la mode et de renouveler sans cesse leur garde-robe. La raison pour laquelle les enseignes peuvent se permettre de vendre à bas prix c’est parce qu’elles possèdent, en règle générale, un grand nombre de boutiques à travers le monde. Elles commandent donc une très grande quantité d’un modèle X pour pouvoir approvisionner tous les magasins et ainsi, les fournisseurs se montrent prêts à baisser les prix. De plus, ces entreprises délocalisent leur production, essentiellement au Bangladesh, Turquie ou Chine, pays dans lesquels le salaire est très bas. La Fast Fashion est également présente dans le e-commerce : les marques comme Asos, Missguided ou Boohoo se sont également lancées dans ce concept et proposent des nouveautés chaque semaine, ainsi qu’un large choix de confections à prix cassé. Dans le but d’inciter à ce renouvellement, les marques susmentionnées s’inspirent de tendances des défilés de luxe, mais qui sont toutefois complètement éphémères. C’est ce qui pousse les clients à acheter plus et à une fréquence importante. La production est ainsi accélérée et les collections présentées en magasin changent de façon constante.
La Slow Fashion et son émergence
La Slow Fashion est un nouveau concept de mode qui ralenti la cadence de renouvellement des collections. Les pièces créées sont conçues dans le but de durer et la qualité est privilégiée à la quantité. Vivienne Westwood, créatrice britannique, définit ce concept ainsi : « acheter moins, choisir mieux, faire durer ». Cette conception de la mode a pour objectif de protéger l’environnement et d’offrir de meilleures conditions sociales sur toute la chaîne de production. Chaque pièce vestimentaire, qui est conçue à partir de tissus écologiques, est entièrement traçable, et ce, dès le début de la chaîne d’approvisionnement. De plus, la délocalisation de la production est mise de côté dans le but de privilégier l’économie, les emplois et les ateliers locaux. La Slow Fashion rappelle aux consommateurs de réfléchir à leurs besoins et de prendre en compte les impacts sociaux et environnementaux lors de leurs achats. Ce concept prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui : par exemple, en novembre 2017, un défilé de mode « The Slow Fashion Showcase » a eu lieu à Genève aux Halles de l’île où cinq créateurs sont venus présenter leurs produits éco-responsables.
Salaire et durée du travail
Les collections proposées par les entreprises de Fast Fashion sont à bas prix et restent ainsi abordables à tous. Pour pouvoir proposer de tels prix, la marque délocalise sa production dans le but de diminuer leurs coûts. Une équipe de la RTS, participant à l’émission « à Bon Entendeur », s’est déplacée en Turquie, Roumanie et Bangladesh afin d’élucider la face cachée concernant les salaires des travailleurs de l’Europe de l’Est. A la suite de cette enquête, le salaire perçu par les ouvriers atteint en moyenne les 140 €, ce qui n’équivaut même pas au salaire de subsistance. Par exemple, une ouvrière provenant de Roumanie, qui est membre du syndicat local appelé ALFA, devrait théoriquement bénéficier de meilleures conditions de travail. Cependant, elle reçoit une rémunération brute de 280 CHF par mois et après déduction, 200 CHF pour plus de 50 heures par semaine, ce qui lui permet à peine de vivre. Les dépenses liées à l’alimentaire pour une semaine s’élève à 17 % de son salaire. Par équivalence, cela correspondrait en Suisse à un salaire de 4000 CHF, où les courses hebdomadaires coûteraient 680 CHF.
La rémunération est un sujet très sensible, surtout pour les marques de l’industrie textile : les enseignes ne font effectivement pas preuve de transparence. De plus, les salaires versés aux ouvriers peuvent varier selon les entreprises. Certaines de ces dernières ont répondu à l’enquête menée par la RTS : Prenons le cas de la marque Esprit : en Chine, l’enseigne paie ses employés 500 CHF par mois pour 65 heures de travail, ce qui revient à 1.90 CHF de l’heure. Nous avons ensuite Calida, qui est une marque de prêt-à-porter, qui verse un salaire net de 460 CHF par mois en Hongrie (pays originaire de l’enseigne), ce qui correspond au double du salaire minimum vital. Cependant, deux tiers de la production est délocalisée chez d’autres fournisseurs, dans d’autres pays.
Un autre cas, celui de la marque suisse Switcher, qui est connu pour sa transparence aux yeux des ONG : l’enquête a révélé la rémunération distribuée en Roumanie : celle-ci s’élève à 250 CHF par mois, qui est loin du salaire de subsistance. Switcher a cependant travaillé avec une usine en Turquie, dans laquelle, à première vue, les conditions restent tout à fait exemplaires. Le site de production, appelé Textilium, est sur deux étages et exporte 10 % de ses confections en Suisse pour la marque. Le salaire mensuel se situe entre 480 et 720 CHF, le repas du midi est offert et un équipement de protection est également fourni aux ouvriers de l’atelier broderie. Malgré ces points forts, il est important de noter qu’un ménage de trois personnes en Turquie nécessite un revenu de 1 200 CHF pour réussir à subvenir à ses besoins. Cette usine, qui est de taille relativement petite, reste par-dessus tout une exception dans le domaine de la production de textile.
D’autres entreprises, telles que Coop, Inditex, Benetton, et H&M ont refusé de communiquer des informations liées aux rémunérations pour cause de confidentialité et de concurrence. Je souhaite désormais approfondir la situation au Bangladesh qui est, selon moi, un des pays les plus négativement touché par les entreprises de prêt-à-porter : celui du débardeur de chez C&A, vendu à 3.50 CHF, confectionné au Bangladesh. Ce genre de situation est la parfaite illustration de la Fast Fashion : cela pousse à la surconsommation. L’enseigne a payé son fournisseur 2.40 CHF pour ce débardeur. En comparaison, les autres entreprises appartenant au même secteur rémunèrent, pour un article similaire, 1.15 voire 1.20 CHF à leurs sous-traitants et ce prix inclut les matières premières, la coupe et les coutures. Au Bangladesh, si l’on souhaite vivre décemment, il faut minimum un salaire mensuel de 250 CHF. Les couturières du pays perçoivent un salaire de 80 CHF par mois, ce qui équivaut, certes, à 130 % en plus du salaire vital mais il n’atteint pas celui de subsistance. Pour conclure cette partie, j’aimerais aborder un autre exemple de la situation en Roumanie : Pour un pull à capuche à 40 CHF, seulement 0.5 à 3 % du prix est distribué à l’ouvrier qui l’a cousu, soit entre 0,20 et 1.20 CHF. Selon la Clean Clothes Campaign, les salaires moyens en Roumanie s’élèvent à 180 CHF par mois et cela en travaillant le week-end, les jours fériés, et en effectuant un grand nombre d’heures supplémentaires. Par conséquent, les salaires constituent évidemment une des caractéristiques les plus problématiques dans l’industrie du textile. Les marques sont responsables par rapport au choix des fournisseurs ainsi que des rémunérations proposées car ce sont elles qui concluent les contrats de sous-traitance.
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Table des matières
Liste des tableaux
Liste des figures
1. Les problématiques de l’industrie du textile
2. Le panorama de l’industrie du textile
2.1 Historique
2.2 La Fast Fashion
2.3 La Slow Fashion et son émergence
2.4 Les matières premières
2.5 Les conditions sur les sites de production
2.5.1 Santé et sécurité au travail
2.5.2 Salaire et durée du travail
2.5.3 Travail des enfants
2.6 Les labels du textile
2.7 Les réglementations en Suisse et en Union Européenne
3. Enquête de terrain
3.1 Méthodologie
3.2 Bilan de l’approche quantitative
3.3 Bilan de l’approche qualitative
4. Conclusion
4.1 Synthèse du travail
4.2 Recommandations
4.2.1 Achats responsables
4.2.2 La RSE et la norme ISO
4.2.3 Les matières premières durables
4.3 Synthèse personnelle
Bibliographie
Annexe 1 : Questionnaire quantitatif
Annexe 2 : Interview avec LABL
Annexe 3 : Interview avec Mango
Annexe 4 : Interview avec C&A
Annexe 5 : Interview avec la boutique Ayni
Annexe 6 : Code de conduite C&A
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