L’indépendance de l’initiation

L’initiation dans ses composantes les plus importantes

a) L’indépendance de l’initiation Avant de commencer, il est important de souligner le fait que l’initiation en tant que telle n’est pas liée à une position géographique, à un temps ou encore à une population. Si l’on croise les recherches faites autour de l’initiation, que ce soit dans un domaine littéraire, ethnologique ou encore sociologique, les études nous montrent que la notion sujette de notre étude s’est développée de manière relativement similaire en différents endroits du monde, et qu’il est donc tout à fait possible d’affirmer que sa nature ne dépend pas d’une tierce information. En effet, selon Raymond Rogé « L’enquête ethnologique a établi des rituels initiatiques singulièrement « parallèles » dans des ethnies parfois fort éloignées les unes des autres et même au-delà de toute possibilité de diffusion ».

Ce savoir est extrêmement important car il nous permet de souligner le fait que l’initiation, dans sa forme la plus pure, est uniforme, et donc qu’il est actuellement possible de la définir ou du moins qu’il est possible de donner une définition s’en approchant fortement. L’initiation en elle-même est indépendante de ce qu’elle apporte à l’initié, de comment elle est transmise ou encore de comment elle est mise en place. Elle découle de la simple expérience, d’un simple empirisme.

En effet, il est possible de voir n’importe quel fait amenant une nouveauté comme vecteur ou comme impulsion d’une initiation. Selon Marcel Brion « Toute connaissance, toute expérience, en soi et d’après son énergie essentielle est, ou peut-être, principe ou articulation d’une initiation. » et en effet, tout ajout de connaissances empiriques peut être et doit être considéré nécessairement comme un apprentissage puisqu’il correspond à une évolution positive vers l’accès à des parts inconnues du monde. Il y a donc dans la définition même de l’initiation, de façon inhérente à celle-ci, une présence d’expérience, de découverte. Que cette dernière soit interne, externe ou encore transcendante, peu importe, par sa simple présence, elle enclenche un processus d’initiation. Cependant, il est primordial, comme le souligne Mircea Eliade, de faire une distinction entre l’apprentissage et l’initiation, de ne pas confondre les deux, le premier étant un simple ajout de connaissances n’apportant rien de plus à l’apprenant qu’elles-mêmes et la seconde amenant avec les connaissances reçues par l’initié, une modification dans le statut ontologique de ce dernier. Il ne faut pas accorder à ce nom son extension moderne, qui le fait confondre à tort avec l’éducation ou avec l’acquisition des rudiments d’une science.

Nous verrons en effet que l’initiation comporte aussi une éducation, mais qu’elle est avant tout une modification du statut ontologique du sujet à initier.12 En effet, il faut voir l’initiation plus comme un changement d’état que comme un état en tant que tel, c’est une transition d’une forme à une autre. Si l’on suit les dires de Raymond Rogé, « l’initiation dans ce qu’elle a de plus essentiel peut être décrite comme un ensemble d’influences choisies, ritualisées, qui transforment profondément la manière d’être du sujet ; à l’extrême on peut parler d’un changement de nature »13. Pour Léon Cellier, c’est l’épreuve qui est l’élément initiant cette même transition : « Faire le poème de la conscience humaine, ou le poème de la destinée de l’homme, c’est retracer un itinéraire spirituel qui montre comment l’âme accède par une série d’épreuves à un stade supérieur» .

b) L’initiation comme transition d’état Ainsi nous savons maintenant que l’initiation consiste en une transition d’un état à un autre. Cependant, cette transition est-elle physique ou métaphorique ? Eh bien, bien que dans certaines tribus d’Afrique, d’Océanie ou d’Asie, des rites initiatiques comportent des modifications corporelles, la majeure partie et la partie qui nous intéresse lorsque l’on parle d’initiation au sens large du terme tient plus d’une évolution psychique, philosophique ou ontologique que physique. Pour certains penseurs, la transition tient d’un passage d’un état à un autre et exige une mort métaphysique de l’initié, et ce, pour qu’il abandonne au passé ses anciennes croyances et ses aveuglements. Pour Mircea Eliade, « l’initiation est le commencement d’un état qui doit amener la graine, l’homme, à sa maturité, sa perfection. Et comme la graine, il doit d’abord mourir pour renaître. » et pour Léon Cellier, « l’oeuvre initiatique illustre le principe de « mourir pour renaître ».

Chez Fénelon, cette mort métaphysique a lieu lors du XIVème chapitre du livre, lors de la catabase. En effet, Télémaque descend aux Enfers, rencontre les plus grands rois que la Terre ait jamais portés et ressort du royaume de Pluton plus sûr, plus fort et plus sage. De plus, ce passage se situe vers la fin de l’oeuvre puisque la logique veut que la mort métaphysique qui précède la fin de l’initiation soit juste avant la fin du rite ou voyage initiatique. Au chapitre XVII, alors que la guerre est terminée, Idoménée exprimera même le changement que Télémaque a subi : « Ce n’était plus le même Télémaque qu’une passion tyrannique avait autrefois captivé dans l’île de Calypso »17. Chez Haruki Murakami, la mort de l’initié se situe aussi peu avant la fin mais constitue sa véritable dernière épreuve. De plus, comme nous le verrons plus tard, le lieu de la mort est aussi dans ce roman le lieu du pays-perdu et l’objet de la quête, soulignant d’autant plus l’importance de cette dernière. Cette épreuve finale est celle qui chez Haruki Murakami dépasse le simple cadre de l’humain et fait passer l’initié dans un niveau supérieur : « On ne peut pas expliquer avec des mots ce qu’on a vécu là-bas. Les mots ne peuvent pas apporter de réponse à cette question » .

Le voyage initiatique comme application de l’initiation

Comme nous l’avons dit dans l’introduction : « Tout voyage, qu’il opère dans le temps ou dans l’espace, qu’il ramène l’individu au point le plus profond de lui-même ou qu’il joue magistralement des dépaysements les plus éclatants est, de manières nombreuses et diverses, une initiation »26. Cependant, la vraie question qui est soulevée est : « A quoi correspond un voyage initiatique » ? Qu’a-t-il de spécifique ? En quoi est-il une application de l’initiation générale ? Comment se compose et décompose-t-il ? Simplement, correspond à un voyage initiatique tout voyage qui met en scène une initiation ou qui en soit est une initiation mais dire cela et seulement cela ne serait pas vraiment suffisant et ne rendrait pas hommage à la complexité du phénomène. Ainsi, et si l’on en croit la définition de Simone VIERNE, le voyage initiatique peut se définir de cette manière : Le novice est arraché au monde profane, il est entraîné, sous la conduite d’un « père initiatique », dans un voyage qui le mène, suivant les cultures et les degrés initiatiques, vers la brousse, monde de l’informel, du chaos, des morts, dans la tombe, le ventre de la mère, du monstre, de la terre, dans le labyrinthe, dans les Enfers et/ou au Ciel. Très souvent, il voyage d’Ouest en Est, comme le soleil qui meurt et renaît. Les épreuves subies durant ce voyage, tortures souvent cruelles, sont toutes destinées à détruire l’être profane qu’il était afin que de cet être ancien naisse une «nouvelle plante».

En chemin, il a certes appris un certain nombre de techniques, qui lui serviront, une fois revenu à la vie, à se rendre maître des forces sacrées qui gouvernent tout dans le monde. Il a aussi été instruit, par des récits mythiques, des danses sacrées, et divers moyens non rationnels, de l’origine (du monde, de sa tribu, du rite), de sa propre place dans le monde, des lois de ce monde, et de la société qui les reflètent. Il apprend aussi que l’initiation est une maîtrise du Temps, que l’on peut sans cesse renouveler ce retour aux « temps du rêve », où se trouve l’origine de toutes choses, et ce renouvellement perpétuel est une garantie pour lui de ne point disparaître lorsque viendra la mort physique : ayant appris par l’initiation à mourir et renaître, sa mort physiologique ne sera que le prélude à une nouvelle naissance. « Etre initié, c’est apprendre à mourir », disait Platon. Mis en contact avec le Sacré, force merveilleuse et terrifiante, il peut acquérir dans sa connaissance et sa manipulation trois degrés : un premier, largement ouvert, qui n’est qu’une sorte de première approche ; un second (les « sociétés de danses », les Grands Mystères éleusiniens) permet une révélation et une assimilation au moins partielle des forces sacrées.

Enfin, pour quelques rares élus, le contact est permanent dès cette vie : chamans, mystes auxquels était réservée Yepopteia éleusinienne, Maîtres Maçons, sont en quelque sorte les représentants de la force divine qu’ils voient face à face dès ce monde. Les autres accèdent au même contact lors de leur mort physique, initiation suprême. Pour chaque palier, le scénario primitif se répète, en se compliquant et se chargeant de symboles. Mythes et légendes sont aussi des variations de la structure première : le monstre peut avaler le héros (Jonas), ou bien être combattu par lui (Thésée, entre autres). Risquant sa vie, le héros est dans la même situation que s’il était englouti, et sur le plan technique, le récit est plus riche de possibilités, en particulier de variations sur le thème de l’objet à conquérir par le combat : Trésor, Princesse, Prisonnier, tous symboles du Sacré.27 Si cette définition parle plus du voyage initiatique du héros que de la notion « voyage initiatique », de nombreux points peuvent être retrouvés dans nos oeuvres. Ainsi, lors du voyage du héros des Aventures de Télémaque, notre protagoniste va être arraché à son monde, l’île d’Ithaque, être aidé tout au long de son aventure par un « père initiatique », Mentor (qui s’avèrera finalement être une « Mère initiatrice », Minerve) et, dans le monde mystérieux, à l’Est du sien, affrontera la vie et ses vicissitudes. Benkei de même, et bien qu’il voyage seul, fera de nombreuses fois la rencontre de moines ou prêtres sur son chemin, affrontera des ennemis en grand nombre et renaîtra aux côtés de Minamoto no Yoshitsune.

Pour les quatre oeuvres restantes, le voyage effectué par les protagonistes tient moins du voyage du héros que de la pérégrination forcée, que d’une certaine forme d’ « école de la vie ». En effet chez Voltaire, Candide subit plus qu’il n’affronte et se retrouve par les aléas de la vie transporté d’une épreuve à une autre, d’une étape à la suivante. Cependant, il apprend au cours de ces dernières, trouve en son maître, qui ne le quitte jamais vraiment puisque toujours dans ses pensées, une certaine forme d’aide, et ce, bien qu’il soit parfois si ce n’est souvent cynique lorsqu’il l’évoque.

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Table des matières

Introduction
I) De la définition de l’initiation à celle du voyage initiatique
A) L’initiation dans ses composantes les plus importantes
a) L’indépendance de l’initiation
b) L’initiation comme transition d’état
c) Les degrés de l’initiation
B) Le voyage initiatique comme application de l’initiation
a) Définition du voyage initiatique
b) Les différentes formes de voyages initiatiques et leurs compositions
c) L’importance du voyage initiatique dans la structure d’une oeuvre
II) Du personnage initiatique
A) De la genèse du personnage
a) Le changement chez le personnage
b) L’auto-genèse
B) Du héros bicéphale
a) Le double comme représentation du voyage initiatique
b) Le double comme marqueur de l’évolution du personnage
c) Le double comme support à l’initiation
C) De la place des « autres », part constituante du « Moi »
a) Définition de la Rencontre
b) La figure du père
c) La place du mentor
d) Les sages sur le chemin
III) Du cadre comme lieu de l’initiation
A) De l’épreuve de la nature et du décor intérieur
a) La place du cadre dans l’initiation
b) Le nouveau monde offert à l’initié
B) De l’objet de quête au coeur philosophique : le pays-perdu
a) A la recherche du pays-perdu
b) Le lieu de la sagesse
IV) Du guide de vie
A) Du récit d’initiation au manuel d’initiation
a) Castigat ridendo mores
b) Vers une critique et une redéfinition de la société
B) De la didactique des moeurs et de la morale
a) L’initiation spirituelle
b) La part spirituelle du contexte global 6
c) Le dialogue avec le passé
d) L’apparition du Divin
Conclusion

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